03 mars 2018

EVIL & CROW : King & Queen of Lo-Fi


Acquis par correspondance chez Pitshark Records en février 2018
Réf : RIK063 -- Édité par Pitshark en France en 2017 -- n° 287/300
Support : CD 12 cm
10 titres

Cela fait des années que je suis abonné à Abus Dangereux, magazine indépendant qui continue à paraître régulièrement. Et plus ça va, plus sa lecture m'intéresse car les thématiques musicales couvertes sont de plus en plus éclectiques. A 20 € l'abonnement pour 5 magazines et 5 compilations CD passionnantes, c'est un cadeau sympathique à faire ou se faire !
J'ai entamé la lecture du dernier numéro paru, la face 145, avec une belle photo de Robyn Hitchcock en couverture (même si, malheureusement, le petit chat est mort...) et je suis vite tombé sur un entretien de Jean-François Abgrall avec Gilles Moreau, qui anime un label dont je n'avais jamais entendu parler, Pitshark Records.
Admirable, d'autant que, à mon sens, tenter de faire vivre un label c'est, après organiser des concerts, l'une des activités les plus ingrates dans la musique, surtout de nos jours. En plus, c'est fait dans un bon esprit : "Certains dépensent leur fric pour jouer au golf, moi je le claque pour sortir des disques. (...) Au final, le seul truc important pour moi, c'est que je sois fier de mes sorties. Que j'ai envie de les acheter."
J'étais déjà intéressé, puis je suis tombé sur cette question à propos des CD :
"- Tu alternes avec des LP et des CD...
- La seule règle, c'est que ça me plaise. Le vinyle est vraiment cher à fabriquer. Le CD est plus abordable, et vu les ventes ridicules (je ne devrais pas le dire !), c'est plus simple de sortir deux ou trois CD à la place d'un LP.
Je viens d'innover avec un format CD dans une pochette taille 7" single et du coup ça redonne un nouvel intérêt au format CD. Personnellement, j'ai toujours acheté les deux formats. Soyons honnêtes, les vinyles fabriqués à partir d'un master CD sont légions."
Alors là, j'ai cru m'entendre parler ! Ça fait des mois que je rumine dans mon coin, effaré devant la folie qu'est devenue l'industrie du vinyl dans notre 21e siècle déjà bien entamé. Je suis désormais bien convaincu qu'il n'y a aucun sens à éditer des disques dans ce format de nos jours (et n'essayez même pas de prononcer le mot cassette !) et que, à l'âge du numérique, le CD reste un compromis tout à fait équilibré, puisqu'il permet de disposer d'un support (qu'aucun Apple ou Amazon ne viendra jamais supprimer de notre collection après achat, comme ça s'est vu), qu'on peut librement copier sur tout support numérique à son choix, du disque dur au téléphone.
Dans mes réflexions, j'en suis venu à me dire que le seul attrait du vinyl par rapport au CD, c'est la pochette. Les boîtiers en plastique classiques sont horribles, les "long box" développés aux États-Unis pour rendre les disques visibles dans les rayons des disquaires n'étaient pas géniaux non plus et n'ont pas fait long feu; les pochettes cartonnées c'est bien, mais ça reste petit.
C'est à ce stade que m'est venue il y a quelques mois l'idée d'une solution hybride intéressante, celle d'un CD associé, non pas à un pochette de 33 tours car il serait un peu perdu et ça ferait un gâchis de carton, mais à une pochette de la taille de celle d'un 45 tours, idéalement une pochette cartonnée ouvrante comme celle des double 45 tours, un format que j'aime beaucoup et dont j'ai chroniqué ici un bon nombre d'exemples.
Je me suis dit que d'autres avaient déjà dû avoir cette idée mais, en recherchant dans mes souvenirs, je n'en ai pas trouvé d'exemple significatif, en-dehors de quelques sorties isolées, surtout des promos.
Je ne le savais pas, mais Gilles Moreau a en fait mis en œuvre cette idée depuis quelques semaines, avec trois sorties Pitshark, par Evil & Crow, Ich Bin Ein Esel et Badass Mother Fuzzers.
Il fallait que je vois ça. Aussitôt, j'ai commandé deux de ces disques (5 € port compris le disque : on voit bien que le but n'est pas de faire du bénéfice...). Trente-six heures plus tard, les disques étaient chez moi, et je n'ai pas été déçu.
L'objet est à peine différent de ce que j'avais imaginé (un carton léger imprimé recto-verso, glissé dans un sachet plastique, fendu au milieu par le devant pour permettre l'accès au CD, logé sur un bitoniau en mousse).
Bien vu ! Quand je pense que depuis 35 ans il n'y a pas eu un designer chez les majors pour penser à ce moyen de vendre les CD...



