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29 juin 2008

NO RIGHTS GIVEN OR IMPLIED — THE ORIGINAL SAMPLERS


Acquis dans la solderie de l'avenue Paul Chandon à Epernay à la fin des années 1990
Réf : BS OO1 -- Edité par Bond St. en Angleterre en 1993
Support : CD 12 cm
10 titres

Je n'arrive pas à me souvenir du nom de ce magasin, qui a fermé depuis. C'était un entrepôt situé probablement à l'emplacement d'un ancien garage. En tout cas, il y avait une station-service sur la rue. Le tout était en face de l'un des magasins Boum. On y trouvait un peu de tout, et de temps en temps des disques. A un moment, ils ont eu un lot issu de la faillite du distributeur Danceteria. J'y ai aussi trouvé des compilations Ninja Tunes, probablement à la même époque que celle où j'ai acheté ce CD, qui est une compilation pirate, d'où le titre No rights given or implied, de titres hip hop principalement composés d'assemblages de samples.
L'intérêt principal de ce disque est de proposer cinq titres de Steinski, avec Double Dee ou avec Mass Media. Ces titres sont rares, tout simplement parce qu'ils sont tellement bourrés d'échantillons d'autres disques qu'ils n'ont jamais été vraiment diffusés officiellement à grande échelle, ce qui ne les a pas empêchés d'influencer grandement tout le monde du hip hop, de DJ Shadow à Coldcut en passant par De La Soul et Dee Nasty.
Les titres les plus réputés ici sont les trois "leçons" de hip hop de Double Dee & Steinski, trois singles, le Payoff mix, le James Brown mix et History of hip hop qui ont été disséqués et réutilisés très souvent, à tel point que je viens enfin de comprendre en lisant Wikipedia pourquoi, selon De La Soul, le trois est le chiffre magique : parce que De La Soul est un trio, mais aussi à cause de la troisième leçon, dont ils reprennent quelques samples dans le désordre au début de Magic number.
Les leçons sont légendaires, mais personnellement j'ai tendance à leur préférer les deux titres de Steinski & Mass Media ici présents, The motorcade sped on, un narratif impressionnant sur l'assassinat de John Kennedy que j'avais découvert en 1987 sur un 45 tours distribué avec le NME, et It's up to you (Television mix), un titre malheureusement extrêmement d'actualité puisqu'on y entend George Bush et qu'il y est question de Guerre du Golfe, sauf que, s'agissant d'un single édité en 1992 sur Ninja Tunes, le label de Coldcut, il s'agit bien sûr de la première Guerre du Golfe. Je vous conseille bien sûr de toujours enchaîner It's up to you avec son équivalent français, l'Etat d'urgence de Dee Nasty.
Les cinq autres titres de cette compilation sont de la même veine. Il y a notamment les deux faces du premier single de Coldcut, justement, un autre titre Jamesbrownien, Feelin' James de TD, et un titre non crédité, Fusion beats, qui semble en être un remix, et aussi Genius at work de Big Apple Productions.
Comme je le disais, ce disque est réputé être un pirate, à tel point que Steinski lui-même indique ne pas en avoir d'exemplaire, tout en donnant un lien vers un blog pour le télécharger. Je vous conseille plutôt de vous intéresser à What does it all mean ?, la toute récente compilation rétrospective des productions de Steinski, plus officielle celle-là, mais comme il est toujours impossible de vraiment légaliser un tel amoncellement de samples, on n'est pas étonné de voir que ce double-album est édité par une structure nommée Illegal Art !

27 juin 2008

GONTHIER : Ô, Chauny comme tu es jolie !


