Acquis par correspondance chez Cherry Red en avril 2022
Réf : FLT CD 187 -- Édité par Cherry Red en Angleterre en 2022
Support : CD 12 cm
10 titres
J'ai cet album en 33 tours depuis sa sortie originale en 1988 (j'en ai parlé ici en 2007) et, pour ce qui est de Felt, j'ai pas mal fait le tour de la question en publiant en 2011 mon livre La ballade du fan. Cependant, j'ai décidé d'investir dans cette réédition récente pour une simple et bonne raison : elle contient deux titres que je n'avais pas dans cette version et que je ne connaissais pas du tout !
Depuis la séparation du groupe fin 1989, Lawrence gère de près le catalogue de Felt et les rééditions se sont multipliées depuis le coffret Felt de 1993 (qui couvrait la première période du groupe chez Cherry Red) en s'appuyant le plus souvent sur le mythe qu'il a bâti au moment où il a arrêté du groupe, celui d'un groupe qui a accompli un plan tracé d'avance de sortir 10 albums et 10 singles pendant la décennie des années 1980.
Lawrence est réputé pour son refus d'ajouter des titres bonus et des inédits aux rééditions de ses albums. On pourrait donc s'attendre à ce que les rééditions qu'ils supervisent soient celles d'une œuvre gravée dans le marbre, se rapprochant le plus proche possible de l'édition originale. Sauf que c'est exactement l'inverse qui se produit : chansons en moins (ou rarement en plus) sur les albums, modification du titre de chansons ou d'albums, pochettes complètement modifiées et même, pour Ignite the seven cannons en 2018, remixage d'une majorité des titres !
En 2018, on a eu droit à une vague de rééditions de tous les albums, sous deux formes :
- Des 33 tours reprenant plus ou moins la pochette originale.
- Des coffrets comprenant un album en CD, sans sa pochette originale, plus un 45 tours, parfois pas en rapport direct avec l'album en question, et aussi des badges, une affiche et des reproductions de tracts.
Parmi les dix titres concernés, j'aurais quand même dû me pencher de près sur la réédition 2018 de The pictorial Jackson review, qu'elle soit en 33 tours ou en coffret, qui modifie l'original. Et ça tombe bien car cet album original m'a toujours posé problème, au point que, en 2007, j'avais imaginé une solution pour y remédier avec la publication sur mon label virtuel de The EPictorial Jackson review.
Voilà comment je présentais ce disque virtuel dans ses notes de pochette :
"I was going to be a personality, I was going to be so well known, What went wrong I don't know" ("How Spook got her man")
L'album "The pictorial Jackson Review", l'avant-dernier de Felt, est sorti au printemps 1988, un an et demi avant la séparation du groupe. Si on en croit la citation ci-dessus, certes tirée de son contexte, Lawrence avait déjà le sentiment que ses rêves de gloire étaient en train de s'évanouir.
Tout au long de sa carrière, Felt a eu bien du mal à produire des albums calibrés suivant les préceptes de l'industrie du disque : une œuvre regroupant 10 à 14 titres d'au moins une trentaine de minutes. Des mini-albums 6 titres au maxi 5 titres ("The final resting of the ark") en passant par l'album de 16 minutes ("Let the snakes crinkle their heads to death"), cette variété rend encore plus risible la légende créée par Lawrence au moment de la séparation du groupe, comme quoi il avait sorti 10 singles et 10 albums et 10 ans. Cette légende, reprise par toutes les bios depuis, avait de toute façon un énorme défaut congénital : Lawrence avait délibérément écarté de son décompte "Index", le premier de ses 45 tours !
Lawrence semble pourtant apprécier que les choses soient claires et carrées. Personnellement, l'album "The pictorial Jackson Review" m'a toujours posé problème à cause du déséquilibre complet entre ses deux faces (il s'agit à cette époque encore d'un album conçu pour le vinyl : il ne sera édité en CD, couplé avec l'album suivant, que six mois plus tard). Sur la première face, on trouve huit courtes et excellentes chanson, qui s'enchaînent parfaitement, avec un bon équilibre orgue/guitare, à mi-chemin entre le Dylan de 1965 (à moins que ce soit celui de 1974) et le Lou Reed de "Rock'n'roll heart". Sur la face B, on trouve deux titres instrumentaux, un de douze minutes et un de trois minutes, composés et interprétés en solo au piano par Martin Duffy.
Je suis persuadé du talent de claviériste de Martin Duffy, et je n'ai absolument rien contre lui, mais en près de vingt ans j'ai dû écouter en tout et pour tout trois fois la face B de "The pictorial Jackson Review", alors que je me délecte régulièrement des huit titres de la face A, et particulièrement de mes préférés, "Until the fools get wise", "Don't die on my doorstep", "Under a pale light", "How Spook got her man" et "Apple boutique".
