16 septembre 2018

NADA KENTJANA : Euis


Offert par Philippe R. à Nantes le 14 août 2018
Réf : RBL-101 -- Édité par Bali en Indonésie en 1962
Support : 33 tours 25 cm
8 titres

Philippe a fait un peu de ménage dans ses disques et, dans quelques grands sacs prêts à partir, j'en ai trouvé plusieurs qui m'intéressaient, dont deux 25 cm indonésiens du début des années 1960. Comme la K-pop ou mon 45 tours cambodgien de Chhun-Vanna & Im-Song-Soeum, ces disques tentent de façon intéressante d'associer sons "occidentaux" de pop et de rock et musiques locales.
L'autre disque, très bien également, est de Lies Embarsari & Zaenal Combo (on peut en écouter un extrait ici), mais j'ai choisi de vous présenter ce premier album de l'Orchestre Nada Kentjana. Les deux formations sont originaires de l'Ouest de l'île de Java, une région dont la capitale est Bandung et dont les habitants parlent principalement le sundanais.
Il y des notes de pochette assez détaillées au dos du disque. J'ai pris la peine de les recopier et de les faire traduire en anglais, puis en français. Comme souvent sur les disques de cette époque, c'est plus gentillet qu'informatif, mais voilà ce que ça donne :
"Au début de 1961, dans la ville de Bandung, s'est tenue une fête musicale des plus animées. Le programme de cette soirée était composé de trois orchestres. L’orchestre d’Eddy Karamoy, l’orchestre d'Idris Sardi, venu spécialement de Djakarta, et l’orchestre Nada Kentjana, déjà reconnu et apprécié par la population de Bandung. Outre le jeu de violon d'Idris Sardi, les passages de guitare d'Eddy ont imprégné et animé l’ambiance de l’immeuble Nusantara, rempli de spectateurs, et les jeunes joueurs de la Ville des Fleurs, l'Orchestre Nada Kentjana, qui ont chanté des chansons spécifiquement sundanaises, ont captivé le public et remué de vieux souvenirs.
Les chansons qu'ils chantent sont anciennes, des chansons populaires du Priangan, comme Ungang angge, Tongtolang Nangka, Ajang Gung, Toketjang, Tilil Dog Tjelentong et Leui Leuleujang. L'Orchestre Nada Kentjana les mélangent et les retravaillent pour en donner une version musicale qui correspond au goût du jour.
Les parents et ceux qui viennent de la région du Priangan sont d'abord surpris quand ils entendent la chanson, et ensuite cela leur rappelle des souvenirs d'enfance, et toute la chaleur de la famille et des voisins.
L’une des nouvelles chansons qui a conquis le cœur des jeunes est Euis. Lagunja peut facilement être amusant et réaliste. Pendant 4 à 5 semaines, la chanson Euis a occupé la première place et les fans ont réclamé en masse cette chanson qui a été le choix du public dans l'émission musicale diffusée par le studio RRI de Bandung.
Anna Susanti, Atun et Mamah sont les trois chanteuses qui entourent et animent l'Orchestre Nada Kentjana, avec l'aide du chœur Prianja. Tous, y compris le chef Moch. Jassin, sont en formation. Certains sont inscrits dans l'une des facultés de Bandung, d'autres sont encore au lycée.
Le LP Euis qui est devant vous maintenant est le premier enregistré par l'Orchestre Nada Kentjana. Ses titres sont déjà bien connus de ceux qui écoutaient souvent les émissions de RRI BANDUNG et de Radio AURI à Djakarta.
Bonne écoute."
C'est dans une thèse soutenue en 2014 par Indra Ridwan à l'Université de Pittsburgh que j'ai trouvé le plus d'informations sur Nada Kentjana. Le mémoire s'intitule The art of the arranger in Pop Sunda, Sundanese popular music of West Java, Indonesia.
On y trouve cette définition, "Pop Sunda is modern commercial popular music in the Sundanese language accompanied by primarily Western instruments. The music blends traditional Sundanese and Western musical elements.", et, page 38, un chapitre entier sur Mohammad Jassin, fondateur, chef, arrangeur et guitariste de Nada Kentjana.
On apprend notamment que le groupe a enregistré 52 titres entre 1961 et 1965, dont 60 % de chansons pour enfants ("Their repertoire consisted mainly of Sundanese children’s songs, arranged and performed in a new style following music trends popular at that time.").
Initialement, le groupe s'appelait Golden String, mais, suivant la politique du Président Soekarno instruction de privilégier les références indonésiennes plutôt qu'occidentales dans la culture, le groupe a traduit son nom.
Comme indiqué dans les notes de pochette, le groupe était composé de jeunes en formation. Quand il a eu fini ses études en 1965, Mohammad Jassin a délaissé la musique pour sa carrière d'ingénieur en hydraulique. 
Euis est donc le premier succès du groupe. On en trouve les paroles page 55 de la thèse d'Indra Ridwan. Fort logiquement, il donne son titre à l'album et en fait l'ouverture. Il y a un chœur d'hommes et trois chanteuses qui lui répondent. L'ensemble sonne presque comme ces disques de Tahiti que j'aime beaucoup.
J'aime aussi beaucoup Eteh, ainsi que Utgang angge, avec son intro à la guitare qui sonne très sixties et ses imitations d'aboiements de chien. En fin de face A, j'ai particulièrement apprécié le petit solo de guitare un peu hésitant de Tongtolang nangka.
Sur la face B, le premier titre Ajang gung a une intro lente et sonne un peu afro-cubain à mes oreilles, tandis que le suivant, Toketjang, est bien entraînant.
Ce qui est très bizarre avec les deux derniers titres, c'est qu'on entre presque dans un territoire de country à la Johnny Cash. Pour Tilil dog tjelentong, je pense aux chansons de train de Cash et je trouve le chant féminin intéressant. Ce qui est surprenant avec Leui leuleujang, c'est qu'il y a une intro et base rythmique très country, qui reprend sauf erreur de ma part l'accroche de Raunchy de Bill Justis, mais que c'est associé ensuite avec un chant presque lyrique.
Voilà une preuve de plus qu'on trouve de l'excellente musique dans tous les coins de monde, et c'est intéressant de savoir que ces chansons sont à la base des comptines traditionnelles arrangées au goût du jour. J'en suis à me dire que Philippe a sûrement écouté ses disques un peu trop vite, mais je suis bien content qu'ils aient rejoint mes étagères !

