06 septembre 2025

MADNESS : Baggy trousers


Acquis d'occasion dans la Marne au 21ème siècle
Réf : 640 203 -- Édité par Stiff en France en 1980
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Baggy trousers -/- The business

Il s'est passé moins d'un an entre la sortie des deux premiers albums de Madness, suffisamment de temps pour que mon attitude vis-à-vis du groupe change du tout au tout. Quand One step beyond est paru, on était en pleine folie ska. J'ai gagné l'album lors d'un concours Feedback, on dansait sur le morceau-titre à toutes les fêtes..., mais j'avais déjà une préférence pour les Specials. L'année suivante, j'avais largement de quoi m'occuper avec mes chouchous de la new wave, d'Elvis Costello à XTC, en passant par Devo, The Cure et Magazine. Alors, quand Absolutely est sorti, je ne m'y suis pas du tout intéressé, et je crois qu'aucun de mes copains ne l'a acheté non plus. Il faut dire aussi que j'avais été rebuté par une courte chronique dans Best ou Rock & Folk, qui expliquait que la chanson parlait de pantalons bouffants, ce qui n'est pas vraiment le cas, mais ça ou les "pork pie hats", ça ne m'intéressait pas ou plus du tout. 

Quarante-cinq ans plus tard, alors que je l'ai acheté entre-temps, je trouve qu'Absolutely, comme la plupart des albums de Madness, est un disque très inégal, mais les deux premiers singles qui en ont été extraits, Baggy trousers et Embarrassment, sont parmi les meilleures chansons du groupe, de vrais classiques de la pop anglaise.
C'est après avoir vu sur Arte le documentaire Madness : Prince du ska, roi de la pop (disponible en ligne jusqu'au 22 septembre 2025) que j'ai eu envie de ressortir ce 45 tours.

La pochette est une illustration par Humphrey Ocean, un ami du groupe. Il a joué avec Ian Dury comme bassiste de Kilburn & the High Roads de 1970 à 1973 et a sorti sur un single chez Stiff en 1978. En tant que graphiste et peintre, il a signé des pochettes pour 10cc et Wings/Paul Mc Cartney et son parcours l'a mené notamment à la National Portrait Gallery et à la Royal Academy.
Son dessin est fait d'après une photo qu'on retrouve au recto de la pochette d'Absolutely. Je ne sais pas trop pourquoi, mais il a remplacé la nom de la station de métro Chalk Farm par Cairo East. Peut-être une référence au titre du premier album Night boat to Cairo ?

Baggy trousers a encore des accents ska, mais c'est assez léger. Ce qui m'accroche le plus musicalement dans la chanson, c'est la transition entre les couplets et le début du refrain avec son "Oh what fun we had". Le "Baggy trousers" en ad lib à la fin reste bien en tête après la fin de la chanson et c'est presque un deuxième refrain.
Le groupe a souvent raconté ses souvenirs à propos de cette chanson, notamment à Seven ragged men pour les quarante ans en 2020.
Thématiquement, l'idée était de faire une chanson à la Ian Dury, et aussi de répondre en quelque sorte à Pink Floyd et son Another brick in the wall, qui racontait l'enfer des écoles privées anglaises à internat, avec des souvenirs de scolarité dans une école publique "comprehensive" (l'équivalent du collège unique). Pour l'auteur des paroles, le chanteur Suggs, ça donne "Tout ce que j'ai appris à l'école, c'est à plier les règles et non pas les briser".

Avec tout ce que le groupe sortait, Madness réussissait quand même à caser des faces B inédites sur ses singles. Bon, il faut pas trop en demander non plus : The business est un titre sans paroles, composé par Mike Barson, le clavier du groupe. Dans la lignée de leur version de Swan lake ou de Night boat to Cairo, il est de bonne tenue.

La chronologie de l'année 1980 de Madness donne le vertige tellement c'est frénétique. La tournée européenne qui a suivi la sortie d'Absolutely est même passée par la Maison des Sports à Reims le 24 octobre 1980, avec The Lambrettas en première partie. Je n'y étais pas, mais avec les copains on dansait encore sur One step beyond à la toute fin de l'année :


"Oh what fun we had". On s'amusait bien à faire le 'train' de One step beyond à la salle des fêtes de Moncetz pour le réveillon du 31 décembre 1980.
Merci à Isabelle, Éric et Patrick pour la photo.


En 2011, Madness a enregistré une nouvelle version de Baggy trousers. Pas pour une bonne raison, malheureusement, c'était pour une pub pour la bière 1664 de Kronenbourg (la chanson avait déjà servi pour une pub Colgate dans les années 1980). Pour l'occasion, Baggy trousers a été ralentie et rebaptisée Le grand pantalon. Malheureusement, les paroles n'ont pas été traduites, on a un juste un rythme de valse et de l'accordéon pour le côté franchouillard.

Il y a eu diverses séparations et reformations du groupe depuis 1980. Madness sera en tournée en Angleterre en cet automne 2025, avec Squeeze en première partie.




Madness, Baggy trousers, en concert à Amsterdam le 18 octobre 1980. Diffusé dans l'émission Countdown.


Madness, Embarrasment, Baggy trousers et Madness, en concert au festival Pinkpop le 8 juin 1981.


Madness mime Baggy trousers dans l'émission Top of the Pops en 1980.


Madness, Le grand pantalon, en 2011.

30 août 2025

NIKKO : Songs for free-DOM


Acquis chez Récup'R à Dizy le 24 mai 2024 
Réf : Dan's A 061 -- Édité par Conquering Lion Music / Tour Des Miracles en France en 1994
Support : CD 12 cm
7 titres

A la ressourcerie, ce CD inconnu m'a suffisamment intrigué pour que j'ouvre la boite et découvre au dos du livret une liste de pointures du reggae ayant participé à l'enregistrement. Pour les seuls noms que je connaissais, il y a Earl "Chinna" Smith, Congo "Ashanti" Roy, Sticky Thompson, Ras Michael, Stranger Cole. Pas mal pour ce qui est visiblement une production indépendante.

Il s'agit du premier album de Nicolas Coralie, alias Nikko, né à Cayenne en Guyane, qui connaissait déjà bien le studio Leggo à Kingston puisqu'il y avait déjà enregistré l'année précédente avec son groupe Universal Youth et Ras Bendjih l'album The teachings of his imperial majesty.

Le titre de l'album est en anglais, mais il contient une référence spécifiquement française. En effet, pour "Freedom", il y a un tiret entre "Free" et "DOM",  qui est bien orthographié en majuscules sur la tranche du CD. Il est donc question de chansons qui libèrent un Département d'Outre-Mer, ce qui était le statut administratif de la Guyane dans la période qui a précédé la création en 2016 de la Collectivité Territoriale de Guyane.

