02 juin 2019

MANUIA ET MAEVA : Otuitui • Tahiti


Acquis sur le vide-grenier de Recy le 26 mai 2019
Réf : LP 32 523 -- Édité par Disc'AZ en France en 1965
Support : 33 tours 30 cm
12 titres

Cela fait maintenant une bonne quinzaine d'années que j'achète des disques de musique de Tahiti. J'avais notamment chroniqué deux albums enregistrés par Gaston Guilbert, Oiseaux de paradis et Tahiti : Île de paradis, pendant le premier mois d'existence de ce blog. Autant dire que, si je suis toujours content de trouver des disques que je n'ai pas, j'ai l'impression d'avoir un peu fait le tour de la question et je ne m'attends pas à de grosses découvertes ou à quelque chose d'exceptionnel comme le très beau coffret Folklore taïtien offert par Philippe R. l'an dernier.
Sur le vide-grenier très calme et familial de Recy, un monsieur sympathique avait une boite de 45 tours années 1980 en bon état à 50 centimes et un carton de quelques 33 tours qui sentent la cave à 1 €. Je lui ai pris un Rita Mitsouko et un Lavilliers qui manquaient à ma collection, et cet album que je n'avais jamais vu, sur le label Disc' AZ, pas spécialement réputé pour ce style musical, avec une illustration de pochette typique et au bout du compte très proche de celle du coffret de 78 tours.
Au dos de la pochette, Manuia et Maeva nous sont présentées comme deux jolies vahinées chantant dans leur 2CV, par ailleurs employées comme hôtesses de l'air par la compagnie U.T.A. Il n'y a aucune mention pour les musiciens de l'orchestre qui les accompagnent ou pour le producteur de cet album paru initialement aux États-Unis chez Reo Tahiti, une filiale de Criterion Records.
Les musiques traditionnelles, comme la pop ou le rock ou tous les autres genres d'ailleurs, ne sont pas imperméables à l'air du temps. Cela donne souvent des horreurs (le son de synthé des années 1980 sur des disques antillais ou de séga, par exemple), mais ça peut créer aussi des hybrides intéressants.
Rien ne l'indique sur l'emballage, et je m'attendais donc à des chansons tahitiennes traditionnelles chantées en duo, mais j'ai compris dès les premières secondes que cet album allait être très particulier. En effet, on a bien affaire à des chansons tahitiennes typiques, créditées à une exception près à Eddie Lund ou Yves Roche, chantées traditionnellement, mais arrangées au goût du jour. Et le goût du jour, c'était quoi aux États-Unis et à Tahiti en 1965 ? Eh bien, c'est simple à deviner, c'était la Beatlemania et la British invasion qu'elle a provoqué. Dès le premier titre, Otuitui ta'u mafatu, avec ses "Otuitui" qui se répondent et son passage d'orgue, j'étais déjà conquis. La seule fois où j'ai remarqué comme ça un mélange de musique tahitienne et d'accompagnement électrique, c'était sur l'album de l'Orchestre Petiot, mais il est sorti des années plus tard.
Bon, pour qu'on se comprenne mieux et que vous entendiez bien ce que je veux vous dire, je vous suggère de vous rendre chez Kadao Ton Kao : ce blog a publié une chronique de cet album en 2013 et, à ce jour, on peut toujours y télécharger l'album en entier.
Pour se rendre compte de la différence, on peut écouter la version acoustique de Tangi tika sur l'album Folklore taïtien, enregistrée vers 1950, avec celle au son presque lourd qu'on trouve ici. Pareil avec une version pas du tout rock de I roto cent vingt six par Hiriata trouvée en ligne et celle avec un excellent son de guitare de Manuia et Maeva.
Des chansons très connues subissent le même traitement comme Tahiti nui, ici dans une version endiablée mais moins électrique, avec une  guitare à la Jonathan Richman, ou Te manu pukarua, avec une petite partie solo de guitare électrique (ça doit être la première chanson tahitienne que j'ai connue, mais moi c'était par Agadou et les paroles étaient "Agadou dou dou, pousse l'ananas et mouds le café" et toute la famille, emmenée par l'Oncle Mimi, dansait dessus).
Et ce n'est pas tout : Taurua no tiurai est vraiment rock, avec solo de guitare et piano, tandis que Tamure ue ue rii, chanson écrite par Manuia et Maeva, avec ses riffs d'orgue et de guitare électrique et ses breaks de batterie, m'a notamment fait pensé à un groupe féminin qui s'inspirait du son de cette époque, Les Calamités.
Pour les chansons lentes, comme Na te moana ou Eita vau e fiu, le chant tahitien est plus en valeur, avec aussi du piano (et quelques paroles en anglais) pour Tania et un beau chant solo pour Manureva en clôture de l'album. Mais pour Hoe ana, le son se marie bien avec les chants tahitiens plus lent dans la première moitié, mais la chanson prend ensuite un rythme très rock.
Je n'ai trouvé qu'une seule autre référence de disque pour Manuia et Maeva, un 45 tours sur un autre label américain avec Vini vini en titre principal. On ne sait pas ce qu'elles sont devenues, mais il est probable qu'elles ne sont pas contentées de leur métier d'hôtesse de l'air et ont continué quelques temps à chanter dans les Tamaaraa et les surprise-parties mentionnées sur la pochette. J'aimerais aussi bien savoir qui sont les musiciens qu'on entend sur cet album.
Je trouve de moins en moins de disques sur les brocantes, mais tant que ferai de belles pioches comme celles-ci, je resterai tenté de perdre un peu de temps à me balader dans les rues des villages les dimanches matins des beaux jours.


Manuia et Maeva, Tahiti nui.

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