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29 mars 2009

FERNAND SARDOU : Aujourd'hui peut-être...

Acquis sur le vide-grenier de Saint-Martin d'Ablois le 29 mars 2009 Réf : 2056 143 -- Edité par Polydor en France vers 1975 Support : 45 tours 17 cm Titres : Aujourd'hui peut-être... -/- Marguerite

C'est un souvenir très vivace. J'étais chez mes grands-parents pour le repas de midi. Ce n'était pas un grand repas de famille, il y avait juste nous trois, avec Pépé et Mémé. Comme d'habitude, la (grande) télé était allumée et on mangeait en regardant l'émission de Danièle Gilbert à la télé. Ce jour-là, en direct d'un patelin quelconque, comme d'habitude encore, Fernand Sardou était invité et il avait chanté son plus grand succès, la chanson qu'il avait créée trente ans plus tôt, en 1946, Aujourd'hui peut-être....
Cette chanson, que vous connaissez peut-être, est un concentré de clichés sur le Midi. Elle est parfaitement résumée par son refrain : "Aujourd'hui peut-être ou alors demain, ce sacré soleil me donne la flemme". Fernand Sardou, avec sa faconde, son accent, sa placidité, son air d'un gars qui se sait vieux, était parfait pour l'interpréter. De Fernand, bien sûr je connaissais surtout le fils Michel, mais mes grands-parents avaient insisté sur le succès qu'avaient eu avant lui et Fernand et sa femme Jackie.

Des émissions de Midi Première, j'ai dû en voir des centaines. Pourquoi je me souviens spécifiquement de celle-ci ? Et bien tout simplement parce que Fernand Sardou, ce roi de la nonchalance qui nous expliquait que rien n'était urgent et qu'on pouvait toujours tout remettre à plus tard (sauf les câlins à sa femme, quand même), Fernand, le lendemain du jour de l'émission il était mort ! En voilà une sacrée leçon de vie pour un môme de douze ans ! Depuis, cette chanson a une place un peu particulière pour moi, et d'ailleurs elle se situe plutôt dans le lot des préceptes à ne pas suivre, à l'inverse par exemple du Matin de nos vies (The morning of our lives) de Jonathan Richman.

J'ai acheté ce disque aujourd'hui-même. J'aurais pu attendre un peu pour le chroniquer, mais j'ai préféré ne pas m'y risquer. C'est peut-être de la superstition, mais c'est aussi qu'à Aujourd'hui peut-être... j'ai tendance à préférer le proverbe "Il ne faut jamais remettre à demain ce qu’on peut faire le jour même", même si évidemment, comme tout le monde je suis très loin de l'appliquer pour tout et tous les jours !!!

Je me suis demandé si je n'enjolivais pas mon souvenir, si par exemple Fernand Sardou n'était pas passé quelques jours avant sa mort dans l'émission. Mais non. La biographie de Danièle Gilbert précise que Fernand Sardou est passé dans la toute première émission de Danièle Gilbert et qu'il y a fait aussi sa toute dernière apparition télé, le samedi 31 janvier 1976, à Monjean (soit il y a erreur, soit c'est vraiment un patelin car je n'ai trouvé cette commune sur aucune carte...). Le soir même, il mourait d'une crise cardiaque survenue dans les coulisses du théâtre municipal de Toulon où il répétait L'Auberge du Cheval-Blanc et le lendemain, j'apprenais la nouvelle de sa mort à la radio. Sacré Fernand !

27 mars 2009

TWISTED CHARM : Boring lifestyles


Acquis chez O'CD à Lille le 20 mars 2009
Réf : Because0133 -- Edité par Because Music en France en 2007 -- Promo use only. Not for sale
Support : CD 12 cm
Titres : Boring lifestyles -- Whore -- Twisted ambulance -- Happy alone -- Boring lifestyles (South Central remix)

Si on cherche autre chose que des disques neufs au prix fort, ça devient difficile de faire son marché dans les centre-villes. A Lille, j'ai trouvé la boutique Oxfam, dont le nom et les étiquettes rappellent aux habitués les "charity shops" anglaises, sauf qu'il s'agit bien là d'une bouquinerie, très sympathique et avec un excellent choix de polars, mais avec juste quelques petites dizaines de disques de tous formats.
Ces derniers jours, je me demandais justement si la chaîne O'CD existait toujours. Eh bien la réponse est positive, puisque je suis ensuite tombé sur l'une de leurs boutiques, mais je présume que si ces boutiques ont survécu, c'est plus grâce aux DVD et aux jeux vidéos que grâce aux CD...
En tout cas, ils avaient un bac de CD en promo, assez chers (5 €), mais dans le tas il y en avait quelques-uns, surtout des maxis, à cinquante centimes. A ce prix-là, je suis reparti avec trois disques, de Rainer (une édition promo de Nocturnes), des Hoodoo Gurus (un CD single) et ce promo de Twisted Charm.
Outre le prix, j'ai trouvé trois bonnes raisons d'acheter ce disque : sa pochette plutôt sympathique, le nom du groupe bien trouvé et le fait qu'il soit édité par Because Music, label français actuel de Pascal Comelade.
Etant donné que je ne connaissais pas du tout ce groupe, j'ai décidé d'aller jusqu'au bout du truc et ma première écoute s'est faite complètement à l'aveugle, sans chercher aucune information sur eux au préalable qui aurait pu m'influencer.
Verdict ? Boring lifestyles est un titre complètement rétro, mais qui se réfère à une période que j'adore, la new wave : chant entre Slits et The Fall, saxophone à la Lora Logic, bordel ambiant façon Piranhas, c'est suffisamment frais et la chanson a suffisamment de qualités intrinsèques pour avoir plus d'effet que simplement me donner l'envie de ressortir mes 45 tours Rough Trade de 1979-1980.
Parfait, sauf que ce petit miracle ne se répète pas sur les trois titres suivants, qui gardent le son rétro sans la petite étincelle supplémentaire, et qui sont donc sans intérêt (exemple du niveau, le refrain du second titre, "Little girl, be my whore"). Et ne parlons pas du remix par South Central qui clôt le disque et qui réussit parfaitement en près de 7 minutes à annihiler complètement sous des tonnes de sons rétro-house le charme fragile de Boring lifestyles, qui dure à l'origine à peine plus de 2 minutes !
Il semble que Twisted Charm a rencontré un succès d'estime, principalement en France, où ils ont notamment fait la première partie de leurs compagnons de label Rita Mitsouko. Leur premier et probablement unique album, Real fictional, est sorti peu de temps après ce single, mais j'ai l'impression que le groupe a dû se séparer dans la foulée car les dernières informations publiées sur leur site officiel remontent à la fin 2007.

