Vivonzeureux!
Des tranches de vie en forme de rondelles discographiques
15 novembre 2024
CROWBAR : Bad manors (Crowbar's golden hits, volume 1)
Acquis chez Happy Cash à Dizy le 5 octobre 2024
Réf : PAS 6007 -- Édité par Paramount aux États-Unis en 1971
Support : 33 tours 30 cm
14 titres
Je passe régulièrement dans ce magasin Cash situé à quelques pas de ma ressourcerie locale. La plupart du temps pour rien, car les arrivages de lots de disques sont assez rares, même si, au fil des années, j'y ai trouvé une cinquantaine de CD neufs à 50 centimes, une des compilations reggae Tighten up et assez récemment un petit lot de 45 tours parmi lesquels il y avait le T.H.X. et le Fortunel.
Au bout du compte, depuis six mois que le rayon disques de la ressourcerie s'est presque entièrement tari, c'est au Cash que j'ai fait le plus d'affaires. Le mois dernier encore, j'y ai pris trois 45 tours, de Carl Douglas et George McCrae (pas leur tubes), ainsi qu'une réédition de Leader of the pack, avec une face B différente de mon original anglais. Alors que j'attendais à la caisse pour les payer, j'ai repéré une grosse pile de 33 tours posés sur le comptoir. Évidemment, j'ai beuqué les tranches des pochettes et j'ai noté qu'il y avait un bon paquet de daube, mais aussi des choses assez alléchantes comme un Chambers Brothers ou un Groundhogs.
J'ai donc demandé au vendeur quand les disques seraient mis en vente, en espérant qu'il me propose d'y jeter un œil de suite, mais il m'a répondu qu'ils seraient en rayon normalement dans l'après-midi.
J'ai fait preuve d'une assez remarquable force de caractère en n'y retournant pas le jour même, principalement parce que je craignais de faire le déplacement pour rien, mais le lendemain matin j'étais sur place dans l'heure qui a suivi l'ouverture.
Je croyais que le délai pour la mise en rayon se justifiait par l'évaluation et l'étiquetage individuel des disques, mais le vendeur aurait aussi bien pu me laisser les regarder immédiatement car il les a mis en rayon tels quels, mélangés dans les différents bacs.
Le prix des albums dans ce Cash varie entre 1 et 30 €, je ne savais donc pas trop à quoi m'attendre, mais au bout du compte la bonne nouvelle c'est que tous les disques étaient encore là et que, comme ils n'étaient pas étiquetés, ils étaient tous au prix de base, récemment abaissé à... 30 centimes !
Autant vous dire que j'ai pris mon temps pour examiner les disques un par un (il devait y en avoir peut-être 200) et rafler tous ceux qui présentaient le moindre intérêt, pour moi ou un pote. Je suis reparti avec plus de trente albums, dont trois Ventures, un Albert King, un Kris Kristofferson, un Steve Hillage, un Shadows, un Edgar Broughton Band...
Quasiment tous les disques que j'ai achetés sont tamponnés : ils viennent de la collection d'une même famille de la région. Ils datent pour la plupart des années 1970, répartis à peu près équitablement entre pressages français et américains, dont plusieurs ont un coin coupé, dans des genres qui couvrent le blues, le folk, la country, le rock et tout ce qui mélange un peu tout ça. Il y a des noms que je connaissais, et des choses à peu près inconnues pour moi, comme Earl Hooker, The Youngbloods, Heads Hands and Feet et Artful Dodger.
Rétrospectivement, je suis impressionné par le fait que les goûts de cette famille étaient aussi pointus. Pour une bonne partie, je pense que ces disques n'étaient pas disponibles chez les disquaires de la région, il fallait soit aller à Paris, soit les importer ou voyager pour les acheter. Et il y a une chose dont je suis sûr : tous ces disques que j'ai achetés ne constituent qu'une infime partie de la collection initiale, peut-être un "reste" vendu pour pas cher à Cash. Des gens qui avaient ces albums d'artistes inconnus ou quasi-inconnus chez nous avaient forcément plein d'autres disques. Je pense que les Stones, les Led Zeppelin, les Who, les Creedence etc. qu'ils avaient n'ont pas été perdus pour tout le monde.
Quand j'ai mis le disque sur la platine, je ne connaissais absolument rien de Crowbar.