C'est en repensant à tous ces EP 4 titres des années 60 que j'apprécie, et aussi à mes double 45 tours des années 80, comme le "Sunspots EP" de Julian Cope, que j'ai fini par avoir l'illumination. Oui, Creation s'est complètement planté en éditant l'album sous cette forme. La face B aurait pu être réservée à un album instrumental (l'édition CD de "Train above the city" par exemple), et surtout les autres titres auraient dû être édités en EP, en double EP pour être précis : 2 disques, 2 faces par disque, 2 titres par face. Ce n'est pas le nombre d'or, mais on s'en rapproche !
Grâce à Vivonzeureux! Records, cette édition parfaite existe désormais. "The EPictorial Jackson review", c'est son nouveau titre, reprend les huit titres de la face A de l'album, dans leur ordre original, la seule fantaisie étant d'avoir nommé les faces F, E, L et T. Insérés dans une pochette ouvrante cartonnée blanche et mate, comme pour l'édition vinyle originale, cet EP se conservera parfaitement et vous procurera du plaisir musical pendant de longues années.
L'album "The pictorial Jackson Review", l'avant-dernier de Felt, est sorti au printemps 1988, un an et demi avant la séparation du groupe. Si on en croit la citation ci-dessus, certes tirée de son contexte, Lawrence avait déjà le sentiment que ses rêves de gloire étaient en train de s'évanouir.
Tout au long de sa carrière, Felt a eu bien du mal à produire des albums calibrés suivant les préceptes de l'industrie du disque : une œuvre regroupant 10 à 14 titres d'au moins une trentaine de minutes. Des mini-albums 6 titres au maxi 5 titres ("The final resting of the ark") en passant par l'album de 16 minutes ("Let the snakes crinkle their heads to death"), cette variété rend encore plus risible la légende créée par Lawrence au moment de la séparation du groupe, comme quoi il avait sorti 10 singles et 10 albums et 10 ans. Cette légende, reprise par toutes les bios depuis, avait de toute façon un énorme défaut congénital : Lawrence avait délibérément écarté de son décompte "Index", le premier de ses 45 tours !
Lawrence semble pourtant apprécier que les choses soient claires et carrées. Personnellement, l'album "The pictorial Jackson Review" m'a toujours posé problème à cause du déséquilibre complet entre ses deux faces (il s'agit à cette époque encore d'un album conçu pour le vinyl : il ne sera édité en CD, couplé avec l'album suivant, que six mois plus tard). Sur la première face, on trouve huit courtes et excellentes chanson, qui s'enchaînent parfaitement, avec un bon équilibre orgue/guitare, à mi-chemin entre le Dylan de 1965 (à moins que ce soit celui de 1974) et le Lou Reed de "Rock'n'roll heart". Sur la face B, on trouve deux titres instrumentaux, un de douze minutes et un de trois minutes, composés et interprétés en solo au piano par Martin Duffy.
Je suis persuadé du talent de claviériste de Martin Duffy, et je n'ai absolument rien contre lui, mais en près de vingt ans j'ai dû écouter en tout et pour tout trois fois la face B de "The pictorial Jackson Review", alors que je me délecte régulièrement des huit titres de la face A, et particulièrement de mes préférés, "Until the fools get wise", "Don't die on my doorstep", "Under a pale light", "How Spook got her man" et "Apple boutique".
C'est en repensant à tous ces EP 4 titres des années 60 que j'apprécie, et aussi à mes double 45 tours des années 80, comme le "Sunspots EP" de Julian Cope, que j'ai fini par avoir l'illumination. Oui, Creation s'est complètement planté en éditant l'album sous cette forme. La face B aurait pu être réservée à un album instrumental (l'édition CD de "Train above the city" par exemple), et surtout les autres titres auraient dû être édités en EP, en double EP pour être précis : 2 disques, 2 faces par disque, 2 titres par face. Ce n'est pas le nombre d'or, mais on s'en rapproche !
Grâce à Vivonzeureux! Records, cette édition parfaite existe désormais. "The EPictorial Jackson review", c'est son nouveau titre, reprend les huit titres de la face A de l'album, dans leur ordre original, la seule fantaisie étant d'avoir nommé les faces F, E, L et T. Insérés dans une pochette ouvrante cartonnée blanche et mate, comme pour l'édition vinyle originale, cet EP se conservera parfaitement et vous procurera du plaisir musical pendant de longues années.
Il semble que Lawrence soit arrivé à une conclusion assez proche. Certes, il n'existe toujours pas de version double EP de l'album, mais en 2018 Lawrence a bel et bien supprimé les deux titres instrumentaux pour les remplacer par deux inédits, courts et chantés comme les huit autres titres.
