Acquis par correspondance chez Glitterhouse en Allemagne en septembre 2007
Réf : TIN 0130 2 -- Edité par Tuition en Allemagne en 2007
Support : CD 12 cm
10 titres
J'aime beaucoup la pochette et aussi le titre de cet album, un mot-valise formé à partir de "Fairground" ("Fête foraine" en anglais) et de "Unfair" ("Injuste", il me semble que c'est le terme qu'utilise Calimero pour dire "C'est vraiment trop injuste" en anglais"). En français, on pourrait trouver un équivalent du style "Défaite foraine", un qualificatif qui conviendrait bien à la carrière de Kevin Ayers dans la société du spectacle, et précisément à la destinée de cet album.
Qu'on en juge : Le précédent disque de Kevin Ayers, Still life with guitar, était sorti en 1992. Depuis, il s'était fait très discret, vivant sa vie apparemment entre les Baléares et le sud de la France. Mais entre-temps, depuis une dizaine d'années, son catalogue discographique s'est enrichi d'un paquet de publications d'archives inédites (concerts, sessions pour la BBC, concerts pour la BBC,... auxquelles il faut ajouter les excellentes sessions BBC de Soft Machine de 1967, avec Kevin Ayers), complétée en 2005 par la réédition remasterisée avec titres bonus de ses quatre premiers albums, unanimement saluée dans le monde entier, puis par la réédition en un double-CD de son intégrale chez Island.
Il y avait donc un bon coup à jouer pour Kevin Ayers, pour essayer de revenir sur le devant de la scène et profiter de sa réputation et de l'estime qu'il suscite. J'ai pensé que c'était ce qui allait se passer quand un nouvel album à venir a été annoncé début 2006, mais non, rien de ça. Déjà, le disque n'est jamais arrivé en 2006, il y a juste eu quelques concerts isolés, en Belgique ou en Angleterre. Début 2007, l'album était annoncé pour mai, il est finalement arrivé tout à la fin de la période des vacances d'été, noyé dans la masse des sorties de la rentrée, mais il a quand même été beaucoup chroniqué, souvent positivement, fréquemment associé à la chronique du nouvel album de son vieil accolyte de Soft Machine, Robert Wyatt. Et puis plus rien, l'album est passé à la trappe, oublié. On peut remballer le Kevin Ayers contemporain, ressortir la légende des années 60 et 70, et attendre tranquillement une quinzaine d'années pour avoir des nouvelles du bonhomme.
Bon, on se doute bien que le premier responsable de cette situation, c'est probablement Kevin Ayers lui-même. On sait depuis au moins 1968, quand il a quitté Soft Machine après une tournée américaine en première partie de Jimi Hendrix, qu'il ne tient pas au succès à tout prix. Ce n'est sûrement pas un hasard si la sortie de The unfairground n'a été suivie d'absolument aucune tournée !
De même, bien que l'enregistement du disque se soit déroulé pendant deux ans sur deux continents et dans cinq studios, on a presque l'impression que la sortie du disque a été précipitée : la liste des titres est tellement bien cachée sur la pochette intérieure qu'un auto-collant a dû être rajouté au dernier moment sur l'emballage et, si on a bien la liste complète des participants à l'enregistrement, c'est sans aucune autre précision que leur nom ! Il faut chercher attentivement sur le site officiel de Kevin pour dénicher le détail des crédits du disque qui aurait dû figurer dans l'emballage et constater que les vieux potes (Bridget St John, Phil Manzanera, Hugh Hopper, le Wyattron) font de courtes apparitions sur le disque, alors que la jeune génération, de Ladybug Transistor à Architecture In Helsinki, en passant par les écossais de Teenage Fan Club et du Bill Wells Trio et le gallois Euros Childs, fournit l'essentiel des orchestrations. A l'écoute de ses disques en solo ou avec Gorky's Zygotic Mynci, je m'étais souvent dit qu'Euros Childs, qui fait les choeurs ici sur plusieurs titres, avait une voix et un style qui le placent dans le droit fil de Kevin Ayers.
