17 décembre 2011

GERARD MANSET : Gérard Manset 1968


Acquis auprès de Raymond G. à Reims à la fin des années 1980
Réf : 2C 066 - 11.788 -- Edité par Pathé Marconi / EMI en France en 1971
Support : 33 tours 30 cm
12 titres

Je ne sais plus pour quelle (mauvaise, bien sûr) raison Raymond avait décidé de revendre certains de ses disques, notamment les albums de Manset. Toujours est-il que, ayant déjà et aimant beaucoup Lumières et Royaume de Siam
et sachant que Manset avait décidé de ne pas rééditer une partie de sa discographie, j'ai acheté à Raymond son exemplaire du premier album de Manset, qui avait déjà bien vécu, certes, mais à un prix d'ami car j'ai en souvenir une somme de trente de francs, avec peut-être bien dans le lot un deuxième disque, le beaucoup moins rare Y'a une route.
Ceci n'est pas exactement le premier album de Gérard Manset. L'album original dix titres a dû passer à peu près inaperçu au cours de l'année mouvementée 1968. Je crois ne l'avoir jamais vu, ou alors accroché avec un prix énorme dans une pochette plastique dans le dos d'un vendeur professionnel sur une bourse aux disques. Non, cet album est une réédition de 1971 suscitée par le succès rencontré par le deuxième album, La mort d'Orion. Au verso, de dithyrambiques extraits de presse sont repris, tous à propos de La mort d'Orion. Les fans de cet amphigouri musical qu'est la première face de La mort d'Orion ont sûrement été déçus à l'écoute de Gérard Manset 1968. On est loin de l'oratorio progressivo-classique consacré par la critique. Ici, c'est de la chanson française pop psychédélique, c'est à dire qu'on est plus proche de la face B de ce deuxième album, notamment de l'excellent Le paradis terrestre, qui remixe/échantillonne/cite Animal on est mal, le titre phare du Manset de 1968.
C'est l'écoute dans l'émission de Philippe Meyer d'une version de On ne tue pas son prochain ("Ça ne se fait pas, ça n'est pas bien") qui m'a donné l'idée de ressortir cet album. Jusque là, je ne comptais que deux titres essentiels dans ce disque, Animal on est mal et Golgotha, et voilà subitement que je suis passé à trois, voire beaucoup plus.
Cet album ne reprend pas l'intégrale des titres publiés par Manset en 1968, ce serait trop simple, mais on y est presque : L'arc-en-ciel et l'excellent La dernière symphonie, les deux faces B d'Animal, ont été ajoutés, ainsi qu'un inédit, Golgotha, mais un titre de l'album original, Pas de pain, a été retranché.
Manset a sorti ce disque à 23 ans. Il n'avait pas encore son propre studio, mais il a quand même obtenu un grand contrôle sur ce premier album puisque, outre les paroles et les musiques, il signe toutes les orchestrations.
Animal on est mal donne bien le ton du disque. Dieu est présent, comme la religion et les évangiles sur une bonne partie de l'ensemble. La chanson est excellente, avec une touche psychédélique amenée principalement par la basse, des cordes et même des cris d'animaux. L'autre sommet du disque et l'autre ouverture de face, c'est Golgotha ("Où allez vous donc ? Vous tomberez de haut quand vous saurez ce qu'il vous faut pleurer"). D'après ce que j'ai compris, ce titre a bien été enregistré au cours de cette année 1968. Dieu Manset seul sait pourquoi il est resté inédit alors (et depuis, aussi). Là encore, violons et basse s'associent parfaitement, avec de l'orgue en plus.
A mon sens, tout ne fonctionne pas parfaitement ici. J'ai du mal notamment avec Mon amour et La toile du maître. Mais outre ceux déjà cités, les excellents titres s'enchaînent, comme Je suis Dieu, Il rentre à 8 heures du soir, Tu t'en vas et L'une et l'autre. La thématique de l'également très réussie La femme fusée m'a fait penser à Edith Nylon. Fort logique : j'avais oublié que le groupe new wave avait composé sa propre Femme fusée sur l'album Johnny Johnny en 1980.
Parmi les contemporains français de Manset, on peut penser à Michel Polnareff, et ce n'est sûrement pas un hasard si les deux seuls à s'être attaqués à des titres de 1968 sur l'album-hommage Route Manset sont Bashung avec Animal on est mal et Brigitte Fontaine avec On ne tue pas son prochain.
Ce disque composite n'a pas la même unité et n'a pas eu le même impact que les deux monuments que sont Comme à la radio et L'histoire de Melody Nelson, mais après tout son enregistrement les pré-date et il les vaut presque.
Et maintenant, puisque j'ai récupéré cet autre disque enterré par une autre source (ma petite soeur), il va peut-être falloir que je me plonge dans l'écoute de l'album de Manset de 1972, celui qui a tant marqué François Gorin.

Ajout du 22 avril 2014
C'est grâce à Jean-Pierre Moya que j'ai appris la disponibilité sur YouTube d'un document très intéressant, un passage télé de Gérard Manset interprétant Animal on est mal en avril 1968. C'est carrément historique, avec mention au passage de pavés de de "l'imagination au pouvoir". Du coup, j'ai aussi trouvé un autre document, On ne tue pas son prochain, extrait de l'émission Au risque de vous plaire de Jean-Christophe Averty de novembre 1968. La précision n'est pas donnée pour Animal on est mal, mais il est clair qu'il s'agit également d'une réalisation d'Averty.





L'album original de 1968.

4 commentaires:

Charlie Dontsurf a dit…

Merci Père Dodu !
Je ne suis pas un grand connaisseur de Gérard Manset mais j'aime bien me plonger dans l’œuvre.
Merci pour le lien avec l'article de Gorin. Merci pour tout, quoi !!

Anonyme a dit…

C'est pas à Polnareff qu'il faut penser pour ce premier album, mais à Eric Charden. Ils co-composaient à l'époque sans se soucier des droits sacem. Bref, il y a des musiques signées Charden dedans mais on ne sait pas lesquels.

Pol Dodu a dit…

Je n'étais pas au courant pour les collaborations Manset-Charden, par contre j'ai été très surpris de découvrir un titre signé Manset-Sheller sur un 45 tours de... Dalida ! qu'on m'a offert le mois dernier.

Pol Dodu a dit…

Grâce à Jean-Pierre Moya, j'ai ajouté au billet deux vidéos très intéressantes de passages télé de Gérard Manset interprétant Animal on est mal en avril 1968 et On ne tue pas son prochain en novembre de la même année. Deux réalisations de Jean-Christophe Averty.