20 février 2010
LEWIS FUREY : Hustler's tango
Acquis par correspondance chez Music Obsession aux Etats-Unis via CD and LP en février 2010
Réf : 1699-S -- Edité par A&M aux Etats-Unis en 1975 -- Promotion copy - Not for sale
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Hustler's tango -/- Last night
Deux semaines ont passé, mais je continue de savourer le plaisir d'avoir revu et réentendu Lewis Furey interpréter ses chansons sur scène à Paris. Restons dans l'ambiance...
Hustler's tango, voilà une chanson au fort pouvoir d'attraction.
J'ai eu l'occasion de raconter comment, à quatorze ans, il avait suffi d'une interprétation au piano en solo en direct à la télévision pour que je sois accroché à vie aux chansons et à la voix de Lewis Furey. Mais la version orchestrée de la chanson, le premier titre du premier album (Lewis Furey, 1975), a un pouvoir encore plus fort. A l'époque, certains y ont succombé en entendant la chanson à la radio sur FIP. Pour d'autres, peut-être plus nombreux car l'émission était plus populaire, c'était à l'écoute de Poste restante de Jean-Bernard Hebey sur RTL.
En 1975 j'écoutais encore plutôt Les routiers sont sympas que Poste restante, mais je me souviens très bien en 1979, au moment du spectacle de Lewis Furey et Carole Laure à Bobino, avoir entendu Jean-Bernard Hebey repasser Hustler's tango et expliquer qu'il avait fait des pieds et des mains pour tenter de convaincre la maison de disques française de sortir cette chanson en 45 tours. En vain. Je crois bien d 'ailleurs que l'album n'a jamais été édité en Europe, même s'il y a largement été diffusé en import américain.
Et bien, je ne l'ai su qu'il y a quelques années, mais ce 45 tours avec Hustler's tango existait bien, mais dans une forme très limitée, celle d'un single hors commerce édité aux Etats-Unis à l'intention des radios et autres médias. Quelqu'un chez A&M espérait donc alors faire de ce tango acoustique, avec des cordes et des cuivres mais pas de guitare, un hit radio. Autant la chanson est excellente, autant ça semble un peu présomptueux : même au milieu des permissives seventies, quand il y avait des files d'attente devant les cinémas pour voir des films érotico-pornographiques, j'imagine qu'une chanson dont les premières paroles sont "You say you want to rape, rape me bababy" avait très peu de chances de passer sur les grands réseaux, même si le verbe "violer" n'était pas répertorié comme un gros mot interdit d'antenne.
En tout cas, je m'étais posé la question avant de recevoir le disque, mais on entend bien sur ce 45 tours la version de l'album, sans que les paroles aient été modifiées ou bippées.
Hustler's tango est une chanson magique, donc, et je vais bien me garder d'essayer d'en déchiffrer la formule. J'en serai bien incapable, même s'il y a des ingrédients importants qui peuvent être identifiés : le rythme du tango, la voix de Lewis, les choeurs, les cordes (violons, violoncelles, banjo), les trombones (j'avais l'impression d'entendre un cornet, mais dans sa présentation de la chanson pour le dossier de presse qui accompagnait le disque lors de sa sortie, Lewis mentionne des trombones), le piano, la basse, les paroles...
Ah, ces fameuses paroles. Initialement, les choses avaient l'air relativement simple. Dans ce "Tango des putains", il est assez clairement question d'une passe à 20 dollars entre un jeune prostitué et un client plus âgé. Cette transaction est assimilée à un pacte faustien.
Tout ça, je l'avais compris tout seul, le nom de Faust étant mentionné dans les paroles, et Lewis le confirme dans le dossier de presse. Par contre, il n'y faisait pas mention de la Bible. Hors, lors de son récital Selected songs, Lewis Furey ajoute un prélude à Hustler's tango, pendant lequel il récite des versets de la Bible (Genèse, chapitre 32, versets 28-32) où il est question du combat de Jacob contre un ange (dans les paroles d'Hustler's tango, il est aussi question de lutter avec un ange).
En 1982, dans le programme du spectacle au Théâtre de la Porte Saint-Martin, on trouvait à propos d'Hustler's tango une citation d'un poème de Jacques Prévert. Ce poème, c'est Le combat avec l'ange.
