22 mars 2025

THE WAITRESSES : I know what boys like


Acquis au Prisunic de Châlons-sur-Marne vers 1981
Réf : 106 225 -- Édité par ZE / Celluloid en France en 1981
Support : 45 tours 17 cm
Titres : I know what boys like -/- No guilt

Il y a une étiquette à deux francs de chez Prisunic au dos de la pochette. Ce disque fait donc partie de la razzia que j'ai faite un jour dans ce grand magasin du centre-ville à Châlons, où j'avais acheté Trans Europe Express et un album des Stranglers à dix francs, et tout un lot de 45 tours à deux francs, dont plein de Two Tone, et aussi un Department S. Une journée à marquer d'une pierre blanche !

I know what boys like est une petite pépite new wave entêtante, sur une rythmique funky légère (Tom Tom Club n'est pas très loin).
A l'époque, même sans comprendre les paroles et sans avoir vu la vidéo, il me semble bien que j'avais saisi l'esprit très sarcastique de la chanson, avec la chanteuse/narratrice Patty Donahue qui se moque des mecs : "J'aime bien les asticoter, ils veulent me toucher, je ne les laisse jamais faire" avant, cruelle de balancer "C'est amusant de les frustrer". Au dernier couplet, elle fait mine de regretter "Cette fois je te laisserai faire tout ce que tu veux" et le dédain culmine avec son "Tu peux me faire confiance... crétin !".
Il y a d'autres chansons où les gars se font mener comme ça par le bout du nez, mais aujourd'hui je n'ai repensé qu'à Vous me quittez déjà de Melon Galia.

Le plus drôle dans tout ça, c'est peut-être que la chanson a été écrite par un gars, Chris Butler. Originaire d'Akron, il a notamment joué avec 15 60 75 The Numbers Band. En 1978, alors qu'il est membre de Tin Huey, il lance en parallèle le projet The Waitresses et sort un premier 45 tours.

En 1978, il enregistre dans l'appartement de Devo une première démo d'I know what boys like, dont le son d'ailleurs n'est pas très éloigné du Devo époque Hardcore. Dans une deuxième démo, on entend une guitare électrique et on note l'apparition des "Nyah nyah nyah nyah nyah" moqueurs. Patty Donahue a répondu à un appel de Chris Butler un midi dans un café, et la chanson a été enregistrée à Akron avec Ralph Carney de Tin Huey au saxophone.

Butler s'est ensuite installé à New York et a signé un contrat avec ZE Records pour sortir I know what boys like en single. Il fallait une face B et à ce moment-là The Waitresses n'était pas encore un groupe. Pour No guilt, influencée par la vague ska, Chris Butler a de nouveau fait appel à Patty et Ralph, ainsi qu'à des musiciens new yorkais, dont Don Christensen des Contortions et des Raybeats à la batterie.

Un groupe a ensuite été formé, de haute tenue, avec Billy Ficca, ancien batteur de Television, Tracy Wormworth, qui est bassiste des B-52's depuis une trentaine d'années, et le saxophoniste Mars Williams, qui a ensuite rejoint les Psychedelic Furs.
Les Waitresses ont signé chez Polydor, qui a réédité le 45  tours et sorti en 1982 un premier album, Wasn't tomorrow wonderful ?. On y retrouve les deux faces du 45 tours, dans la même version.
Si vous avez bien suivi tout ça, vous comprendrez que les musiciens qu'on voit sur la vidéo de 1982 n'ont pas tous participé à l'enregistrement de la chanson, réalisé avant la formation du groupe.

I know what boys like a eu son petit succès et reste actuellement bien réputée. Je l'apprécie toujours autant. L'autre chanson la plus connue du groupe, c'est Christmas wrapping, enregistrée pour la compilation A Christmas record de ZE. J'ai acheté l'album à sa sortie, mais je n'ai jamais particulièrement accroché à cette chanson.
Le groupe s'est séparé en 1983 après deux albums. Patty Donahue est morte à 40 ans en 1996. Chris Butler est toujours actif musicalement.




