01 novembre 2025

THE CATS MEOW : La la lu


Acquis chez Bell'Occas à Charleville-Mézières le 14 octobre 2025
Réf : DL 80 003 -- Édité par Decca en Allemagne en 1966
Support : 45 tours 17 cm
Titres : La la lu -/- Confusion

J'ai fait un petit tour en Ardenne, en m'arrêtant notamment dans les trois magasins de la ressourcerie Bell'Occas. Les 45 tours y sont désormais à 1,50 €, ce qui limite les prises de risque, mais au moins à Charleville il y avait un bon paquet de disques et j'en ai pris une demi-douzaine suffisamment intéressants a priori pour que je mette ce prix sans rechigner.

Le premier sur lequel je suis tombé, c'est celui-ci. Une pochette générique ou un rond central réussis, ça suffit parfois à faire l'intérêt d'un disque, pas obligatoirement besoin d'une pochette très élaborée quand on a les yeux hypnotisés par un graphisme comme celui-là.
Je ne suis pas suffisamment qualifié pour dire si on se rapproche ici de l'art cinétique à la Vasarely, ou plutôt de l'art optique façon Bridget Riley. En tout cas, ça m'a attiré l’œil et, quand j'ai regardé l'étiquette pour voir le nom du groupe, le titre de la face B, et le fait que c'était un enregistrement sous licence américaine, j'ai tout de suite décidé de le prendre.

La la lu est le premier des deux singles sortis par The Cats Meow en 1966. Par la suite, le groupe a signé chez Buddah, mais son contrat l'obligé à changé de nom. C'est donc The Beeds qui a sorti deux autres singles en 1968 et 1970.
Je pourrais citer les noms des membres du groupe, mais je n'ai pas l'impression qu'ils ont une importance particulière. Car derrière toutes les chansons de The Cats Meow et The Beeds, il semble surtout qu'il y a un duo d'auteurs-compositeurs-producteurs, Jimmy Calvert et Norman Marzano.
Leurs noms ne sont pas très connus du grand public, mais ils ont un parcours remarquable de musiciens de studio et producteurs. Ils ont notamment écrit la chanson Do something to me, enregistrée d'abord par ? Mark and the Mysterians en 1967 avant d'être reprise par Tommy James and the Shondells en 1968, et même par les Pooh Sticks en 1988 (ce qui fait que j'ai deux versions de cette chanson). C'est leur formation de studio qui se cache derrière le groupe de pop bubblegum Crazy Elephant, et par exemple Calvert joue de la guitare sur plusieurs titres de l'album de Ringo Starr de 1973.
La boite de Doc Pomus et Mort Shuman a dû investir des billes dans cet enregistrement car, sur le single américain, il est indiqué "Produced by Marzano-Calvert" puis "A Pomshu production".

La la lu est paru au printemps 1966 et ça s'entend. C'est de la pop avec plein de plans pompés sur les Beatles. Le chanteur a la voix du gamin qu'il devait être.
Cette chanson n'a pas eu trop de succès aux États-Unis, mais apparemment elle en a eu un peu plus en Allemagne (ce qui peut expliquer qu'un exemplaire du disque ait voyagé jusque dans les Ardennes) et en Australie.
Je n'ai trouvé aucune trace d'une édition française de ce disque, mais il y en a qui y ont prêté attention puisque, en juillet 1966, on trouve une adaptation en français de La la lu en titre principal du premier EP de Pussy Cat, alias Évelyne Courtois, dont on a parlé ici même plus tôt cette année à propos des paroles qu'elle a écrites pour Martin Circus.
En 2019, cette adaptation française a elle-même été reprise par Rue '66, un groupe californien francophile et rétro.

Cette face A n'est pas mal du tout, mais la face B est mieux.
Confusion est un instrumental rock dans un style je dirais surf-garage, c'est à dire presque un peu rétro déjà en 1966. Rien d'original donc, il y en a des milliers comme ça, mais c'est excellent, pas si loin dans le genre des instrumentaux hommage de Jonathan Richman type Yo Jo Jo.

Ça fait un moment que je n'étais pas tombé sur une petite pépite sixties de ce genre. J'espère qu'il y en aura d'autres.


La pochette illustrée très bof de cette édition allemande du single. On est dans un cas assez rare où je ne regrette pas de n'avoir "qu'une" pochette générique.