L'histoire devait s'arrêter là, sauf que tout à l'heure, en recherchant sur mon ordinateur la pochette du disque que j'avais copiée dimanche dernier, j'ai découvert que j'avais le MP3 de Boring lifestyles sur mon iTunes depuis juin 2007 ! J'ai copié le titre depuis une compilation des Inrocks et, comme je dois avoir près de 6000 morceaux sur mon ordi, dont la majorité n'a été écoutée qu'une fois, on peut comprendre que j'ai complètement oublié et le groupe et sa chanson.
Sauf que, sauf que, ce titre m'a suffisamment plu pour que je le mette début août 2007 sur l'une de mes compilations mensuelles, ce qui signifie que j'avais dû écouter cette chanson au minimum cinq ou six fois avant d'acheter ce disque la semaine dernière !
Alors, comment expliquer que rien ne me soit revenu, ni au moment de l'achat ni au moment de l'écoute du disque ? Mes neurones dégénèreraient aussi vite que ça ? Je ne le pense pas (je ne l'espère pas en tout cas !). Le fait que je n'ai pas reconnu du tout la chanson elle-même peut s'expliquer par le fait que, même si elle est très sympa, elle manque complètement d'originalité. Et pour le nom du groupe et le titre de la chanson qui n'ont pas du tout fait tilt, je crois que l'explication est très simple : je ne connaissais qu'un MP3. Si j'avais eu le disque du groupe, même si je ne l'avais écouté qu'une seule fois avant de le ranger, je suis bien certain que j'aurais reconnu la pochette au premier regard. Voilà un des avantages du disque...


22 mars 2009

GEORGES JOUVIN : Les larmes de la trompette



Acquis probablement à Nantes vers 2004
Réf : FELP 261 -- Edité par La Voix de Son Maître en France vers 1964
Support : 33 tours 30 cm
14 titres

Ça fait partie des petites ironies de la vie. Après plus de trente ans d'achat de disques, et de conservation de la grande majorité de ces achats, l'artiste dont je possède le plus grand nombre de disques s'appelle Georges Jouvin !
Sans tenir de compte précis, j'ai longtemps estimé que ce titre honorifique revenait à Elvis Costello, vu que j'ai acquis jusqu'en 1986 la quasi-intégralité de sa production, ou à XTC. Mais aujourd'hui, même Howe Gelb avec ses multiples productions sous divers noms et ses nombreux disques hors-commerce, est battu du point de vue de l'occupation de mes étagères par l'homme à la trompette d'or, et là j'ai des chiffres car je tiens à jour une discographie partielle du bonhomme : je possède 85 45 tours et 50 albums (25 et 30 cm) de Georges Jouvin ! Et encore, je me suis restreint pour la quasi-intégralité de ces disques à la période BIEM (1957-1971 on va dire).
Il y a une explication toute simple à cet état de fait. Elle s'appelle Tu m'as trompette mon amour, le roman-photo que j'ai publié en 2004 sur mon site Vivonzeureux!. Avant et après cette publication, j'ai récupéré les disques années 50 et 60 de Jouvin sur lesquels je suis tombé à bon prix, avec l'aide de quelques copains de bonne volonté.

De cette masse, j'ai extrait ce disque, qui est visiblement un peu particulier. Déjà, c'est un album au sens propre du terme. Personnellement, je n'ai jamais fait la différence (pour moi, tous les 33 tours 30 cm avec pas mal de titres sont des albums), mais dans les années 70 j'ai connu plusieurs personnes qui ne parlaient d'album que pour les disques simples ou doubles avec une pochette ouvrante. Celui-là en est bien un, et il dispose en plus d'un livret de 4 pages agrafé à la tranche de la pochette.

Je croyais me souvenir qu'il était fait mention dans les notes de pochette d'un événement particulier pour la sortie de ce disque, genre le xième anniversaire de la carrière de Georges Jouvin ou le énième disque vendu, mais ce n'est pas le cas. Ce qui est sûr en tout cas, par rapport à tous les disques qu'il a sortis à l'époque, c'est que cet album est une édition luxueuse qui marque un premier bilan de la carrière de Jouvin : biographie, bilan chiffré du parcours, discographie récente illustrée, album photos souvenir : on a là un objet très particulier, au point même que mon exemplaire a servi de cadeau de Noël en 1966 (mais les dates de sortie des titres originaux repris sur l'album situent plutôt sa date d'édition originale en 1964 ou 1965).

Evidemment, le fan de rock ne trouve pas toujours son compte sur les disques de Georges Jouvin. Mais enfin, sur celui-ci comme sur d'autres, il y a toujours des curiosités à picorer.
Il y a une vraie réussite pour moi sur ce disque, c'est la chanson Les larmes de la trompette, apparemment une reprise d'un titre signé J. Eigel et Correas. L'association de la trompette, avec une longue introduction instrumentale, et du chant de Dominique y est particulièrement efficace.
Sinon, dans les vraies étrangetés, il y a une version échevelée de Caravane de Duke Ellington, présentée sur la pochette comme un twist (!), et aussi une version cha cha cha très énergique du Et pourtant d'Aznavour.
Une grande partie du répertoire est dans l'esprit Salut les copains, avec notamment un des premiers titres écrits par Lennon et McCartney pour les Beatles, Hello, little girl, sorti à l'origine par les Fourmost en 1963, mais qui est donné ici dans sa version française, c'est donc une reprise de Sheila !