La première chanson, This song, a aussi un titre en anglais, ce que je commençais à déplorer à l'écoute, avant de me rendre compte que je ne comprenais pas la majeure partie des paroles du refrain inaugural, qui sont en créole. Mais, avec le couplet qui a suivi, en grande partie en français, j'ai compris que cette chanson est un hymne au créole : "Sur notre continent y a anglais, portugais, espagnol, mais ici chaque communauté a pour symbole d'unité le créole. On écrit le créole on veut le mettre à l'école, mais c'est la langue de la rue, des dialogues sans protocole.". Un sujet, et des langues, qui sont souvent représentés ici.

Les trois chansons suivantes présentent un éventail de genres liés au reggae : le ragga dancehall pour Bon ké sa ("Spéciale dédicace à tous les hypocrites, tous les parasites"), le lovers rock avec Jeune fille et le ska pour la chanson suivante. Cette dernière, je l'ai écoutée sans vérifier son titre sur la pochette et je me suis tout de suite dit que c'est en quelque sorte une réécriture de Guns of Brixton de The Clash ("It's when they kick off your front door, then you know that they are coming, the Babylon with their pistol in their fingers, with the gun in their arm."). Musicalement, les deux chansons sont différentes, mais j'ai découvert ensuite, sans trop de surprise, que celle de Nikko, qui me plaît bien aussi, s'intitule Guns. Nikko a abordé cette thématique au moins une autre fois par la suite avec Posé to gun.

La chanson suivante, c'est le premier succès de Nikko, Guyana nice. On la trouvait déjà sur l'album d'Universal Youth et Ras Bendjih. Elle a été remixée pour l'occasion. C'est un ragga sur la situation de la Guyane qui, je suppose, reste d'actualité trente ans plus tard : "Sur toutes les télés dans toutes les radios, tout le monde dit que la Guyaner est le pays le plus beau (...) Tout le monde est d'accord pour dire qu'on n'est pas des zéros. Mais en Guyane vaut mieux être subordonné de l'Etat, mais en Guyane on n'aime pas tellement les rastas. (...) En Guyane t'es un français mais en France t'es un négro. Cayenne ne doit pas devenir un futur Soweto".

L'album se conclut avec des versions instrumentales de This song (Dub mix song) et Jeune fille (Dread locks dub).

Depuis ce premier album, Nikko poursuit avec succès son parcours musical. Il a notamment joué en métropole, aux Antilles, au Brésil... En 2022, il a donné à Cayenne avec le groupe Authentic Voice un concert pour fêter ses trente ans de carrière. Il s'ouvre avec Guyana nice et il interprète également This song.




Un documentaire à propose de Guyana nice est disponible ici.


Nikko, Jeune fille, en direct dans l'émission Tan'o show sur Premiere TV.

22 août 2025

FRÉDÉRIC BOTTON : Attention à la grosse boule qui descend l'escalier


Offert par Fabienne M. à Mareuil sur Ay en février 2025
Réf : EP 6364 -- Édité par CBS en France en 1967
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Attention à la grosse boule qui descend l'escalier -- Ma grand tante Olga -/- T'es mon poisson chat -- Les allumettes

En début d'année, j'ai vu passer l'extrait télé en couleur de la Radio Télévision Suisse réalisé pour Attention à la grosse boule qui descend l'escalier (à voir ci-dessous).
J'ai trouvé ça bien délirant, j'ai vérifié s'il y avait un disque correspondant, j'en ai trouvé un exemplaire disponible à prix correct et je me le suis fait offrir...!
Au bout du compte, ce 45 tours n'est peut-être pas renversant musicalement, mais il est intéressant et c'est un bel objet discographique.

La pochette s'ouvre, mais pas comme récemment avec le Guy Cornély en tournant le recto vers la gauche. Là, on l'ouvre vers le haut, et c'est là qu'on se rend compte que ce recto est moins haut que la pochette dans son ensemble et que la mention "Frédéric Botton" est en fait imprimée sur la pochette intérieure. Une fois ce rebord soulevé, on découvre l'artiste entouré d'allumettes. Avec le Luna, c'est le deuxième disque chroniqué ici avec une pochette qui est à la fois d'allumettes que de disque.
Il est précisé au dos qu'on a affaire à une "pochette spéciale modèle exclusif CBS disques" (Je n'ai pas trouvé d'autres pochettes utilisant ce modèle exclusif, si vous en avez, ça m'intéresse).

La voix opératique dès le début d'Attention à la grosse boule qui descend l'escalier m'a tout de suite fait penser à Pourquoi un pyjama ? de Régine. Les deux disques ont des points en commun : d'abord Alain Goraguer, qui est à la direction d'orchestre dans les deux cas (décidément, c'était un musicien qui aimait les facéties et la loufoquerie, rappelez-vous dans ces années-là son Orgogoriental); et surtout, le pyjama est suivi sur le disque par La grande Zoa, l'un des plus grands succès de Régine, une chanson écrite par Frédéric Botton.
C'est le premier disque que j'ai avec Botton comme interprète, mais il est surtout réputé comme auteur-compositeur et, rien que dans ma discothèque et outre La grande Zoa, je trouve l'EP Sans astérique de Dani, deux chansons sur l'album A nu d'Alice Sapritch et C'est à qui tout ça par Henri Salvador.

C'est vrai que, à l'écoute, on a l'impression que Frédéric Botton a quelques limites en tant que chanteur, mais sa Grosse boule est vraiment divertissante. A la fin, on apprend que "ces boules qui roulent ce sont des carrés masqués", et là ça renvoie directement à un disque auquel j'avais déjà pensé, à cause de la pochette ouvrante et de la présence d'un autre grand chef d'orchestre français, Michel Colombier : le fameux disque carré Ode au rémois de Daniel Laloux.
Et sinon, je n'ai jamais écouté l'émission, mais je ne suis pas surpris d'apprendre que cette chanson était l'un des génériques de La grosse boule d'Ariel Wizman et Edouard Baer sur Radio Nova.

J'ai l'impression que le truc de Frédéric Botton, c'était de prendre des rythmes de danse à l'ancienne genre charleston ou tango, qui mine de rien étaient assez populaires dans les années 1960, et de leur associer des paroles rigolotes. C'est réussi avec Ma grand tante Olga, où il est question de polka piquée et avec T'es mon poisson chat, avec arrangement orchestral léger et chœurs.

Pour Les allumettes, les violons m'ont rappelé Les sucettes de France Gall. Vérification faite, ce  n'est pas complètement étonnant : c'est aussi Alain Goraguer qui a orchestré le disque de France Gall.

Les quatre chansons de ce 45 tours ont été incluses en 1968 sur le premier album de Frédéric Botton, qui est mort en 2008 à 71 ans.




Frédéric Botton, Attention à la grosse boule qui descend l'escalier, extrait de l'émission Gallantly, diffusée par la Radio Télévision Suisse le 20 avril 1968. L'émission complète, avec France Gall en vedette et aussi un jeune Henri Dès, est visible ici.


Frédéric Botton, Ma grand' tante Olga, le 3 décembre 1966 dans l'émission Bienvenue à Jean-Pierre Chabrol proposée par Guy Béart.