Acquis sur le vide-grenier de Saint-Martin sur le Pré le 22 juin 2008
Réf : 231.308 M -- Edité par Riviera en France en 1968
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Ô, Chauny comme tu es jolie ! -- Le bal des pompiers -/- A ma Geneviève -- Madame la boulangère

Il n'en est probablement pas conscient lui-même, mais Kamini a eu au moins un prédécesseur, un gars de l'Aisne qui a enregistré une chanson en hommage à un patelin du coin. Gonthier avec Chauny n'a pas eu le succès national de Kamini avec Marly-Gomont, pourtant son disque avait bénéficié d'une sortie sur un label national, Riviera, une étiquette de Barclay, et d'une superbe photo de pochette brillante en couleurs. Gonthier, lui, a une superbe chemise orange et noir et est accompagné par l'orchestre de Jean-Paul Mengeon, que je ne connaissais pas du tout mais qui a quand même sorti toute une palanquée de disques, avec ou sans son "New-Sound".
C'était ma première visite au vide-grenier de Saint-Martin sur le Pré. Evidemment, les averses annoncées pour la fin de la matinée ont commencé dès mon arrivée, à 9 h., mais je suis très vite tombé sur un stand où les disques étaient abrités sous un parasol. Il y avait quelques 33 tours, et surtout cinq boites à chaussures de 45 tours, quasiment tous de la fin des années 60 ou du début des années 70, en parfait état, pour la plupart pas du tout venant, voire du rare. Je m'en veux d'ailleurs, dans la précipitation, d'avoir oublié de m'enquérir de l'origine, probablement familiale, de la collection. Seul souci, la dame annonçait 2 € l'unité pour chacun des 45 tours, ce qui est au-dessus de ma marque habituelle. Mais pas question de laisser passer une bonne occasion, j'ai donc pris tous les 45 tours qui m'ont paru immanquables (huit) et négocié un peu le prix. Si ce disque de Gonthier en fait partie, c'est autant pour sa pochette et ses titres de chanson inénarrables que parce que cela me donne l'occasion de dédier ce billet à Philippe R., un axonais né quelques kilomètres au sud de Chauny.
Côté musique, rien de particulier à noter, à part les arrangements de cuivres. On imagine bien Gonthier interpréter ses compositions (il est l'auteur des quatre titres) au Bal des pompiers, devant sa Geneviève et Madame la boulangère. Sa diction me rappelle un peu celle de Ricet-Barrier, natif de Romilly-sur-Seine, encore un peu plus au sud de Chauny, mais pas tant que ça.
Comme son titre l'indique, Ô, Chauny comme tu es jolie ! est une ode à ce riant chef-lieu de canton picard. En voici les deux meilleurs couplets :
Vous pouvez quitter Paris pour Tahiti
Mais à Chauny c'est bien plus joli
Car c'est le pays des amoureux
C'est le pays des gens heureux
(...)
A Chauny on ne voit pas Brigitte Bardot
Et y a moins de Rolls que de Deux Chevaux
Les batnicks, les provos, les hippies
Ce n'est pas le genre des gars de Chauny
Et si on s'aime ce n'est pas pour quinze jours
Quand on se marie c'est pour toujours
Je n'ai pas trouvé trace d'un autre disque de Gonthier, ni aucune information sur lui. Je ne pense pas que, à l'époque, Chauny ait eu à déplorer le vol de panneaux de signalisation d'entrée de ville, comme pour Marly-Gomont en 2007, mais ce qui est sûr, c'est que, quarante ans plus tard, Chauny est toujours jumelée avec Andenne (Belgique), ça c'est un mariage pour toujours !

A écouter :
Gonthier : Ô, Chauny comme tu es jolie !
Gonthier : Le bal des pompiers
Gonthier : A ma Geneviève
Gonthier : Madame la boulangère


Ajout du 16 juin 2015 :

Qui l'eut cru ? Une partition a même été éditée pour Chauny, avec une illustration légèrement différente de la pochette du disque, incluant je suppose une image de la mairie :


25 juin 2008

LOW : Christmas


Offert par Libération par correspondance fin 1999 ou début 2000
Réf : TUGCD014 -- Edité par Tugboat en Angleterre en 1999
Support : CD 12 cm
8 titres

