04 décembre 2020

JACQUELINE BOYER : La mer, la plage


Acquis chez Emmaüs à Tours-sur-Marne le 21 décembre 2019
Réf :  Ri 18.740 -- Édité par Rigolo en France en 1966
Support : 45 tours 17 cm
Titres : La mer, la plage (The more I see you) -- Ton tour viendra (Sloop John B.) -/- Il ne faut pas parler d'amour -- Bijou (Mitsou)

Cet été, quand j'ai acheté Sloop John B. des Beach Boys en même temps que le 45 tours du papa d'Elvis Costello, je ne l'ai pas chroniqué car, comme je l'ai dit en commentaire à l'ami Charlie Dontsurf, l'animateur du site beachboys.fr, je n'avais pas grand chose de spécial à en dire, si ce n'est que c'est une chanson que j'aime beaucoup, dont je trouve qu'il est difficile de faire une mauvaise version.
Mais, quelques mois plus tôt, j'avais acheté cet EP de Jacqueline Boyer qui contient une adaptation en français de Sloop John B.. En étudiant la question (lancé sur le sujet par un commentaire très détaillé de Trocol Harum sur Bide et Musique), je me suis rendu compte que cette chanson, qui a déjà une genèse assez compliquée côté version originale, a aussi une histoire intéressante pour ce qui est de ses versions en français.

Mais d'abord, intéressons-nous à la chanson originale.
Comme souvent pour les titres du folklore, son histoire n'est pas simple à retracer et il n'y a pas d'auteurs identifiés.
La chanson The John B. sails est originaire de Nassau aux Bahamas. Elle fait référence au bateau du capitaine gallois John Bethel qui, avec ses deux marins bourrés à bord, a coulé en 1900. Son épave a été découverte dans les années 1920, ce qui a dû relancer la popularité de la chanson.
Le poète et biographe Carl Sandburg l'a incluse dans un recueil en 1927 et, en 1950, les Weavers, également connus pour avoir donné une audience mondiale à Le lion est mort ce soir, ont enregistré la chanson sous le titre (The wreck of the) John B. en la créditant à Sandburg et à l'un des membres du groupe, Lee Hays.
Par la suite, il y en a eu des dizaines de versions publiées sur disque, mais nous en retiendrons deux :
En 1958, le Kingston Trio a publié Sloop John B. sur son premier album et c'est parce qu'il connaissait et appréciait cette version qu'Al Jardine a proposé à Brian Wilson d'en faire une version par les Beach Boys. Cette excellente version de Sloop John B. sera la face A du single sorti en 1966 pour annoncer l'album Pet sounds.
Les arrangements instrumentaux et vocaux sont d'une grande qualité. Il faut préciser que le 45 tours, l'album américain et l'album français de 1966 indiquent comme crédit "Arrangement Brian Wilson". Mais dès 1966, sur l'EP français ou mon 45 tours allemand par exemple, le terme "Arrangement" disparaît et le crédit donne à penser que Brian Wilson est l'auteur, ce qui explique que la plupart des reprises post-1966 créditent Brian Wilson.
Une des meilleures trouvailles de la version Beach Boys, c'est la modification des paroles de "This is the worst trip since I've been born" en "This is the worst trip I've ever been on", ce qui leur donne un sens lysergique évident, même pour moi qui n'ai jamais pris de LSD.

Sinon, avant d'aborder les reprises en français de cette chanson, on peut tenter un rapprochement pas trop osé entre les marins fêtards et bagarreurs du John B. et les joyeux marins de Les copains d'abord de Brassens.

Quand une chanson de variété internationale est reprise en français, quelqu'un se charge de la traduction et, s'il y d'autres interprétations par la suite, c'est souvent avec les mêmes paroles. La particularité pour Sloop John B., c'est qu'il y a presque autant de titres et de traductions que d'interprétations ! :
  • La première que j'ai repérée est celle de Dominique Walter, sur son premier EP en 1965. Avant les Beach Boys, donc, c'est pourquoi L'amour comme il va crédite Sandburg et Hays comme auteurs. Malheureusement, je n'ai pas trouvé en ligne cette version où il est accompagné par Michel Colombier et son Orchestre (mais je ne pense pas me tromper en pensant que c'est bien une version de Sloop John B.).

  • Ensuite viennent les nombreuses versions de 1966, suscitées par celle des Beach Boys et créditées à Brian Wilson. Je ne sais pas dans quel ordre elles sont sorties, mais la plus connue est sûrement Mister John B. de Sylvie Vartan, sortie en face A d'un EP, qui réussit l'exploit d'être créditée à Eddy Vartan, Georges Aber et Gilles Thibaut.

  • Fille ou garçon de Stone est original car l'arrangement est plus rock, avec cuivres et guitare saturée, avec des paroles qui n'ont rien à voir avec la chanson originale. La chanson est créditée à un certain Bryan Mu, que nous connaissons mieux sous le nom d'Eric Charden. Notons que, sur le même EP Problèmes, on trouve Les framboises, adaptation de You're so good to me, la face B du single Sloop John B. des Beach Boys !

