30 décembre 2017

MORTIMER SHUMAN : Le lac majeur


Acquis d'occasion dans la Marne sûrement au 21e siècle
Réf : 6837 534 -- Édité par Philips en France vers 1978 -- Disque hors commerce - Vente interdite -- Offert par la Fromagerie des Chaumes
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Le lac majeur -/- Shami-sha

J'ai acheté ce disque en pensant que c'était l'édition la plus courante, celle qui s'est énormément vendue en France en 1972. Le recto de la pochette est strictement identique, mais il est précisé au dos que le disque est "Offert par la Fromagerie des Chaumes", dans le cadre d'une opération commerciale dont j'ignore tout si ce n'est qu'elle piochait dans le catalogue Philips. Quelqu'un chez Discogs a daté ce disque de 1978, sûrement à partir du numéro de catalogue, qui est différent de l'original.
Cette semaine, en plein réveillon, on s'est lancé dans un blind test familial, évidemment très nostalgique. Dès les premières notes de Le lac majeur, on a tous reconnu la chanson et on s'est mis à la chanter même si, comme c'était mon cas, on ne l'avait pas écoutée depuis des années. Il faut dire que nous avions à la maison l'album Amerika, dont ce 45 tours est extrait, et, contrairement à d'autres disques, il plaisait à toute la famille !
Je m'étais plongé à l'époque dans les notes de pochette de Jean-François Vallée au dos de l'album. Il y était question du parcours de Mort Shuman comme compositeur de tubes rock, notamment pour Elvis Presley. J'avais enregistré l'information, mais sans me rendre compte de l'importance de cette œuvre.
Aujourd'hui, avec le recul et en connaissant mieux l'histoire du genre, c'est plus clair, et on sait que Mort Shuman a bien mérité sa place au Songwriters Hall of Fame et au Rock & Roll Hall of Fame. Avec et parfois sans son compère Doc Pomus, Mort Shuman c'est quinze chansons pour Elvis Presley (dont Marie's the name (His latest flame), Viva Las Vegas et Surrender), c'est Save the last dance for me, et je pourrai m'arrêter là, ça suffit à inscrire nom dans l'histoire, mais c'est aussi Cant' get used to losing you, Sweets for my sweet, A teenager in love pour Dion et, alors que Shuman avait quitté les Etats-Unis pour s'installer à Londres, Sha la la la lee pour les Small Faces,...
Fasciné par Brel, il signe en 1968 les adaptations de ses chansons en anglais pour la comédie musicale Jacques Brel is alive and well and living in Paris. Son succès contribuera à le faire connaître aux anglo-saxons. Les versions par Scott Walker ou David Bowie reprendront le plus souvent les adaptations de Shuman. Pas mal tout ça, sachant que Mort Shuman n'avait encore que trente ans en 1968 !
Mais si vous parlez de Mort Shuman à un français (son prénom complet Mortimer figure sur la pochette de ce 45 tours et sur celle d'Amerika, mais c'est Mort qui est utilisé sur les rondelles et partout ailleurs), c'est sa seconde carrière, celle de compositeur-interprète qu'il connaîtra, celle lancée magistralement avec Le lac majeur, qui va se poursuivre tout au long des années 1970 et 1980, avec notamment Papa Tango Charly, Un été de porcelaine et Sorrow, la chanson du film A nous les petites anglaises.
Mais revenons au disque. Le lac majeur, c'est certes de la variété un peu grandiloquente, tant dans les arrangements de cordes que dans les paroles (d’Étienne Roda-Gil, la référence à Michel Bakounine me passait alors et me passe toujours au-dessus, même si on peut entendre des influences russes dans la musique), mais c'est avant tout une très belle chanson, lente, avec un refrain ("J'ai tout oublié du bonheur, il neige sur le lac Majeur"), qui revient et reste en tête dès qu'on entend les premières notes.
D'avoir mis Shami-sha en face B, c'est presque du gâchis. Si cet autre titre de l'album était sorti séparément en 45 tours, il se serait aussi sans doute très bien vendu. Je crois d'ailleurs qu'il passait beaucoup dans les radios, et l'étiquette de promotion rouge ajoutée sur l'album mentionnait ces deux titres.
J'aime beaucoup cette chanson, qui est très poppy, et en la réécoutant je me disais qu'elle n'était pas si éloignée que ça des tubes américains signés Pomus-Shuman. Je ne croyais pas si bien dire ! Un gars sur YouTube m'a mis sur la piste en indiquant que la base musicale de Shami-sha est la même que celle de Suspicion, enregistrée par Elvis Presley pour son album Pot luck en 1962, mais c'est Terry Stafford qui en a fait un tube en 1964. Les Chats Sauvages, avec Mike Shannon au chant, en ont fait, aussi en 1964, une adaptation en français, Obsession, qui est une réussite. Ce n'est que l'une des nombreuses versions françaises de chansons de Doc Pomus et Mort Shuman.
Jean-François Vallée y faisait allusion, et c'est aussi mentionné dans Lonely avenue, le livre d'Alex Halberstadt sur la vie de Doc Pomus : Mort Shuman a fait pas mal d'excès en tous genres dans sa jeunesse. Ça explique peut-être en partie son décès précoce à 53 ans en 1991, quelques mois seulement après Doc Pomus.


Mort Shuman, Le lac majeur, en direct dans l'émission Tour de chant, le 18 décembre 1972.


Mort Shuman, Le lac majeur.


Témoignage de Mort Shuman après la mort d'Elvis Presley dans le journal de 20h d'Antenne 2, le 17 août 1977.

1 commentaire:

Monsieur Vinyle a dit…

Merci pour l'article.
Le titre était mieux dans mon souvenir, car les arrangements n'évoluent pas vraiment au cours du morceau.
Ce qui est intéressant, c'est l'interview: il avoue n'avoir jamais rencontré Elvis malgré le fait d'avoir écrit une quinzaine de titres pour lui.