The Waitresses, I know what boys like, en direct dans l'émission anglaise The old grey whistle test, en avril 1982.


The Waitresses, un court extrait de I know what boys like dans le premier épisode de la série Square pegs, dont le groupe a également signé le générique.


The Waitresses, No guilt, en direct dans l'émission anglaise The old grey whistle test, en avril 1982.

15 mars 2025

COUNT BASIE & HIS ORCHESTRA : Green onions


Acquis chez Abi Boutique à Châlons en Champagne le 28 février 2025
Réf : 62.005 -- Édité par Coral en France en 1968
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Green onions -- Hang on Sloopy -/- Mercy, mercy, mercy -- Bright lights, big city

Abi Boutique à Châlons a un rayon disques, alors bien sûr j'y fait un tour quand j'ai l'occasion d'aller au centre-ville en semaine. C'est tout petit, mais les prix sont modiques et de temps en temps j'y trouve quelque chose d'intéressant, comme le White Hassle.

Le jazz, même si j'évolue un peu au fil des ans, ce n'est toujours pas ma tasse de thé. Je ne regarde pas les CD, j'achète très rarement un 33 tours, mais les 78 tours et les 45 tours, j'y suis attentif.
Celui-ci, quand j'ai vu écrit Count Basie, je l'ai sorti pour le regarder. Il a beau y avoir une photo de Jean-Pierre Leloir, la maquette de la pochette est vraiment très quelconque et ne fait pas envie. Mais quand j'ai découvert le titre principal, Green onions, le tube de Booker T. and the MGs, j'ai aussitôt décidé de le prendre. Et quand j'ai vu qu'il était enchaîné avec Hang on Sloopy, j'ai été encore plus surpris et ravi et je l'aurais presque pris en double s'il y en avait eu deux exemplaires !

Je ne connais absolument rien du parcours de Count Basie, mais j'ai quand même été très étonné qu'il ait mis au répertoire de son orchestre des titres aussi populaires de rhythm and blues et de rock.
En fait, dans les années 1960 au moins, il a enchaîné concerts dans toutes circonstances (tournées, Las Vegas, croisières), apparitions télé et multiples enregistrements, dont des interprétations de titres populaires. En 1963, par exemple, il a sorti This Time by Basie, sous-titré Hits of the 50's & 60's. En 1966, il y a aussi eu Basie meets Bond et Basie's Beatle bag.

En 1967, le Comte a publié pas moins de six albums, sur cinq labels différents (ça aide, la bonne pratique du jazz d'enregistrer rapidement, souvent dans les conditions de concert...!) :
Basie's beat est l'exception dans ce lot, comme le confirme Stanley Dance, dans l'introduction de ses notes de pochette de cet album : "On demande de temps à autre à Count Basie d'enregistrer certains disques à programme destinés à un autre public que celui du Jazz; mais heureusement, avec cet album, il nous offre la musique par laquelle il est devenu célèbre. Les compositions réunies ici ne cherchent pas à illustrer un thème commercial, mais servent surtout à mettre en valeur les talents individuels et les qualités d'ensemble de l'orchestre.".

Les quatre titres de mon EP français sont tirés de Basie's in the bag, enregistré du 15 au 17 août 1967. Ils ont également été publiés aux États-Unis sur quatre faces de deux 45 tours.

Green onions déçoit initialement. Sans les coups de guitare ni l'orgue, ces oignons perdent de leur saveur. Mais les cuivres façon musique de film sauvent l'affaire. C'est ici l'une des rares fois du disque où l'instrument de Count Basie, le piano, est mis en valeur. Cette version est écourtée d'une minute par rapport à celle de l'album.

Hang on Sloopy, c'est autre chose et c'est mon titre préféré du disque.
La rythmique latino est enlevée, et les percussions, les flûtes et les cuivres s'en donnent à cœur joie. Dans l'esprit, on est assez proche de la première version publiée, My girl Sloopy par les Vibrations. Rien à voir avec le numéro 1 des McCoys, mais je ne savais pas que cette version originale avait eu un certain succès.