25 juin. Si je compte bien, il s'est écoulé six mois depuis Noël dernier et il se passera encore au moins six mois avant le prochain... Je n'ai pas trouvé mieux pour m'assurer de ne pas donner l'impression de chroniquer un disque de saison comme disent les anglais.
Pendant toutes les années 90, j'ai renvoyé un bon paquet de coupons à Libération pour essayer de figurer parmi les dix ou vingt personnes à gagner un disque qui venait de sortir. La plupart du temps j'ai fait chou blanc, statistiquement c'est logique, mais les quelques fois où ça a marché ça valait le coup, comme pour le maxi picture disc de America : What time is love ? de The KLF ou comme pour ce disque de Low.
Avant de gagner ce disque, je n'avais jamais eu l'occasion d'écouter la musique de Low, en partie parce que ce que j'avais lu sur eux ne m'attirait pas spécialement : musique très calme, certains membres du groupe fervents croyants... C'était une erreur, bien sûr, et je me suis bien rattrapé depuis avec la majeure partie de la discographie du groupe, car la seule chose qui compte avec ce disque, c'est qu'il est excellent.
Il s'ouvre d'ailleurs avec un de ses sommets, Just like Christmas, l'une des cinq compositions originales du groupe qu'on trouve ici, avec trois reprises donc. C'est un titre qui met de bonne humeur, rapide, chanté par Mimi Parker, rythmé par des grelots et un roulement de tambour basse de temps en temps et de l'orgue en accompagnement de fond. Il y a une référence à Noël, effectivement, mais dans ce cas précis c'est trompeur, puisque la chanson semble visiblement relater un épisode vécu lors d'une tournée en Suède :
En revenant de Stockholm, il a commencé à neiger
Et tu as dit qu'on se croirait à Noël
Mais tu avais tort, ça ne ressemblait pas du tout à Noël

Une fois arrivés à Oslo, la neige avait disparu et on s'est perdus
Les lits étaient trop petits mais on se sentait si jeunes
On se serait vraiment cru à Noël
Mes deux autres titres préférés sont situés pile au milieu du CD, et ça ne peut pas être un hasard. Il s'agit probablement des deux titres à l'origine de ce projet, sortis deux ans auparavant sur un 45 tours du label Wurlitzer Jukebox.
If you were born today est pour le coup une vraie chanson de la nativité, le "you" du titre étant l'Enfant Jésus, mais même si trois-quarts des paroles sont extraites de textes religieux, la phrase qui les introduit change assez la perspective : "Si tu naissais aujourd'hui, nous te tuerions à huit ans, tu n'aurais jamais l'occasion de dire Joie dans le monde,...". Comme souvent avec Low, la chanson démarre très sobrement avec juste de la guitare acoustique et le chant d'Alan Sparhawk et elle prend de l'ampleur à partir du refrain, notamment grâce à la deuxième voix de Mimi.
Blue Christmas est de loin ma préférée des trois reprises du disque. C'est une chanson que j'aime beaucoup de toutes façons, mais là, la voix de Mimi est très pure et parfaitement mise en valeur par un accompagnement minimal. Et pour le coup, le tempo est très lent : je compte 48 bpm dans la première partie du titre, et le plus drôle c'est que le groupe s'amuse à ralentir très sensiblement le rythme quand le solo de guitare démarre : Alan détache chaque note de guitare, Mimi ralentit le tempo de sa batterie et Zak Sally ne joue plus qu'une note de basse que de temps.
Ces trois titres sont mes préférés, donc, mais les tous les huit sont très bons, particulièrement Long way around the sea.
Low semble concerné par l'aspect commercial de Noël, comme l'indiquent le message à leur public à l'intérieur de la pochette, "Malgré l'aspect commercial de la chose, nous espérons que vous considérerez ceci comme le cadeau que nous vous offrons.", et aussi les paroles du dernier titre du disque, One special gift : "Une fois qu'on aura dépensé tout notre argent pour les neveux et les nièces et une paire d'amis, il nous en restera juste assez pour un cadeau spécial, pour un hôte spécial".
L'ironie de la chose, c'est que ce Christmas est lui-même devenu un petit classique alternatif de Noël, avant que les CDs de Sufjan Stevens ne prennent le relais plus récemment. Il a plutôt bien marché, au moins en Angleterre, et Tugboat/Rough Trade l'a réédité au moins une ou deux fois, en fin d'année bien sûr. Certains penseront peut-être que la magie de Noël a opéré, mais je pense qu'il s'agit plutôt de la magie de la musique de Low !

