21 septembre 2024

PIERRE MALAR : Boléro flamenco


Acquis sur le vide-grenier de Sarry le 8 septembre 2024
Réf : 282.047 -- Édité par Odéon en France en 1949
Support : 78 tours 25 cm
Titres : Boléro flamenco -/- Sérénade argentine

Ces temps-ci, je repars bredouille des brocantes plus d'une fois sur deux. Et quand ce n'est pas le cas, ce n'est pas pour autant que j'y trouve des disques intéressants en nombre. La plupart du temps, c'est juste un ou deux disques "de consolation".
A Sarry, par un beau temps frais, j'ai commencé par assurer le minimum en voyant à l'avant d'un carton de 33 tours à 3 € (j'ai ignoré les autres cartons à 5, 10 et 15 €) le troisième album de George Thorogood and the Destroyers. Je l'ai pris de bon cœur, d'autant que je ne le connaissais pas du tout.
Pas grand chose sur les autres stands. J'ai examiné une première petite pile de 78 tours sur une table, sans succès. Puis une deuxième un peu plus tard, avec quelques disques de chansons, dont deux des Soeurs Etienne, que j'ai pris. Je suis déjà tombé sur des disques de Pierre Malar, j'en ai même déjà un, mais là, quand j'ai eu en mains celui-ci, il m'a fallu un instant quand j'ai vu inscrit Sérénade argentine sur la rondelle pour réaliser que je venais de boucler une quête entamée il y a des années : trouver la version originale de Si vous passez par là.

J'ai déjà raconté cette histoire ici en deux étapes, en 2006 avec la chronique de Si vous passez par là de 3 Mustaphas 3, disque acheté en 1986 qui m'a fait découvrir cette chanson, puis en 2015 avec un autre 78 tours, une version instrumentale à l'accordéon de Sérénade argentine par Tony Murena.
Je me suis demandé quel pouvait être l'original de la reprise des Mustaphas dès 1986. Il m'aura fallu 29 ans pour avoir les références de ce titre (Sérénade argentine par Pierre Malar, donc) et 9 ans de plus pour l'acquérir.

Je vais essayer de profiter de l'occasion de ce nouvel achat pour tenter de retracer, peut-être une bonne fois pour toute, l'historique de cette chanson, connue sous les titres Amparito, Sérénade argentine et Si vous passez par là.

Les auteurs

Ce serait presque le plus simple, s'il n'y avait pas des pseudonymes dans tous les sens.
Ils sont trois.

Pueca signe la musique.
C'est le pseudonyme de quelqu'un appelé Puech, mais qui ? Par le passé, j'avais repris des informations signalant qu'il s'agissait d'Yves Puech, dont l'un des pseudonymes serait Enrico Cueca. La BnF donne cette information. Mais Discogs indique plutôt un certain Henri Puech et la BnFne fait pas de lien entre la fiche de Pueca et les fiches des deux Puech, tout en donnant la même année de décès, 1951, pour Henri et pour Pueca. Et les deux Puech ont des titres au catalogue des Editions Universelles, l'éditeur de la chanson qui nous intéresse.
Alors je ne me prononcerai pas aujourd'hui. D'ici à ce qu'on apprenne qu'Yves et Henri sont une seule et même personne, ou qu'ils étaient deux frères qui utilisaient le pseudonyme Pueca il n'y a pas loin...!

J. Teruel signe les paroles espagnoles sous le titre Amparito. C'est un pseudonyme de José Sentis (1888-1983). Né en Espagne et installé en France, il aurait contribué à l'introduction du tango dans notre pays.

Max François signe les paroles françaises sous le titre Sérénade argentine. C'est le pseudonyme de Max Raio de San Lazaro (1914-1995). Il est notamment le co-auteur des paroles de Si toi aussi tu m'abandonnes, du film Le train sifflera trois fois.

Tous les auteurs et le label étant basés en France, je ne m'explique toujours pas pourquoi, sur une partition d'époque, il est fait mention d'une maison d'édition A. Teruel à La Havane à Cuba. La seule explication que je vois, c'est que ce serait bidon pour faire authentiquement afro-cubain, mais ça parait vraiment tordu.