29 octobre 2025

TRANS MUSICALES - RENNES 2-5 DÉC 92


Offert par Les Trans Musicales à Rennes le 4 décembre 1992
Réf : TRANS 92 -- Édité par Les Trans Musicales de Rennes / ATM en France en 1992 -- Promotional copy - Vente interdite
Support : CD 12 cm
20 titres

Ce blog a vingt ans aujourd'hui et ceci est la 1864ème chronique publiée. C'est l'occasion de marquer le coup et, pas la première du genre bien sûr. Si vous voulez rembobiner l'histoire du blog et de son évolution, voici quelques-unes des précédentes bornes passées :Pour aujourd'hui, je voudrais disserter un peu sur la question de la mémoire. Parce qu'évidemment, vingt ans de blog c'est long et toutes ces chroniques recèlent plein d'informations et de souvenirs. Mais aussi parce que les souvenirs, aiguillonnés par les disques, agendas, photos, vidéos et autres documents, sont au cœur de ce projet, dont la raison d'être est de raconter des tranches de vie en forme de rondelles discographiques.

Dans les échanges que j'ai eus avec des amis ou des lecteurs à propos du blog, la question de la mémoire revient souvent. Mes interlocuteurs se disent impressionnés par les détails dont je me souviens, notamment par le fait que j'essaie depuis le début de mentionner les conditions d'achat de mes disque. Cette réputation d'avoir une mémoire de fer et de me souvenir de tout ou presque est largement usurpée.
Effectivement, pendant des décennies, peut-être bien d'ailleurs jusqu'à ce que je me lance dans l'aventure du blog la quarantaine passée, j'ai été suffisamment présomptueux pour penser que ma mémoire conserverait parfaitement sur le long terme mes souvenirs, pour la seule raison que je ne buvais pas d'alcool et ne prenais pas d'autres drogues. C'était sans compter sur un paramètre essentiel : le temps qui passe et son corollaire la vieillerie qui me gagne. Comme le chantait Jeanne Moreau, j'ai la mémoire qui flanche, et comme le disait l'oncle de Boris Vian dans La java des bombes atomiques, "A mesure que je deviens vieux, je m’en aperçois mieux, j’ai le cerveau qui flanche. Soyons sérieux disons le mot, ce n’est plus un cerveau c’est comme de la sauce blanche !".

Au cours de ces vingt ans de blog, j'ai eu l'occasion à de multiples reprises de vérifier que ma mémoire est pleine de trous. Il y a la fois par exemple où j'ai découvert dans mon agenda la mention de Lou Reed dans la liste des concerts auxquels j'avais assistés lors d'un Printemps de Bourges. Il avait bien fallu se rendre à l'évidence, j'avais complètement oublié mon passage au concert de Lou Reed où j'étais éveillé, mais je me souvenais m'être endormi à celui de Tindersticks !

Le blog lui-même, avec toutes ces chroniques, est maintenant une béquille mémorielle géniale, bien meilleure et plus détaillées que mes agendas. Je m'y reporte souvent, et il y a plein d'événements notés dedans que j'ai oubliés depuis !!
Cette semaine encore, je lisais quelque chose à propos de Winogradoff et je vois qu'il a été membre de l'Orchestre du Splendid. Je me dis tiens, je ne devais pas connaître cette information quand j'ai chroniqué Je cherche le rock il y a bien longtemps (en 2006). Je vais relire ma chronique et l'info y figure noir sur blanc. Je l'avais apprise en rédigeant ce billet et complètement oubliée depuis...

Il y a une chose à propos du blog qui est constante : c'est le fait que mes opinions sur la musique contenue dans les disques chroniqués évolue peu. C'est arrivé maintes fois : je réécoute un disque, et après coup je vais relire la chronique rédigée parfois des années plus tôt : immanquablement, j'y retrouve telles quelles des remarques, des comparaisons que je viens de me faire à nouveau.

Alors pour ces vingt ans du blog, j'ai choisi cette compilation CD hors commerce (j'aime bien les disques hors commerce...!) diffusée par les Trans Musicales pour la promotion de l'édition 1992 du festival. Pourquoi celui-là, plutôt qu'un autre CD promo du même acabit ? 
Parce qu'il y a plein de bonne musique dessus, mais surtout parce qu'il a fallu que je me batte pendant plusieurs mois pour m'assurer de façon certaine que j'étais présent cette année-là pendant une toute petite partie des Trans...!

