01 septembre 2019

ARTISTE INCONNU : Titres inconnus (Tepnimit 333-336)


Acquis chez Récup'R à Dizy le 14 août 2019
Réf : Tepnimit 333-336 -- Édité par Tepnimit au Cambodge sûrement dans les années 1960
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Inconnu (Déception ?) (Tepnimit 333) -- Inconnu (Bonne nuit ?) (Tepnimit 334) -/- Inconnu (Sans fil, Lever du soleil ?) (Tepnimit 335) -- Inconnu (Annonce ?) (Tepnimit 336)

A le ressourcerie le 6 août, outre les deux disques de Hong Kong, j'avais trouvé deux disques du Cambodge, l'un avec pochette de Mao-Sareth et l'autre sans pochette sur le label Tepnimit, mystérieux parce que, ne lisant pas et ne comprenant pas le khmer, la seule indication sur les étiquettes que je suis en mesure de comprendre est celle en français, pas très utile dans ce contexte puisqu'elle prévient que "L'utilisation de ce disque pour les auditions radiophoniques est interdite".
Les jours suivants, j'ai commencé à avoir des regrets : j'avais certes parcouru toutes les boites où il y semblait y avoir des nouveaux arrivages, mais de façon très rapide. J'avais certes trouvé un bon paquet de disques, mais j'avais le sentiment d'en avoir peut-être laissé passé quelques autres, tout aussi intéressants.
Alors, dès que possible, la semaine suivante, on y est retourné, et j'ai passé systématiquement en revue tous les 45 tours. Il n'y avait visiblement pas eu de disques ajoutés entre-temps, mais mon intuition était bonne : entre quelques 45 tours folkloriques allemands, j'ai fini par trouver un EP de Tahiti que j'ai cru ne pas avoir (en fait, je l'avais, mais avec une pochette différente...) et juste à côté trois autres 45 tours du Cambodge, deux de la très grande vedette Sinn Sisamouth (Fleur de vientiane, avec pochette, et Aurevoir Hong Kong, sans) et un autre du label Tipnimit, que je vous présente aujourd'hui.
Il y a un évidemment quelque chose de poignant lié à tous ces disques, qu'il est impossible d'évacuer à leur écoute : la plupart de ces artistes ont disparu et ont été tués entre 1975 et 1979 pendant le régime des Khmers Rouges, dont ils figuraient parmi les cibles privilégiés, en tant qu'acteurs d'une culture occidentalisée.
De nombreux enregistrements ont également été détruits ou ont disparu dans cette période ou depuis. Le monde du rock au sens large a commencé à les redécouvrir au fil des années, depuis notamment la parution en 1996 de Cambodian rocks, une compilation de titres de la fin des années 1960 et du début des années 1970 influencés par le son psychédélique et garage de l'époque. Mais mes disques sont plus anciens que ça et sont presque tous plutôt influencés par la variété internationale.
Tepnimit est un label qui doit exister au moins depuis les années 1950. J'imagine qu'il a édité des dizaines et plutôt même des centaines de disques, mais on n'en trouve actuellement que trois sur Discogs, dont deux crédités à l'orchestre maison Tepnimit Orchestra. Ailleurs en ligne on trouve juste quelques autres références éparses. Je n'ai vu aucune discographie du label digne de ce nom.
Pour en savoir un peu plus sur mes disques Tepnimit, j'ai lancé un appel sur Twitter à des gens qui s'intéressent à la musique cambodgienne. J'ai même interrogé un collectionneur sur Discogs, mais je n'ai eu aucune réponse.
J'ai donc essayé de me débrouiller tout seul comme un grand et, à partir des étiquettes scannées, j'ai fait de la reconnaissance de caractères, puis je suis allé chez Google Translate pour essayer d'en tirer quelque chose.
Dans le lettrage en haut du label il y a peut-être les mots "Lundi", "Res" et "Frère". J'ai bien l'impression qu'il n'y a pas de nom d'artiste, mais juste la mention "Artistes kmers" ou "Danse khmère" ($ចារំក្បាច់ខ្មែរ transcrit en cha rom kbach khmer).