21 juin 2008

BILLY NASH : Brutus (Le lion)


Acquis sur le vide-grenier de Damery le 15 juin 2008
Réf : 424.274 PE -- Edité par Philips en France vers 1962
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Brutus (Le lion) -- Le twist du forgeron (Hammer twist) -/- Chicago Twist Express - Fallait-il (Que l'on s'aime)

Deux vide-greniers familiaux, sympathiques et au sec la même matinée. Ça se fête. Chouilly était le plus familial et le plus sympathique des deux, avec des exposants à la plaisanterie facile, mais c'est à Damery, sur un stand tenu par deux couples de jeunes gens très détendus et sympas, que j'ai fait mes meilleures affaires.
En m'accroupissant pour regarder leur petit carton de disques, parus au minimum quand leurs grands-parents écumaient les surprise-parties, j'ai tout de suite repéré un 25cm de musique tahitienne. J'ai commencé à regarder les 45 tours avant de demander le prix des disques. "20 centimes". Et les grands ? "20 centimes aussi, on ne va pas chipoter". Au total, j'ai donc prix six disques, payés 1 € seulement sans que je marchande, dont, outre le disque tahitien, un 25 cm autographié de Josephine Baker (!), un autre 25 cm de la bande originale d'Orfeu negro, un EP de Ray Charles et ce 45 tours, acheté sur la foi des mentions "Twist" et "Approuvé pour la danse", et pour le titre Le twist du forgeron aussi.
Quand j'achète comme ça un disque d'un artiste inconnu de moi et que je découvre à la première recherche sur internet qu'il a été programmé par mes amis de L'Opération Kangourou dans leur émission, je sais que je ne me suis pas planté. Sauf qu'il semble qu'ils ont extrait Brutus de l'album Danse party chez Perette Pradier (chez qui ?) et non pas de cet EP.
Billy Nash, avec un nom ou un pseudo pareil, est ou n'est pas anglo-saxon. En tout cas, ce qui est sûr c'est que ce saxophoniste a mené carrière en France au début des années 60 et qu'il était acoquiné avec le label Philips. On trouve quelques mots de soutien de Johnny Hallyday au dos du 45 tours où Billy reprend Douce violence, Claude François a repris son Mashed potatoes et Nash reprend lui-même ici un titre d'Edith Piaf.
Au vu de la liste au dos de la pochette, on sait que Billy Nash a édité sous son nom au moins quatre 45 tours, accompagné de son Rock Band pour les titres rapides, et du Slow Band pour les autres. Au vu de ce 45 tours-ci, dont le titre le plus faible est le dernier, une reprise d'une ballade d'Edith Piaf co-écrite par Charles Dumont avec une rythmique de balloche du plus mauvais effet, il faut mieux miser sur les enregistrements du Rock Band.
Car les trois twists qu'on trouve ici, tous co-écrits par Billy Nash et un certain De Mervellec, sont très bons. Il s'agit d'instrumentaux, et le parti pris pour varier les plaisirs est d'utiliser des bruitages sur chaque titre.
Pour l'excellent Brutus (Le lion), on a droit bien sûr à des rugissements, et aussi des coups de fouet, qui s'intercalent entre d'excellents solo de guitare et de saxophone. C'est de loin la plus grande réussite du disque.
Pour Le twist du forgeron, c'est le marteau sur l'enclume, qui semble un peu léger, qui accompagne le saxo. Quant à l"excellent également Chicago Twist Express, dans la grande tradition américaine des chansons sur les trains, c'est un sifflet de locomotive et une cloche qu'on entend pendant toute la durée de ce titre endiablé.
Toutes les références à Billy Nash que j'ai trouvées datent de la courte période autour du début des années 60, impossible de savoir donc où et sous quelle forme il a ensuite poursuivi sa carrière.