Tout est parti de la chronique de Nirvana en juin dernier, dans laquelle je revenais sur le passage du groupe aux Trans 1991. J'expliquais qu'il ne me restait que quelques souvenirs épars de leur prestation. Mais j'avais un autre souvenir de la soirée : je me revoyais traversant le public de la salle Omnisports, peut-être bien pour en sortir, pendant que Pavement jouait. A ce moment, leur fameux batteur tout fou Gary Young s'était avancé sur le devant de la scène et avait fait une acrobatie, du genre saut périlleux arrière ou poirier.
Sauf que, quand j'ai vérifié les archives des Trans, je me suis rendu compte que mon souvenir était faussé car Pavement n'y a pas joué le même soir que Nirvana, mais l'année suivante, en 1992 !
Et quand j'ai repris mon agenda de 1992, où je notais entre autres les concerts auxquels j'ai assistés, il n'y avait rien de noté dedans à cette date, ni sur les pages du mois ni dans le planning annuel.
Et voilà que je me suis retrouvé avec un souvenir encombrant : une vision fugitive du concert de Pavement, sans moyen de la corroborer.
Le fait que je possède le CD des Trans 92 et que le graphisme de l'affiche m'est familier n'est pas un indice probant pour confirmer que j'étais aux Trans cette année-là : j'aurais aussi bien pu récupérer le CD à Radio Primitive, et d'ailleurs j'en ai quelques-uns des années où je n'ai pas fait le déplacement.
Avec un peu de courage, j'aurais pu aller fouiller dans mes boites d'archives au grenier où j'ai dû conserver mes passes de festivals, mais c'était vraiment aléatoire.
Au bout du compte, j'ai fini par trouver un élément concret confirmant que j'étais bien à Rennes début décembre 1992. Je suis tombé au grenier sur un dossier où j'ai conservé quelques documents de mes années Férarock, quand j'étais trésorier de l'association. 
Si j'avais une raison particulière de me rendre à Rennes, c'était pour une réunion de la Férarock. On avait lancé le projet l'année précédente en marge des États du Rock à Montpellier et très vite on avait décidé de tenir la plupart des réunions en marge des festivals : Les Eurockéennes, Le Printemps de Bourges, Les Trans...
Le 7 décembre 1991, nous avions organisé pendant les Trans la conférence de presse de présentation de la toute nouvelle fédération, avec pour l'animer une prestation mémorable des Gamins en Folie.
Dans le dossier, j'ai retrouvé mon cahier de réunions Férarock, avec notamment cette page :


Un extrait de mes notes de la réunion Férarock du 5 décembre 1992 à Rennes.
Quel piteux trésorier je faisais : aucune cotisation encaissée à la fin de la première année complète d'existence de l'association. On se demande comment elle a pu tenir le coup !


J'étais donc bien aux Trans en 1992, mais quels concerts ai-je bien pu y voir ?
Avec l'ami Phil Sex, on a dû faire la route depuis Reims le vendredi 4. La réunion Férarock s'est tenue le samedi 5.

En consultant le programme, et en convoquant quelques sensations, qui ne méritent pas d'être qualifiées de souvenirs, je dirais que j'ai dû voir tout ou partie de ces concerts :
  • Magnapop, Pavement, Sugar et Sonic Youth le 4 à la salle Omnisports
  • The Disposable Heroes of Hiphoprisy le 4 à la salle de la Cité
  • Un bref passage à la Rave O Trans le 5 à la salle Omnisports

Le vendredi 4, après avoir remonté la rue de la Soif depuis la salle Omnisports, on a dû arriver trop tard à la salle de la Cité pour voir DC Basehead. Mais même si je devais être fatigué après une longue journée et une longue semaine, le moi d'aujourd'hui ne comprend pas comment j'ai pu aller me coucher alors que Suicide et les Last Poets étaient au programme !! D'un autre côté, je préfère encore imaginer que c'est ça qui s'est passé, l'alternative étant d'avoir assisté à leurs prestations et de les avoir complètement effacées de ma mémoire...
Pour le samedi 5, c'est pareil, soit j'ai vu une partie de la soirée à la Cité, avec notamment Cowboy Mouth, Les Tontons Flingueurs, The Dick Nixons et The Tragically Hip et j'ai tout oublié, soit avec les membres de la Férarock on était occupé ailleurs.

