29 décembre 2016
PASCAL COMELADE : Stranger in paradigm
Acquis chez Musique Action à Vandoeuvre le 26 mai 2006
Réf : 0630 -- Édité par Vand'Oeuvre en France en 2006 -- n° 179/1000
Support : 33 tours 25 cm
6 titres
La simultanéité des parutions est apparemment accidentelle, mais l'heure est au bilan pour Pascal Comelade en cette fin d'année 2016, avec la sortie d'un coffret, Rocanrolorama, et d'un livre de Pierre Hild, Pascal Comelade : Une galaxie instrumentale.
Rocanrolorama est sous-titré Le luna-park métaphysique. Deux coffrets de quatre CD avaient déjà été publiés en Espagne, Bar electric en 2006 et La catedral d'escuradents en 2009, mais Rocanrolorama fait encore plus fort. Pour ce "résumé de l'intégrale revisitée", Pascal Comelade a, sur une période de plusieurs années, réécouté l'ensemble de sa foisonnante production depuis 1974. Il a sélectionné 165 titres, parmi lesquels de nombreuses raretés et quelques inédits en studio ou en concert. Quand il l'a jugé nécessaire, certains titres ont été retravaillés, voire au moins en partie réenregistrés.
Le tout est un régal, pour le fan de longue date de Comelade aussi bien que pour celui qui souhaiterait découvrir son parcours. Avec six CD pour moins de quarante euros, ce coffret en édition limitée à 1000 exemplaires est aussi d'un rapport qualité-prix imbattable !
Le livre de Pierre Hild, un beau cadeau de mon ami Philippe C., accompagne parfaitement l'écoute du coffret et complète les propres Écrits monophoniques submergés de Pascal Comelade. Mieux qu'une biographie, c'est un regard complet sur son parcours musical, sur la base d'un traffic d'entretiens entre les deux hommes, dont de nombreux extraits sont donnés en verbatim.
Pascal Comelade a l'habitude de réfléchir sur son propre travail et il le fait généralement d'une façon clairvoyante, sans forfanterie ni pédanterie. Ça donne une lecture réjouissante, avec de nombreux éclairages sur les multiples projets d'un musicien paradoxal. Je crois que c'est l'une des choses qui me fascine et continue de m'étonner chez Pascal Comelade, rocker revendiqué et fin connaisseur des musiques de populaires de Catalogne. Quelqu'un qui explique qu'il préfère enregistrer seul chez lui, mais qui au bout du compte multiplie les collaborations et les projets, avec des peintres, des musiciens, des poètes, qui peuvent l'amener un jour à jouer dans une institution parisienne, un autre dans le foyer laïque ou l'église d'à côté, voire sur une estrade de la Fête de la Musique laissée trop longtemps libre ou dans un musée ou une galerie d'art contemporain.
Il a aussi un sens de la formule très marqué, repéré de longue date dans le choix de ses titres, et qui s'exprime très souvent ici : à propos de El Sordo (Le Sourd), mystérieux vocaliste sur You're never alone with a schizo, un titre de l'album enregistré avec The Limiñanas Traité de guitarres triolectiques (à l'usage des portugaises ensablées), il explique que c'est "un imitateur de The Phantom qui chanterait du braille en yaourt".
A ce propos, un contributeur sur Discogs note que Marche funèbre pour les funérailles d'un grand homme sourd est noté dans le livret du coffret, mais absent sur le disque correspondant. Il n'a pas dû suffisamment tendre l'oreille, sinon il aurait perçu l'hommage à Alphonse Allais ainsi rendu.
Ces deux publications constituent bien sûr une sorte de bilan, mais un bilan provisoire car le feu follet Comelade poursuit ses aventures, avec des concerts dessinés, un projet de disque avec Pau Riba, un album inédit qui devrait contenir Ze Bob Birman Sinfonia, fruit d'une collaboration autour de Bob Dylan avec les birmans de Saing Waing,...
L'une des dernières aventures contées dans le livre est celle de l'inauguration de la rue Jimi Hendrix à Passa, dans les Pyrénées Orientales, en présence de la sœur du musicien. Pascal Comelade a joué pour l'occasion Purple haze avec une fanfare et il précise modestement que, dans ce lotissement dont les rues portent toutes le nom de musiciens, il y a aussi une rue Pascal Comelade, une "petite artère en impasse".