Voilà comment les choses étaient présentées sur l'autocollant apposé sur le vinyl, un texte repris dans le livret de l'édition CD de 2022, qui contient les mêmes dix titres :
To understand ‘The Pictorial Jackson Review’ we must acquaint ourselves with Lawrence’s original inspiration – The Byrds ‘Notorious Byrd brothers’. He was obsessed by short albums full of short melodic songs.
A last-minute panic though ended in the dismantling of the track list. Two of the songs that did not seem to fit were replaced with two songs that absolutely definitely did not fit. Logic becomes perverse when panic sets in.
Here at last is the original album in all its ten short pop song glory. Concise – minimal – a dash through a built-up area rather than a stroll in an open vista. It’s like Vic Godard said – “blind alleyways allay the jewels”!!
A last-minute panic though ended in the dismantling of the track list. Two of the songs that did not seem to fit were replaced with two songs that absolutely definitely did not fit. Logic becomes perverse when panic sets in.
Here at last is the original album in all its ten short pop song glory. Concise – minimal – a dash through a built-up area rather than a stroll in an open vista. It’s like Vic Godard said – “blind alleyways allay the jewels”!!
(Notons pour le plaisir du détail que, dans le texte de présentation du CD qui figure sur le site de Cherry Red, la référence à l'album des Byrds a disparu, pour faire place à deux autres albums courts, Nashville Skyline de Dylan et Friends des Beach Boys)
L'information importante que nous donne ce texte, c'est qu'initialement ce disque devait être un album court de chansons mélodiques courtes et que c'est au dernier moment que Lawrence a paniqué et viré deux des chansons pour les remplacer par les instrumentaux. Les rééditions de 2018 et 2022 sont donc un retour au projet initial de l'album.
La conséquence pour le fan de Felt, que je suis, c'est qu'on a droit à deux enregistrements précédemment inédits. Et c'est pas rien car, sauf erreur de ma part ce sont les seuls publiés depuis la séparation de Felt, en-dehors du DVD live A declaration.
Il s'agit d'enregistrements inédits, mais pas de chansons inédites.
En effet, une excellente version de Tuesday's secret a été enregistrée et publiée en août 1988 en face B du maxi Space blues. La première version, celle qu'on trouve maintenant sur The pictorial Jackson review, est un peu plus brute, mais elle est très bien également.
Quant à Jewels are set in crown, j'ai cru initialement que c'était une chanson complètement inédite, mais quand même, les paroles "You say stop, I say go" me rappelaient quelque chose. C'est Michaël Korcia, qui avec son groupe Watoo Watoo a justement repris Tuesday's secret pour un album hommage à Felt, qui m'a évité de perdre du temps à chercher en m'indiquant que cette chanson était devenue par la suite Ape hangers, publiée en 1992 en face B du single Middle of the road de Denim.
En fin de compte, pas de double EP, mais j'ai quand même eu ce que je voulais, The pictorial Jackson review est désormais un album très court (moins de 25 minutes) et enfin cohérent. Je tiens à le préciser, les quatre titres que je ne mentionne pas dans mon texte de 2007 (Apple boutique, Ivory past, Bitter end et Christopher Street) sont eux aussi excellents.
Alors, satisfait ? Presque complètement, oui. Il reste encore la question de la pochette.
Je ne vais pas dire que je trouve que la pochette initiale, en grande partie blanche et unie, est une réussite. Mais au fil des années, je me suis raconté une histoire qui permet de lui donner un sens : le titre de l'album, dérivé du héros Pictorial Review Jackson du roman Pic de Jack Kerouac, pourrait se traduire en Chronique picturale de Jackson et la page/toile blanche de la pochette originale nous serait offerte pour faire cette chronique visuelle de Jackson (Pollock)...
Mais la pochette de 2022 s'inscrit dans la série des dix pochettes de ces rééditions. Elles ont en commun de proposer des variations sur des jeux de typographie aux perspectives éclatées à partir des lettres qui composent le nom du groupe. Le but d'avoir une unité graphique pour la collection est atteint, mais je crois que je préfère encore la pochette originale...!
Je n'ai jamais fait l'effort d'aller voir Denim ou Go-Kart Mozart sur scène, mais le mini-festival Paris Popfest a l'air très sympathique, alors j'ai pris mon billet pour le concert de Mozart Estate (c'est ainsi que Lawrence a récemment rebaptisé son groupe) le 23 septembre au Hasard Ludique à Paris. Et en plus, il y aura à la même affiche The Very Most, des américains dont j'ai récemment chroniqué la chanson Jonathan Richman.
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