L'album s'ouvre avec un instrumental bluesy, le premier de quatre Frenchman's filler (Bouche-trou du français, je dirais) qu'on trouve en début et en fin de chaque face. On enchaîne ensuite avec Too true Mama, un titre bien gras, assez rhythm and blues, avec des chœurs et des cuivres. J'étais assez convaincu à la fin de cette chanson pour me dire que j'allais chroniquer le disque et je me suis renseigné sur le groupe.
Il s'avère que Crowbar est un groupe fondé au Canada en 1970. Les gars avaient déjà un certain pédigrée car ils avaient pour la plupart précédemment accompagné Ronnie Hawkins sous le nom de And Many Others (leur seule trace discographique avec lui serait le single de 1968 Mary Jane). On n'est donc pas surpris d'entendre leur cocktail de rock, de boogie et de blues.
Le titre de l'album, Bad manors, est un jeu de mots sur "mauvaises manières" et sur le nom de la propriété où le groupe s'était installé en communauté, à Ancaster dans l'Ontario. Le sous-titre est trompeur : avec cette mention de "golden hits, volume 1", j'ai cru qu'il s'agissait d'une compilation, mais c'est bel et bien le deuxième album du groupe; le premier aussi en quelque sorte car Official music en 1970 créditait en premier le chanteur King Biscuit Boy, qui a quitté le groupe peu de temps après.
Et je ne dois pas être le seul par ici à ne jamais avoir entendu parler de Crowbar : un seul de leurs albums est sorti en France, un live de 1972.
La face A se poursuit sur un rythme d'enfer : une version survitaminée de Let the four winds blow de Fats Domino et trois autres reprises à la suite : House of blue lights, un boogie-woogie à double vitesse, Train keep rollin' et Baby let's play house, avec King Biscuit Boy en invité au yodel. La face se termine en beauté avec Oh what a feeling, le plus grand succès du groupe, presque un classique au Canada. Là, ça démarre carrément funky. Ça surprend, mais l'explication est simple : la chanson prend racine dans un medley de titres de James Brown que certains membres du groupe jouait sur scène dans une formation pre-Crowbar.
La face B continue dans la même veine, avec plus d'originaux, comme Murder in the first degree ou Mountain fire, avec son accompagnement de glou-glous. L'album se conclut joyeusement et religieusement avec Prince of peace, où Crowbar est notamment accompagné par la chorale de la bibliothèque publique de Terryberry. A la fin du disque, même dans son salon, on a l'impression de sentir la bière, le tabac et la sueur !
Au total, c'est un très bon disque dans son genre, que j'apprécie, même si je ne vais pas me mettre à écouter du boogie-blues à longueur de journées. C'est en tout cas une découverte bien représentative de ce beau lot de disques. Un lot comme j'aimerais en trouver plus souvent...!
Crowbar s'est séparé en 1975, mais s'est reformé dès 1977. Une version du groupe tournait encore en 2019.
Un reportage d'époque sur Crowbar à Bad Manors.
09 novembre 2024
TYPICAL COMBO : Pas couri
Acquis sur la braderie-brocante d'Ay le 27 octobre 2024
Réf : J.D. 116 -- Édité par Duli Disc en France en 1973
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Pas couri -/- Nous typical
Le temps était ensoleillé et très doux. On est arrivé sur place à presque 11h. A une heure aussi tardive, autant dire qu'il s'agissait avant tout de prendre l'air et que toute trouvaille serait un bonus inespéré. Et pourtant, c'est au final la brocante d'où j'ai ramené le plus de disques cette année : une douzaine, dont trois 78 tours, achetés sur quatre stands différents.
Au stand où j'ai fait mes meilleurs affaires, j'ai failli ne pas me baisser pour fouiller : j'ai repéré un carton de 45 tours de la taille d'une demi-boite à chaussures par terre, et je me suis dit qu'ils avaient l'air bien pourris. Je me trompais ! Ils n'étaient pas en si mauvais état que ça, et surtout il y en avait plusieurs d'intéressants. J'avais à peine commencé à les regarder que j'ai trouvé un disque d'une chanteuse africaine, Bella Bellow. J'ai demandé le prix au vendeur et il m'a donné une bonne réponse, 50 centimes ! J'ai repris ma quête et j'ai fini avec un éventail assez complet de mes goûts actuels : un James Brown années 60 que je n'avais pas; un Bee Gees de la même époque que j'ai cru ne pas avoir; un superbe EP live de 1964 de Jerry Lee Lewis avec deux reprises de Chuck Berry, malheureusement sans sa pochette; un quatre titres de Ricet-Barrier que je n'avais jamais vu; et enfin ce 45 tours de Typical Combo en parfait état.