Des deux disques que j'ai achetés, Why ? de Ich Bin Ein Esel est celui qui est le plus dans mes goûts musicalement, mais il s'agit de la réédition d'un CD-R sorti encore plus confidentiellement en 2009, alors on va plutôt parler d'une nouveauté d'un groupe en activité, King & Queen of Lo-Fi, le premier album du duo canadien Evil & Crow.
Nick Evil joue de la guitare, de la batterie et du theremin. Marianne Crow joue de la guitare et chante. Leur recette est simple : du rock and roll avec des guitares crades, une voix éraillée et des tatouages, pour dix titres bouclés en une demi-heure.
Dans ce style, l'album dans son ensemble est excellent. Bizarrement, les deux titres pour lesquels une vidéo a été tournée (Sinner et Satan take me home) ne sont pas parmi mes favoris. Je leur préfère (Please) Tie me up !, et surtout l'enchaînement de Death surf on Channel 4 (court instrumental ponctué de quelques "Wow !") avec Voodoo doll blues (qui m'évoque certains titres des débuts de The Jesus and Mary Chain) et Baby's gone.
Mon seul regret avec cet album, c'est que mon titre préféré n'est pas listé sur la pochette et est caché tout à la fin du CD, après une bonne minute de silence. Je vais l'appeler Je suis née comme ça *, et vous aurez compris qu'il est chanté en français. Ça nous indique que Marianne est francophone en plus d'être anglophone, mais ce n'est pas seulement pour ses paroles en français que je l'apprécie (même si ça aide). Du coup, sur ce seul titre, Evil & Crow m'évoque fortement un autre groupe québécois, Canailles, dans ses chansons les plus électriques.  En tout cas, c'est sûrement ce titre qu'un label plus commercial aurait mis en avant en France.
Belle découverte donc que Pitshark Records, et tous mes encouragements à ce label d'amateur de musique passionné.

* Eh bien non, en mettant le CD dans mon ordinateur pour en copier ce titre, puisque c'est une des choses qu'on peut faire facilement avec un CD, j'ai appris que cette chanson s'appelle en fait Vie de voyou.







8 commentaires:

Starsailor a dit…

Bien d'accord avec toi concernant cette "folie" du vinyle, dont le seul attrait est la pochette.. et ne parlons même pas des prix délirants...
Belle initiative que ce format 7inch pour un cd, ça donne envie de le commander :-)

Charlie Dontsurf a dit…

Je ne partage pas totalement votre opinion sur la"folie" du vinyle. Allons au-delà de la pochette, parlons d'un objet qui reste bien plus glamour que le cd. Nostalgie peut être. Il est vrai qu'on a aussi de bien belles rééditions cd avec beau packaging. Quant aux prix délirants, ils ne sont pas réservés au vinyle. Il suffit de voir celui du coffret cd édité autour du 1er album de Roxy Music. Honteux. L'Industrie Musicale s'est toujours foutue de notre gueule.
J'ai toujours acheté un peu de vinyle quand j'en avais l'occasion et ce n'est pas parce que c'est redevenu à la mode que je vais m'arrêter. Vinyle ou cd, je navigue selon l'artiste, l'objet, le prix.
Je me laisse aller aussi à l'achat de vinyles à 10 € à la Fnac. Il faut être vigilant, c'est vrai. Pas mal, à ce prix, de rééditions "dégueulasses" (pochettes floutées, source ..). Je pense que le vinyle 180gr est une fumisterie. Tout dépend aussi de l'attention apportée à l'édition vinyle. Pour Pere Ubu, par exemple, les masters originaux sont utilisées, transférées digitalement, éventuellement remixés selon les désirs du groupe puis ces fichiers numériques sont préparées spécialement (cut) pour la gravure vinyle.
Dernier point : je n'ai jamais trouvé de plaisir à fouiller dans les bacs cd d'un disquaire. C'est carrément chiant. Alors que je peux me faire des rangées de bacs vinyles sans sourciller :-)

Pol Dodu a dit…

Charlie,
Je ne doute pas qu'il y a des rééditions vinyl de qualité, et il est certain que celles de Pere Ubu en font partie. Mais plus généralement, plus le temps passe est moins je comprends l'intérêt de perpétuer cette technologie pour de nouvelles parutions ou des rééditions. Mais je suis toujours très content d'acheter des vinyls d'époque d'occasion et pas chers !
Quant aux bacs de CD des disquaires, on en revient à la question des emballages, qui clairement n'étaient pas satisfaisants, surtout quand c'était exclusivement des boîtiers en plastique.