15 août 2025

BRIAN WILSON : Love and mercy


Acquis par correspondance via Discogs en août 2025
Réf : W7814CD / 921 032-2 -- Édité par Sire en Allemagne en 1988
Support : CD 7,5 cm
Titres : Love and mercy (LP version) -- One for the boys (LP version) -- He couldn't get his poor old body to move

Après la mort de Brian Wilson en juin dernier, j'ai notamment repensé à sa chanson Love and mercy, en me disant que c'est peut-être le tout dernier classique qu'il a composé.
C'est une chanson toute simple, aux paroles en trois très courts couplets de deux vers (très grossièrement sur la violence, la souffrance et la solitude dans le monde) et un refrain tout aussi court qui est une ode à l'amour et à la pitié.
Cette chanson a peu fait parler d'elle à sa sortie en 1988, mais elle a pris de l'importance par la suite. Elle a notamment donné son titre au film biographique sur Brian Wilson de Bill Pohlad, sorti en 2015.

J'ai fait des recherches, et j'ai retrouvé à quelle occasion j'ai fait la connaissance de Love and mercy. C'était en 2002, sur un CD compilation du magazine Uncut (un très bon cru, ce CD). La version qu'on y trouve est tirée du Live at the Roxy Theatre de 2000.
Comme toutes les versions parues après la version originale, elle est assez dépouillée et très belle. Brian Wilson avait pris l'habitude de terminer ses concerts avec cette chanson.

Cette première version, elle ouvrait l'album solo sans titre de 1988. Un album à la genèse des plus complexes. Certes, le fer de lance des Beach Boys relançait sa carrière après des années de maladie, mais il était sous la coupe de son médecin/gourou Eugene Landy.
Le générique de l'album est long comme deux bras (on y trouve l'excellent Andy Paley), Landy est abusivement crédité comme co-auteur de certaines chansons (cela sera rectifié lors des rééditions) et le son est assez typiquement années 1980.
Cela donne donc une version album de Love and mercy avec un arrangement assez quelconque, avec synthé et batterie à l'avenant, même s'il y a des voix à la Garçons de Plage.

Love and mercy est le second single qui a été extrait de l'album. Mon exemplaire est une édition mini-CD, un bel objet avec une pochette cartonnée ouvrante à la taille du CD (il existe une édition en boite plastique avec un adaptateur).
Autant la pochette de l'album est elle aussi assez quelconque, autant je trouve celle du single très réussie. Elle est due à Katsuhiko Hibino, un artiste japonais au profil très intéressant, qui est également président d'université et directeur de musée. Étant donné que le nom de l'artiste et le titre sont parfaitement intégrés à l’œuvre, je dirais que celle-ci a dû être réalisée spécifiquement pour la publication du disque.

Dans une réédition de l'album, on trouve en bonus un commentaire de Brian sur Love and mercy. Je n'ai pas tout saisi, mais il enchaîne sur une courte version en solo au piano de la chanson, qui est bien meilleure que la version album et qui peut être considérée comme une matrice pour les autres versions publiées, notamment la deuxième version studio sur l'album suivant I just wasn't made for these times (1995), la version acoustique en face B du single Walking down the path of life (2005) et la version instrumentale au piano sur l'un de ses ultimes albums (At my piano, 2021), sans compter les versions en public. 

One for the boys est un autre titre de l'album. C'est drôle car les crédits officiels donnés par le label sur YouTube indiquent que ce serait de fait un duo avec Andy Paley, où les deux joueraient plein d'instruments et chanteraient. Dans les faits, j'entends un titre complètement a cappella, sans paroles...! Le message n'est pas évident à décoder, mais il est plus que probable que les Boys à qui ce titre est dédié sont les Beach Boys.

Le dernier titre, He couldn't get his poor old body to move, est un inédit des sessions de l'album. Il est co-signé et co-produit par Lindsey Buckingham de Fleetwood Mac. On est en plein dans la recréation d'une chanson pop à la Beach Boys, avec un son actualisé. Dans ce style particulier, ce n'est pas mal et ça aurait très bien pu concurrencer Kokomo, le tube des Beach Boys à la même époque.

Cette chronique est dédiée à l'ami Charlie Dontsurf, qui a vu en quelques semaines disparaître les principales forces créatives des sites qu'il anime, beachboys.fr et ubudance.com. Avec aussi bien sûr une pensée pour Brian Wilson, David Thomas (grand fan des Beach Boys), et Andy Paley, qui lui est mort quelques mois plus tôt, en novembre 2024.




Brian Wilson, Love and mercy, en concert en 1989. Extrait de l'émission The Beach Boys - Endless Summer TV show.
Brian a l'air particulièrement en forme.
C'est la seule des versions live avec un arrangement pop-rock. Je l'aime bien et la préfère de loin à la version de l'album.
Il y a couplet en plus par rapport au disque : "I was praying to a God who just doesn't seem to hear. Oh, the blessings we need the most are what we all fear.".



Brian Wilson, Love and mercy, en concert au Radio City Hall de New York le 29 mars 2001 à l'occasion de An all-star tribute to Brian Wilson.


Brian Wilson, Love and mercy, en concert au Royal Festival Hall de Londres le 30 janvier 2002. Inclus dans la bande originale du film Love & Mercy – The life, love and genius of Brian Wilson.
Cette série de concerts a donné le CD/DVD Brian Wilson presents Pet sounds live. Andy Paley figure dans le groupe.




10 août 2025

EDDY MITCHELL : Chacun pour soi



Acquis d'occasion dans la Marne probablement entre 2000 et 2011
Acquis chez Damien R. à Avenay Val d'Or le 29 avril 2024
Réf : 71185 -- Édité par Barclay en France en 1967
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Chacun pour soi -- Au-delà de mes rêves -/- Alice -- Mes promesses

Après avoir acheté un exemplaire de ce disque à Damien l'an dernier, j'ai découvert en le rangeant que j'en avais déjà un autre. Pour une fois, j'ai une bonne excuse pour ce doublon : les deux rectos de pochette sont complètement différents, même s'ils ont pour point commun d'avoir une photo de Jean-Pierre Leloir.
Difficile de savoir quelle pochette a remplacé l'autre (le verso et le disque lui-même sont identiques pour les deux éditions), mais il me semblerait logique chronologiquement que la première soit celle avec la photo de groupe. Lettrage au goût du jour de 1967, photo orangée mais sombre, titres des chansons peu visibles. Franchement, ce n'est pas une réussite.
Par contraste, la photo d'Eddy Mitchell devant l'avion de la TWA, et le reste de la maquette "claquent" bien et la pochette remplit parfaitement son rôle, qui est d'attirer le client et de faire vendre le disque, tout en donnant bien le contexte, puisque la photo montre Eddy à l'atterrissage aux États-Unis, là où ont été enregistrés les quatre titres de cet EP.