15 juin 2008

EURYTHMICS : In the garden


Acquis à La Clé de Sol à Châlons-sur-Marne fin 1981
Réf : RCALP 5061 -- Edité par RCA en Angleterre en 1981
Support : 33 tours 30 cm
10 titres

C'est Take me to your heart, la chanson découverte en écoutant Feedback de Bernard Lenoir sur France Inter, qui m'a donné envie d'acheter ce premier album d'Eurythmics dès sa sortie, malgré sa pochette à faire peur. Ça reste ma chanson préférée du disque et je reste étonné qu'on ait pu extraire deux 45 tours de cet album (Never gonna cry again et Belinda) sans sélectionner Take me to your heart. Les deux 45 tours, comme l'album, ont rencontré très peu de succès : ce n'est qu'au sixième 45 tours, Sweet dreams (are made of this) qu'ils feront enfin un carton.
Je me suis demandé comment Eurythmics s'était retrouvé à enregistrer son premier album à Cologne, avec le grand producteur Conny Plank (Kraftwerk, Devo, Ultravox! et des tonnes d'autres). Apparemment, c'est parce que les dernières sessions de leur groupe précédent, les Tourists, avaient déjà eu lieu là. Du coup, on est moins surpris de trouver dans la liste des musiciens invités Holger Czukai et Jaki Liebezeit de Can, Robert Görl de Deutsche Amerikanische Freundschaft. C'est plus surprenant de trouver aussi un troisième batteur, américain celui-là, Clem Burke, qui profitait d'une pause de son groupe Blondie.
Take me to your heart est une ritournelle synthétique géniale, typiquement new wave, pas si loin que ça dans l'esprit de Fade to grey de Visage. Avec le recul (je ne connaissais Can que de nom à l'époque), je reconnais dans l'intro de la chanson la patte de Jaki Liebezeit, avec les petits coups de batterie en contretemps. Il est encore plus en valeur sur l'autre titre du disque auquel il participe, All the young (people of today).
Tout le disque ne sonne pas aussi new wave que ça, mais c'est l'aspect que je préfère, avec notamment l'excellent She's invisible now, un titre porté principalement par Annie Lennox qui raconte le suicide d'une ménagère, Never gonna cry again, proche de Take me to your heart et Sing-Sing, un titre sur l'aliénation du travail, chanté en français, ce qui lui donne un petit côté Telex.
Sur d'autres titres, basés sur des riffs de guitare électrique, comme Belinda, Your time will come ou Caveman head, on pressent bien la direction que prendra Dave Stewart par la suite.
Tous les fans de new wave qui ne connaitraient d'Eurythmics que leur excellent tube Sweet dreams seraient bien avisés de jeter une oreille attentive à In the garden.

J'ai rencontré Dave Stewart, la moitié masculine d'Eurythmics, quelques temps après la séparation du groupe, le 13 mars 1991.
Quand on fait de la radio et qu'on est en rapport avec des chargés de promotion des maisons de disques, ces relations sont faites en grande partie d'échanges: je t'envoie des disques, tu les passes si possible sur ton antenne, et si un groupe dont je m'occupe passe en concert près de chez toi, tu participes à la promotion de cette tournée, en passant le disque ou en réalisant une interview de l'artiste. Etant l'un des rares primitifs à parler couramment l'anglais, j'étais souvent désigné d'office pour les artistes internationaux. Des fois c'était avec grand plaisir, quand il s'agissait d'artistes qui m'intéressaient, des fois c'était vraiment pour la bonne cause, comme ce 13 mars 1991 quand, accompagné de Phil Sex (je crois que mes souvenirs sont bons), je me suis rendu au Grand Théâtre de Reims pour y interviewer Jonathan Perkins.
Qui ça ? Oui, je sais. Moi je connaissais quand même Jonathan Perkins de nom, car toutes les biographies d'XTC le mentionnent comme un membre du groupe à ses débuts, avant qu'ils enregistrent. Par contre, je ne savais pas à l'époque qu'il avait aussi été de l'aventure Original Mirrors. Perkins avait sorti un album solo, Snake talk en 1989, sur Anxious, le label de Dave Stewart. Je crois qu'il n'avait pas d'actualité en 1991 (le premier album de son groupe Miss World est sorti en 1992) mais, comme il faisait partie des Spiritual Cowboys de Dave Stewart qui jouaient à Reims avec Olive de Lili Drop en première partie, nous avions donc été envoyés en mission pour nous entretenir avec lui après la balance.
On s'est retrouvés dans la loge du groupe avec notre petit magnéto, Jonathan Perkins en face de notre micro et... Dave Stewart affalé à moins de deux mètres de là dans un coin.
Je peux vous dire que le début de l'interview n'a pas été facile. Pas facile d'interviewer un gars quand quelqu'un d'autre écoute juste à côté, et que ce quelqu'un d'autre est une plus grande vedette que l'interviewé, gros vendeur de disques et récent producteur d'un petit gars nommé Dylan. La fin s'est mieux passée. En fait, Dave Stewart devait juste s'ennuyer, comme souvent les artistes en tournée et, je ne sais plus à propos de quelle question, il a dû se rendre compte que l'interview était conduite par des fans de musique, pas des journalistes locaux qui ne savaient pas de quoi ni à qui ils parlaient, et au bout d'un moment il s'est carrément joint à la conversation et, avec pas mal de trac quand même, notre interview de Jonathan Perkins s'est conclue en entretien exclusif commun avec Dave Stewart ! Un épisode qui a confirmé quelque chose dont je ne doutais pas, que M. Stewart est avant tout un grand passionné de musique lui aussi.