J'ai été étonné de voir le nom de Joe Zawinul parmi les auteurs de Mercy, mercy, mercy, un titre que je ne connaissais pas. En fait, il s'agit d'une composition jazz de 1966 écrite pour et créée par Cannonball Adderley. L'ambiance est plutôt soul, avec à nouveau les cuivres qui dominent.

Pour le coup, je connaissais de réputation Bright lights, big city, le blues de Jimmy Reed, mais pas assez pour reconnaître la version par son créateur. Et j'avoue que, sans les paroles, j'ai du mal à faire le lien entre l'original et la version Count Basie, qui pour le coup sonne vraiment à mes oreilles comme une musique de film.

Ce disque est une belle trouvaille, comme j'aimerais en faire plus souvent. Quand on regarde la liste des titres de Basie's in the bag, on se dit qu'il y aurait de quoi faire un autre EP intéressant, avec par exemple Ain't too proud to beg, Knock on wood, Memphis, Tennessee et Reach out I'll be there. Mais j'ai vérifié, et il n'y a eu qu'un 45t français extrait de l'album. A défaut, j'aimerais bien trouver le Basie's Beatle bag !

09 mars 2025

MARTIN CIRCUS : Martin "Disco" Circus


Acquis à la Bourse BD Disques d’Épernay le 2 février 2025
Réf : LD. 8520 -- Édité par Vogue en France en 1978
Support : 33 tours 30 cm
5 titres

Depuis son lancement en 2006, le label Born Bad a pris une place importante dans le paysage musical français, à la fois pour son catalogue d'artistes contemporains (Bryan's Magic Tears, La Femme, Frustration, Star Feminine Band, Zombie Zombie, Forever Pavot, Gwendoline...) et pour son minutieux travail d'archéologie discographique. Parmi les rééditions qui m'ont marqué ces dernières années, il y a la découverte de Mazouni, les productions maison d'Henri Salvador, les compilations de musique antillaise Disque la rayé et Antilles méchant bateau, l'intégrale des Calamités, Voulez-vous cha-cha ? et Des jeunes gens modernes, les volumes de Pierre Vassiliu et Francis Bebey...

Chacune de ces rééditions permet une découverte ou une réhabilitation d'artistes inconnus ou méconnus. Avec la dernière parution Évolution française 1969-1985 de Martin Circus, le défi est vraiment dur à relever. En effet, très vite après ses débuts où ils étaient à la pointe d'une vague de "pop" made in France et en français, et au fil de multiples changements de formation, le groupe a basculé dans la variété.

Il se trouve que c'est l'un des premiers groupes que j'ai vus en concert. Par recoupement, j'ai déterminé que c'était le 4 juillet 1974, lors de l'étape du Tour de France à Châlons-sur-Marne. Un podium à l'affiche duquel il devait y avoir également Georgette Plana. On était déjà loin des élans rock progressif des débuts. Les 45 tours qu'on avait dans la discothèque familiale dans ces années-là, c'était L'accident heureux et Ma-ry-lène, et parmi leurs autres succès on trouve Drague party, Bye-bye cherry, Comme au bon vieux temps du rock 'n' roll, J'en perds mes baskets...
Évidemment, Évolution française évite soigneusement ces nanars pour aller piocher d'obscures faces B, des titres d'album méconnus ou des productions tardives, mais dans l'ensemble j'ai du mal à accrocher à la sélection, y compris les titres plus rock des débuts. De fait, les seuls extraits qui ont pour l'heure trouvé grâce à mes oreilles sont Mon premier hold-up, leur adaptation de Let's dance de Chris Montez, Bains-Douches, tiré de leur album "New Wave" De sang-froid (mais quand je l'avais chroniqué, j'avais préféré Tous des robots et le ska instrumental Banana baby) et aussi Disco circus, mais on va y revenir.

