26 décembre 2020

THE MASKED MARAUDERS : Cow pie


Acquis à la Bourse BD Disques d’Épernay le 8 mars 2020
Réf : RV.20233 -- Édité par Reprise en France en 1969
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Cow pie -/- I can't get no nookie

Ce disque fait partie de ceux que j'ai achetés à ma seule bourse aux disques de l'année, juste avant le confinement de printemps, le même jour que le Monguito Santamaria et au même stand et au même prix d'un euro les trois que le Small Faces.
Le mois dernier, avec sa chronique dominicale Face A, Face B pour Les Jours, Sophian Fanen m'a rappelé que j'avais mis ce disque de côté pour le chroniquer. Et il me semble tout à fait approprié de terminer cette année 2020 avec un groupe fantôme dénommé Les Maraudeurs Masqués !

Pour ma part je n'en avais jamais entendu parler, mais l'histoire de The Masked Marauders est bien connue. C'est celle d'un super-super-groupe inventé de toutes pièces par Greil Marcus (sous le pseudonyme de T.M. Christian), dont la chronique d'un disque fictif a été publiée dans Rolling Stone le 18 octobre 1969.
Et il a fait fort le bougre, puisqu'il dévoile carrément en mode affirmatif la composition supposée du groupe mystérieux : "the unmistakable vocals make it clear that this is indeed what it appears to be: John Lennon, Mick Jagger, Paul McCartney and Bob Dylan, backed by George Harrison and a drummer as yet unnamed — the “Masked Maurauders.”"
Et il désigne aussi les auteurs de certains des titres, dont les deux faces de mon 45 tours :
"After the listener has recovered from this string of masterpieces, side four opens with a special treat, two songs written especially for this session: Dylan’s “Cow Pie,” which is very reminiscent of Billy Ed Wheeler’s “The Interstate is Coming Through My Outhouse,” and Mick Jagger’s new instant classic, “I Can’t Get No Nookie.”"

Jusque-là, on est sur un plan similaire à mon label de disques virtuels, dont la plupart des parutions sont imaginaires. Sauf que là c'est allé plus loin : la version officielle de l'histoire dit que les réactions
à la publication de la chronique ont été telles que cela a donné l'idée à Greil Marcus et à son comparse de Rolling Stone Langdon Winnner de réaliser un véritable enregistrement des supposés Masked Marauders, avec un groupe de Berkeley, The Cleanliness and Godliness Skiffle, et un imitateur de Mick Jagger et Bob Dylan, Brian Vorhees. Ensuite, un contrat a été signé avec Reprise, qui a sorti l'album sur une filiale créée pour l'occasion, Deity. Le disque s'est pas mal vendu (100 000 exemplaires aux États-Unis) et a été édité dans plusieurs autres pays, dont la France.
Cette histoire est bien belle, mais elle est en partie fausse. Comme Langdon Winner l'explique lui-même (en se contredisant après avoir raconté l'histoire officielle), trois des neuf titres de l'album (Cow pie, I can't get no nookie et Duke of Earl) ont été enregistrés en septembre 1969, c'est à dire avant la publication de la chronique. Ce sont ces titres qu'il a passés dans son émission de radio sur KMPX au moment de la publication de la chronique. Certes, au départ ils n'avaient peut-être pas eu dans l'idée d'aller jusqu'à la publication d'un disque, puisque c'est effectivement quelques temps plus tard que l'album a été complété par une deuxième session, mais des enregistrements existaient bien avant la publication de la chronique.
De nombreuses personnes ont décelé la blague tout de suite, mais d'autres ont marché. Le
13 décembre 1969, Rolling Stone a mis fin à la plaisanterie en publiant une actualité intitulée Masked marauders expose themselves.
N'empêche, tout le monde n'a pas été mis au courant tout de suite et, la machine étant lancée, Reprise a continué à exploiter le filon pendant quelques temps.
Les notes de pochette du 45 tours français résument en quelques lignes la chronique de Marcus et poussent le bouchon jusqu'à évoquer la rumeur de la mort de Paul McCartney, qui s'est développée à ce moment-là et qui a contribué à aiguiser l'intérêt pour The Masked Marauders.

Et la musique dans tout ça ? Cow pie est un instrumental censé faire écho au Country pie de l'album Nashville skyline de Dylan. C'est sympathique, mais sans plus. Par contre,
I can't get no nookie est un pastiche des Stones de l'époque, complet avec un rot sonore en introduction, que je trouve réussi et que je continue d'apprécier même après quelques écoutes.

Reste une dernière et grande question : les maraudeurs masqués qui hantent nos cités ces temps-ci respectent-ils le couvre-feu ?


Un extrait de l'émission Rock center with Brian Williams du 5 avril 2013, avec la participation de Greil Marcus et Langdon Winner.

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