Georges Jouvin et son orchestre ont vendu plus de 25 millions de disques dans le monde. Ils ont sillonné pendant des décennies les salles de concert et de bal françaises, ils ont reflété les goûts de leur époque en reprenant les tubes du moment, en instrumental à la trompette ou, dans les années 60, avec Dominique au chant. Pour toutes ces raisons, Georges Jouvin est en quelque sorte un monument vivant de la musique populaire en France, qu'elle soit enregistrée ou jouée sur scène pour danser. Et quand je dis populaire, je pèse mes mots : évoquez le nom de Jouvin à tout français de plus de 60 ans et vous êtes certain 1) que la personne connaîtra ce nom, 2) qu'elle l'associera à la trompette d'or et 3) qu'elle en aura eu un disque à un moment ou un autre et/ou l'aura vu en gala.
On peut s'étonner, alors qu'il a désormais plus de 85 ans, qu'aucune institution, parisienne (on pense à la Cité de la Musique) ou provinciale (on pense au Conservatoire et à la Bibliothèque de Rennes, ville où il est né en 1923 et où il a obtenu des 1ers prix de solfège, d'harmonie et de trompette avant d'intégrer le Conservatoire de Paris) ne lui ait encore consacré de rétrospective digne de ce nom. Il y a pourtant de quoi faire...


19 mars 2009

A mega-mental-message from THE LAST POETS


Acquis probablement chez Parallèles/Gilda à Paris vers la fin des années 1990
Réf : BRCD 9475 -- Edité par Bond Age en France en 1994 -- Pressage limité à 2000 exemplaires -- Interdit à la vente
Support : CD 12 cm
Titres : Reasoning -- Minority of one -- [Interview]

En 1994, je devais vaguement connaître la réputation de proto-rappeurs des Last Poets mais je n'avais rien entendu de leur musique. C'est alors qu'on a reçu à La Radio Primitive soit ce disque, soit l'album Scatterap / Home dont il faisait la promo. J'ai tout de suite accroché sur le titre Reasoning et, quelques années plus tard, j'ai sauté sur ce disque quand je suis tombé dessus.
Autant l'extérieur sur fond blanc de la pochette de ce disque est tout tristos, autant, quand on l'ouvre et le déplie, on découvre sur fond noir (ça ne peut pas être un hasard) un design bien travaillé avec un découpage finement ouvragé des visages des deux principaux poètes du groupe à l'époque, Jalal Nuriddin et Sulieman El-Hadi. Chacun des deux a écrit un des titres de ce CD.
Pour Jalal Nuriddin, c'est Reasoning, un titre que je ne peux définir musicalement que comme un reggae, mais un reggae des plus purs : il est construit sur la basse et les percussions, la guitare rythmique est très discrète et l'interprétation vocale en groupe ne peut que rappeler les trios vocaux jamaïcains, comme les Wailers originaux ou Culture. Sauf qu'il y a là il me semble au moins quatre voix, dont une intervient en contrepoint dans une technique qui rappelle le doo-wop. En tout cas, le résultat est hypnotique, le corps de l'auditeur se retrouvant contrôlé par la basse et la tête captivée par les vocaux.
Franchement, Minority of one (under the shadow of the gun) ne pourrait guère démarrer plus mal pour moi : les dix secondes d'intro instrumentale, c'est du jazz, dans un style que j'ai du mal à supporter. Heureusement, le choeur arrive très vite avec sa phrase qui se transforme vite en mantra, "Keeping the black man on the run". Là-dessus, Suleiman El-Hadi, qui est décédé en 1995, peu de temps après la sortie de ce disque, entame son rap de plus de cinq minutes et on peut entrer en transe en oubliant vite l'impression du début. Au bout du compte, avec la phrase musicale répétée en boucle, la batterie sèche, les références jazz et le chant rappé, je finis à l'écoute par penser à Soul Coughing, un groupe a priori très éloigné des Last Poets, sauf que les deux sont originaires de New-York et que Soul Coughing a également sorti un excellent album en 1994, son premier, Ruby vroom.

Les Last Poets se sont reformés en 2008 à l'occasion du festival Banlieues Bleues. A cette occasion, Claude Santiago a réalisé le documentaire Made in AmeriKKKa, dont on peut consulter un extrait de six minutes ici et, cette année, Radio France Internationale a réalisé un reportage d'une demie-heure en deux parties sur le groupe, en écoute ici et .

14 mars 2009

WILLIAM BELL : The soul of a bell


Acquis à la FNAC de Reims le 13 janvier 2009
Réf : SCD-8607-2 (STAX 719) -- Edité par Stax aux Etats-Unis en 2002
Support : CD 12 cm
13 titres

Je n'espère plus grand chose des soldes de disques d'une FNAC désormais, notamment pas d'y écluser mon solde de carte cadeau, mais bon an mal an, ou plutôt bon semestre mal semestre vu que les soldes ont lieu deux fois par an, j'en reviens quand même encore presque chaque fois avec au moins un disque intéressant. L'été dernier à Nancy c'était le Subway Sect, cet hiver à Reims, ce fut ce premier album du soul man William Bell, sorti à l'origine en 1967, un disque au titre bizarre, même si on saisit bien le jeu de mots sur le nom de Bell, L'âme d'une cloche plutôt que L'âme de Bell s'il n'y avait pas eu de "a".
Je connaissais surtout William Bell de réputation pour son classique You don't miss your water (till your well runs dry) mais, alors même que j'étais plongé pendant des heures dans les inédits de Booker T & the MGs, je n'allais pas laisser passer pour quelques euros un disque de la période dorée de Stax enregistré avec ces mêmes Booker T & the MGs, plus les Memphis Horns et Isaac Hayes aux claviers, et plus encore un apport bien dosé de cordes et de choeurs.
Le parcours de Bell est un peu bizarre : il a des tubes chez Stax très tôt (1961 avec You don't miss your water et 1962 avec Any other way), mais il part à l'armée de 1963 à 1965 et sa carrière en souffre, même s'il sort régulièrement des singles jusqu'en 1967, quand arrive enfin ce premier album. Il n'a pas pas l'énergie et la présence d'un Otis Redding, mais c'est un excellent chanteur et l'auteur d'un grand nombre d'excellentes chansons, souvent co-signées avec Booker T.
L'album s'ouvre sur Everybody loves a winner, l'un de ces titres avec des cordes et des choeurs justement, une ballade superbe à vous tirer des larmes, qui a bien marché en 45 tours. On retrouve ensuite une nouvelle version de You don't miss your water qui, comme Any other way, également ré-enregistrée pour cet album, bénéficie là d'une production Stax en pleine maturité. C'est au quatrième titre, une excellente version de I've been loving you too long (to stop now) d'Otis Redding, que je me suis rendu compte qu'il n'y avait que des slows depuis le début. J'ai alors pensé que, soit il n'y avait que des titres lents sur ce disque, ce qui aurait été dommage, soit il y avait comme pour les compilations Formidable rhythm and blues une face lente et une face rapide, ce qui est effectivement le cas puisqu'on à droit à cinq titres rapides à partir de la piste 7 de ce CD (les deux derniers titres sont des versions différentes de You don't miss your water et Any other way).
Le premier titre rapide, c'est Eloise (Hang on in there), un original également sorti en single, un prototype parfait du son Stax qu'Elvis Costello et Steve Nieve ont dû étudier à fond au moment d'enregistrer Get happy !!, et c'est encore plus flagrant pour le piano sur Any other way qui arrive ensuite et sur It's happening all over. Never like this before, lui aussi sorti en single, est excellent lui aussi, avec sa basse sèche et ses choeurs féminins et masculins.
Aujourd'hui, à 70 ans, William Bell demeure actif comme interprète (son dernier album, New lease on life, date de 2006), producteur et business man.
Le CD de The soul of a bell se trouve facilement pour pas cher, et on peut pré-écouter une grande partie de l'album sur Deezer.