J'ai connu Eddy Mitchell quelques années plus tard, dans les années 1970. Il faisait partie des gens qu'on voyait régulièrement dans les émissions de variétés du samedi, et il avait des tubes : Pas de boogie woogie, C'est la vie, mon chéri, Sur la route de Memphis... On avait même à la maison le 45 tours C'est un rocker / Bye bye Johnny B. Goode, c'est à dire deux adaptations de Chuck Berry. C'est sans doute celui-ci que j'aurais chroniqué en premier si j'avais conservé l'exemplaire familial, ou si j'en avais racheté un depuis.
Cela fait un moment que je picore ici ou là certains des EP de Monsieur Eddy, mais j'y fait plus attention depuis que j'ai été accroché par la reprise de sa Société anonyme par les Ready-Mades.

Ce qui est certain, c'est qu'Eddy Mitchell est un grand fan de musique. Je pense que, s'il s'est lancé en 1964 pour Barclay dans la collection Eddy Mitchell présente les rois du rock, c'est plus pour faire partager sa passion que par intérêt commercial.
Pour sa carrière solo, il s'est rendu à Londres dès 1963 pour enregistrer le London All Star, un conglomérat de pointures de studio, de Big Jim Sullivan à Vic Flick, en passant par Arthur Greenslade et Jimmy Page.

Mais en 1967, en pleine vogue rhythm and blues, Londres ne suffisait plus à Eddy. Il a choisi de s'envoler aux Etats-Unis pour y enregistrer, d'où le libellé générique au verso de la pochette qui annonce Rn' B U.S.A.
Les résultats de cette session ont été publiés sur la face B d'un album intitulé De Londres à Memphis, mais ce titre est un peu trompeur car, si c'est probablement à Memphis, la ville de Stax, qu'Eddy a atterri, il a enregistré à plus de deux cents kilomètres de là, à Muscle Shoals en Alabama. Pas à FAME, mais dans un autre des grands studios de la ville, Quinvy, qui juste avant ça s'appelait Norala (à lire : Quin Ivy and his Norala and Quinvy studios par Pete Nichols, notamment la partie 3, qui couvre la session d'Eddy, et la 4, où il est question de la session de Dick Rivers au même endroit quelques mois plus tard).

C'est la règle pour le jazz, mais très rare pour les variétés, surtout pour un 45 tours : le recto de la pochette nous donne en détails les participants aux sessions d'enregistrement du 26 au 28 mai 1967 dont on trouve ici quatre extraits. Comme il est précisé, ils ont pris part à des enregistrements des grands noms du R 'n' B, et rien qu'en parcourant la liste je reconnais plusieurs noms de ces grands musiciens de session : Roger Hawkins, David Hood, Eddie Hinton, Spooner Oldham, Wayne Jackson...

Eddy Mitchell et son équipe ont fait preuve d'une grande assurance pour l'occasion : ils auraient pu se contenter d'adapter des titres américains, il y en a pléthore, mais non, on trouve sur ce disque quatre originaux, signés Eddy/Claude Moine pour les paroles et Pierre Papadiamandis pour la musique.
Des originaux, mais répondant tous aux critères d'un morceau rhythm and blues typique. Le résultat est très solide, même s'il n'est pas renversant.

J'aime beaucoup en tout cas Chacun pour soi, avec des paroles un peu dures où il question de fermer la porte à une ex qui retente sa chance ("C'est à ton tour de pleurer, à moi de jouer. Oh ! Que tu m'aimes encore ou pas, ça ne m'intéresse pas, de ma vie je t'ai rayée"). Les chœurs, les cuivres, les ponctuations d'orgue sur le refrain sont très réussis.

Alice est une belle ballade, très réussie, qui respecte tous les canons du genre. Je crois que c'est la plus connue des chansons du disque, qui est longtemps restée au répertoire d'Eddy.

Avec Mes promesses et Au-delà de mes rêves, on a un autre titre rapide et un lent. Les ingrédients sont là, mais la sauce a un peu de mal à prendre.
C'est quand même au bout du compte un projet intéressant, avec deux pochettes pour le prix de deux.

Amigos, le dernier album en date d'Eddy Mitchell, est sorti en 2024. A 83 ans, il a dû annuler pour raisons de santé sa tournée prévue cet été.


Eddy Mitchell, Chacun pour soi, en direct à la fin de l'émission Télé dimanche le 12 novembre 1967.


Eddy Mitchell, Chacun pour soi, en direct dans l'émission Hip hip show le 8 septembre 1967.
Au-delà du fil pris dans le pied de micro, il y a visiblement un problème au début au moment du titre écourté Je ne me retourne pas, mais je ne comprends pas le mot prononcé par Eddy après "Tout de suite", ni le sens des "Merci", "Y en a un". Je crois qu'il y fait encore référence tout à la fin ("Y a trois merci").
Le public de toutes ces émissions de télé est amorphe, quand il ne passe pas son temps à entrer et sortir...!



Eddy Mitchell, Chacun pour soi, en direct à la télévision.


Eddy Mitchell, Chacun pour soi, mimé à la télévision le 4 septembre 1969.


Eddy Mitchell, Alice, en direct à la télévision.


Eddy Mitchell, Alice, mimé à la télévision.


Eddy Mitchell, Alice, mimé à la télévision, visiblement dans les années 1970.


Eddy Mitchell, Alice, en direct à la télévision, accompagné par l'Orchestre d'Ivan Jullien, le 29 janvier 1977. Muscle Shoals est bien loin !


Eddy Mitchell, Mes promesses, mimé à la télévision.

04 août 2025

THE ELEVENTH HOUR : Voulez-vous coucher avec moi ce soir


Acquis sur le vide-grenier de Oiry le 6 avril 2025
Réf : SG 518 -- Édité par Disc'AZ en France en 1974
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Voulez-vous coucher avec moi ce soir (Lady Marmalade) -/- He did ya good '(But I'll do that better)

J'ai trouvé ce disque le même jour que la cassette de Fawzi Al-Ayedi, juste avant la fin de mon tour sur la broc de Oiry.
J'ai misé un euro sur ce disque tout simplement parce que j'ai été très surpris d'apprendre que, potentiellement, le grand tube Lady Marmalade de Labelle est une reprise.
Il y a pas mal de classiques qui, on finit souvent par l'apprendre, ne sont pas originaux. J'ai en tête par exemple I love rock and roll, Bette Davis eyes ou Love will keep us together. Un gars, Bob Leszczak, a même publié trois livres sur le sujet Who did it first ?.

Je dis "potentiellement" car l'expérience m'a appris qu'il faut être très méfiant vis-à-vis des allégations figurant sur les pochettes de disques. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles ne sont pas plus fiables que des paroles d'évangile, et souvent encore moins !
Si on s'en tient simplement aux mentions "Version originale", on a déjà exploré ici de beaux cas d'école, Mamy blue en étant un exemple particulièrement gratiné. Il y aussi la "version originale chantée" d'un instrumental, la "version originale anglaise" d'un tube originellement en anglais mais, subtilité, interprété par un groupe hollandais ! Il y a encore la "seule version originale" d'Al Capone et la "very original" ! On a même connu la "version originale" qui est en fait une nouvelle version par l'interprète originale...