En effet, quelques jours après l'annonce de la sortie d'Évolution française se tenait la bourse BD Disques annuelle de l'association BD Bulles. Je n'y ai pas fait d'achats en grande quantité (aucun 45 tours, notamment), mais j'en suis revenu avec quatre 33t intéressants, un du groupe congolais Choc Stars, le premier Alberto Y Lost Trios Paranoias, une compilation de Jona Lewie dont je connaissais tous les titres, mais qui m'a amené à retravailler une vieille chronique et à la republier dans l'Arrière-Magasin. Et puis j'ai acheté à un monsieur qui avait un carton avec quelques disques bradés à 2 € cet album de 1978 de Martin Circus, en parfait état.
Il y a eu à cette époque un engouement pour les disques en couleur. Pathé Marconi en avait profité pour rééditer les Beatles et Vogue avait été très actif sur ce plan : cet album n'est pas rose comme le Plastic Bertrand ni orange comme mon 45t de fanfare disco belge, mais rouge comme mon maxi de Kiss !

Ce disque est particulier pour plusieurs aspects.
Tout d'abord, il s'agit de la musique originale du film Les bidasses en vadrouille. Initialement, j'ai pensé que Martin Circus s'était contenté de composer la musique, ou qu'ils faisaient une apparition dans un film des Charlots, mais ça ils l'avaient déjà fait en 1971 pour Les bidasses en folie, où l'on voyait aussi Triangle.
Non, là, les producteurs ont fait appel à eux pour être les vedettes du film, estimant apparemment que les Charlots étaient devenus ringards.
En tout cas, on ne peut pas écouter ce disque en faisant abstraction qu'il est intimement lié à ce film, que je vous propose maintenant de voir en intégralité (je ne l'ai pas fait moi-même, j'avoue !), un super-navet, Les bidasses en vadrouille :


Les bidasses en vadrouille, de Christian Caza (1978). Attention, film complet. Ne pas dépasser la dose prescrite.

Autre particularité de ce disque : il est court. Il faut dire que les productions du groupe se succédaient à un rythme soutenu. Là, il y a juste sept titres, dont deux jingles, Pouêtt et Pouêtt pouêtt, et seulement deux compositions différentes, l'instrumental d'ouverture Ite missa est et la chanson Pour m'en aller plus loin, déclinée en version Disco circus sur la face B pendant près d'un quart d'heure.

Enfin, on peut se demander qui joue vraiment le gros de la musique sur ce disque. Voilà ce qu'écrit Guido Minisky dans les notes de pochette d’Évolution française : "Dans l’ombre, depuis le début du groupe, un homme tire toutes les ficelles: le manager et directeur artistique Gérard Hugé. Il travaille à la fois pour le groupe et le label, ce qui n’est jamais une bonne nouvelle. La seule chose qui l’intéresse: que sortent des disques, peu importe qui joue dessus. Au milieu des années 70, il dépose le nom Martin Circus. Il a les pleins pouvoirs.".
Cela m'a incité à décortiquer les crédits de l'album. Il est précisé en lettres capitales qu'il a été "conçu et réalisé par Martin Circus". Et les quatre membres du groupe sont listés en premier, à pas mal de titres, dont le vocoder et les synthés Oberheim, Korg, et Prophet. Mais il y a un remerciement à "Gilles, Zizi et Charlie pour leur sympathie, leur bonne humeur et leur énergie", qui est sûrement largement mérité, puisque Gilles Tinayre se charge des arrangements, cordes et cuivres et de divers claviers. Quant à Serge Haouzi dit "Titi", il est à la batterie, aux percussions et aux syndrums et Charlie Cohen joue de la basse et des percussions. Tous les trois chantent, tandis que Joël "Flangerman" Fagerman s'est chargé de la programmation des synthétiseurs.
Je me demandais comment des musiciens de rock pouvaient d'un seul coup maîtriser toute l'électronique utilisée par le disco. Le plus probable est que ce ne sont pas les membres titulaires du groupe qui ont enregistré la majeure partie de la musique qu'on entend sur le disque.

C'est en contradiction avec le titre, mais l'instrumental Ite missa est ouvre l'album. Comme l'ensemble du disque, c'est du disco bien réalisé, avec basse pneumatique, séquenceur, synthé et, malheureusement pour moi, envolées de cordes.