THE PRODIGY : Out of space


Acquis chez Virgin ou Our Price à Londres en novembre 1992
Réf : XLS 35CD -- Edité par XL en Angleterre en 1992
Support : CD 12 cm
Titres : Out of space (Edit) -- Out of space (Techno underworld remix) -- Ruff in the jungle business (Uplifting vibes remix) -- Music reach (1, 2, 3, 4) (Live)

J'étais à Londres pour quelques jours, la radio allumée dans la salle de bains et là, surprise, j'entends quelques phrases chantées par Max Romeo extraites de son tube de 1976 Chase the devil. Renseignement pris, il s'agissait du single Out of space de The Prodigy, que j'ai promptement acheté dès le lendemain.
Il s'agit du Prodigy des débuts, une musique entièrement électronique, sans chanteur mais pas instrumentale grâce aux samples : outre Max Romeo, les rappeurs sampleurs d'Ultramagnetic MC's se retrouvent samplés eux-mêmes ! ("Pay close attention, I'll take your brain to another dimension").
La musique, qui a contribué à définir le genre techno-rave, est saccadée, avec des beats très rapides, des breaks, des accélérations de synthés, de voix et de boite à rythmes. Le travail de collage et de production est impressionnant et, même si les passages que je préfère restent ceux où l'on entend le disque de Max Romeo intact pendant plusieurs secondes, les envolées instrumentales accélérées qui suivent m'emportent effectivement chaque fois dans une autre dimension, où j'ai l'impression de me retrouver égaré en pleine nuit au beau milieu d'une rave party illégale, à me demander pourquoi j'ai abandonné le calme de mon home sweet home.
La rave continue avec les deux autres titres du single, mais c'est vraiment Out of space et ses samples qui m'a toujours accroché, suffisamment pour que j'achète quelques autres CD singles du groupe en 93-94.

Le clip vidéo de Out of space.

13 mars 2009

JONATHAN RICHMAN AND THE MODERN LOVERS : Lydia


Acquis par correspondance au Royaume-Uni via PriceMinister en mars 2009
Réf : BZZ 28 -- Edité par Beserkley en Angleterre en 1979
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Lydia -/- Important in our life

Presque comme chaque année, Jonathan Richman et son batteur Tommy Larkins sont actuellement en tournée européenne. Comme c'est devenu une tradition, cette tournée comprend un séjour d'une bonne semaine en Espagne et, après un passage en Allemagne, elle se terminera par quatre concerts à Londres dans quatre salles différentes. Mais la semaine prochaine, c'est en France que Jonathan Richman jouera. Pour une fois, on n'aura pas à se contenter d'un concert à Paris et un ou deux autres au mieux : cinq concerts sont programmés du sud au nord et de l'ouest à l'est : Lyon le lundi 16 mars au Transbordeur, Rouen le mardi 17 à la MJC Rive Gauche/L'Oreille Qui Traîne, Brest le jeudi 19 au Festival Invisible, Lille le vendredi 20 à l'Aéronef et enfin Strasbourg à la Laiterie le samedi 21.
J'avais initialement prévu de faire le voyage à Brest où les organisateurs passionnés de l'Eglise de la Petite Folie vont réaliser leur rêve d'inviter Jonathan Richman à leur Festival Invisible. Mais je ne suis pas intrépide au point de tenter de faire 700 km en TGV un jour de grève nationale. Je me rendrai donc au plus près, à Lille le 20 mars.
Sinon, pour ceux qui chercherait une idée de sortie le mercredi 18 mars, seul jour de la semaine sans concert de Jonathan Richman, je peux leur proposer d'aller voir Vic Chesnutt à l'Autre Canal à Nancy. Quel rapport ? Outre qu'ils ont tourné ensemble aux Etats-Unis il y a tout juste un an, eh bien Vic Chesnutt vient d'annoncer dans une interview publiée en italien qu'il allait prochainement sortir deux albums, l'un enregistré avec la même équipe que North star deserter (A Silver Mount Zion et Guy Picciotto de Fugazi) et l'autre enregistré à San Francisco avec Jonathan Richman et Tommy Larkins !!