De nombreux titres de Nada Kentjana sont disponibles en téléchargement sur Madtrotter-Treasure-Hunt, le blog d'un hollandais installé en Indonésie depuis 1996.

Nada Kentjana : Utjang angge.
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Nada Kentjana : Tilil dog tjelentong.
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Nada Kentjana : Leui leuleujang.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Non, j'avais bien relevé des choses intéressantes dans ce disque mais je savais que tu trouverais des infos et liens qui les feraient encore sonner et résonner dans les foyers. Je suis donc comblé.La musique ne doit pas rester enfermée non? Tu connais mon peu de goût pour les collections quant elles sont à l'abri de tous les regards et jalousement gardées.Ce blog est un exemple de ce que tout collectionneur pourrait faire: partager sa passion.

debout a dit…

J'ai écouté l'extrait du Lies Embarsari & Zaenal Combo, excellent, je ne sais où le guitariste a appris son instrument mais le moins que l'on puisse dire c'est qu'il était diablement en avance sur son temps et ne dépareillerait pas sur certaines scènes actuelles... EXCELLENT !

Pol Dodu a dit…

Les deux disques sont très intéressants. J'ai eu du mal à choisir lequel chroniquer (Je ne voulais pas faire les deux, en tout cas pas tout de suite). J'ai choisi Nada Kentjana parce qu'ils ont sorti moins de disques et parce que j'ai trouvé des infos intéressantes, mais j'aime aussi beaucoup le Zaenal Combo.