Typical Combo, c'est un groupe dont Philippe R. me parle depuis des années, m'encourageant à écouter et chroniquer leur succès, l'excellent Makchiner. Je crois bien même que c'est même lui qui m'a offert mon exemplaire de ce disque. J'en ai quelques autres d'eux et de leur chanteur Georges Plonquitte, l'auteur notamment de la chanson Rosalie, bien connue de toute une génération grâce à Carlos et les pubs pour la boisson Oasis.
Je n'ai pas associé de lien à Typical Combo dans le paragraphe ci-dessus car figurez-vous que, même si ce groupe guadeloupéen fondé à la fin des années 1960 a eu un grand succès, notamment dans les années 1970, et une histoire compliquée sur des décennies avec divers schismes et factions, eh bien je n'ai trouvé nulle part en ligne une biographie ou une discographie sérieuse du groupe, même pas un embryon de page Wikipedia. Ce qu'on trouve, ce sont des éléments d'information liés aux annonces de décès de membres du groupe, comme le fondateur Harry Simonnet et Daniel Dimbas. C'est une nouvelle preuve du manque de considération générale que nous avons pour nos artistes antillais. Un groupe équivalent en métropole aurait des biographies détaillées, voire des sites qui lui seraient dédiés.
A la place, voici les lignes qu'Henri Debs a écrites à leur sujet dans son livre de 2011 Mémoires et vérités :
"Fondé par Harry Simonnet il y a environ 43 ans, cet orchestre a connu un vif succès à partir de 1970. Après un bal joué à la Mutualité de Pointe-à-Pitre, ils emballèrent le public. Les musiciens étaient : Harry et Christian Simonnet (sax) et Georges Simonnet (piano), Georges Plonquitte (chant), Philogène Astasie, Edgard Mahomet (trompette), Billy Avinel (batterie), Serge Yéyé (congas), Fred "Kapyo" Josué (percussions). Les années suivantes, ils enregistrèrent deux tubes dont "Makchiner" pour mon compte et "Bobiné" pour Jacky Dulice.
Au cours des années, l'orchestre se transforma. Georges Plonquitte quitta Typical pour monter son G.P. Orchestra, Daniel Dimbas prit la relève comme guitariste-chanteur ainsi que Jacques Rosmade au chant. Le nombre de bals joués par cet orchestre était très important. Après une trentaine d'années, les musiciens de la première génération quittèrent Simonnet. Ce fut la grande guerre, avec procès et bien d'autres problèmes. Typical Combo devint Typical Abidos, ce qui obligea Harry à faire appel à de nouveaux musiciens. Typical Abidos a fait fureur et à tous ses bals, les salles étaient combles. La bagarre s'installa entre Philogène Astasie et Yves Abidos. Astasie monta un nouveau groupe avec le nom Le Grand Typical.
Qui gagnera ce combat ? L'avenir nous le dira. Mais en attendant, bravo à Harry d'avoir fondé le premier Typical, et de l'avoir dirigé avec brio.
Aujourd'hui, le Grand Typical de Philogène Astasie semble l'emporter. Cela va-t-il durer ?"
Ce 45 tours date de la première période du groupe, bien avant les guerres intestines. Je pense que la formation en photo sur la pochette doit être proche de celle créditée sur leur album de 1974.
Selon un commentaire sur YouTube, ce disque aurait été enregistré à la discothèque La Plantation à Blanchet Gourbeyre, en Guadeloupe, en 1973. Les deux faces sont signées Plonquitte.
Pas couri est indiqué sur la rondelle comme étant dans le style cadence. Il y a un côté cubain très marqué dans le refrain, renforcé par ce qui sonne à mes oreilles comme des mots espagnols. La chanson décolle vraiment à partir de 2'30, avec une partie instrumentale et le chant "Faut pas courir, faut rester là".
Très bien, mais à première écoute j'ai préféré la face B, Nous Typical, pour son énergie. Là, il s'agit d'un campa direct sur un tempo rapide. On est proche du Désordre musical des Maxel's (le Typical Combo a aussi mis son propre Désordre musical), avec les cuivres et les autres instruments qui se répondent, et c'est sûr que ça devait bien chauffer dans les bals animés par le groupe.