En attendant les concerts de la semaine prochaine, remontons trente ans en arrière, pour trouver la date de sortie de ce 45 tours, et même encore bien plus pour arriver à la date anniversaire qui justifie que je me sois fait offrir ce cadeau par ma maman. En fait, anniversaire ou pas, je me serais offert ce disque dont je connaissais l'existence, grâce notamment à la discographie publiée par Simes sur son site, mais dont je n'avais jamais vu un seul exemplaire. Depuis que j'ai chroniqué Abdul & Cleopatra en août dernier, je m'étais mis en quête de ce 45 tours. J'ai même failli le commander une première fois chez un vendeur anglais avant de penser à lui demander si son exemplaire avait bien sa pochette illustrée qui reprend le dessin de celle de l'album (les deux faces du disques étant extraites d'albums, ce 45 tours sans sa pochette n'avait aucun intérêt pour moi).
Après Abdul & Cleopatra et Buzz buzz buzz, ceci est le troisième extrait de l'album Back in your life de Jonathan Richman & the Modern Lovers. C'est aussi le premier sorti après l'album, d'où la mention au verso de son titre correct (et ce clin d'oeil avec le dessin de dos) et non pas du titre prévu à un moment, Modern love songs, comme sur les deux autres.
D'accord, sur ses douze titres, Back in your life compte cinq reprises. Mais quand même, le fait d'en sélectionner encore une comme face A de single après Buzz buzz buzz en dit long sur la volonté commerciale de son label anglais et sur son peu de confiance en son poulain : il me semble en effet que Back in your life, Affection, My love is a flower (just beginning to bloom), I'm nature's mosquito, (She's gonna) Respect me et Party in the woods tonight, soit tous les titres originaux de l'album en plus d'Abdul & Cleopatra, avaient chacun la qualité nécessaire pour sortir en 45 tours.
La maison de disques leur a préféré Lydia, cette reprise d'un hit doo-wop de 1956 de Lewis Lymon and the Teenchords. Même si ce titre n'a jamais figuré parmi mes préférés de l'album, la version qu'en donne cette formation de Jonathan Richman & the Modern Lovers avec Leroy Radcliffe, D. Sharpe et Asa Brebner est excellente et tout à fait dans leur style : un son très acoustique avec un très bon jeu de guitares, un travail énorme sur les choeurs par les quatre membres du groupe, sans aucune imitation du style doo-wop, et même un court solo de saxophone, non crédité mais évidemment joué par Jonathan Richman, qui a pratiqué l'instrument sur scène et sur disque à plusieurs reprises au fil des années.
Beserkley ayant probablement épuisé sa réserve de fonds de tiroir studio ou live, la face B est un "vieux" titre datant de trois ans plus tôt, sur le premier album Jonathan Richman & the Modern Lovers. Et Important in your life est bien sûr le joyau de ce disque. Aussi bien du point du vue du thème que du son, cette chanson est très proche de la chanson Back in your life et plus généralement de l'album du même titre. Claquements de doigts et de mains, choeurs superbes, chant clair, guitares, basse et batterie à l'unisson : tout est parfait dans cette chanson d'amour au sujet des plus simples, "Chérie, dis-moi que tu m'aimes, je dois l'entendre, je dois savoir que je suis important dans ta vie".

Dans le radio-blog ci-contre, on peut écouter la version originale de Lydia par Lewis Lymon and the Teenchords, ainsi qu'une version live par Jonathan Richman & the Modern Lovers enregistrée au Quiet Knight de Chicago en 1978, l'année même de l'enregistrement de l'album Back in your life.

08 mars 2009

THE STRANGLERS : The meninblack


Acquis neuf à Châlons-sur-Marne vers 1985
Réf : 2C070-83084 -- Edité par Liberty en France en 1981
Support : 33 tours 30 cm
12 titres