Pour ce qui est du CD, il y a plusieurs titres que j'apprécie et connais bien, que je les ai découverts avant ou après le festival : l'excellent Comme Jeannie Longo de Katerine, Sad new day de Me Phi Me, 2000 BC de DC Basehead, Parla patois de Massilia Sound System, Youth against fascism de Sonic Youth, et Sugar, même si The act we act n'est pas parmi les titres du groupe que je connais le mieux.

Les deux découvertes de la compilation qui m'ont le plus marqué à l'époque et que j'ai le plus diffusées dans mon émission sont le tube rap/rock Vise le top des québécois Dédé Traké, avec une excellente utilisation d'un échantillon de Psyché rock, et l'excellente reprise de Le tourbillon par Torman et Tuscadu.

A la réécoute, deux titres dont je ne me souvenais plus m'ont vraiment bien plu : Time bomb Fon mix par 808 State et Why be blue de Suicide. Pour Suicide, de ce que j'en connais, je ne pensais pas qu'ils avaient fait quelque chose d'aussi fort après les deux premiers albums.
J'ai été surpris de trouver ici un titre d'Ali Hassan Kuban, Henna. J'ai eu l'impression de le "découvrir" en 2022 et j'ai alors acheté deux de ses albums, mais j'avais un de ses titres depuis trente ans !

Il y a encore plein de bonnes choses dans le reste du disque : Dogs with no tails de The Pale, Trigger cut de Pavement, Mary Joanna de The Stairs, Do the Dick Nixons des Dick Nixons, Blaulicht und Zwielicht d'Element of Crime, Balkans par Les Pires. J'aime beaucoup P'tit Louis des French Lovers, mais j'ai vraiment trop l'impression d'entendre Helno des Négresses Vertes.

Vingt titres sur cette compilation pour les vingt ans du blog, le compte est bon. Si seulement j'avais pu voir tous ces gens en concert à Rennes en 1992... et m'en souvenir !

Les Trans 2025 auront lieu du 3 au 7 décembre. Évidemment, je ne connais aucun des noms de la programmation. Je ne suis plus de très près l'actualité musicale, et surtout c'est le principe avec un festival défricheur. Mais on écoutera peut-être encore certains des artistes programmés dans trente ans...

Des vidéos pour la moitié des artistes du CD. Je vous conseille particulièrement les trois premières, en concert à peu près à l'époque des Trans 92 :











26 octobre 2025

JOY MACK : At the club


Acquis sur le vide-grenier de Magenta le 12 octobre 2025
Réf : RA 6101 -- Édité par Reggae en France en 1977
Support : 45 tours 17 cm
Titres : JOY MACK : At the club -/- HEAVYSTONE ALL STARS : Out and about

La brocante de Magenta n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était il y a encore moins de dix ans. Elle a changé de lieu et il y a énormément moins de stands. Mais le temps y était agréable cette année et j'en suis revenu avec deux disques intéressants, ce qui n'arrive plus si souvent. Je ne me plains donc pas !
L'autre disque est le pressage français d'un album de James Brown de 1968. Nothing but soul est une curiosité, un album instrumental où le Parrain est à l'orgue. C'est sympathique, même si parfois un peu trop jazzy à mon goût.

L'autre disque, c'est celui-ci, que j'ai trouvé glissé parmi une vingtaine de 45 tours de variétés dans un sac plastique posé dans une caisse.
Je ne connaissais pas ce label français Reggae, distribué par Sonodisc, qui a sorti au moins dix disques en 1977, tous avec la même pochette générique. Ce sont des disques sous licence de productions étrangères, avec des noms peu connus. Il y a des jamaïcains, bien sûr, mais aussi au moins un africain du sud et des britanniques, comme c'est le cas ici.

L'édition originale anglaise de ce single est sortie en 1976 chez Jama. Le disque est arrangé et je suppose produit par Dandy Livingstone, l'auteur notamment de Suzanne beware of the devil et Rudy, a message to you.

La face A est chantée par Joy Mack (1949-2019), qui a eu son plus grand succès en 1978 avec You had your chance. C'est une reprise d'At the club, un single de 1965 des Drifters, une chanson écrite par Gerry Goffin et Carole King.
La version de Joy Mack d'At the club est de la pop-reggae très agréable, arrangement de cordes compris.
J'ai découvert que Dandy Livingstone avait produit en 1974 une première version d'At the club, par Sidney, George et Jackie, trois membres des Pioneers. Sur ce 45 tours publié chez Attack, c'est à la base la même version instrumentale qui est utilisée, sauf qu'à la place des cordes il y a les prouesses du trio vocal.