On peut donc faire de bonnes affaires même en plein midi sur un vide-grenier, et ces trouvailles m'ont presque redonné le goût de les fréquenter. Mais, à quelques exceptions près, il va falloir maintenant attendre le printemps prochain.
03 novembre 2024
PIXIES : Velouria
Acquis neuf probablement à Reims en 1990
Réf : 30364 -- Édité par 4AD en France en 1990
Support : CD 12 cm
Titres : Velouria -- Make believe -- I've been waiting for you -- The thing
Je ne sais plus à quelle occasion c'était, mais j'ai récemment réécouté Velouria et je me suis dit que c'était quand même excellent. Un revirement pour moi car, j'ai beau avoir acheté fidèlement tous les disques des Pixies à partir de Surfer Rosa et jusqu'à leur séparation après Trompe le monde, j'ai toujours considéré que Monkey gone to heaven et Velouria étaient toutes les deux un ton en dessous de Gigantic ou Here comes your man et d'autres chansons de leurs albums pas sorties en single. Je pense aujourd'hui que j'avais tort, et ce single, avec ses quatre titres en 10'30, est un disque de haute tenue.
1990, ça correspond au moment où je suis passé au CD (j'ai dû acheter mon premier lecteur courant 1989). Jusque-là, j'avais tous les disques du groupe en vinyl. Je ne regrette pas ce changement, sauf pour la taille des pochettes (là, l'illustration a même été tournée d'un quart de tour pour gagner un peu en échelle). Par contre, je regrette par principe d'avoir revendu mes 33 tours de Come on pilgrim et Surfer rosa quand, vers cette époque, je les ai rachetés en doublon en CD.
Dès la guitare rythmique bien crade en intro (celle de Black Francis je suppose), avant que la rythmique solide arrive et que la guitare solo toujours aussi remarquable de Joey Santiago se lance, Velouria a un gros son, mais sur un tempo pas très rapide. Avec deux particularités remarquables, le thérémine du musicien de session invité Robert F. Brunner et le travail impressionnant que fait Kim Deal tout au long en deuxième voix.
La rime vocalement accentuée de "velouria" avec "adore ya" me fait toujours penser à celle un peu tirée par les cheveux de "Cleopatra" avec "at-ra" dans Abdul & Cleopatra. Le point de référence qu'apparemment personne n'a saisi, c'est Victoria des Kinks. Rien d'évident pour moi à l'écoute en-dehors bien sûr du "-ria", mais Frank Black lui-même s'en est étonné dans un entretien pour Q en 1990 : "Velouria : c'était Ma Victoria, pas mal, mais la chanson des Kinks... Je ne sais pas, ça doit être une bonne chanson pour que je m'en sois sorti". Il a confirmé son intérêt pour les Kinks en reprenant This is where I belong pour une face B en 1994.
Une version de Velouria a été enregistrée le 11 juin 1990 en session pour John Peel. Visiblement, Black Francis l'interprète seul à la guitare électrique.
Vu qu'il est question dans la chanson de velours ("Velouria", "Velveteen"), j'ai toujours eu naturellement tendance à associer Velouria avec la face B instrumentale du single suivant, Velvety. Mais les deux n'ont rien à voir : Velvety est une chanson que Black a écrite vers ses 15 ans et qu'il a fini par chanter en 2002 sur l'album Devil's workshop.
Make believe est un petit rock classique à la Pixies. C'est aussi une pochade chantée par le batteur David Lovering, qui fait référence à sa fanscination pour la chanteuse Debbie Gibson, dont la carrière fulgurante et assez fugace aux États-Unis a inspiré au moins une autre chanson, Debbie Gibson is pregnant with my two headed love child de feu Mojo Nixon et Skid Roper.
I've been waiting for you est une reprise, d'une chanson du premier album de Neil Young. Elle est pas mal, mais elle pâlit à côté de la version de Winterlong que le groupe avait publiée l'année précédente sur la compilation hommage The bridge : A tribute to Neil Young.