Voilà de loin mon album préféré des Stranglers, un disque pourtant considéré comme très à part dans leur discographie, malmené par la critique à sa sortie et boudé par le public, notamment les fans historiques du groupe.
Il faut dire qu'ils ont un peu fourni les bâtons pour se faire battre en sortant cet album concept (un gros mot à toute époque sauf entre 1970 et 1975, mais carrément une insulte en 1981) qui réécrit plus ou moins la Bible (ou plutôt les évangiles, si l'on en croit le titre complet qui figure au recto de la pochette, The Gospel according to The Meninblack, un titre que je n'ai pas retenu car c'est simplement The Meninblack qui figure au verso — avec la mention "The soundtrack" d'ailleurs — mais aussi sur le rond central et sur la tranche du disque) du point de vue des visites d'extra-terrestres par chez nous, en y incluant les Hommesennoir, chargés de faire taire ceux qui ont vu des atterrissages d'OVNI. Le concept est signé Hugh Cornwell, frais émoulu de son premier album solo, et on n'est pas surpris que ce disque reste à lui aussi son préféré du groupe.
Moi aussi le concept m'a rebuté dans un premier temps, et il a fallu la chanson Thrown away pour que je commence à m'intéresser à l'album. J'ai d'abord dû l'entendre sur Feedback, avant d'acheter le 45 tours à Londres fin 1983, puis la musicassette de l'album (à Londres aussi je crois), avant de finalement investir dans le 33 tours, dans le même magasin de Châlons dont j'ai oublié le nom que celui où j'avais acheté le maxi Fire de Lizzy Mercier Descloux. Et en fait, il suffit d'un coup d'oeil à l'intérieur de la pochette ouvrante de l'album pour se rendre compte que, contrairement à ce qu'ils laissaient entendre dans certaines interviews, les Stranglers conservaient une certaine distance vis-à-vis de leur concept, puisqu'on y trouve une reproduction de La Cène de Leonard de Vinci dans laquelle un des personnages a été remplacé par un Maninblack, effectivement, mais cet homme en noir est tout simplement Elwood, l'un des deux Blues Brothers !
La face A s'ouvre et se ferme avec deux instrumentaux. Le label anglais a failli sortir Waltzinblack comme deuxième single extrait de l'album, mais il s'est ravisé au dernier moment. Ils ont peut-être eu tort, puisque Waltzinblack annonce ni plus ni moins que Golden brown, l'énorme tube des Stranglers de 1982. C'est d'ailleurs ce titre qui sera le seul de l'album choisi pour figurer sur le premier best-of des Stranglers, The collection 1977-1982. Il n'est pas sûr cependant que le succès de Golden brown aurait pu être anticipé car, si Waltzinblack démarre comme une valse synthétique guillerette, on sent petit à petit le malaise s'installer avec des rires dérangés de plus en plus forts. L'excellent site français consacré aux Stranglers nous apprend que certaines de ces voix seraient celles de membres de Téléphone, qui enregistraient dans le studio voisin ! Il y avait décidément du monde dans les studios où cet album a été enregistré, à Paris, Londres et Münich, puisque les Stones enregistraient Emotional rescue à Paris tandis que, la même année, Jean-Jacques Burnel et l'ingénieur du son des Stranglers Steve Churchyard produisaient le premier album de Taxi Girl à Londres et à Paris.
Avec La folie et surtout Feline, les Stranglers allaient perdre pas mal de leur énergie, mais celle-ci est encore très présente sur The meninblack, avec cette particularité qu'elle est associée à toute une panoplie de sons électroniques, comme le souligne bien la chronique de l'album du site Guts of darkness : synthétiseurs, séquenceurs, boites à rythmes. Les trois titres chantés de la face A en sont un parfait exemple : Just like nothing on Earth, qui fut finalement le deuxième 45 tours extrait de l'album, est un titre qui à la base aurait pu figurer sur les albums des Stranglers de 1977, mais avec en plus des bruitages synthétiques, des voix trafiquées et un chant magistral de Hugh Cornwell, comme sur tout l'album (On a l'impression qu'il transforme là l'essai de son album Nosferatu). Puis viennent Second coming (La résurrection, menée par un séquenceur entêtant et un synthétiseur volontairement agaçant) et Waiting for the meninblack. On trouve sur la face B encore deux titres rapides du même excellent niveau, Two sunspots, avec encore un séquenceur très bien utilisé et même un petit solo de guitare à la Devo, et Four horsemen, l'un des titres où la grosse basse de Jean-jacques Burnel est bien en évidence, et aussi l'un des rares du disque, avec Turn the centuries turn, qui part dans une de ces longues envolées instrumentales avec orgue en solo dont le groupe a le secret.
Thrown away est un peu à part. Pour le coup, le son est carrément new wave et effectivement assez éloigné du style Stranglers. Quant aux paroles, elles semblent être celles d'une chanson d'amour (de séparation, pour être plus précis), sans rapport évident avec le concept de l'album, sauf un couplet qui semble rajouté artificiellement pour faire le lien. Il n'en reste pas moins que j'adore toujours autant cette chanson, particulièrement le chant très grave de Hugh Cornwell qui me fait dire que j'imaginerais très bien Leonard Cohen interpréter ce titre !
Je viens de réécouter l'album dans son intégralité trois fois aujourd'hui et je ne m'en lasse pas. Il mérite vraiment d'être réévalué et de figurer dans les listes "à écouter absolument" de tous les fans de new wave. Moi, ça fait longtemps maintenant que je suis converti (contaminé ?), et que je prie comme le font les Stranglers sur le dernier titre du disque : "Nos hommes en noir qui êtes aux cieux, que votre vaisseau soit sanctifié, que votre règne vienne, que vous fassiez la fête sur la terre comme au ciel".

L'album, comme la plupart de ceux des Stranglers, est régulièrement réédité. La dernière version CD en date compte trois titres bonus, dont les faces B des 45 tours, assez décevantes.


The Stranglers, Thrown away, dans l'émission Top of the Pops en 1980.


The Stranglers, Thrown away, en concert à Nottingham le 19 août 1980, diffusé en direct dans l'émission Rockstage.


The Stranglers, Just like nothing on Earth, en concert pendant la tournée La folie en 1981.


The Stranglers, Second coming et Non stop, en concert au No Nukes Festival à Utrecht le 9 avril 1982.

07 mars 2009

BUDDY HOLLY : Rock-a-bye-rock


Acquis sur un vide-grenier de la Marne vers 2000
Réf : 94.607 -- Edité par Coral en France en 1964
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Rock-a-bye-rock -- Maybe baby-/- Brown eyed handsome man -- Rave on

Je ne sais plus trop où c'était, mais peut-être bien à Athis ou à Mardeuil. Habituellement, je n'aime pas acheter les disques sans pochette, mais des EPs de Buddy Holly je n'en ai pas souvent rencontrés et il y a une petite chance que Ducretet-Thomson ait été le distributeur français de Coral et donc que ce disque ait été vendu dès l'origine dans cette pochette (sachant, voir ci-dessous, qu'il existe une pochette illustrée).
On a beaucoup parlé ces jours-ci de Buddy Holly à l'occasion de la commémoration des cinquante ans de sa mort. S'il est encore présent dans les mémoires aujourd'hui, plus que Richie Valens ou The Big Bopper, morts dans le même accident, c'est qu'il a eu l'occasion en moins de trois ans de composer et d'enregistrer un nombre déjà impressionnant de titres qui sont devenus des classiques (Il était avec Chuck Berry et Bo Diddley l'un des rares auteurs-compositeurs-interprètes des débuts du rock). S'il avait survécu, on peut très bien imaginer qu'aujourd'hui, à 72 ans, débarrassé de ses lunettes grâce aux progrès de la chirurgie laser, il en serait à enregistrer le énième album d'une série d'enregistrements dépouillés produits par Rick Rubin, et on saluerait le retour à la pureté et à la fraicheur de ses débuts. Oui mais voilà, Holly est mort début 1959 et, indépendamment de tous les tripatouillages que certains de ses enregistrements inédits ont subi après son décès, il nous a laissé en héritage des titres de 1956-1958 qui encapsulent la simplicité et l'énergie des débuts du rock'n'roll.
Pour ma part, je me souviens très bien des premières chansons de Buddy Holly que j'ai connues. C'était That'll be the day et It's so easy, que j'avais en tête toute la journée et que je chantais à voix haute dans la cour du collège en 1976 et 1977. Pour être honnête, je me dois de préciser que, ce que je chantais et connaissais ce n'était pas du Buddy Holly, mais les tubes que Linda Ronstadt a eus en reprenant ces deux chansons !
Outre la qualité de ses chansons et de ses interprétations, la gloire post-mortem de Buddy Holly a été facilitée par le succès et les reprises-hommages de certains de ses fans, notamment les Rolling Stones (Not fade away) et les Beatles (Words of love).
En France, apparemment, les deux 45 tours parus de son vivant chez Vogue n'ont eu aucun succès. Buddy Holly n'a été vraiment connu que dans les années 60, quand une série de EPs est sortie en 1963 et 1964, sur l'insistance de Jean-Claude Berthon de Disco Revue notamment.
Ce disque fait partie de cette série et, comme d'autres, il comporte des titres restés inédits du vivant de Buddy Holly sur lesquels des producteurs et des musiciens sont intervenus après coup. C'est le cas du premier titre du disque, Rock-a-bye-rock, enregistré par Holly en 1956 et complété par le producteur Norman Petty et les Fireballs au début des sixties. Si c'était un blues, je dirais que c'est un truc bâteau en douze mesures. Là, c'est un rock, et je dirais que c'est un truc bâteau à la Elvis et, de loin, le moins intéressant du disque. Ce n'est pas un hasard s'il était resté inédit. Les deux rocks de la face B, la reprise fidèle de Brown eyed handsome man de Chuck Berry (également retravaillée par Petty et les Fireballs) et Rave on, un titre de 1958 repris par M. Ward tout récemment sur son album Hold time, sont d'une toute autre trempe.
Le petit joyau du disque, c'est le tube Maybe baby, une bluette pop, un monument de simplicité à qui l'allitération "Maybe baby" suffit amplement pour dire le sentiment d'un amoureux transi, repoussé, patient et toujours confiant dans sa bonne étoile.

