03 août 2021

ÉMILE VACHER : Elle aime les nègres


Acquis sur le vide-grenier d'Orconte le 25 juillet 2021
Réf : 250.464 -- Édité par Odéon en France en 1933
Support : 78 tours 25 cm
Titres : Elle aime les nègres -/- Mon beau mâle

On est en août et, j'ai vérifié, c'est le premier disque acheté sur un vide-grenier cette année que je chronique. Cette petite brocante de village familiale et sympathique n'était pas ma première de l'année, mais les fois précédentes, j'en suis reparti soit bredouille, soit sans rien de vraiment intéressant. Je ne risque pas de faire une sélection de Mes grandes trouvailles de chine cette année !
Là, l'antiquaire du coin, plutôt sympathique, qui avait quelques 33 tours sans intérêt, a essayé de me refiler pour pas cher son petit tas de 78 tours. Je me suis contenté d'en extraire deux disques, mais j'ai regretté qu'il ait réussi à vendre tout son lot de 45 tours à un précédent client.

Je connais Émile Vacher (1883-1969) de réputation, et notamment son importance dans le développement du musette, mais c'est bien sûr avant tout pour le titre de sa chanson principale que j'ai sélectionné ce disque.

L'hiver dernier, j'ai fait l'acquisition du CD Colonies de la collection Chansons Actualités de Promo Sound, paru en 2003. Le principe de cette collection est d'associer une collection thématique de chansons à des extraits d'actualités sonores de l'époque.
Pour vous donner une idée du contexte, voici l'un des bobinots d'actualité qu'on y entend :

Au vu de la sensibilité du sujet, les notes de pochette prennent leurs précautions et leur distance :
"Cette floraison de refrains exotiques a donné naissance à d'authentiques petits chefs-d’œuvre (...), mais aussi, il faut bien le reconnaître, à quelques rengaines dont le racisme et le mauvais goût, pour débonnaire qu'ils se voulussent, n'était pas absent."

On trouve sur cette compilation des titres comme La biguine de Dranem, Un petit négro de Michel Simon, Il s'appelait Bou-Dou-Ba-Da-Bouh de Félix Mayol ou Le grand voyage du pauvre nègre d’Édith Piaf. On n'y trouve pas Elle aime les nègres, mais cette chanson y aurait eu toute sa place, et bien sûr les pincettes à prendre avec ses paroles sont identiques :

"Elle aime les nègres, les gras, les maigres
D'vant les trapus aux ch'veux crépus j' n'existe plus
Elle devient folle, perd la boussole
Elle gaspille pour eux tout mon fric ce n'est pas chic
Dès qu'l'un s'avance, c'est d' la démence
Pour s'faire comprendre elle leur dit "Goodbye and cheerio"
Elle joue du torse, le prend de force
C'est idiot mais elle est dingo des négriots
"

Sur ce disque, "l'accordéoniste virtuose" Émile Vacher est accompagné par son orchestre musette et par son pianiste de prédilection Jean Peyronnin. Si on arrive à faire abstraction des paroles, on peut apprécier la partie instrumentale de ce titre et se rendre compte que, tant au niveau de l'interprétation que des arrangements et de la qualité technique, c'est carrément excellent, digne du meilleur du jazz Nouvelle-Orléans ou des biguines.

Sur la face B, Mon beau mâle est une valse (chantée par une femme...). Là encore, l'instrumentation, excellente, a bien mieux vieilli que les paroles.

Ce disque est "historique", mais pas d'une époque si ancienne que ça, puisqu'il est sorti l'année de naissance de mon propre père. Et malheureusement, les chansons racistes n'ont pas disparu avec les années 1930 ni avec les colonies. Dans le n° 333 de Mojo daté d'août 2021 Brown sugar des Rolling Stones (1969) est qualifiée de "racialised colonialist rape fantasy" (en 1995, Mick Jagger a indiqué qu'il "n'écrirait plus cette chanson maintenant").

Avant de vous quitter, je me dois de vous avertir solennellement : Elle aime les nègres est une chanson efficace qui reste bien en tête. Méfiez-vous, il y a un risque marqué après écoute de vous retrouver à la fredonner à voix haute dans des endroits publics !

A écouter :
Émile Vacher : Elle aime les nègres
Émile Vacher : Mon beau mâle


En 2019 est sortie la compilation double-CD 50 titres (dont 15 inédits) Émile Vacher, créateur de la valse musette et de la java.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

ah ben là je me suis demandé comment le père dodu allait s'en tirer en commentant ce saucisson franchouillard bien gras et ma foi père dodu tu t'en tires bien et i est vrai que la musique est vraiment réussie et entêtante, pour un peu ça pourrait venir du bayou (bon d'accord en ayant forcé un tantinet sur le beaujolpif). Pour les paroles le parallèle avec brown sugar met bien les choses en perspective, en 33 comme en 2021 il faut savoir garder ses distances en laissant les auteurs responsables de leurs créations. je ne connaissais pas et l'air est vraiment bon ph