Ensuite, Pour m'en aller plus loin est le seul titre chanté. Là au moins on est sûr de la participation des membres du groupe. Mais qui dit chant dit paroles et là c'est quelque chose. Elles sont signées Évelyne Courtois, qui a enregistré dans les années 1960 sous le nom de Pussy Cat, qui a écrit plein d'autres textes pou Martin Circus et qui, c'est comme ça que le lien a dû se faire, fut l'épouse de Gérard Hugé.
Pour vous donner un échantillon, ça commence par "Je crache sur la tombe du temps qui fait de nous des morts-vivants" avant d'autres maximes telles que "Aucun oiseau ne peut chanter s'il n'a pas choisi d'être prisonnier" avant de finir mystérieusement par "Peut-être que dans un an ou deux je serai des larmes au bout des yeux"...!

Disco circus reprend là où se terminait la chanson, avec des chœurs qui font "Plus loin", et poursuit effectivement bien au-delà avec des
"Ah ah ah ah ah" et surtout de l'instrumental à base de séquenceur (mon "instrument" préféré du genre), de claquements de mains électroniques, plus la basse, les synthés, les cordes, voire même peut-être une guitare au son trafiqué. Si on rentre dans le rythme c'est prenant et au bout d'un quart d'heure les danseurs devaient être essoufflés sur les pistes.

Cet album a eu droit à une édition américaine chez Prelude, sans les jingles, il ne restait donc que trois titres, avec une adaptation en anglais de Pour m'en aller plus loin, transformé en Before it gets dark.
François Kevorkian, français installé aux États-Unis, est devenu un grand nom du remix dans les années 1980, grâce notamment à son travail pour Kraftwerk ou Depeche Mode. En 1978, il en était encore à ses débuts, mais il était déjà directeur artistique de Prelude. De façon assez surprenante, alors que les maxis de disco cherchaient à durer le plus longtemps possible, il a concocté pour la sortie en single de Disco circus une version réduite de moitié. C'est celle-ci qu'on retrouve sur Évolution française. On est loin des Bidasses en vadrouille, mais, quitte à céder à la fièvre du disco, le mieux est peut-être d'y y aller à fond, avec la version complète de l'album en vinyl rouge, avec les pantalons patte d'eph et les tenues satinées !

A voir :
Martin Circus mime Pour m'en aller plus loin dans une émission d'Antenne 2.



La pochette de l'édition américaine de l'album. Ils souffrent, les pseudo-gars de Kiss...!

02 mars 2025

ZERO : Am I your new toy


Acquis par correspondance via Discogs en mai 2014
Réf : SRS 4673 -- Édité par Silence en Suède en 1981
Support : 33 tours 30 cm
9 titres

Quand j'ai chroniqué son 45 tours I wanna be a machine, j'ai annoncé à la fin qu'il serait sûrement à nouveau question de Robert Broberg ici car je venais de commander plusieurs de ses albums. Bon, c'était il y a presque onze ans... Le temps passe vraiment vite, mais il n'est pas trop tard pour bien faire.
Je ne le savais pas, mais entre-temps, guère plus d'un an après ma chronique, Robert Broberg est mort en juillet 2015, à 75 ans.

Il a connu le succès dans les années 1960 sous le nom de Robban. En 1972, il a rompu avec sa carrière et a quitté la Suède pour s'installer aux États-Unis. C'est apparemment à ce moment-là qu'il a rejeté son nom de vedette Robban et opté pour le pseudonyme Zero. Mais il n'a sorti des disques sous ce nom, trois albums et deux singles, qu'entre 1979 et 1981 (cependant, Tolv sånger på Amerikanska, sorti en 1978 sous le nom de Robert Broberg, est listé au dos d'une des pochettes comme un album précédent de Zero).