En toute logique avec un single de reggae, je m'attendais à ce que la face B, créditée aux Heavystone All Stars, soit un instrumental ou un dub de la face A. C'est bien un instrumental, mais la composition est différente. En tout cas, j'aime beaucoup cet Out and about.
Comme pour la face A, cet enregistrement avait connu une première vie en 1974, en face B d'un 45 tours produit par Dandy et crédité à Love Children, dans un mixage différent, sous le titre Ruff/ready.
Et il y a du beau monde sur cet enregistrement puisque, un peu comme avec le Disco Reggae Band derrière lequel se cachait Black Slate, tout indique que les Heavystone All Stars et les Love Children sont en fait le groupe réputé The Cimarons.

Deux titres différents et intéressants. Un producteur et des musiciens réputés. Je ne regrette pas l'achat de ce disque qui ne payait pas de mine.

18 octobre 2025

GILLES TANDY : La colère monte


Acquis neuf à Reims ou chez New Rose à Paris en 1986
Réf : ROSE 95 -- Édité par New Rose en France en 1986
Support : 33 tours 30 cm
8 titres

Je pense que c'est mon compère Raoul Ketchup qui avait amené cet album à sa sortie pour le passer dans Rock comptines, l'émission que nous animions en trio avec Phil Sex sur Radio Primitive. Il m'a suffi d'écouter quelques titres pour être convaincu d'acheter moi aussi ce premier album sous son nom de Gilles Tandy.
Il faut dire que j'étais devenu fan du chant de Gilles Tandy depuis le jour où, probablement en 1982, un pote m'avait prêté quelques 45 tours que j'avais repiqués sur cassette en utilisant la chaîne de ma résidence du CROUS. Parmi ces disques il y avait l'excellent et légendaire unique 45 tours des Olivensteins. Si on devait résumer le punk français à un seul titre, Fier de ne rien faire ferait parfaitement l'affaire. Et il y a en plus Euthanasie sur le même disque...!

Après Les Olivensteins et avant que la colère monte, Gilles Tandy s'est illustré au sein de Gloires Locales (un 45 tours) et Les Rythmeurs (un mini-album). 39 ans après sa sortie initiale, le label Smap, repéré notamment ces dernières années pour sa campagne de rééditions de Warum Joe, vient de rééditer La colère monte, en 33 tours (avec deux faces B de 45 tours en bonus) et en CD (avec les mêmes faces B plus quatre titres en concert avec les Dogs à l'Exo7 de Rouen le 16 décembre 1986).
C'était l'occasion ou jamais de ressortir mon disque des étagères.

Les Olivensteins sont historiquement associés à Rouen, mais en fait Gilles Tandy a vécu une bonne partie à Sète. C'est là, au lycée, qu'il a fait la connaissance d'Hervé Di Rosa, qui signe la superbe pochette de l'album. Je n'y avais pas fait attention avant que Gilles Tandy le souligne ici, mais au verso les sept portraits de Gilles (photos de Marina Obradovic) illustrent chacun une des chansons originales du disque.

Si, comme à l'habitude pour Gilles Tandy, les paroles de l'album sont principalement signées par son frère Eric, un autre groupe de Rouen est très présent, puisque Dominique Laboubée et Antoine Masy-Perrier (alias Tony Truant) des Dogs se partagent équitablement la composition des musiques.
L'enregistrement et le mixage se sont faits au studio Mix-It à Paris sous la houlette de Dominique Laboubée, Eric Débris de Métal Urbain et Jean Labbé.

La colère monte est un bon exemple de réussite du rock français. Paroles et musiques sont intéressantes et le tout est lié par la façon de chanter de Gilles Tandy, avec une scansion particulière et une sorte d'indolence reconnaissables instantanément.

Le disque s'ouvre avec deux excellentes chansons, Le vampire, le premier titre à être extrait en 45 tours, et Disponibilité à toute heure, avec des plans sixties façon Byrds.
Ensuite, le tempo ralentit un peu pour Touriste ("dans une cité triste"...).
Avant d'écouter cette reprise par Gilles Tandy, je connaissais plein de chansons de Jacques Dutronc, mais pas Le responsable, sortie en 1969. J'ai tout de suite adoré la reprise, mais j'ai été surpris quand j'ai fini par écouter la version originale de découvrir qu'elle est presque aussi électrique et sauvage. Jamais Dutronc ne s'est autant approché du son des Rolling Stones.
Sachant qu'une des faces B de 45 tours est une reprise de Les crayons de couleur d'Hugues Aufray, on constate que ces sessions restent très marquées par le son des années soixante. Ce qui ne surprend pas trop quand on sait que les Dogs sont dans les parages !