L'autre grand moment du disque avec Velouria, c'est The thing. C'est le titre que j'ai le plus écouté et diffusé depuis sa parution. C'est en fait la deuxième partie de la chanson The happening sur Bossa nova, mais elle est présentée ici dans un autre arrangement et en tant qu'entité indépendante. Elle raconte le trajet en voiture d'un gars qui se rend à Las Vegas, où l'atterrissage d'extras-terrestres a été annoncé dans l'émission de radio The Billy Goodman happening.
Le chant est "parlé" et la musique joue comme en boucle. Et, si mes oreilles ne me trompent pas, fait exceptionnel pour ce groupe, c'est un piano qui donne une partie du rythme ! Le tout est pour moi assez hypnotique.
Ce disque a beau avoir largement plus de trente ans, il tombe en pleine actualité : les Pixies viennent de sortir un nouvel album, The night the zombies came, tandis que Kim Deal s'apprête à sortir ce mois-ci un premier album sous son nom, Nobody loves you more.
Et sinon, je changerai peut-être d'avis d'ici quelques décennies, mais je trouve toujours Dig for fire et Alec Eiffel un ou deux crans en-dessous dans la discographie single des Pixies.
Pixies, Velouria, en direct en studio en 1990.
Pixies, Velouria, en concert à la Brixton Academy à Londres le 26 juin 1991.
Pixies, The happening, en concert à la Brixton Academy à Londres le 26 juin 1991.
26 octobre 2024
JOHNNY CASH AND THE TENNESSEE THREE : One piece at a time
Acquis chez Demelza Bookshop à Hythe le 15 octobre 2019
Réf : S CBS 4287 -- Édité par CBS en Angleterre en 1976
Support : 45 tours 17 cm
Titres : One piece at a time -/- Go on blues
L'autre jour, j'ai vu passer un article relatant l'arrestation de cinq personnes pour avoir volé des voitures dans les usines Stellantis pendant plusieurs années.
Ma réaction immédiate a été de me demander s'ils étaient inspirés de la chanson One piece at a time de Johnny Cash, qui raconte comment un ouvrier de General Motors aidé de ses potes s'est fabriqué une Cadillac maison en piquant des pièces à l'usine sur plus de vingt ans.
Ma deuxième réaction a été de me demander si cette excellente chanson rigolote (étonnant qu'Henri Salvador ne l'ait pas reprise) était sortie en single. La réponse est oui, puisque ce fut même l'ultime tube de Cash aux États-Unis, numéro 1 dans les classements country notamment. Et le plus drôle c'est qu'en faisant cette vérification j'ai découvert que j'avais le pressage anglais de ce 45 tours dans ma collection !
J'ai parfois ce genre de bonne surprise, tellement ma mémoire me joue des tours ! Là, il s'agit d'un disque acheté le même jour que l'album de Russ Henderson, dans un lot de quatre 45 tours de Cash en pochette générique (les autres sont Smokey factory blues, A thing called love et l'excellent 25 minutes to go).
Je me souvenais de cet achat, même si j'avais oublié le détail des titres. Je sais même pourquoi, avant de l'oublier, j'ai rangé ce disque sans le chroniquer en 2019 : c'est parce que je me suis déjà penché en 2005 sur les chansons drôles de Johnny Cash, par l'intermédiaire de la compilation Crazy country, sur laquelle on trouve notamment One piece at a time. J'avais voulu éviter une redite, mais la chronique originale remonte à 19 ans maintenant, et en plus c'était au tout début du blog, où je faisais beaucoup de chroniques très courtes, sans supplément audio ou vidéo. Là j'ai décidé de ressortir mon 45 tours, surtout que je suis tombé, caché dans des vidéos de versions live de la chanson, sur un petit film d'époque accéléré façon film muet, où l'on voit Johnny et June Carter faire les cons dans une Cadillac.
L'auteur de la chanson est Wayne Kemp. Un nom qui ne me disait rien, mais il a eu un certain succès comme interprète et il est l'auteur de chansons comme Next in line, ou I'm the only hell my Mama ever raised de Johnny Paycheck.
One piece at a time est une chanson entraînante, parfaite pour Johnny Cash, dans un style rock-country dépouillé qui a fait son succès. Les couplets sont chantés-parlés, le refrain est accrocheur, et surtout les paroles sont drôles.
L'idée de base est de sortir des pièces de voiture de l'usine, dans sa besace ou dans le camping-car d'un de ses potes, une par une chaque jour, quitte à ce que ça lui prenne jusqu'à la retraite pour avoir de quoi se construire une voiture complète.