La pochette du EP que je n'ai pas.

06 mars 2009

CLEM SNIDE : I love the unkown


Acquis au Record & Tape Exchange de Notting Hill Gate à Londres le 22 juin 2007
Réf : FRYCD 102 -- Edité par Cooking Vinyl en Angleterre en 2001
Support : CD 12 cm
Titres : I love the unkown (Radio mix) -- Your favorite music (Master Key mix) -- Keep your feelings to yourself

Clem Snide est un groupe au parcours chaotique. Ils ont démarré de façon très discrète dans la première moitié des années 90 avant de se séparer puis de renaître et de sortir leur premier album en 1998. Ils viennent de sortir leur sixième album studio, Hungry bird, et sont en tournée alors qu'on pensait le groupe définitivement séparé depuis que le leader du groupe Eef Barzelay s'était lancé dans une carrière solo, mais l'album a été enregistré en 2006 avant la séparation et la formation qui tourne est complètement différente de celle qui a enregistré l'album, à l'exception de Barzelay bien sûr !
De mon côté, j'ai mis du temps à accrocher aux disques de Clem Snide et à la voix d'Eef Barzelay, à la différence des deux Philippe (C. et R.) qui ont tout de suite apprécié l'édition française avec un album bonus de l'album The ghost of fashion. Pour ma part, il a fallu des MP3s de Nick Drake tape et The sound of German hip-hop (tiens, deux titres de chansons avec des références musicales...) pour que je sois conquis par Clem Snide, mais du coup, quand je suis tombé sur ce CD single pour vraiment pas cher à Londres, je me suis précipité dessus.
Il s'agit du premier disque de Clem Snide sorti en Angleterre pour annoncer la sortie locale de leur troisième album Your favorite music. Un troisième album qui a lui aussi eu une histoire mouvementée puisqu'il a été financé et initialement sorti aux Etats-Unis par Sire Records, avant que le label ne vire le groupe. SpinArt a ensuite réédité le disque en 2000, avant donc que Cooking Vinyl ne s'y colle en Angleterre début 2001, six mois avant la sortie du troisième album. En France, c'est Fargo qui a sorti leurs disques.
Pour ce single, les deux premiers titres, tous les deux extraits de l'album, ont été remixés, par Elegant Too, Master Cylinder (?) et Fruit Key, alias à l'origine Barzelay et Jason Glasser, le violoncelliste de Clem Snide, puis plus récemment et sans espace entre les deux mots le nom du projet solo de Jason Glasser. Je n'ai pas en tête de façon précise les versions originales de l'album, mais il est évident que les remixes n'ont pas "tué" les deux chansons : une rythmique plus présente, mais discrète, a visiblement été rajoutée, les titres ont sûrement été raccourcis et ont subi quelques copier-coller, mais leur originalité et leur pouvoir pop sont restés intacts.
I love the unknown démarre avec la marque de fabrique du groupe, le timbre de voix particulier d'Eef Barzelay, et met bien en valeur la formation particulière de ce groupe "rock" : guitare, violoncelle, contrebasse ! Le titre est entraînant, le refrain reste en tête, et l'argument est amusant (Pourquoi il la quitte, parce qu'il aime l'inconnu - pas spécialement une inconnue). Bref, un bon choix de single.
Your favorite music, le morceau titre de l'album, plus lent, démarre parfaitement sur fond de violon et de violoncelle ("Ta musique préférée, elle te rend si triste, mais tu l'aimes bien car ainsi tu te sens spécial"), mais elle résiste de justesse à l'intrusion d'un saxophone au son typiquement lounge difficilement supportable.
Clem Snide doit bien aimer Daniel Johnston : ils avaient déjà pris le titre d'un de ses albums, Yip/jump music, pour l'une des chansons de You were a diamond en 1998. Là, ils reprennent Keep your feelings to yourself dans une excellente version électrique et rapide. Ce titre figure aussi sur la compilation de groupes de Brooklyn This is next year.