Je ne suis pas assez versé dans l'exégèse de la Bible ni dans celle de Jacques Prévert, mais Corinne François note bien, dans son analyse du recueil Paroles, que ce poème est "une savoureuse interprétation, au pied de la lettre, du combat spirituel entre Jacob et l'émissaire de Dieu". Au bout du compte, les correspondances semblent plus nombreuses entre Hustler's tango et le poème qu'avec la Bible, puisque chez Prévert et dans la chanson il est question de lutter avec un ange, donc, mais aussi de match truqué où tout est combiné d'avance et de ne plus jamais pouvoir faire l'amour.
Passer de la prostitution masculine sur les trottoirs de New-York ou Montréal à Prévert, le chantre des faubourgs parisiens, en faisant un crochet par la Bible : la chanson nous fait vraiment voyager !
Pour choisir la face B, A&M ne s'est pas trop foulé : ils ont tout bonnement pris la chanson qui suit Hustler's tango sur l'album, Last night.
C'est une ballade. Une "pop song du lendemain", comme le précise Lewis Furey, son Walk on the wild side sans saxophone mais avec une fanfare joyeuse à la fin. L'atmosphère de la chanson pointe vers une bluette, une ode à un nouvel amour au lendemain d'une rencontre, mais, comme souvent sur ce premier album, la dépravation côtoie le romantisme : Lewis (les paroles le mentionnent comme tel) avait l'habitude de ramasser des garçons pour les jeter aussitôt, et son nouvel amour de lady est sorti avec tous les gars du club...
LFP rec'ds vient de rééditer le premier album de Lewis Furey, sur lequel on trouve ces deux chansons. Le disque est désormais en vente sur le site de Lewis Furey. Il devrait l'être prochainement dans les grandes surfaces culturelles, en ligne et en téléchargement.
Il existe un enregistrement de Jacques Prévert récitant Le combat avec l'ange avec Henri Crolla qui l'accompagne à la guitare.
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4 commentaires:
hebey of course car FIP c'était à paris et nulle part ailleurs (peut-être La Baule mais je suis pas sur),c'est donc pas une question de populaire. Sans parler de l'ostracisme anti-jeune et anti rock des radios et de la télé.
Pour moi si on n'entendait pas cette chanson c'est plutôt parce que c'était pas français, les programmateurs ne devaient pas y croire plutôt que pour les paroles, en 75 il y avait pas grand monde capable de les comprendre (par rapport à maintenant ou ça s'est amélioré)et on en avait déjà entendu d'autres. Pour ma part bien que n'aimant pas le personnage Hebey je lui suis reconnaissant de m'avoir fait acheter le disque, il a eu de bonnes intuitions parfois.encore une bonne chronique M'sieur pol
ph
Philippe,
Evidemment, j'ai oublié un bout de phrase où je voulais dire justement que au moins, en France, les paroles ne risquaient pas de poser de problème !
Ca fait vraiment mal aux yeux, toutes ces couleurs. M'enfin, je ne suis pas de retour pour (encore) dire tout le mal que je pense de la nouvelle mise en page !
Je reviens d'un petit séjour, qui devient habituel, au Cap de la Hague, tout là-haut dans le Nord-Cotentin. Il a fait beau, oui merci, et je reviens tout bronzé. Ce qui fait des envieux, ici, dans ce Paris tout mouillé.
Bon, je ne suis pas là pour parler de mes vacances. J'ai profité de ce séjour pour faire quelques vides-greniers et ces gredins de Manchois (avant, on disait Manchots, mais ils n'aiment pas trop) ne vendent pas un 45 tours à moins de 50 cts !
Pas de grosse pêche miraculeuse, mais j'ai trouvé ce simple :
LEWIS FUREY & CAROLE LAURE : "I should have known better" / "Slowly, I married her", RCA / Saravah, 1982 (France).
J'ai tout de suite pensé à Pol en l'achetant.
Je ne l'ai pas encore écouté mais cela ne m'empêche pas d'en parler !
Charlie,
Ce disque n'est pas hyper rare, mais c'est une bonne pioche.
Il s'agit d'un 45 tours studio sorti juste avant le spectacle au Théâtre de la Porte Saint-Martin en 1982. La face B, co-écrite avec Leonard Cohen pour le projet qui finira par aboutir au film 'Night magic' en 1985, fait que ce 45 tours, sorti uniquement en France, est assez recherché j'imagine par les fans de Cohen du monde entier.
Ces deux titres n'ont jamais été réédités.
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