14 juin 2008

MARINO MARINI ET SON QUARTETTE : Buona sera


Acquis sur le vide-grenier du quartier de la Goësse à Epernay le 18 mai 2008
Réf : DVEP 95.047 -- Edité par Vogue-Durium en France en 1958
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Buona sera (Signorina) -- E sempe 'a stessa -/- Come prima -- Giuletta... e Romeo

Mine de rien, sur les trente ou quarante stands de ce petit vide-grenier d'Epernay, j'ai acheté des disques ou des livres à quatre ou cinq vendeurs différents.
Ce disque-ci, je l'ai acheté tout à la fin, au moment de repartir, trouvé dans un petit carton que j'avais raté à l'aller. Le couple relativement âgé qui le vendait était en pleine discussion avec des amis, mais ils se sont interrompus pour me donner le prix (cinquante centimes) et, quand j'ai payé, ils m'ont quand même demandé quel disque j'avais choisi, une curiosité qui me donne à penser que les disques qu'ils vendaient venaient bien de la collection familiale.
Je ne connais pas trop Marino Marini et son quartette. Evidemment, au fil des années j'ai assez souvent croisé certaines pochettes de ses disques, sans m'y intéresser particulièrement, même si j'aime bien l'intitulé de sa série de disque Dansons joyeusement, dont celui-ci est le volume 19. A Noël dernier cependant, j'ai eu l'occasion d'offrir à un membre de la famille le EP sur lequel Marino reprend Rock around the clock. Je l'avais écouté au préalable, bien sûr, et je l'avais trouvé plutôt agréable, suffisamment en tout cas pour que j'achète ce disque, sur la foi de deux chansons que j'aime beaucoup, Buona sera et Come prima.
J'ai connu Buona sera grâce à la version de Louis Prima sur le premier volume du Testament du rock de MFP. La voix de Louis Prima m'était aussi familière dans les version originales des chansons du Livre de la jungle version Disney. La version de Marino Marini, chantée par Toto Savio, diffère beaucoup de celle de Prima. Là où Louis est tout d'exubérance et de force, le quartette fait dans la finesse et la retenue : dans la deuxième partie de la chanson,au moment où Louis sort sa grosse voix soutenue par des cuivres imposants, les italiens enchaînent une série de solos tout doux, avec au moins deux guitares avec des sonorités différentes, et ils enchaînent avec un solo de piano.
Mais ce qui surprend le plus dans cette reprise d'une chanson italo-américaine par un groupe italien, c'est qu'elle est chantée... en français !! Un regard au crédit indique que ces paroles sont dues à Loulou Gasté, et qui dit Loulou Gasté dit souvent Line Renaud, qui a effectivement connu un certain succès en 1958 avec sa version de Buona sera. Marino Marini reprend donc ici autant Line que Louis, sûrement avec un oeil sur le marché français... On est moins surpris de constater que Loulou s'est intéressé à ce genre de chanson quand on apprend qu'il a été l'un des premiers à adapter en France des titres rock'n'roll.
La version de Come prima, chantée par Marino Marini lui-même, est un peu trop dans le style ballade pour moi et m'a un peu déçu, mais là aussi j'aime beaucoup sa retenue, et le solo très doux d'un instrument que j'ai eu du mal à identifier, mais qui est sûrement un cuivre.
Les deux autres chansons italiennes, E sempe 'a stessa et Giuletta... e Romeo, chantées par Ruggero Cori, sont toutes les deux très bien, et au total on a là quatre chansons avec un son très agréable, contrebasse et guitares très années cinquante, chant et choeurs excellents, arrangements de qualité.