Pour faire la transition, le premier album, Motsättningar - Circle O Zero on uma N.E., est crédité Robert Broberg presenterar Zero. Il a été
enregistré en direct en 1979, en partie en tournée et en partie en studio. C'est celui qui me plaît le moins.
En 1980, Robert Broberg a tourné un spectacle intitulé Circus Zero.
Le deuxième album, Kvinna eller man, enregistré à l'automne 1980 et sorti en février 1981, est un peu dans la même veine que le premier, mais des titres comme le single Tom top! font un peu la transition avec Am I your new toy, enregistré en août-septembre et sorti en octobre 1981.

Ce troisième et ultime album est mon préféré de Zero et je le considère comme le véritable successeur de Tolv sånger på Amerikanska. Leurs points communs sont des paroles entièrement en anglais, contrairement aux deux premiers Zero, et des thématiques de chansons sur la technologie, les machines, la modernité. Les deux disques ont aussi une photo de face de Robert en pochette.
La grande différence entre les deux albums, c'est que Tolv sånger på Amerikanska était un album enregistré en groupe et largement acoustique, tandis  que Am I your new toy est littéralement un album solo de Broberg (aucun autre musicien n'est mentionné) et qu'il est plutôt synthétique. Il se crédite aux voix et aux effets vocaux parce qu'il y a effectivement plein d'effets tout au long du disque, des bruitages, des accélérations, des ralentissements... A ce titre, on peut considérer que c'est l'album new wave de Robert Broberg.

L'album est compact et d'excellente tenue de bout en bout.
Il s'ouvre avec une excellente séquence, Johnny Surprise, dans la veine des Nits époque Tent, You make it happen (1 + 2) et Am I your new toy, avec une rythmique faite d'effets vocaux et un tout petit bout de solo façon Snakefinger.
Il y a une petite baisse de régime avec To climb the ladder of hope, mais la première face se termine sur un ton guilleret avec Jump & dance & hope & hope, avec un chant qui, comme ça arrive régulièrement avec Broberg, me rappelle Alig de Family Fodder.

Ça n'a rien à voir avec leur obscurité Let's go, mais le Let go! de Zero m'a fait penser au Devo synthétique de Freedom of choice et des albums suivants.
La rythmique de base de Your clothes talk est un bruitage qui ressemble au son d'une balle de ping pong sur une table. Ça fonctionne bien ! Lucky me ! a une rythmique vaguement reggae, comme I wanna be a machine, mais aussi un air plutôt country, avec encore des bruitages. C'est léger et excellent.
L'album se clôt avec sa chanson la plus longue, Robot out in universe. C'est un robot qui se prétend humain, qui indique croire en Dieu et qui implore qu'on ne le traite pas comme une machine. Je ne suis pas sûr que ça reste longtemps de la science fiction.

D'autres albums de Robert Broberg ont été réédités en CD, mais pas celui-ci et c'est bien dommage. On trouve le vinyl d'occasion pour pas cher, mais c'est les frais de port qui sont désormais prohibitifs.

21 février 2025

JUNIOR KELLY : Go down Satan


Acquis à la Bourse aux disques de Tours-sur-Marne le 9 février 2025
Réf : [sans] -- Édité par Font Page en Jamaïque en 2000
Support : 45 tours 17 cm
Titres : JUNIOR KELLY : Go down Satan -/- FRONT PAGE GROUP : Rhythm

Dans l'année, il y a très peu de bourses aux disques dans le secteur d’Épernay, mais il se trouve que ce mois-ci il y en a eu deux à une semaine d'écart : la désormais traditionnelle bourse BD-Disques de BD-Bulles le 2 à Épernay, et la première organisée par l'association Familles Rurales à Tours-sur-Marne le 9.