Pour fêter tout ça, j'ai pioché dans mes étagères ce beau 25 cm qui a déjà presque dix ans. C'est aussi une façon de rendre hommage à Dominique Repécaud, qui dirigeait le festival Musique Action à Vandœuvre-lès-Nancy et qui est mort en novembre dernier. Musique Action a démarré en 1984, à la suite du Festival Musiques de Traverses de Reims. Une bonne occasion de proposer une deuxième date pendant le long week-end de l'Ascension aux groupes qui se déplaçaient à Reims. Mais le festival nancéen a largement survécu à son grand frère rémois et s'est développé au fil des années, proposant une programmation à la fois expérimentale et aventureuse, suffisamment variée pour que je m'y rende par deux fois, voir Pascal Comelade, Pere Ubu et aussi Eugene Chadbourne le 26 mai 2006 et Howe Gelb puis Giant Sand les 4 et 5 juin 2011.
C'est le Centre Culturel André Malraux, qui organise le festival, qui a aussi lancé le label Vand'Oeuvre pour le documenter discographiquement. Il n'est pas étonnant que, à l'occasion de sa venue au festival en 2006, Pascal Comelade ait ajouté son nom au catalogue du label : en plus d'avoir longtemps publié ses disques sur un label nancéen, Les Disques du Soleil et de l'Acier, il a enregistré des titres par dizaines au studio du Centre Culturel André Malraux, et s'est sûrement produit plusieurs autres fois au festival, notamment le 7 mai 1992 (on retrouve dans Rocanrolorama une version d'Egyptian reggae enregistrée ce soir-là).
Je suis revenu ce week-end là de Nancy avec non pas un exemplaire de ce disque, mais trois, puisque les amis Olrik et Dorian Feller m'avaient passé commande avant mon départ.
Stranger in paradigm est un disque très rocanrol, même si ce mini-album n'a rien à voir avec la piste du même titre sur l'album de 2007 Mètode de rocanrol.
I love Joan Jett est le seul des titres qui avait été précédemment édité en France, mais c'était sur un livre-CD à diffusion très limitée, à l'occasion des dix ans du Festival International du Disque et de la Bande Dessinée de Perpignan, en 1999. C'est un medley de tubes de rocanrol (je vous laisse essayer de les reconnaître). Comelade y revient régulièrement, notamment lorsqu'il fait ses grands Rififi avec plein de guitaristes. Une version complétée en 2015 avec The Limiñanas, créditée à La Metropolina del Riff, est sortie en édition limitée.
Le seul original du lot est The blank invasion of schizofonics bikinis, un excellent titre de l'album Psicotic music' hall. Pascal Comelade y joue de tous les instruments sauf de la batterie, y compris donc une ligne de basse élastique et peut-être synthétique et de la guitare saturée.
Avant ça, on a droit à une version de 2003 de Sheena is a punk rocker des Ramones, différente de celle qu'on trouve sur Rocanrolorama. Comelade y est à l'accordéon, et étonnamment c'est un certain Ben Bolt qui est censé être au piano. Après avoir lu le livre, je pense bien qu'il s'agit là de l'un des multiples pseudo farfelus revêtis par Pascal dans les crédits de ses enregistrements.
Sweet little sixteen de Chuck Berry est ici dans une version enregistrée en concert à Barcelone en 1991.
Mother of Earth, à l'origine sur l'album Miami de The Gun Club, et Russian roulette, de The Lords of the New Church, sont deux titres que le Bel Canto Orquestra a souvent interprétés en concert. Ils ont d'ailleurs tous les deux été joués lors à Musique Action en 2006.
La version de Mother of Earth qu'on trouve ici est tirée de l'album Espontex sinfonia, édité uniquement en Espagne. Pour Russian roulette, il s'agit d'une version en concert de Pascal Comelade et le Bel Canto Orquestra, au Théâtre Gérard Philipe de Frouard, près de Nancy, le 5 mars 2005, avec pour l'occasion Dominique Répécaud à la guitare électrique.
C'est presque étonnant, mais il reste des exemplaires de cette édition originale limitée de Stranger in paradigm, en vente sur le site du Centre Culturel André Malraux.
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