Charlie Dontsurf a dit…

La technologie actuelle et d'avenir est le fichier numérique. Pas le cd, ni le vinyle. Alors, tant que la mode est vintage, vive le vinyle. Laissons l'industrie nous proposer un retour du cd dans 30 ans ! :-))
Personnellement, j'ai un plaisir certain à manipuler l'objet vinyle (mais j'ai 59 ans). J'ai retrouvé chez un disquaire comme Fargo à Paris (pas le moins cher), le bonheur curieux qui m'envahissait chez Sweet Harmony à Caen à la fin des années soixante-dix. Les plus jeunes découvrent un objet du passé, qui a de la gueule, et ça les amuse.

Starsailor a dit…

Le fichier numérique est déjà dépassé... c'est le streaming maintenant !

Permettez-moi quand même de douter de l'intérêt de presser des vinyles à partir de fichiers numériques :-/

Anonyme a dit…

j'ajoute mon grain de sel sur le sujet, pour moi de ttes façons tous ces supports ne valent pas un bon set face au public. La pléthore de disques cd K7 etc etc depuis des décennies c'est avant tout du bizness,mais il ne faut pas non plus trop cracher dans la soupe et la solution la meilleure c'est effectivement d'être vigilant et d'acheter à un prix raisonnable ou d'occase quelque soit le support. Pour ce qui est du virtuel pour ma part c'est autre chose, une nouvelle consommation. Mes enfants écoutent bcp de musique mais pratiquement plus de CD ou autres, ils vont sur des plates formes, mais ils ne s’intéressent pas à toutes ces histoires,ces liens qui font la richesse de ce blog et de tant d'autres. C'est autre chose, je ferais sûrement pareil si j'avais leur age? Ph

Charlie Dontsurf a dit…

Je ne suis pas un spécialiste mais à mon avis, s'il y a streaming, c'est qu'il y a un fichier numérique quelque part.
Quant au pressage de vinyle à partir de fichiers numériques, tout dépend de la source utilisée et de la qualité de la gravure préparée (cut). Comme d'ailleurs pour des pistes analogiques. Tout dépend du soin apporté au son. Faut-il rappeler les horreurs métalliques de certains enregistrements numériques des années 90 ?
De nos jours, la grande majorité des enregistrements studios se font en numérique. Cela n'empêche pas de beaux vinyles.
Si j'ai bien compris, il y a de toute façon souvent un monde entre l'intention de l'artiste, ce qu'il obtient en studio et ce qu'on écoute, quel que soit le support.
David Thomas (Pere Ubu) s'est toujours plaint du support vinyle à ce sujet. Voir les Bug Reports sur le site du groupe portant sur les éditions originales vinyles de la période historique du groupe (77/82). A titre d'exemple, il ne retrouve que dans la version mixage 5.1 du disque sur DVD-Audio le résultat obtenu en studio lors de l'enregistrement (analogique) du premier album The Modern Dance.

Pol Dodu a dit…

J'expliquais ici que "le seul attrait du vinyl par rapport au CD, c'est la pochette" et je me prononçais en faveur d'un produit CD vendu dans une pochette cartonnée, plutôt format 45 tours que 33 tours.
C'était pour des raisons à la fois esthétiques et pratiques. On voit bien que je ne suis pas fait pour le capitalisme :
le dernier album en date du producteur de hip hop et DJ Metro Boomin est désormais en vente au format "art album CD".
Késako ? Eh bien tout simplement un CD dans une pochette de 33 tours ouvrante. Ce qui permet de réclamer 30$ pour l'art album CD plutôt que 14$ pour un CD dans une pochette standard...!
L'argument de vente est imparable : "Ce format musical procure l'expérience du CD sous la forme d'un emballage de vinyl. C'est le format idéal pour exposer ou encadrer votre graphisme d'album favori, même si vous n'avez pas de tourne-disque".
On savait déjà qu'une bonne partie des acheteurs contemporains de vinyl n'avait pas de quoi les écouter. Ils n'ont sûrement pas non plus de quoi écouter un CD. J'attends maintenant la prochaine étape : la pochette sans disque avec un coupon de téléchargement pour son téléphone. Rendez-vous dans quelques années pour voir qui sera le premier à tenter le coup. Tant qu'il y aura des gogos pour payer...