23 février 2020

PASCAL COMELADE : Les mémoires d'un ventriloque


Acquis par correspondance via Bandcamp en février 2020
Réf : staubgold 153 / cougouyou 12 -- Édité par Staubgold / Cougouyou Music en France en 2020 -- n° 440/500
Support : 2 x 33 tours 25 cm + 16 x MP3
16 titres

A l'automne 2019, je me suis presque étonné : à part une réédition, je n'avais rien ajouté en 2019 à la discographie stéréeauphonique post-diluvienne de Pascal Comelade que je tente tant bien que mal de tenir à jour, ce qui n'est pas simple car le bougre est un spécialiste des éditions limitées les plus tarabiscotées.
En fait, au moment même où je me posais cette question, il venait de sortir un tout nouvel album, Deviationist muzak, enregistré entre 2017 et 2019, mais comme c'est le label espagnol Discmedi qui l'a publié, quasiment personne ne s'en est fait l'écho par chez nous et il a fallu que l'ami Papy Bam de Bam Balam en parle pour que j'apprenne son existence. Je me suis procuré le CD 15 titres, et ce n'est que plus tard que j'ai appris que le double 33 tours compte 8 titres en plus, ce qui n'est pas cool pour ceux qui, comme moi, apprécient le CD, seul format actuel qui est à la fois physique et numérique.
Et depuis le début de 2020, c'est presque une avalanche, avec trois publications importantes :
  • Lo-rap-muth, un 45 tours EP qui se contente de reprendre le titre d'un morceau de Deviationist muzak sans l'inclure, mais qui s'ouvre avec un autre morceau de l'album, Roll over Fuzmanchu, et contient trois autres titres rares ou inédits. Le disque est dédié au batteur Didier Banon (ex-OTH et pilier du Bel Canto Orquestra), qui est mort l'an dernier à 60 ans.
  •  Le livre Le rien illustré, qui reproduit 150 oeuvres graphiques de Pascal Comelade (pas seulement inspirées de pochettes de 45 tours, comme celles qu'on trouvait dans l'Avis aux inventeurs d'épaves) et qui contient le CD Sub-versions de salon vol. 2, qui regroupe 25 reprises.
  • Et entre les deux était sorti le disque qui nous intéresse aujourd'hui, chez les labels perpignanais associés Staubgold et Cougouyou Music, un double 33 tours 25 cm, compilation de collaborations chantées de Pascal Comelade.
Cette compilation est vraiment bienvenue car, trop souvent, on a tendance à associer Pascal Comelade uniquement à la musique instrumentale. Pourtant, sans même parler de Fall of Saigon, dès les débuts ses productions ont contenu des pistes avec voix. Le titre le plus ancien ici, une reprise de We dit it again de Soft Machine avec Sissi, date du EP Ready-made de 1981.
Simplement, il ne faut pas compter sur Pascal Comelade pour enregistrer sa voix, alors il fait appel à des amis et des proches, de Catalogne au Nord et au Sud des Pyrénées, et au fil du temps de plus loin aussi, plus au Nord en France ou en Italie, en Allemagne, au Royaume-Uni.
Dans le coffret Rocanrolorama de 2016, la section chantée s'intitulait Les mémoires du chanteur masqué. Cette fois, je trouve
le titre Les mémoires d'un ventriloque encore mieux choisi, puisqu'il exprime bien le fait que Pascal Comelade se sert d'autres personnes pour mettre de la voix dans ses disques. Mais après tout, puisqu'il fait chanter tous ces gens en restant lui-même muet, le disque aurait aussi pu s'appeler Les confessions d'un maître-chanteur aphone ! (J'y ai pensé avant de me rendre compte que, en 1995, Pascal a déjà inclus une Chanson triste pour ventriloque aphone sur son album El cabaret galactic).
La seule chanson proposée ici en deux versions est (Brand new) Cadillac de Vince Taylor, et les deux m'évoquent des souvenirs.
Le 23 mai 1982, lors du Festival des Musiques de Traverses de Reims, Fall of Saigon, avec Pascal Comelade, a ouvert l'après-midi de manière impromptue (le programme indiquait qu'ils feraient une animation dans le hall), avant de laisser la place à Lol Coxhill, qui était l'invité d'honneur permanent du festival, comme Léo Malet l'était à la même époque et dans le même lieu pour le Festival International du Roman et du Film Policier. J'ai noté dans un carnet que le concert incluait des "délires avec un trompettiste (solo de tibia)", mais le seul souvenir vif que j'ai conservé, c'est celui d'un gars, qui devait être Jac Berrocal, arpentant la grande scène de la Maison de la Culture en frappant (avec le tibia ?) sur une pelle ramasse-poussières en métal ! Mais je ne crois pas que Pascal et Jac se soient produits ensemble ce jour-là. Pour ce qui est deVince Taylor, Berrocal  en connaît un rayon puisqu'ils ont collaboré sur Rock 'n' roll station en 1976 sur l'album Parallèles.
L'autre version de Cadillac est différente à la fois dans le style vocal et dans l'arrangement musical. Elle est enregistrée avec un autre trompettiste, Roy Paci. Je l'avais vu en concert avec Pascal Comelade le 2 février 2004 à Nantes, ce qui m'avait inspiré  le texte Pascal Comelade et le trompettiste en postface de mon livre Tu m'as trompette mon amour.
Pour ce qui est de Ma gueule, la  reprise de Johnny H. avec Miossec publiée à l'origine sur la compilation Comme un seul homme, j'ai surtout un regret, celui d'être reparti directement après les prestations séparées de Pascal et Christophe à Troyes dans le cadre du festival Nuits de Champagne le 29 novembre 1997. Il faut dire que je travaillais le lendemain et qu'il y avait de la route. Je ne me souviens même plus si, pour l'un ou l'autre des deux concerts, ils se sont retrouvés sur scène pour jouer Ma gueule, qu'ils avaient enregistrée en septembre. Ce qui est sûr, par contre, suivant plusieurs témoignages, c'est que les deux se sont retrouvés ensuite dans un bar de la ville, et qu'ils y ont joué jusque tard dans la nuit.
Je n'en suis pas certain, mais j'ai l'impression qu'on trouve ici trois titres précédemment inédits : Cares d'arguiles avec Pau Riba, Ja som la foca, une reprise d'I am the walrus avec Enric Casasses (je pense que Pascal est beaucoup plus Stones que Beatles, je me demande même si ce n'est pas la première fois qu'il enregistre un de leurs titres. De même, c'est rare de le voir reprendre du Leonard Cohen, comme ici pour Suzanne avec Albert Pla) et l'excellent original Larme secrète, co-écrit avec Marc Hurtado. C'est un nom qui m'a aussitôt fait penser à Alan Vega, et effectivement, les deux ont sorti ensemble l'album Sniper en 2010. Ce que je ne savais pas, c'est que Marc Hurtado est français et qu'il a été membre du groupe Etant Donnés.
Parmi les autres grands moments du disque, je citerais un original, Green eyes avec P.J. Harvey, et des reprises, comme The sad skinhead, version du titre de l'album Faust IV avec Jean-Hervé Péron de Faust, We dit it again, Satisfaccio avec Sergi Lopez, extrait de Compassió pel dimoni, et September song avec Robert Wyatt. Là, l'émotion va crescendo. La première partie de la chanson est déjà parfaite, puis d'un seul coup, Wyatt ajoute une deuxième voix, plus grave, et quand on se dit que la chanson va doucement se terminer, il nous sort sa trompette ! Superbe.
Un autre grand moment d'émotion, c'est En maison, enregistré avec Alex Barbier, qui lui aussi est mort en 2019. C'est un extrait du mini-album Alex Barbier chante..., qui témoigne des petits récitals de chansons réalistes donnés par les deux compères pendant dix ans à l'occasion du festival de bande dessinée de Fillols. Le CD original de 2006, tiré à 350 exemplaires dont 100 hors-commerce, est épuisé depuis longtemps, mais Vert-Pituitte l'a réédité l'an dernier, sous la forme d'un 45 tours 25 cm, en édition limitée également, mais pas encore épuisée à ce jour.