Bon, il se trouve que, pour une fois, l'allégation est correcte : ce groupe The Eleventh Hour est bien le premier à avoir enregistré et publié Lady Marmalade.
La chanson a été co-écrite par Bob Crewe, qu'on connaît notamment pour Silhouettes et les tubes qu'il a écrits pour Frankie Valli et les Four Seasons (dont Walk like a man), et un certain Kenny Nolan, qui était entre autres le chanteur d'un groupe de requins de studio, The Eleventh Hour.
Apparemment, la version originale de Lady Marmalade par The Eleventh Hour était considérée par ses auteurs comme une sorte de démo. Elle a quand même été incluse en juin 1974 sur le premier album du groupe, qui a un titre de compilation, The Eleventh Hour's greatest hits 1974 AD.

Avant d'écrire la chanson, Crewe avait séjourné à La Nouvelle Orléans. Très vite, il l'a fait écouter à Allen Toussaint, qui a décidé de l'enregistrer avec le groupe Labelle. Leur version est sortie en septembre 1974 sur l'album Nightbirds et en novembre en 45 tours.
C'est cette version que tout le monde connaît. C'est celle-là dont, à douze ans, je me faisais un plaisir de chanter à tue-tête le refrain "Voulez-vous coucher avec moi ce soir ?", comme je le faisais un peu plus tôt avec "les putains" d'On ira tous au paradis de Polnareff. Je ne le savais pas, mais il est question aussi de prostitution avec Lady Marmalade, qui est le récit d'une passe à La Nouvelle Orléans, qui fait "rugir la bête sauvage" à l'intérieur d'un pékin moyen, qui se repasse le film de cette nuit mémorable par la suite, une fois revenu dans sa grise vie quotidienne. Au passage, on peut se permettre de sourire de l'affirmation de la chanteuse Patti Labelle qui a expliqué qu'elle ne connaissait pas le sens du refrain en français qu'elle a chanté. C'est possible, mais elle parle anglais et tout le reste de la chanson, écrit dans cette langue, laisse très bien comprendre de quoi il est question.
 
Et que vaut la version de The Eleventh Hour par rapport à celle de Labelle ? Eh bien, c'est beaucoup moins bien ! Elle est plus lente, et surtout assez bancale, pas groovie ni funkie pour un sou, même si tous les ingrédients sont là. Le chant est lui aussi très guindé. On a droit à un solo de saxo, et après la chanson semble presque s'arrêter, alors qu'il reste encore une minute à courir.
Ce n'est sûrement pas un hasard si cette version n'est pas sortie en 45 tours aux États-Unis. D'après ce que je vois dans Discogs, il n'y a qu'en France et au Brésil qu'un single a été publié, sûrement pour récupérer un peu de miettes du succès de Labelle.
Devant ce succès, The Eleventh Hour a remis le couvert et publié en 1975 une deuxième version de Lady Marmalade sur l'album Hollywood hot. Elle est plus rapide, un peu plus disco, dure une minute de plus. Elle passe un peu mieux, inspirée par la version Labelle, mais c'est pas encore ça, et la partie instrumentale dans la deuxième moitié, avec encore du saxo, est difficile à supporter.

La face B, He did ya good (But I'll do that better) est aussi extraite du premier album. Musicalement, on est dans la même veine et ça reste pataud. Et je crois que je préfère ne pas essayer de comprendre toutes les paroles ("I got a muscle Mama", "You'll get your satisfaction guaranteed")...!

Après l'aventure Eleventh Hour, Kenny Nolan s'est lancé dans une carrière solo. Et figurez-vous qu'il a eu un grand succès en 1976, avec la chanson I like dreamin' qui a été un tube aux États-Unis. Mais l'avion et le vedettariat c'était visiblement pas son truc et par la suite il s'est concentré sur l'écriture de chansons. 

Il y a plusieurs groupes nommés The Eleventh Hour, mais j'ai été surpris de voir, sur la page Bandcamp où l'on trouve les deux albums du groupe qui nous intéresse aujourd'hui, que deux concerts sont annoncés en Angleterre pour août-septembre. Je me demande bien quelle est la formation du groupe (Kenny Nolan n'en fait certainement pas partie).

28 juillet 2025

RANKINE / DIRTY DISTRICT : Ragga-buzzin'


Acquis à la Bourse aux Disques de Radio Primitive à Reims le 23 mars 2025
Réf : 1442 -- Édité par Barclay en France en 1991 -- Hors commerce
Support : 45 tours 17 cm
Titres : RANKINE : Les mâles -/- DIRTY DISTRICT : Blast it

Après le Peter Gabriel, le The Call et le Pierre Vassiliu, voici un autre des disques glanés en mars lors de la bourse aux disques de Radio Primitive, la plupart rescapés de la discothèque de la station. J'ai vraiment fait de bonnes pioches ce jour-là !

Ce 45 tours promo contient deux extraits de la compilation Ragga buzzin'. On peut la considérer comme une réponse version raggamuffin de Barclay à la compilation Rapattitude de Labelle Noir/Virgin parue l'année précédente. C'est aussi une cousine de la très pop Contresens, c'est à dire qu'on a là trois compilations qui présentent des artistes d'une "nouvelle scène" d'un genre musical particulier.

Je ne me souviens plus de ce 45 tours en particulier, mais je sais qu'on avait aussi reçu le CD de Ragga buzzin' à la radio, que j'avais écouté, et c'est précisément la chanson de Rankine que j'avais choisi de diffuser en octobre 1991, dans mon émission personnelle Vivonzeureux!, puis, de façon particulièrement appropriée, dans mon autre émission Sueur d'hommes, co-animée avec les vedettes Phil Sex et Raoul Ketchup.

Je ne connaissais pas "Rankine". Grâce aux références présentes sur Discogs, j'ai assez vite appris que Clarence, de son prénom, est créditée sur les deux premières cassettes de Massilia Sound System, Rude & souple (1989) et Vive le Piim (1990). Sur la première, on trouve même une version de Les mâles, qui doit être différente mais que je n'ai malheureusement pas trouvée en ligne.
Je ne le savais pas du tout mais, comme le détaille Camille Martel dans son livre Massilia Sound System : La façon de Marseille (2021) (les premières pages sont disponibles ici), Clarence Rankine (ou Ranking Clarence, et il y a plein d'autres variations) est membre fondatrice de Massilia et, de 1984 à 1991, elle en a été l'une des trois vocalistes, avec Tatou et Jali. Elle chante donc plusieurs titres sur les deux cassettes du groupe, dont Nouveau style et L'argent, et a donné plusieurs dizaines de concerts avec eux.
Elle a quitté Massilia en mai 1991, un an avant la parution du premier album Parla patois, ce qui explique que ceux qui, comme moi, ont découvert le groupe avec ce disque ne la connaissent pas.
Apparemment, le titre sur Ragga-buzzin' était le premier jalons d'une carrière solo, mais je n'ai pas trouvé trace d'autres parutions de Rankine.