Je n'ai pas fait d'emplettes géniales (je reviendrai prochainement sur une "perle" trouvée à Épernay), mais j'ai quand même acheté quelques disques sur deux stands à Tours. D'abord un 45 tours du Sri Lanka Police Reserve Hewisi Band, à la pochette et au nom prometteurs, mais malheureusement la musique, comme le titre l'annonçait, consiste simplement en percussions traditionnelles. A l'autre stand, j'ai trouvé deux albums en assez piteux état mais à 1 €, et surtout il y avait une boite de 45 tours à 50 centimes. Assez vite, j'ai repéré ce qui était visiblement un 45 tours jamaïcain. Puis un autre. Au bout du compte, il y en avait une dizaine, certains sans même une pochette neutre en papier blanc, mais je les ai tous pris, par peur de rater quelque chose d'intéressant, et surtout parce que je ne tombe plus souvent sur des lots de disques.

Je m'étais déjà fait la remarque : les machines servant à imprimer les étiquettes de rond central à Kingston n'ont pas dû être changées depuis les années 1960. De prime abord, les étiquettes de mes 45 tours paraissent anciennes, floues et de mauvaise qualité, alors que ces disques sont parus au début des années 2000. Il n'y a parfois que la mention d'un email ou d'un site web qui signale que ce n'est pas une sortie une trentaine d'années plus tôt.
Et il y a besoin d'en imprimer des étiquettes, tant la production de reggae est délirante. J'ai été surpris de voir que Junior Kelly, dont je n'avais jamais entendu parler, a sorti plus de 200 45 tours selon Discogs ! Et encore, c'est un petit joueur : rien que parmi mes achats du jour, Galaxy P en a aussi plus de 200, Anthony Red Rose plus de 300 et le record est pour Capleton à 878, dont 3 qui figurent dans le lot que j'ai acheté.

Ce 45 tours est le premier que j'ai écouté de la pile et au bout du compte c'est mon préféré du lot.
L'immense productivité du reggae jamaïcain est facilitée par une pratique bien ancrée : l'utilisation de riddims, c'est à dire la séquence de base d'une chanson, pour en créer de nouvelles. Une pratique à la base notamment du style dancehall.
Par exemple, le plus grand succès de Junior Kelly, Love so nice, utilise le riddim de Stir it up de Bob Marley.

Autant de nombreux enregistrements ragga, dont plusieurs dans mon lot, incorporent des sons électroniques, autant Junior Kelly fait partie de ceux qui sont plutôt restés fidèles au son roots du reggae.
Go down Satan est une chanson bien entraînante. Je ne comprends pas les paroles, mais j'imagine que la thématique est cousine de celle du Chase the devil de Max Romeo. Il s'était déjà intéressé plus au moins à ce sujet en 1996 avec Go to Hell, un titre surprenant car c'est une valse !

Le riddim utilisé pour Go down Satan, c'est Please be true par Alexander Henry, un titre paru en 1969 chez Studio One, dont les enregistrements sont la source d'un grand nombre de riddims. Je ne connaissais ni la chanson ni son interprète, mais on recense 77 enregistrements utilisant ce riddim !
Si on compare l'instrumental du disque original, Please be true version par Sound Dimension, et celui en face B de mon 45 tours, Rhythm par Front Page Group, on se rend compte que Junior Kelly est resté proche dans l'esprit du son original.
Je n'ai pas passé en revue toutes les différentes versions de riddim, dont plusieurs ont été publiées par Studio One, qui fort logiquement ne s'est pas privé de "piller" ses propres productions. Pour montrer l'évolution au fil des années, on peut juste écouter West gone black par Jah Jesco et sa version en face B, qui l'adapte au son de 1975.

Ce disque encapsule donc à lui tout seul un bon bout de l'histoire du reggae. Il n'y a pas d'autre bourse aux disques qui se profile à l'horizon près de chez moi mais, avec le printemps qui s'annonce dans quelques semaines, j'aurai peut-être l'occasion de faire bientôt de nouvelles trouvailles en vide-grenier.