Je sursaute à chaque fois que j'entends les premières notes d'A demain. Ça me l'a fait cette fois-ci, comme ça me l'a fait à la première écoute et à chaque fois que j'ai ressorti le disque entre-temps. La raison en est simple : cette intro est identique note pour note à She never understood de Biff Bang Pow ! et le reste de la chanson en est très proche aussi. Cette chanson, je la connais très bien, puisque j'étais présent lors des sessions d'enregistrement de l'album The girl who runs the beat hotel. J'ai pensé initialement que Dominique Laboubée, grand connaisseur de musique, avait pu s'inspirer de BBP!, mais ça ne colle pas au niveau des dates : les deux titres ont été enregistrés en 1986, en début d'année pour celui des français, en septembre pour celui des anglais. Le disque de Gilles Tandy est sorti courant 1986 et celui de BBP! début 1987 et je ne pense pas possible qu'un enregistrement ait influencé l'autre. Mais la proximité d'A demain avec BBP!, y compris avec la présence d'un harmonica, est impressionnante. Et le plus probable, c'était mon autre option, est que tous les deux ont puisé à la même source sixties, une source éventuelle que je n'ai pas réussi à identifier.
Indépendamment de cette proximité musicale, A demain est peut-être bien ma chanson préférée de l'album. J'aime beaucoup les paroles qui sont dues à Eric. Eric qui ? Bien malin qui peut le dire puisque, c'est Débris qui est crédité sur l'insert avec les paroles, et Tandy sur le rond central...! (maj suite à un commentaire : c'est bien Eric Tandy l'auteur des paroles).

Ces paroles sont à la fois datées (Minitel, 2001 dans le futur) et complètement d'actualité :

Les émissions d'informatique me rendent neurasthénique
Le langage publicitaire me donne mal à la tête
Tout se glace comme un clip, ça ne parle plus qu'en bips
Et tout autour de moi les robots dictent leur loi

Quand je dis à demain... Je ne pense pas 2001
Quand je dis à demain, je veux rester humain

Je n'aime pas les machines, il faut qu'on m'assassine
Je ne suis pas un mutant, j'aime tellement mon présent
Si c'est toi que j'appelle, ce n'est pas ton Minitel
Je veux garder mon âme, pas gagner un programme...


Arrive ensuite  la chanson-titre, La colère monte, qui est de loin la plus courte de l'album. C'est aussi la seule dans un style country et western et, à ce titre, elle annonce un peu Cowboy Joe, enregistrée l'année suivante pour la compilation Mon grand frère est un rocker par Gilles Tandy, son Frère et ses Amis.

Ostende sommeille, le deuxième 45 tours, est l'autre chanson un peu plus lente de l'album. On est dans une veine un peu plus chanson française (ou belge).
L'album se conclut en rock and roll et en beauté avec Le dealer est un ami.

Voilà donc un album compact de huit titres, excellent de bout en bout. Et maintenant qu'il a eu droit à sa réédition, on pourrait le considérer comme un classique du rock français. Il a sûrement influencé du monde, à commencer par Bingo de Bingo Bill Orchestra, qui a rencontré Gille Tandy en 2022 pour un entretien fleuve publié par Casbah Webzine.
Il a fallu attendre 1991 pour que Gilles Tandy sorte un deuxième album, accompagné par Les Rustics. Il faudrait que je le ressorte aussi, mais à l'époque il m'avait un peu déçu.

La réédition est limitée à 250 exemplaires par support. Il en reste apparemment moins de 50 de chaque.






Reportage télévisé de Gérard Bar-David, février 1987.