Sauf qu'au moment de la monter, il se rend compte que les pièces des différents millésimes ne sont pas compatibles et ça donne au bout du compte une Cadillac "Psychobilly" des années 1949 à 1970 (ce serait là l'origine du nom du genre musical), qui est la risée de la ville et qui épuise le service des mines car le certificat d'immatriculation pèse 60 livres. Ca... c'est de la bagnole, comme disait Georgius !
Six mois avant le 45 tours, toujours en Angleterre, je m'étais procuré l'album One piece at a time. Un bon cru, pour lequel Cash a choisi de crédité son groupe The Tennessee Three (mais je n'ai pas trouvé le nom des musiciens sur la pochette...!). La raison est peut-être à trouver dans la production assez dépouillée, sans arrangement de cordes.
La face B du 45 tours, Go on blues, écrite par Cash, est l'une des bonnes chansons de l'album, avec aussi Sold out of flagpoles. On est dans la lignée de son classique I walk the line.
Cash en a enregistré une nouvelle version avec Rick Rubin pendant les sessions d'American recordings. La version a été écartée de l'album mais elle est sortie en face B du single Delia's gone.
Je vous laisse apprécier le talent d'acteurs de Johnny et June dans les vidéos ci-dessous et je retourne fouiller dans mes disques pour y chercher d'autres pépites oubliées.
Johnny Cash avec des fans qui lui ont offert une Cadillac façon One piece at a time.
Johnny Cash, One piece at at time, en concert à Las Vegas en 1979, avec inséré le petit film comique avec June Carter.
Johnny Cash, One piece at at time, en concert, avec également inséré le petit film comique avec June Carter.
Thèmes :
1970s,
country,
johnny cash,
vidéo,
vinyl
18 octobre 2024
FORTUNEL : Au balèti de mon quartier
Acquis chez Happy Cash à Dizy le 13 septembre 2024
Réf : N° 114 -- Édité par Astroson en France en 1960
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Au balèti de mon quartier (Au bal) -/- La polka des fadas
J'ai trouvé ce disque le même jour que le T.H.X.. Initialement, j'allais le laisser sans même le regarder : il n'y a qu'une pochette générique, en mauvais état, chiffonnée, avec un coin en moins là où l'humidité qui l'a tachée l'a le plus atteinte.
Mais même une pochette générique ça peut être intéressant. Là, ce qui a retenu mon attention c'est l'ensemble rond central/pochette, avec le logo spatial et le slogan Le disque Astroson "Séduit par le son".
Après, j'ai regardé le disque, et j'ai vu le mot "balèti" sur la face A, avant de le retourner pour découvrir que la face B s'intitule La polka des fadas. L'affaire était faite sans plus barguigner ! D'autant que, pour moi qui suis largement du nord de la Loire et qui ai très peu de culture provençale, j'ai vu là une double évocation de Massilia Sound System, avec son Commando fada et l'album promo de leur label Ragga balèti (l'article de Wikipedia pour Balèti précise même qu'ils ont contribué au retour en vogue de ce terme).
Il n'y pas beaucoup d'informations en ligne à propos d'Astroson. Vingt disques sont répertoriés à ce jour sur Discogs. Celui-ci n'y est pas, mais il y en a un que j'ai par ailleurs, un EP de rock and roll de Sammy Frank qui contient une adaptation en français de Baby I don't care d'Elvis Presley.
Astroson était visiblement l'une de ces maisons de disques touche à tout de la fin des années cinquante et du début des années soixante. Ils fonctionnaient par collection. Le Sammy Frank est dans la collection Princes de la chanson. Il y avait aussi une collection Internationale, une Collection de la Constellation, une Collection des Troubadours, mais ma préférée c'est la collection Vedettes et Camping qui a accueilli le Mademoiselle Rock and Roll d'André Fandrex !
Avant de me procurer les albums Opérette et Opérette volume 2 de Moussu T e lei Jovents (Un groupe qui comprend plusieurs ex-Massilia; je vous conseille pour découvrir C'est marseillais), qui contiennent des reprises de chansons des années 1930 et 1940, je ne connaissais rien du tout de l'opérette marseillaise. Mon 45 tours est plus tardif (la Bibliothèque Nationale de France, qui a numérisé son exemplaire, indique que le dépôt légal date de 1960), mais ce disque est strictement dans la même veine.