08 juin 2008

THE PHONES SPORTSMAN BAND : I really love you


Acquis au Record and Tape Exchange de Camden à Londres au printemps 1984
Réf : Gear Nine -- Edité par Rather en Angleterre en 1980
Support : 45 tours 17 cm
Titres : I really love you -/- Woke up this morning -- Get down and get with it -- Wah track -- The Olton

En vivant quelques temps en Angleterre, j'en ai évidemment appris beaucoup sur la langue et la culture du pays. Par exemple, on m'a présenté le chef du département de l'établissement dans lequel je travaillais comme se prénommant [hhyouu], avec un H très aspiré et un OU très long, et c'est bien sûr comme ça que je prononçais son prénom. Ce n'est que quand j'ai vu ce prénom orthographié sur la porte de son bureau que j'ai réalisé qu'il s'appelait Hugh, un prénom que j'aurais prononcé très différemment ([heugh] ?) si je l'avais d'abord vu écrit.
J'ai acheté ce 45 tours lors de l'une de mes toutes premières visites à la boutique de Camden de la chaîne Record & Tape Exchange. Je me suis intéressé à celui-ci parmi des dizaines dans le rayon à 10 pence, pas parce que je connaissais le nom du groupe (jamais entendu parler), mais parce qu'il y avait sur la pochette ce personnage avec une pancarte "We hate Jowe". Or, je venais depuis quelques semaines de découvrir l'existence du prénom Jowe, celui que portait le bassiste des Television Personalities, l'élégant Jowe Head. Est-ce que je savais à ce moment-là que Jowe était un ancien membre des Swell Maps ? Probablement. Dans ce cas, c'est la mention "No Maps" au verso de la pochette qui aura achevé de me convaincre d'acheter ce disque. Un achat que je n'ai pas regretté quand, un peu plus tard au Living Room, j'ai eu confirmation que c'est bien à Jowe Head que la pochette faisait référence !
En plus, j'aime beaucoup cet unique 45 tours solo de Phones Sportsman ! La face A surtout, I really love you. Je l'ai souvent passée dans mes émissions de radio. C'est une sorte de parodie de doo-wop chantée avec une voix de basse de crooner qui m'a toujours beaucoup fait penser à l'album Cruising with Ruben & The Jets de Frank Zappa.
Des quatre titres de la face B, seul Get down and get with it est une vraie chanson complète, un bon titre punky (et ça s'explique facilement par le fait que c'est une reprise de Bobby Marchan via Slade !). Les trois autres sont très courts, le plus intéressant étant Woke up this morning, où Jowe se fait engueuler par Phones parce qu'il vocalise trop fort et lui prend la vedette. Ce qui prouve que l'affirmation "No Maps" sur la pochette est fausse !
En 2005, les NoMen, des écossais loufoques qui se font une spécialité de reprendre à l'identique des obscurités indépendantes post-punk, ont réenregistré ce disque. Suite à ça, David Barrington, alias Phones Sportsman, a relancé sa carrière solo, qui jusque là se limitait à ce seul et unique disque, et il vient de sortir un split single avec les NoMen et son premier album, May contain nutters, disponibles sur Topplers, le label des NoMen, là où vous pouvez également écouter l'intégralité de ce 45 tours.