Les mâles est un excellent ragga, avec des paroles qui remettent les mecs à leur place et pointent la différence de traitement entre les hommes et les femmes. Camille Martel donne des détails sur le contexte de création de la chanson : "Clarence livre ensuite l’un des temps forts de Rude et Souple : « Les mâles », dans lequel elle répond à son confrère parisien le DJ Daddy Yod, qui avait sorti « Elle n’est pas prête » en 1987, galerie de portraits de jeunes femmes volages, pas d’accord pour s’engager dans une relation amoureuse stable. Une autre des filles évoquées par Daddy Yod dans sa chanson n’a rien dans la tête, elle est superficielle et terrifiée par l’idée de vieillir… La réponse de Clarence à cette démonstration machiste est claire."
Musicalement, on est en plein dans le style raggamuffin, avec une particularité dans l'arrangement, la présence remarquable d'un violon, tenu par Nicolas Zaroff, qui a notamment joué avec Leda Atomica (il est malheureusement mort accidentellement en 2011, à 48 ans).
Je ne sais pas si Rankine avait signé un contrat solo avec Barclay, mais en tout cas, parmi les artistes de Ragga buzzin', c'est bien elle que le label avait entrepris de mettre en avant : outre ce 45 tours, il y a eu un maxi hors commerce avec une version de Les mâles remixée par No Smoke. Elle est plus longue, mais aussi très quelconque. Le violon a malheureusement disparu...

Sur la face B, on trouve la contribution de Dirty District à Ragga buzzin'. Un groupe que j'ai eu l'occasion de voir quartier Wilson à Reims le 15 avril 1989 lors d'un concert antifasciste organisé par L’Égrégore.
Blast it est un titre de leur premier album, Pousse au crime & longueur de temps. Il fait plus de huit minutes sur l'album, juste cinq ici. Ce sont deux enregistrements différents, dans l'esprit reggae-rock rebelle façon The Clash. La version du 45 tours est sur un tempo plus rapide. Les deux ont le même défaut insupportable : elles sont chantées dans une espèce de bouillie indescriptible censée être de l'anglais.

Une vidéo a dû être tournée pour Les mâles, au moins pour un passage de télé : on en aperçoit quelques secondes dans l'émission Rapline spéciale Raggamuffin.


Massilia Sound System en 1990 : Tatou, Clarence Rankine et Jali. Photo : Stéphane Godefroid (Source).

19 juillet 2025

GUY CORNÉLY accompagné par LE TANDEM DU GROS-CA VÉLO / BOISBANT : Guadeloupe


Acquis sur la brocante de l'avenue Victor Hugo à Ay le 22 juin 2025
Réf : RC 62 -- Édité par Aux Ondes/Disques Célini en France vers 1969
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Guadeloupe -/- En cé nègue -- Où sont donc les tam-tam ?

La météo était agréable, l'ambiance paisible et familiale sur la petite brocante de l'avenue de la gare à Ay. Je n'ai acheté que deux disques à 1 €, mais deux superbes trouvailles dont j'étais très content. La qualité prime sur la quantité.
Le premier, je le cherchais depuis 2019, quand j'ai chroniqué le 45 tours de Denise Varène. Ils 'agit du EP dont j'avais reproduit la pochette où elle est photographiée avec son mari Marcel Bianchi.
L'autre, c'est celui-ci, que j'ai trouvé dans une boite à chaussures, caché parmi une petite vingtaine de disques de variétés.
La personne qui tenait le stand diffusait de la musique sur une enceinte. Au moment de payer, je lui ai demandé quel était ce titre largement instrumental très agréable qu'on entendait. Je pensais à The Cure, et effectivement la chanson s'appelle Lullaby, mais il s'agit bel et bien de Low, avec un extrait de I could live in hope. Un album que je ne connais pas, mais j'ai une version démo de Lullaby dans le coffret A lifetime of temporary relief.

Quand j'ai commencé à acheter des disques des Antilles, je me méfiais particulièrement des mentions du type de ce "Souvenir de la Guadeloupe". Pour moi, ça signifiait obligatoirement qu'on avait affaire à de la soupe commerciale pour touristes. J'ai vite été détrompé. Il s'avère que les touristes étaient un bon débouché commercial pour les créations musicales locales. Je pense qu'une bonne partie des productions de Debs et Célini s'écoulaient non pas chez des disquaires mais dans des boutiques pour vacanciers. Et je m'en félicite, car les disques de ces labels que je trouve par chez moi ne proviennent pas de collections de fans de ces musiques, ce sont bien les fameux souvenirs ramenés de vacances qu'on trouve dans ces cartons de disques.

Celui-ci est un bel objet discographique, un album au sens propre du terme, avec une pochette ouvrante et un insert rajouté, ce qui fait, que, recto-verso compris, la pochette fait six pages au format 45 tours.
L'autre particularité, et c'est également précisé sur la pochette, c'est que nous n'avons pas ici des chansons à proprement parler, mais des poèmes mis en musique. Contrairement à ce que je pensais initialement, les textes reproduits sur la pochette ne sont pas ceux des poèmes, mais un commentaire en français de l'auteur sur ses œuvres.

Ce poète, Guy Cornély, n'est donc pas un chanteur (il a publié au moins deux recueils de textes, Pêle mêle en 1968 et L'enfant en 2003), mais il chante quand même Paresse, un tumbélé des Guitars Boy, sur le 45 tours At the bay, un disque que je possède.

Guy Cornély est accompagné ici par un célèbre duo de musiciens de gwoka, Marcel Lollia dit Vélo (1931-1984) et Arthème Boisban (1931-2006 ?). C'est apparemment le seul disque jamais publié sous son nom par Guy Cornély, mais il ne s'agit pas de sa seule collaboration avec Vélo : il signe les notes de pochette de l'album 25 cm Folklore de la Guadeloupe de Vélo et son Gros-Ka et, même si l'image sur Discogs n'est pas lisible, je parierais bien qu'il est l'auteur du poème qu'on trouve au dos de la pochette de l'album Folklore hors série.

Je ne l'ai pas précisé tant ça me paraissait évident, mais les poèmes de Guy Cornély sont écrits en langue créole. Vélo et Boisbant assurent le rythme et lui dit son texte. Quand on écoute Guadeloupe, on ne peut que penser à une forme de proto-rap, et faire un parallèle avec un groupe qui venait de se lancer au même moment, pas si loin que ça de la Guadeloupe, les Last Poets de New York.

Il me semble que la "sauce" entre musique et voix prend mieux sur les deux titres de la face B, En cé nègue (dont on trouve le texte ici) et surtout Où sont donc les tam-tam ?, dont on apprend tout à la fin qu'il s'agit des "tam-tam de la liberté". Cette dernière chanson a été rééditée en 2018 sur la compilation Par les damné.e.s de la terre.