12 octobre 2025

KING CURTIS & THE KINGPINS : The dock of the bay


Offert par Christophe S. à Épernay le 31 décembre 2021
Réf : ATCO 65 -- Édité par ATCO en France en 1968
Support : 45 tours 17 cm
Titres : The dock of the bay -/- This is soul

L'ami Christophe m'a fait cadeau ce jour-là d'une grosse trentaine de disques, avec plein de bonnes choses, d'Henry Cording à James Brown et de Cousin Joe à Bob Marley. Bizarrement, contrairement aux fois précédentes, je n'avais encore chroniqué aucun de ces disques.
Dans les semaines qui ont suivi, j'ai écouté puis rangé ce disque. Je l'ai ressorti récemment après que Philippe R. m'a interrogé pour savoir si je connaissais King Curtis.
La première fois que j'ai entendu parler de lui, dans les années 1980, il me semble que c'était associé à des compilations cheap qui mettaient excessivement en valeur la participation de Jimi Hendrix à certains de ses enregistrements.
Plus récemment, j'ai lu des articles sur lui dans Mojo ou Uncut, et j'ai été marqué par le récit de sa mort à 37 ans, poignardé par un gars qui lui bloquait le passage en bas de chez lui.
Ce que je n'avais pas mesuré, c'est en si peu d'années l'importance et la variété du parcours de ce saxophoniste de rhythm and blues, qui joue sur Yakety yak et plusieurs autres tubes des Coasters, et aussi sur mon EP de Bobby Lewis. Buddy Holly lui a offert le crédit d'auteur pour Reminiscing pour le remercier d'avoir pris l'avion exprès pour participer à la session. On l'entend aussi sur Games people play de Joe South. Il fait un solo sur sur la version de Respect d'Aretha Franklin, qu'il accompagne sur l'album Live at Fillmore West en 1971, peu de temps avant sa mort. La même année, il venait aussi de participer à l'enregistrement de deux chansons de l'album Imagine de John Lennon.

La pochette de ce 45 tours est assez simple. C'est la maquette générique des 45 tours de R & B diffusés par Barclay à l'époque, comme celui de Wilson Pickett, souvent illustrés par une photo de Jean-Pierre Leloir. Cette fois-ci, la photo est créditée à X, mais entre la qualité du cliché et le choix de la teinte couleur, c'est assez réussi.

Sur ce 45 tours, King Curtis est accompagné par les Kingpins. C'est le nom qu'il a donné à son groupe à compter de 1967. Parmi les membres principaux, il y avait Cornell Dupree à la guitare, Jerry Jemmott à la basse et Bernard Purdie à la batterie. Billy Preston les a rejoints plus tard.

Dock of the bay est le plus grand tube d'Otis Redding, malheureusement posthume. Étant de la génération new wave, c'est avec une reprise, par Thursdays en 1981, que j'ai connu cette chanson.
La version de Dock of the bay par King Curtis est instrumentale, et fidèle à l'originale, son des vagues et sifflement compris.
Je trouve que ce qui caractérise cette version, c'est qu'elle est pleine de retenue. Certes, le saxo mène la danse, accompagné par d'autres cuivres, mais le son est tout doux et la guitare est également très en valeur. Cette chanson a été incluse sur l'album Sweet soul de 1968.

En face B, This is soul est chanté/parlé par King Curtis. Ce qu'on note d'emblée, c'est qu'il a un défaut de prononciation marqué, un cheveu sur la langue, comme on dit.
La chanson donne une définition de la soul en musique. Elle est bien, mais n'est pas sur l'album, peut-être parce qu'elle sent un peu le réchauffé de sa propre recette du Memphis soul stew, un de ses plus grands tubes, en 1967.

Les trouvailles en broc ou autre ont tendance à se raréfier. C'est rassurant de savoir qu'il me reste des disques de cet acabit cachés dans mes boites...

05 octobre 2025

SLAUGHTER : She's so out of touch


Offert par Joe Foster à Londres en novembre 1986
Réf : CRE 035 T -- Édité par Creation en Angleterre en 1986
Support : 45 tours 30 cm
Titres : She's so out of touch -/- I know you rider -- The lonesome death of Thurston Moore

Il y a quelques semaines, l'ami Bertrand a émis l'opinion, volontairement provocatrice n'en doutons pas, que She's so out of touch est "une des plus grandes chansons du Velvet non enregistrée par le Velvet". Je me garderai bien de me prononcer, mais une chose est certaine : cette chanson n'existerait pas si on n'avait pas trouvé Sunday morning en ouverture du premier album du Velvet Underground.
Cette publication m'a donné envie de ressortir ce disque de Slaughter, alias Slaughter Joe, alias Joe Foster de Television Personalities et Missing Scientists et Creation Records entre autres, de son nom de naissance apparemment Joseph James Foster Ruiz.
Ce maxi me tient particulièrement à cœur parce que c'est l'un des quelques disques où mon nom est mentionné, cette fois-ci dans une longue liste au verso de la pochette.