01 mars 2009

FAIRPORT CONVENTION : Si tu dois partir


Acquis au Secours populaire à Châlons-en-Champagne début 2003
Réf : WIP 6064 -- Edité par Island en France en 1969
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Si tu dois partir -/- Genesis hall

Pour la nouvelle année, j'ai offert à Philippe Dumez un exemplaire de ma compilation Désordre musical 2008. Un autre de ses amis, Pascal D., lui a offert au même moment une compilation de son cru, Do you wanna dance ?. A leur écoute, Philippe s'est dit que, sans qu'on se connaisse, Pascal et moi avions beaucoup en commun et il a fait une copie des deux compilations pour envoyer à chacun de nous celle de l'autre. J'ai fait quelques découvertes à l'écoute de Do you wanna dance ? et j'ai aussi pris un grand plaisir à réécouter certains titres que je connaissais, parmi lesquels Si tu dois partir, la reprise en français par Fairport Convention du If you gotta go, go now de Bob Dylan. Ça m'a donné envie de ressortir ce 45 tours, acheté il n'y a pas si longtemps à Châlons avec quelques autres disques fin années 60-début années 70, dont celui d'Hawkwind.
If you gotta go, go now a une longue histoire discographique, qui commence justement par ne pas être discographique puisque, écrite par Dylan vers 1964 (on la retrouve sur le live au Philharmonic Hall en 1964, édité en 2004), il ne l'a pas publiée sur le coup et elle a d'abord été sortie par d'autres, comme ce fut le cas pour un certain nombre de ses titres dans la seconde moitié des années 60.
Dans ce cas précis, on peut penser que c'est le côté léger, direct et sans fioritures des paroles de cette pop song qui l'a poussé à ne pas la mettre sur l'un de ses disques.
L'argument de base est des plus classiques et, même si les paroles prétendent le contraire ("It ain't that I'm questionin' you.To take part in any quiz."), le sujet de la chanson c'est bien tout simplement "Tu veux, tu veux pas" ! Mais là où d'habitude il est question de dire à l'élu de son coeur "Reste, je veux t'aimer, la nuit est longue", le meilleur exemple du genre étant pour moi depuis l'an dernier Baby, it's cold outside de Frank Loesser, repris par Homer and Jethro sur leur premier disque en 1949, avec la participation d'une toute jeune June Carter.
Mais Dylan renverse les canons du genre, au lieu de "Reste", il dit "Vas-t'en". Là où dans la poésie galante on entend "Je ne voudrais pas te pousser à faire ce que tu n'es pas prête à faire", Dylan sort "J'aurais des cauchemars, et mauvaise conscience aussi, si je t'empêchais de faire ce que tu veux vraiment faire" et là où la pureté de l'être aimé est généralement louée, le poète sixties précise cruellement "Ce n'est pas comme si je voulais quelque chose que tu n'as jamais donné auparavant" ! Ajoutez à cela le ton typiquement acide de Dylan et deux grosses blagues, les principales explications données pour l'ultimatum du titre étant "Tu n'arrêtes pas de me demander l'heure alors que je n'ai pas de montre" et "Je vais m'endormir bientôt et tu ne trouveras pas le chemin de la porte dans le noir" !
Tout cela prouve au moins une chose, c'est qu'il y a un côté moqueur et comique dans cette chanson, que j'avoue je n'ai saisi pleinement qu'à l'écoute des rires du public dans l'enregistrement live de 1964. Il faut dire que le côté second degré (langue dans la joue comme disent l'anglais) est beaucoup moins évident dans la version studio de Dylan (de 1965 mais éditée officiellement en 1991 seulement) et qu'il disparait à peu près complètement dans la première version sortie, celle de Manfred Mann, un tube en 1965. Et je ne vous parle de la reprise qu'en a fait notre Johnny national sous le titre Maintenant ou jamais, début 1966, où le style français (le fait de rester toute la nuit n'est plus que suggéré alors que c'est l'élément de base des paroles originales) et l'interprétation gros bras font d'une situation légèrement acide une scène cruelle ("Si tu veux vraiment, qu'importe. Tu connais très bien le chemin. Mais dans le noir, Trouveras-tu la porte ?", et aussi le narrateur s'énerve qu'on lui demande l'heure, mais la précision qu'il n'a pas de montre est omise).
La reprise de Fairport Convention date de 1969. On la trouve sur l'album Unhalfbricking, le deuxième des trois albums, rien que ça, que le groupe a sortis en 1969. On imagine bien qu'à ce rythme le groupe ne passait pas des mois en studio en peaufiner ses enregistrements, d'autant plus qu'il tournait constamment, ce qui a coûté la vie suite à un accident de la route à deux personnes dont Martin Lamble, le batteur du groupe, en mai 1969, quelques jours après l'enregistrement de ce disque.
C'est d'ailleurs en tournée, comme l'a raconté Simon Nicol, qu'est née l'idée de cette version en français. Le groupe s'ennuyait entre deux sets au Middle Earth Club et ils ont lancé un appel au public pour que des francophones viennent les aider à traduire la chanson, qu'ils voulaient interpréter dans un style cajun. La grande qualité de cette adaptation, c'est qu'elle est littérale là où une traduction littérale suffit amplement, une règle que de nombreux adaptateurs devraient suivre. Ainsi "If you gotta go" devient "Si tu dois partir", "Go now" devient "Vas t'en" et "Or else you got to stay all night" "Sinon tu dois rester la nuit". Pourquoi aller chercher plus loin ?
Le 45 tours sorti dans le monde entier qui en a résulté a marché dans de nombreux pays. Il a même valu à Fairport Convention de passer à Top of the Pops.
Le gros avantage de l'interprétation de Fairport Convention c'est qu'elle ne se prend pas au sérieux et qu'elle conserve donc son côté léger à la chanson. Le violon est très présent ainsi que l'accordéon, pour le côté cajun, renforcé par l'accent de Sandy Denny, mais il y a aussi du triangle et des chaises en osier utilisées comme instrument de percussion ! Bref, c'est un délice.
Pour ce qui me concerne, c'est par Bijou que j'ai connu Si tu dois partir. En effet, quand il a choisi de reprendre If you gotta go, go now pour un single en 1977, le groupe a eu le bon goût de choisir d'opter pour la version Fairport Convention plutôt que pour Maintenant ou jamais.

PS : Et bravo au concepteur de la pochette qui, par un habile travail sur les lettrages en rouge et en blanc, a obtenu qu'un regard rapide sur la pochette peut laisser penser qu'on a à faire à Si tu dois partir de Bob Dylan !

Une chronique en français de Unhalfbricking sur I left without my hat, un excellent blog que j'ai découvert à cette occasion.
If you gotta go, go now par Manfred Mann en écoute sur YouTube.
Maintenant ou jamais par Johnny Hallyday en écoute sur Deezer.
Les deux versions de If you gotta go, go now publiées par Bob Dylan en écoute sur son site.