Je pensais trouver sur un site rétro ou local une biographie de Fortunel, le chanteur de ce disque. Eh bien, rien, nada ! Aucun disque de lui sur Discogs, et rien ailleurs.
On trouve un peu plus d'infos sur les autres personnes mentionnées sur les étiquettes : Gaston Jean, le chef d'orchestre, est crédité sur un bon paquet de disques. La Houppa et Christian Dupriez, qui co-signent la face A avec lui, ont aussi une fiche Discogs. Mais rien sur Gina Lore, la parolière de la face B.
On est tout de suite dans l'ambiance avec Au balèti de mon quartier, dont les premières paroles sont "A Marseille et à Toulon". La chanson est sans surprise vue la thématique, mais c'est une réussite des plus agréables.
La vraie perle du disque, c'est comme je l'espérais La polka des fadas. Ça commence assez sagement, mais le chanteur s'échauffe au fil des couplets au fur et à mesure que la folie gagne. On se retrouve quand même avec une belle-mère qui gigote dans son peignoir. La danse est contagieuse !
J'ai essayé de transcrire une bonne partie des paroles :
Sur la Canebière avec Tétin, l'autre jour nous faisions la causette
Lorsque d'un hôtel sortit soudain un jeune couple en maillot de bain
Aussitôt ils firent sensation dans cette tenue bien trop simplette
En dansant avec passion, ils ont fredonné cette chanson
C'est la polka des fadas, des fadas, des fadas
Cette danse est une vraie merveille que l'on a composée à Marseille
C'est la polka des fadas, des fadas, des fadas
... qu'on se réveille ... d'oublier tous ses tracas
Et patati et patata, vive l'amour et la musique
Et patati et patata, vive la polka des fadas
Ma belle-mère l'autre matin en se levant pour faire sa toilette
Est allée dans la salle de bain en bousculant tout sur son chemin
Quand elle est sortie fallait la voir, les deux yeux lui sortaient de la tête
Tout en gigotant dans son peignoir, elle a fredonné sans s'émouvoir
C'est la polka des fadas, des fadas, des fadas
Qui m'a redonné mon caractère, le regard câlin et la peau claire
C'est la polka des fadas, des fadas, des fadas
Qui a fait de votre belle-mère une poupée qui ... dans ses bras
Et patati et patata, vive l'amour et la musique
Et patati et patata, vive la polka des fadas
Pétalude le grand guérisseur ne fait plus de passes magnétiques
Pour vous faire passer vos douleurs, il emploie un truc qui est meilleur
A tous ses malades jeunes et vieux, il leur fait entendre une musique
Aussitôt ils se sentent bien mieux et en sautillant chantent joyeux
C'est la polka des fadas, des fadas, des fadas
Grâce à elle plus de sciatique, de torticolis et de colique
C'est la polka des fadas, des fadas, des fadas
C'est bien mieux que la bombe atomique pour vous guérir sans faire de dégâts
Et patati et patata, vive l'amour et la musique
Et patati et patata, vive la polka des fadas
...
Et voilà comment à partir d'un disque en sale état on se retrouve à danser comme un fada !
12 octobre 2024
PRETENDERS : Stop your sobbing
Acquis neuf à Châlons-sur-Marne en 1979
Réf : 2C 008 62718 -- Édité par Sire en France en 1979
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Stop your sobbing -/- The wait
J'ai regardé récemment le documentaire The Pretenders - Chrissie Hynde ou la vie en rock. Je n'ai pas appris grand chose, mais il y avait pas mal d'extraits d'archives intéressants.
De coup, je me suis demandé comment j'en étais venu, à 16 ans, à investir 11 francs dans ce premier 45 tours du groupe, à un moment où mon budget était très limité (l'étiquette est restée au dos, elle ne porte aucune autre indication que le prix, mais clairement ce n'est pas celle de Carrefour ni celle d'A la Clé de Sol, le plus probable est donc que j'ai acheté ce disque au Grand Bazar de la Marne ou chez Prisunic).
Je crois me souvenir que ce 45 tours des Pretenders a dû être chroniqué comme disque du mois dans Best et/ou Rock & Folk. Il devait y être fait mention du producteur Nick Lowe, et j'étais entré depuis quelques mois dans une intense phase Elvis Costello. Et puis, le disque a dû passer un peu en radio (rien à voir avec le raz-de-marée Brass in pocket l'année suivante, cependant) et surtout je pense que je n'ai pas raté la prestation du groupe dans l'émission Chorus en juin 1979.