A écouter :
Front Page Group : Rhythm


15 février 2025

VIGON : Popcorn popcorn


Acquis d'occasion dans la Marne probablement dans les années 2000
Réf : 640 005 -- Édité par Egg en France en 1970
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Popcorn popcorn -/- Frozen steak "popcorn"

J'ai déjà parlé ici de la vague Popcorn initiée par James Brown. C'était à l'occasion de la chronique du Dance the popcorn de Vic Upshaw. J'ai aussi déjà chroniqué un disque de Franz Auffray, un neveu d'Hugues, sous le pseudonyme du Synthetic Cha Cha Band. J'y mentionnais qu'il avait produit avec Sam Choueka (le Sam du tube Alors ça va) tout un album consacré à cette danse, le désormais très recherché Original popcorn). Cet album est sorti sur Egg, un label de Barclay créé en 1969 par Franz Auffray. Sur ce même label, au même moment ou bien juste après, est sorti ce 45 tours crédité à Vigon, où l'on trouve des versions de deux des compositions de l'album.

Intéressons-nous d'abord à l'album, qui je pense est venu d'abord.
Il y a très peu de crédits. La production est de Franz Auffray, la moitié des titres est co-signé par Sam Choueka. Le groupe Cruciferius, également signé chez Egg, aurait participé à l'enregistrement, ce qui veut dire qu'on entend Bernard Paganoti (futur membre de Magma) et François Bréant (futur pilier du groupe de Lavilliers, entre autres) sur cet album recherché pour ses "breaks" par de nombreux échantillonneurs. Il se dit que l'album aurait été enregistré en une nuit, pourquoi pas, et qu'on y entendrait aussi Vigon au chant. Ça, j'en doute, je pense qu'il y a confusion avec le 45 tours.

On a trouvé bon d'ajouter sur la pochette du 45 tours la mention  "Version originale" pour Popcorn popcorn de Vigon. C'est souvent louche, voire mensonger. Je pense que la version album de Popcorn popcorn est la première (Le titre d'ouverture, Popcorn Popcorn hey hey hey eat some popcorn every day n'est pas en ligne, je ne sais donc pas si c'est exactement la même composition).
La bande instrumentale et les chœurs sont identiques sur les deux versions, même si le mixage est différent. La version du 45 tours s'interrompt après 3'50, celle de l'album continue encore trois minutes. Et surtout, le chant est différent.
Sur l'album, le chanteur se fait remarquer par un rire maléfique et de grands cris d'horreur. Vigon, lui, ça s'entend, a une voix de chanteur de rhythm and blues. Je peux me tromper sur toute la ligne, mais si je devais parier, je dirais que c'est Sam Choueka qui chante sur l'album.
Dans les deux cas, c'est plein d'énergie, avec notamment une batterie très sèche, et c'est excellent.

La face B du 45 tours, Frozen steak popcorn, est un instrumental strictement dans la même veine. Là encore, à part un retour au début après dix secondes, l'enregistrement est le même que l'une des pistes de l'album. Sauf que, sur l'album, Salted popcorn est chanté, par le même chanteur que pour Popcorn popcorn. Ce qui tend à confirmer qu'il ne s'agit pas de Vigon, car je suppose que si le label avait disposé de deux titres chantés par Vigon, il les aurait mis tous les deux sur le 45 tours.

Concernant Vigon, une affiche de concert partagée par des fans de musique rémois me fait rêver depuis quelques temps :



J'avais six ans à l'époque le 13 avril 1969, ça ne risquait pas, mais j'aurais bien aimé assister à ce super festival de Rythm' and Blues, dans un village du vignoble à une quinzaine de kilomètres de là où j'habite aujourd'hui. Et quelle organisation de la part de Jean-Pierre et René, avec la navette en car gratuite depuis Reims. Et le groupe local Le Soul Set, soutenu par la Boutique Randall, "fer de lance de la mode"...!

Vigon, c'est un nom que je connaissais depuis longtemps, réputé chez les collectionneurs de disques. C'est notamment pour ça que j'ai acheté ce 45 tours. Mais il n'était pas nationalement célèbre, en tout cas pas avant sa participation en 2012 au télé-crochet The voice. A la suite de quoi, en trio avec Erick Bamy et Jay, il a eu un grand succès en 2013 avec l'album Les Soul Men. J'ai essayé d'écouter leur version de Les moulins de mon coeur de Michel Legrand, mais ce n'est vraiment pas ma tasse de thé.