Les versions de la chanson

Sur le site Musée SACEM, on trouve une partition Ⓒ 1948 tirée d'un recueil postérieur. Sous le titre Sérénade argentine (Amparito), on y trouve à la fois les paroles françaises et espagnoles. C'est la seule trace concrète que j'ai trouvée d'Amparito. Autant que je sache, aucun enregistrement de ces paroles n'a été publié. Et les paroles françaises ne sont visiblement pas une traduction de l'espagnol.

En 1949, Pierre Malar crée la chanson sur disque chez Odéon.

Assez vite, deux versions chantées par des femmes sont publiées, celle  de Jacques Hélian et son Orchestre et celle de Rina Ketty.

A la même époque, plusieurs versions instrumentales sortent, à l'accordéon surtout, par Tony Muréna, donc, mais aussi Edouard Duleu et René Sudre. Mais ma préférence irait presque à celle au piano d'Emil Stern, accompagné par les Careno Cuban Boys, qui devaient être aussi cubains que moi !

Vers 1966, sort Si vous passez par là par l'Orchestre O.K. Jazz de Franco. C'est là que le titre alternatif apparaît. Cette version, chantée à deux voix, est fortement ralentie et épurée. C'est un chef d’œuvre.

En 1986, sort donc la version de 3 Mustaphas 3 de Si vous passez par là, clairement basée sur celle d'O.K. Jazz, pas seulement pour le titre, et excellente également.

Je vous déconseille de cliquer sur ce lien pour écouter une version instrumentale très tardive par André Verchuren !

Pierre Malar

Pierre Malar est né il y a 100 ans à huit jours près, le 29 septembre 1924 à Montréjeau en Haute-Garonne, sous le nom de Louis Azum. On l'a vu avec les auteurs de la chanson, la musique et les pseudonymes hispanisants étaient en vogue à l'époque. Mais ce n'était pas qu'une question de mode pour Pierre Malar, puisque sa mère était d'origine espagnole et son père, tiens tiens, était né en Argentine.
Présenté à Piaf lors d'une émission de radio à Toulouse, il monte à Paris à son invitation et fait ses débuts au Théâtre de l’Étoile en février 1945. Sérénade argentine est l'un de ses plus grands succès. Sa carrière de chanteur décline à partir de la fin des années 1950 et il se reconvertit avec succès en 1968 comme professeur de chant. Il est mort à 89 ans le 13 décembre 2013.

Ce qui m'a surpris initialement dans la version de Sérénade argentine de Pierre Malar, c'est sa voix placée assez haut, celle d'un chanteur de charme un peu à la Tino Rossi. L'accompagnement d'orchestre de Jean Faustin, avec beaucoup de cordes, est moins "typique" que pour certaines des reprises. Pour les paroles, comme pour toutes les versions, il y a toujours quelque chose qui me gêne : dans un premier temps, le narrateur se lamente, "Pourtant je suis parti", avant d'expliquer à la fin "que j'attends son retour". A chaque fois je me dis que si c'est lui qui est parti, c'est peut-être plutôt à lui de revenir.

Même si ce fût le succès du disque, Sérénade argentine n'en est que la face B. Le titre principal, Boléro flamenco, s'annonce cette fois doublement hispanisant, boléro comme la Sérénade, et flamenco en plus. On est strictement dans la même veine, musicalement et thématiquement ("Puis elle est partie à son tour, alors loin d'elle tout mon ciel est devenu lourd, la vie cruelle, sans espoir j'attends son retour et je l'appelle, car sans ma belle, mon cœur meurt d'amour").

Ce coup-ci je pense avoir fait le tour du sujet Sérénade argentine, à un ou deux questionnements près. Je ne compte plus y revenir, sauf peut-être dans neuf ans, pour garder le rythme, si je réussis d'ici là à me procurer un exemplaire en 45 tours de Si vous passez par là par O.K. Jazz.



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