Je préfère de toute façon indiquer jusqu'à plus ample informé que l'artiste et les titres de ce disque sont inconnus, mais j'ai peut-être quelque chose d'un peu plus tangible pour les quatre titres :
ça pourrait donner, par ordre d'apparition :
  • Matrice 333 : Déception (ុះគបញាំក់ transcrit en oh k b nhoam k)
  • Matrice 334 : Bonne nuit (រាត្រីត្រហំ transcrit en reatrei tr ham)
  • Matrice 335 : Sans fil, Lever du soleil (ស័្មវ៉ៃហ្ម័, ឃំន្ទើថ្ងែស្រំ transcrit en sa m vai hm, khom nteu thnge srom)
  • Matrice 336 : Annonce (ររំគែន transcrit en r rom ken)
A défaut d'informations fiables, le mieux dans ce cas est de laisser la musique parler pour elle-même et de l'écouter "à la sourde". C'est ce que j'ai fait, et j'ai pris une énorme claque à l'écoute du premier titre de ce disque.
Comme je l'ai dit, mes autres disques cambodgiens sonnent plutôt variétés, avec un aspect sentimental fort marqué, que la chanson soit en solo ou en duo. Là, la tonalité est plus acoustique et n'a rien à voir avec la variété. Le disque s'ouvre avec ce qui sonne comme... de l'accordéon ! Puis arrive une basse, mais c'est une basse sur deux notes, acoustique, qui sonne surtout comme ces basses à bassine (Wahstub bass) des jug bands américains.
Il y a à un moment une longue partie instrumentale, avec deux instruments solo qui se succèdent, l'un à cordes frottées façon violon (un tro, j'imagine), puis l'accordéon. Quant au chant, c'est celui d'une femme en solo (elle chante sur les quatre titres), et là il est déchiré. On a l'impression d'avoir à faire à une hurleuse de blues, et le titre Déception correspondrait bien à ce genre de sentiment. Au final, il y a bien des tonalités asiatiques, mais on pourrait tout autant se croire sur les rives du Mississippi que sur celles du Mekong.
C'était tellement surprenant que j'ai sollicité sans lui donner d'indications l'avis de Philippe R. pour vérifier que je ne délirais pas complètement. Et lui aussi a évoqué les cajuns de Louisiane et le Québec...
Le deuxième titre est plus lent, avec la même basse et aussi un son de cloche et des instruments à cordes, plutôt dans la famille du luth il me semble. C'est très bien également. Je ne sais pas s'il est vraiment intitulé Bonne nuit, mais en tout cas ce n'est pas une berceuse.
Le troisième titre m'a presque autant marqué que le premier, la surprise en moins. Il y a plus de percussions, avec une sorte de gong, et le début sonne presque comme de la musique russe au balalaïka ! La basse minimale est toujours présente. Le refrain en "La la la la, la la" avec des chœurs en fait presque une chanson pop.
Pour le quatrième titre, on retrouve l'instrument à cordes frottées avec des percussions minimales, peut-être juste des claquements de main. Le chant est une sorte de mélopée ou une incantation, à rapprocher du possible titre Annonce. C'est le titre qui sonne le plus comme de la musique traditionnelle, même si j'imagine que tous en sont.
J'espère que les informations sur ce disque pourront être complétées par les lecteurs de cette chronique. En tout cas, ce mystérieux 45 tours de folk-blues cambodgien est une très belle découverte.

A écouter :
Tepnimit 333
Tepnimit 334
Tepnimit 335
Tepnimit 336




2 commentaires:

Anonyme a dit…

J ai bcp écouté le 1er morceau et je cherche trs à identifier l'instrument qui joue derrière l'accordéon dans la partie instruentale. C'est bien un instrument soufflé et pas à corde. J'opte pour un instrument à anche. Certainement un instrument typique de l'asie. Si quelqu'un pouvait éclairer ma lanterne...C'est effectivement très très bien et plus encore Ph

Hectorvadair a dit…

Excellent. et effectivement étonnant. Merci du partage.