Pascal Comelade a essaimé plein d'autres "chansons pop" au fil des années. Il y a largement de quoi faire un deuxième tome de ces mémoires d'un ventriloque. Sans chercher à être complet, il manque ici des collaborations avec l'ami Général Alcazar, bien sûr, mais aussi Gérard Jacquet, Cathy Claret, Les Limiñanas, et encore Arno, Camille, Dani, Ricardo Solfa, Lluis Llach, Ivette Nadal, Raph Dumas et Lou, Miquel Gil, Vinicio Capossela,...

4 commentaires:

debout a dit…

Il paraît que... Pascal Comelade aurait fait en live, une reprise du "still, i'm sad" des Yardbirds... avec Patrick Eudeline on vocals !!!!!!!

Pol Dodu a dit…

Pour "Still I'm sad" par Comelade, je ne connais que la version instrumentale de 1986 sur "Bel canto". Mais j'ai entendu parler de ce concert, et il parait même que la version interprétée ce soir-là est l'adaptation française, "Les corbeaux de l'hiver", créée en 1965 par Les Compagnons de la Chanson ! "Still I'm sad" y devient "Tu es seul"...

debout a dit…

Les Compagnons de la Chanson... les Compagnons de Comelade... les Pascal de la Chanson...

https://www.youtube.com/watch?v=FHQmhsARFr8

Pol Dodu a dit…

Pour ma balade du Bandcamp pour Casbah ce mois-ci, j'ai pris comme point de départ le titre du nouvel album de Pascal Comelade, Le non-sens du rythme.
J'ai fini par me dépêtrer de l'emprise des non-sens quand l'Explosion de non-sens d'Hazy Montagne Mystique m'a éclaté aux oreilles !