En tout cas, une chose est sûre, ce n'est pas parce qu'il s'agit d'une reprise des Kinks que je me suis intéressé à Stop your sobbing. A l'époque, je ne connaissais à peu près rien aux Kinks, à part You really got me par Van Halen ou David Watts par The Jam, et il a fallu des années avant que j'écoute la version originale de 1964. Je crois même que je n'avais toujours pas écouté cette version originale en 2002 quand Jonathan Richman a publié sa version de cette chanson qui lui va comme un gant sur l'album hommage This is where I belong.
Débuter son parcours discographique par une reprise, ça sonne un peu comme une défaite. Ça n'a pas empêché Chrissie Hynde et les Pretenders de faire preuve de leur talent par la suite, mais comment en est-on arrivé là ? On a l'explication pages 180-182 du livre de Will Birch, Cruel to be kind : The life & music of Nick Lowe : Le groupe, qui n'avait pas encore de nom, a enregistré une démo de six titres le 12 août 1978, parmi lesquels Stop your sobbing et The wait. La formation était composée de Chrissie Hynde, Pete Farndon à la basse, Gerry Mackleduff à la batterie et James Honeyman-Scott à la guitare. Mais ce dernier hésitait encore à rejoindre le groupe pour de bon. Pour le convaincre, sachant qu'il était un grand fan de Nick Lowe, avec qui Chrissie était amie, Chrissie et Pete ont déposé la démo chez Nick, qui a notamment été emballé par Stop your sobbing, au point d'accepter de produire leur premier disque. C'est donc ainsi que le choix de la face A s'est fait. L'enregistrement du 45 tours a duré une journée, mais Nick s'est enregistré aux chœurs par la suite.
La version démo de 1978 était plus lente que la version de Stop your sobbing en face A du 45 tours des Pretenders. Tout en la musclant un peu, cette reprise rend parfaitement justice à la chanson des Kinks, publiée sur leur premier album Kinks, celui où on trouvait You really got me. C'est l'un des premiers exemples des grandes chansons que Ray Davies allait écrire au cours des années 1960, de Sunny afternoon à Waterloo sunset ou l'album The village green preservation society. Mon seul reproche concerne les paroles, qui manquent particulièrement d'empathie puisque le narrateur menace en quelque sorte son amour : "Tu n'as qu'une chose à faire si tu veux que je continue à t'aimer, il faut que tu arrête de chialer" !
On connaît la suite de l'histoire : Chrissie Hynde et Ray Davies ont eu une relation amoureuse au début des années 1980. Ils ont failli se marier en 1982 et ont eu une fille en 1983.
The Pretenders ont joué Stop your sobbing pour des millions de personnes pour Live Aid en 1985.
Avec Precious et Tatooed love boys, The wait fait partie des grandes chansons rock originales du premier album des Pretenders. La version Nick Lowe en face B du 45 tours est pour le coup assez proche de la version démo mais, contrairement à Stop your sobbing, qui a été inclus tel quel sur The Pretenders, The wait a été réenregistrée pour l'album dans une version produite par Chris Thomas.
La première phase des Pretenders s'est terminée en juin 1982, quand Pete Farndon a été viré du groupe et que James Honeyman-Scott est mort deux jours plus tard. Depuis, le groupe continue sous la houlette de Chrissie Hynde dans diverses incarnations. Un album, Relentless, est sorti l'an passé. Une tournée est en cours, mais malheureusement les deux concerts prévus à Lyon et Paris au début de ce mois d'octobre ont dû être annulés pour maladie.
The Pretenders, Stop your sobbing, mimé pour l'émission Kenny Everett Video Show diffusée le 19 mars 1979.
The Pretenders, Stop your sobbing, Tatooed love boys et Mystery achievement, en public au Théâtre de l'Empire en 1979, prestation diffusée dans l'émission Chorus du 24 juin 1979.
The Pretenders, Stop your sobbing, en concert à Londres le 4 mars 1980.
The Pretenders, The wait, en direct dans l'émission Alright now, en 1980.
The Pretenders, The wait, en concert au Capitol Theatre dans le New Jersey le 27 septembre 1980.
The Pretenders, The wait, en public dans l'émission Rockpalast du 17 juillet 1981.
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