Je crois que j'ai mis un certain temps à apprendre cette mention de mon nom. En effet, la copie du disque que j'ai ramené d'un séjour à Londres du 6 au 11 novembre 1986, avant la sortie commerciale du disque, est il me semble un "test pressing", daté du 16 octobre, c'est à dire l'un des quelques exemplaires produits pour tester la qualité d'un pressage avant de lancer la production. C'est à distinguer des "white labels", également pressés avant la diffusion commerciale d'un disque, qui sont des exemplaires promo pas encore habillés de leur rond central ou de leur pochette.
Sur le white label référencé sur Discogs, il y a quelques mots d'accompagnement : "Slaughter comes back from the dead, with what can only be described as a Xmas single !! Jingle bells......".
Que ce disque soit plus ou moins un disque de Noël, je n'y avais jamais fait attention. Mais c'est bien "Joyeux Noël" que Joe souhaite à tout plein de gens sur sa pochette, de la famille McGee à Mlle. Lindy Morrison, en passant par Jeffrey Lee Pierce et St. Julian. Dans le lot, j'ai l'honneur de me trouver coincé entre Wee Karen Trashcan, c'est à dire j'en suis à peu près certain Karen Parker, la voix féminine qu'on entend sur Just like honey, et Sky Saxon des Seeds !!
Je n'ai jamais fait l'acquisition du disque avec sa pochette.

C'est à l'automne 1986 qu'il y a eu le plus d'activité autour du personnage JC Brouchard, conseiller spirituel de Biff Bang Pow !. En septembre, j'avais participé aux sessions de l'album The girl who runs the beat hotel. C'est à ce moment je pense qu'Alan a dû lancer l'idée de sortir un single sous mon nom. Et, comme les choses allaient vite, je suis reparti de mon séjour suivant avec mes sacs pleins d'une quarantaine d'exemplaires de Someone stole my wheels, en 45 tours et maxi, en plus de mes achats et des cadeaux reçus, comme ce disque de Joe. Entre-temps, le 25 octobre, Biff Bang Pow ! était venu donner un concert à la M.J.C. Claudel de Reims, sans Joe mais avec Andrew et Christine de Revolving Paint Dream.

Il s'agit du deuxième et ultime single de Slaughter Joe. La photo et la pochette sont de l'ami Luke Hayes de Chromatone Design.
Sur ce disque, Joe est crédité au chant, à la guitare et aux bruits. Il est accompagné par Frank Sweeney  des June Brides (violon, basse, chant, arrangement de cordes), Alejandro "Alec" Palao des Sting-Rays (batterie, basse, guitare douze cordes) et Stuart James Murray (batterie), je suppose uniquement sur le titre live de la face B.

Je considère She's so out of touch comme une grande réussite. La chanson me reste en tête après chaque écoute. Bien sur, il faut arriver à faire abstraction que l'atmosphère générale de la chanson (le xylophone, le violon notamment) est dérivé de Sunday morning.

Comme je ne connaissais pas cette chanson, Joe m'a expliqué en m'offrant le disque que I know you rider est un "traditionnel". Il me semble que l'inspiration pour la version de ce maxi est plutôt l'interprétation par les Byrds. Certes, la version studio des Byrds n'a été publiée officiellement qu'en 1987, mais je pense que des versions pirates circulaient chez les fans comme Joe.

The lonesome death of Thurston Moore, une chanson au titre percutant est enregistrée en concert à Hambourg. On retrouve le style bruyant du premier single I'll follow you down et des productions de Joe comme Upside down.

En 1987, accompagné du Modern Folk Quintet, Joe a publié sur son label Kaleidoscope Sound l'album All around my hobby horse's head. On y retrouve des nouvelles versions de I know you rider et The lonesome death of Thurston Moore.
C'est le dernier disque d'enregistrements originaux de Slaughter Joe. L'album The pied piper of feedback chez Creation en 1990 est en fait une sélection de titres précédemment parus. La compilation Zé do caixão de 2003 regroupe, comme le sous-titre l'indique, l'ensemble de ses enregistrements.
Ces dernières décennies, Joe a poursuivi son défrichage de l'histoire de la musique en rééditant des perles sur ses labels Rev-Ola et Poppydisc.


Joe Foster à Londres en novembre 1986, près des locaux de Rough Trade sur Collier Street, dans le quartier de King's Cross. Photo : JC Brouchard.