Et puis, il semble que Kevin Ayers ait vraiment du mal à écrire de nouvelles chansons : après quinze ans, son nouvel album compte dix titres, dont deux, c'est Pinkushion qui me l'a appris, avaient déjà été préalablement publiés dans d'autres versions, Run run run, sous le titre Take it easy (sur l'album Deja vu, sorti en 1984 mais enregistré en 1980) et Only heaven knows, qu'on trouvait sur l'album As close as you think en 1986.
Autant je trouve que Run run run est le titre le plus faible de The unfairground, autant je comprends qu'Ayers ait ressorti Only heaven knows pour en donner une version superbe qui, dans une ambiance de musique de cirque, bien sûr, et avec de superbes arrangements, ouvre l'album sur ces mots :
What do you do when its all behind youLes interrogations continuent avec Cold shoulder ("I don't understand anymore, as I grow older nothing seems to be clearer than before") ponctuées là encore de superbes arrangements, de cordes interprétés par l'ensemble de cordes de l'Orchestre Philharmonique de Tucson, qui rappellent évidemment le travail de David Bedford avec Ayers au début des années 1970, de cuivres dus aux membres de The Ladybug Transistor, plus la voix samplée de Robert Wyatt et une scie musicale que mes oreilles n'ont pas encore repérée.
Everyday something else reminds you
When the times were sweet
Wings on your feet
And bells on you toes ?
Only heaven knows
Dès les premières notes, on sent que le troisième titre, Baby come home, est le joyau de l'album. C'est une chanson d'amour, et dans les premières secondes la guitare acoustique, l'accordéon et le chant de Kevin Ayers font immanquablement penser à Puis-je ? (May I ?), un de ses grands classiques. Le refrain est excellent, avec les cuivres d'Architecture In Helsinki qui arrivent à point nommé, puis Ayers nous sort d'un seul coup une botte secrète, en la personne de Bridget St John (déjà présente en 1970 sur Shooting at the moon pour l'excellent The oyster and the flying fish) qui transforme une excellente chanson en un duo mémorable qui aura désormais sa place dans toutes les anthologies de Kevin Ayers.
L'album se poursuit ensuite avec le rapide Wide awake et globalement sur un très bon niveau, même si celui-ci baisse graduellement plus on approche de la fin de l'album et même si la voix d'Ayers est parfois limite. N'empêche, au bout du compte on tient là ce qui est à mon sens l'album le plus solide de Kevin Ayers depuis... Bananamour en 1973 (!) et je ne saurais trop vous conseiller d'y jeter une oreille sans attendre ni un ni quinze ans...
6 commentaires:
Ce n'est pas surprenant que je parle d'un "nouvel" album plus de trois mois après sa sortie, mais c'est une dense coïncidence que Les Inrockuptibles mettent en ligne leur chronique de ce disque quelques heures seulement après que j'ai publié mon billet.
Dans la chronique de The unfairground par Richard Robert, on peut en plus lire des témoignages de Kevin Ayers lui-même et des explications sur la genèse de l'album.
Bonjour, chouette revue !
Juste pour dire que tu t'extasie sur Baby Come Home, la seule qu'on trouve aussi sur YouTube, alors que je trouve que la vraie perle de ce disque est Walk on Water.
Jeffrey Lee Pierre (Super pseudo !),
Merci pour l'info sur la vidéo de "Baby come home". Du coup, je vais la rajouter dans le billet.
Pour "Walk on water", c'est vrai qu'elle ne m'avait pas spécifiquement marqué quand j'avais fait ce billet. Je viens de la réécouter suite à ton commentaire et maintenant je la trouve moi aussi excellente !
Bonsoir, 4 ans plus tard, je m'écoute cet album avec ce même plaisir car tout ce qu'il a pu faire de mieux en pop est là...
c'est donc par hasard que je suis tombé sur vos commentaires et je ne peux que vous approuver. :)
cordialement
seb
curieux, tout le monde dénigre still life with guitar alors que pour moi c'est un des meilleurs Ayers !!!
Moi aussi j'aime bien "Still life with guitar". Un bon album, bien meilleur que certains disques complètement ratés des années 70...
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