Une œuvre rare, intéressante artistiquement. Un très bel objet disque. C'est largement suffisant pour me combler. Mais il y a plus : la découverte du parcours de Guy Cornély, qui ne s'est pas contenté d'être un poète.
Engagé dans la marine à 18 ans en 1939, il se retrouve donc sous les ordres du Régime de Vichy. Comme des milliers de jeunes antillais, il "part en dissidence" en 1943. Autrement dit, il déserte en s'enfuyant en canoë jusqu'à la Dominique, puis il résiste en rejoignant les Français Libres du Général de Gaulle à Londres. Le 6 juin 1944, il participe au débarquement en Normandie en tant que marin du cuirassé Courbet. Comme de nombreux dissidents antillais, et comme les soldats français d'Afrique, il devra attendre longtemps (un demi-siècle...!) pour qu'un hommage lui soit rendu.
Et ce n'est pas tout. Après la guerre, il rejoint l'Institut Pasteur de Pointe-à-Pitre. En tant que parasitologue, il contribue à la lutte contre des maladies qui frappent les guadeloupéens.
Une vie admirable et remarquable.






12 juillet 2025

EAST OF EDEN : Le 1er disque pirate d'East Of Eden


Acquis sur le vide-grenier de la rue Caulaincourt à Paris le 24 septembre 2022
Réf : 17.048 -- Édité par Deram en France en 1970
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Jig-a-jig -/- Marcus junior

Au lendemain du concert de Mozart Estate au Paris Popfest en 2022, j'avais repéré deux brocantes à faire avant de retourner à la maison. Manque de bol, une pluie fine imprévue s'est invitée toute la matinée.
Je n'ai rien trouvé à la broc assez sympathique et familiale de Pont-Ruisseau, et heureusement qu'un vendeur professionnel 'soldait' une partie de ses disques rue Caulaincourt : cela m'a évité de rentrer bredouille. Au bout du compte, à 3 € le 33 tours d'Hurard Coppet et 1 € la poignée 45 tours de gens comme Jah Cure, The Colour Field, Sons & Daughters ou Will Sheff, j'ai fait une assez bonne récolte.

Je ne connaissais pas du tout East of Eden. J'ai pris ce disque uniquement parce que la pochette m'a intrigué. Avec le slogan "Le 1er disque pirate d'East Of Eden", j'ai pensé qu'il s'agissait d'un disque promo. Mais non, c'est bien l'édition originale commercialisée en France de ce 45 tours qui se donne des atours de disque pirate. La première fois que j'ai été confronté à ce procédé, c'est avec le Live! Bootleg d'Aerosmith en 1978, que plusieurs des copains du quartier avaient acheté.
Certes, à cette époque il me semble que la vogue des disques pirates prenait de l'ampleur, et les radios pirates avaient aussi le vent en poupe, ça pouvait donc éventuellement être vendeur d'associer le groupe au côté rebelle de la piraterie. Mais là, ça vient comme un cheveu sur la soupe et sans aucune explication (aucune référence par ailleurs au verso ou sur le disque à cet aspect pirate). Je trouve cela plutôt anti-commercial qu'autre chose.

East of Eden s'est formé à Bristol en 1967. On les classe dans le rock progressif, avec des tendances jazz ou symphonique. Je ne suis surtout pas allé vérifier ces informations !
Ils ont sorti deux albums chez Deram en 1969 et 1970, avant de quitter le label pour Harvest. Comme d'autres (je pense aux Zombies, qui ont connu le succès avec She's not there Time of the season alors qu'ils venaient de se séparer), East of Eden a eu son plus grand succès avec un disque sorti sans leur accord, pas du tout représentatif de leur parcours. En effet, c'est Deram qui a sorti en mai 1970 Jig-a-jig, un medley de trois airs traditionnels, qui met en avant leur violoniste Dave Arbus. Le groupe le jouait assez ironiquement en rappel de ses concerts et n'imaginait qu'il serait un jour une face A de 45 tours et aussi leur seul grand succès !

Initialement, j'ai écouté le disque et je l'ai rangé sans le chroniquer, malgré sa pochette mystérieuse. Je l'ai ressorti tout récemment après avoir vu passer en ligne un lien vers la face B du 45 tours, Marcus Junior, avec un commentaire qui m'a surpris à propos d'une "version prog-folk d'un classique ska de Don Drummond".
Comment ça, Don Drummond, le tromboniste des Skatalites ? Celui qui, malade mentalement, a tué sa femme et est mort en hôpital psychiatrique à 35 ans ? Oui, lui, qui a composé plus de 300 titres, dont effectivement Marcus Junior, sorti en 45 tours sous son nom en 1964.
J'ai réécouté la version East of Eden pour vérifier, et elle n'a rien de ska. Et comme le titre est crédité "Drummond" sans prénom, je ne risquais pas de faire le lien avec les Skatalites. Mais il s'agit bien de la même composition, arrangée de façon totalement différente.
La grande question, c'est comment un groupe progressif se retrouve à reprendre du Don Drummond (et pas qu'une fois, puisque sur leur album Snafu, on trouve non seulement Marcus Junior mais aussi une autre reprise de Don Drummond, Confucius) ?. Eh bien, le saxophoniste Ron Caines nous donne l'explication dans un entretien pour Friars Aylesbury : il avait entendu ces titres dans un club reggae, acheté les disques,  et le groupe les a intégrés à son répertoire sur scène dès ses débuts.

Un pseudo-disque pirate et une surprenante reprise d'un titre ska, c'est suffisant pour faire ma journée...

Dave Arbus (1941-2025) est mort ce printemps. Il était passé au fil des années de l'archet de violon aux crayons et pinceaux. Les annonces de sa mort mentionnent à peine East of Eden pour se contenter du fait qu'il joue sur Baba O'Riley des Who.


East of Eden, Jig-a-jig, une version courte mais excellente, à la fin d'une émission de la RTBF, vers 1970.

06 juillet 2025

THE EQUATORS : Baby come back


Offert par Claire B. à Mareuil sur Ay le 7 juin 2025
Réf : 640 206 -- Édité par Stiff en France en 1980
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Baby come back -/- Georgie

Après celui d'Essous, voici un autre disque offert par ma sœur Claire, celui-là rescapé d'une déchetterie je crois.
On ne peut pas dire qu'il est courant, mais j'avais déjà eu l'occasion de voir ce disque. Je ne m'y étais pas intéressé, rebuté par le fait que cette reprise par un groupe nommé The Equators de Baby come back, l'excellent tube de 1968 de The Equals, fait penser à ces publications parasites, dont les meilleurs exemples présentés ici sont peut-être Venus par The Blocking Shoes et Yankee Horse, Sea side shuffle par Big Tears and the Crocodile ou Al Capone par Prince of Wales Stars.

Mais ce disque est paru en 1980, il ne s'agissait plus de concurrencer un grand succès du moment. Et surtout, pour l'occasion Stiff a fait appel comme producteur à Eddy Grant, l'auteur et interprète original de la chanson. Cette reprise n'a donc rien d'une quelconque contrefaçon et a tout le soutien des ayant-droits. 

Formé en 1977, même s'ils ont pris ce nom plus tard, The Equators était un groupe de Birmingham composé des quatre frères Brian, Donald, Leo et Rocky Bailey, ainsi que de Cleveland Clarke, Dennis Fletcher et du guitariste Alfonso Renford.
Repérés lors d'un concert où ils étaient à l'affiche avec leurs voisins de Birmingham The Beat, ils ont été signés par Stiff. Précédemment, ils avaient enregistré à Paris en juillet 1979, sous le nom de Mosiah, un album de reggae paru uniquement par chez nous. J'aimerais bien connaître l'histoire de ce disque plus en détails...