  • Toujours dans un esprit rock, mais en slow, Ronnie Bird y est allé de sa version en face B du EP N'écoute pas ton cœur sous le titre Seul dans la nuit, avec là encore la mélodie conservée mais des paroles qui n'ont rien à voir avec le thème original. La chanson est signée Gilles Grenier et arrangée par Gérard Hugé.

  • Dernière version française de 1966 que j'ai trouvée, celle de mon disque, c'est donc celle de Jacqueline Boyer qui parait en face B d'un EP paru chez Rigolo, le label d'Henri Salvador. Créditée à Brian Wilson avec des paroles de Maurice Pon, qui là encore s'écartent du thème original, Ton jour viendra est une chanson intéressante car, côté arrangements, c'est celle qui tente le plus de s'approcher du travail vocal des Beach Boys, avec un Henri Salvador qui est bien présent sur l'enregistrement.

  • Pour les deux dernières versions que j'ai sélectionnées, on part au Canada. Au début des années 1970 sur un album de Julie et les Frères Duguay. Là, il s'agit d'une reprise de la version de Sylvie Vartan, mais l'arrangement country de Mr. John B. est réussi et agréable.

  • Pour terminer, on retrouve une ambiance folk-rock, version 1972, avec le duo Les Karrik qui interprète La fin du rêve n'est pas pour demain sur son deuxième album. L'adaptation est signée J. Pantis et P. Letourneau.
Sept versions sous six titres différents, record à battre ! Avec ces différents titres, je pourrais presque écrire une histoire à la façon de Tu m'as trompette mon amour !

Mais revenons à mon disque. Il est difficile de faire plus enfant de la balle que Jacqueline Boyer. Elle est la fille de Jacques Pills et Lucienne Boyer et la seconde épouse de son père, sa belle-mère donc, fut Edith Piaf !
Elle a commencé à chanter en 1959, année où son père termine avant-dernier du concours de l'Eurovision. De son côté, elle remporte le concours en 1960 avec Tom Pillibi. Elle tourne ensuite dans le monde entier et connaît notamment un grand succès en Allemagne.
Alors qu'elle était auparavant chez Columbia, ce disque est le premier à sortir chez Rigolo.
Le titre principal La mer, la plage, est une adaptation de The more I see you, une chanson dont Chris Montez venait de faire un tube. Sans surprise vu le titre, c'est ici une chanson d'été très légère, avec encore Henri Salvador qui mène les chœurs. C'est typiquement une chanson que, pour ma part, j'ai découverte avec une reprise bien plus tardive, celle de Valli en 1986.
La face B est moins intéressante. Il ne faut pas parler d'amour ("Il faut le faire", dit la suite) est une chanson lente. Notons, pour détruire une fois pour toute l'argument de vente spécieux sorti il y a quelques années au moment de la sortie posthume d'un titre de Salvador ("Le seul titre dont les paroles sont signées Salvador"), qu'il signe la musique et les paroles de cette chanson, et de pas mal d'autres, comme on s'en rend compte si on prend la peine de se plonger dans sa discographie.
Bijou est la version française de Mitsou, un grand tube de Jacqueline Boyer en Allemagne en 1963, qui n'était pas sorti en France auparavant, je crois.
Jacqueline Boyer n'a pas sorti d'autre disque chez Rigolo. Elle a été gravement blessée dans un accident de voiture en 1966 et n'a pas sorti de nouveau disque avant 1969.

On retrouve les quatre titres de cet EP sur la compilation double-CD de 2004 Si quelqu'un vient vous dire.


7 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour, on rajoutera, Claude Ciari - Les jours sont trop longs en 1965. Pour les crédits: "Folklore, arrangements Claude Ciari, Christine Fontane". PHil II

Pol Dodu a dit…

Merci Phil II.
Je me doutais bien qu'il m'en manquait...!
Ça fait donc 7 adaptations différentes pour 8 versions. A suivre...
Le Scopitone de Claude Ciari est ici.

Slapback Prod a dit…

Cleveland Simmons Group - Histe Up the John B. Sail (1935)

https://www.youtube.com/watch?v=LwcGyvhuMQg

Anonyme a dit…

Bonjour, pour The more i see you qui date de 1945, il existe une version des Bretell's: La neige, la glace. Sans doute un disque-réponse à Jacqueline Boyer. L'answer song, si cher aux Américains. Phil II

Pol Dodu a dit…

Je ne connaissais pas Les Bretell's, merci.
Plus qu'un disque réponse, La neige, la glace c'est plutôt Maurice Pon, qui recycle ses paroles avec une autre saison, Henri Salvador (qu'on entend aux chœurs) et son label Rigolo qui exploitent un bon filon.
La chanson parfaite en succédané des sports d'hiver en cette fin d'année !

Anonyme a dit…

M'en parle pas! Habitant Grenoble, je me demande comment je vais ronger mon frein. En lisant Vivonzeureux!?

Anonyme a dit…

Je me disais qu'il existait une autre version française de The more i see you. Sylvie Vartan-L'air qui balance en 1966 et aussi dans la langue de Cervantes, El aire que se mueve, toujours par cette dernière. Phil II