Le premier projet assigné par Stiff aux Equators, c'est l'album Black and Dekker de Desmond Dekker : ils l'accompagnent sur trois titres, Lickin' stick, Hippo et Please don't bend.

Cité chez Marco On The Bass, Dave Wakeling explique que The Beat a été influencé par The Equators : ils avaient élaboré avant eux un hybride punk-reggae, qu'ils pratiquaient de manière pleine de "soul" et délicate. Malheureusement pour The Equators, il n'y avait visiblement pas la place pour deux groupes de Birmingham au moment où la vague ska/2 Tone a submergé l'Angleterre.

Mon exemplaire du 45 tours correspond à l'édition originale française de ce disque. Pourquoi deux éditions françaises pour cette parution assez obscure ? Eh bien tout simplement parce que, courant 1980, la distribution française de Stiff est passée de Barclay à Vogue. Barclay a donc arrêté de commercialiser ces disques, et Vogue en a ressorti quelques uns qui étaient récents, comme celui-ci, sous la référence 104 130.

Cette reprise ska de Baby come back est bien sûr accélérée, mais elle reste très fidèle dans l'esprit à la version originale. Ça décolle dans la seconde moitié, quand l'atmosphère se fait d'un coup assez "dubby" et qu'on a droit à une partie de chant toasté, qui pour le coup évoque immanquablement feu Ranking Roger de The Beat.
Cerise sur le gâteau, il existe sur un maxi une Dub version de Baby come back : soit d'abord les trois minutes trente du 45 tours, plus quatre minutes de rab pour mon plus grand plaisir.

La face B, Georgie, est produite par Bob Andrews de The Rumour, qui jouait aussi sur Black and Dekker. Elle est de très bonne tenue.

L'année suivante est sorti Hot, l'unique album des Equators, également produit par Bob Andrews. Les deux titres du 45 tours n'y figurent pas. L'aventure Stiff s'est arrêtée là et le groupe s'est séparé.
35 ans plus tard, The Equators s'est reformé. Ils jouent régulièrement et ont publié quelques nouveaux titres.



28 juin 2025

GILBERT BÉCAUD : Mé-qué, mé-qué


Acquis chez Emmaüs à Tours sur Marne le 16 octobre 2021
Réf : EGF 169 -- Édité par La Voix De Son Maître en France en 1968
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Mé-qué, mé-qué -- C'était mon copain -/- Donne-moi -- La ballade des baladins

En 2020, Philippe R. m'a envoyé la vidéo d'un passage de Gilbert Bécaud interprétant Mé-qué, mé-qué en 1972 dans une émission de Philippe Bouvard et Jean Amadou, en soulignant que la chanson s'envole quand il se met au piano et que la grosse section de cuivres façon jazz / rhythm and blues se déchaîne. Les musiciens ont tous l'air de bien s'éclater et détonent par rapport au "public" d'une émission de ce genre.
J'ai acheté ce 45 tours l'année suivante et depuis tout ce temps-là il était dans la pile de disques à chroniquer.

Mé-qué, mé-qué est une chanson que j'avais repérée depuis un moment car, à l'écoute de chansons de Tahiti, d'Afrique ou "des îles" dans des langues ou créoles que je ne comprends pas, je me suis souvent imaginé écrire des paroles en français qui colleraient sur ces sonorités.
Avec ses rimes en "qué et en "qua", c'est l'exercice auquel Charles Aznavour s'est livré pour ce qu'il qualifiait sur scène en 1954 de "petite fantaisie". C'est certes léger, avec la musique qui va bien avec, mais c'est une réussite. On n'est pas au même niveau de virtuosité, mais ça pourrait annoncer les exploits de Boby Lapointe façon Méli mélodie ou La peinture à l'huile.
Sur un thème similaire du départ du port dans une contrée exotique, Marcel Amont enregistrera quelques années plus tard Pleurez-pas, je reviendrai.

J'ai été surpris de découvrir le crédit Charles Aznavour / Gilbert Bécaud pour cette chanson. Je ne savais pas particulièrement qu'ils avaient collaboré à leurs débuts. Aznavour a raconté leur première rencontre à Frémeaux, chez Édith Piah et Jacques Pills, avec qui ils collaboraient  séparément tous les deux. En attendant Piaf ce jour-là, ils ont écrit Viens et ils ont fait par la suite une quinzaine de chansons ensemble.

Chacun sur son label, ils ont sorti Mé-qué, mé-qué en 78 tours en 1953. Bécaud en face B de Quand tu danses et Aznavour, en l'orthographiant Mé-ké, avec Viens en face B. La partition nous apprend que Dario Moreno a sorti sa propre version presque simultanément. Des trois, c'est celle de Bécaud qui a ma préférence.
Une version en public figure sur l'album Olympia 72 et, clin d’œil, elle est sortie en 45 tours avec Quand tu danses en face B.
Cette chanson n'est pas un "grand classique", mais elle a été régulièrement reprise. Par Marino Marini notamment (très bonne version) ou par The Gaylords, en anglais en 1954. Par la suite, Joe Dassin l'a incluse sur son album de 1969, qui s'est beaucoup vendu, et Kenny Criola en a fait une version de bonne tenue en 1977, avec un arrangement dans le ton de l'époque.

Mon disque est une réédition de 1968 d'un EP paru initialement en 1955, avec une inversion des faces A et B.
Sur le disque original, il est bien précisé que deux titres (la face de Mé-qué, mé-qué) sont accompagnés par le Quartette Fred Ermelin et les deux autres par François Vermeille et son Ensemble. En 1968, plus aucune mention de Fred Ermelin.

Autant j'apprécie Mé-qué, mé-qué, une chanson qui a très bien vieilli, autant j'ai du mal avec les autres titres du disque, sauf La ballade des balladins, qui passe pas mal pour moi, avec un arrangement assez dépouillé. Mais pour C'était mon copain et surtout Donne-moi, je trouve le chant emphatique et maniéré. Bécaud n'avait pas encore trouvé sa voix en tant qu'interprète.

Pour ma part, le Bécaud que j'ai connu c'est la grande vedette des années 1970, celle de L'important c'est la rose ou Nathalie qui passait dans les émissions du samedi soir à la télé. Monsieur 100 000 Volts était bien loin. Je vous fais grâce de la version de La ballade des baladins en 1979 à la fin de l'émission Numéro un Raymond Devos !
Ce n'est que plus tard que j'ai pris conscience de son succès international et je n'ai vraiment mesuré son influence que via les reprises d'Et Maintenant / What now my love, Je t'appartiens / Let it be me et Le jour où la pluie viendra / The day the rains came.


Gilbert Bécaud, Mé-qué, mé-qué, ci-dessus en direct en 1972 dans l'émission Samedi soir de Philippe Bouvard et Jean Amadou, et ci-dessous en concert à la même époque.