07 juin 2008

BO DIDDLEY : Drive by - Tales from the funk dimension 1970-1973


Acquis par correspondance via Amazon en Australie en avril 2008
Réf : RVCD-196 -- Edité par Raven en Australie en 2004
Support : CD 12 cm
20 titres

En règle générale, j'essaie d'éviter d'utiliser ce blog pour publier des notices nécrologiques, même si, évidemment, quand on apprend le décès d'un artiste on a tendance à ressortir ses disques pour les réécouter. Mais là, même si j'ai évidemment envie de rendre hommage à Bo Diddley, l'un des pionniers du rock les plus attachants et l'un des derniers survivants (jusqu'à cette semaine !) des tous débuts, son premier single étant sorti chez Chess en 1955 (sauf erreur, lui survivent parmi les monuments, Fats Domino, Chuck Berry et Little Richard), je veux surtout parler d'un disque que je gardais sous le coude depuis plus d'un mois. Ça m'apprendra à procrastiner : je savais que Bo avait près de 80 balais, et surtout qu'il était très diminué depuis plus d'un an suite à une attaque cérébrale.
Comme beaucoup, j'ai fait la connaissance du fameux Diddley beat par l'intermédiaire de Not fade away des Stones. J'ai assez vite connu le blues I'm a man, mais je l'ai pendant longtemps beaucoup plus associé à Muddy Waters qu'à Bo Diddley (pas entièrement à tort d'ailleurs). Ensuite, il y a eu la version de Who do you love par George Thorogood, et la même chanson reprise quelques années plus tard par Jesus & Mary Chain, qui ont aussi enregistré Bo Diddley is Jesus.
Tout cela était déjà suffisant pour que Bo Diddley compte beaucoup pour moi musicalement, mais il y a 5 ans j'ai découvert avec Crackin' up un aspect que je ne soupçonnais pas de son talent. J'ai appris ensuite que c'était un de ses classiques, repris par tout le monde, des Stones à Paul McCartney, mais la guitare, le rythme et les choeurs de cette chanson m'ont révélé une parenté insoupçonnée entre le Bo Diddley de 1959 et le Jonathan Richman & the Modern Lovers de 1977.
Et les découvertes ont continué, qui montrent l'étendue du talent de Diddley, qui ne saurait se réduire au fameux rythme. En début d'année, je finissais par me rendre compte que le I'm alright signé Nanker/Phelge sur les éditions européennes de (Got live) If you want it des Stones est en fait une reprise du She's alright de Bo, créditée comme tel aux Etats-Unis. Et en mars, j'ai téléchargé un album de 1970, The black gladiator, en me méfiant un peu car il y était question de la période funky de Bo Diddley. Et là, la claque, dix titres avec un son excellent, un peu funky, certes, mais avec aussi beaucoup d'orgue et de grands moments comme I don't like you, If the bible's right et Shut up woman.
A Damery l'an dernier j'avais acheté un 45 tours de Bo Diddley de 1972 avec au départ l'intention de le chroniquer ici, mais je n'aime pas la face A, A good thing, et la pochette est très moche, alors, même si la face B Bo Diddley-itis est un bon titre typique du Diddley beat, je l'ai mis de côté. Mais, après avoir apprécié The black gladiator en pirate, je me suis mis en quête d'un disque pour en parler ici. L'album n'étant actuellement pas disponible, mon choix s'est porté sur ce disque australien, une compilation de titres titrés de quatre albums de la première moitié des années 70, The black gladiator, Another dimension, Where it all began et Big bad Bo.
Le disque s'ouvre avec 5 titres de Black gladiator, dont mon préféré, I dont' like you (en écoute sur le radio-blog dans la colonne de de droite de ce blog), un duo avec la choriste-percussioniste Cornelia Redmond, une scène de ménage d'anthologie avec Bo en chanteur d'opéra qui échange des insultes avec sa partenaire ("Si un oiseau avait ta cervelle il volerait de travers", "Pour moi, tu ressembles à un million de dollars, et comme je n'ai jamais vu un million de dollars, tu ressembles à quelqu'un que je n'ai jamais vu"), mais la femme porte le coup de grâce à Bo, qui se perd alors en vocalises déchirantes, quand elle lui assène qu'elle a vu sa mère à Juarez au Mexique, vagabondant un matelas sur la tête.
Autre grand moment de cette sélection, Shut up, woman (Ferme-là, bonne femme) un titre à la I'm a man qui pourrait a priori passer pour sexiste, mais dont l'humour et la dignité sont garantis quand on sait qu'il est en fait écrit, comme tous les titres de l'album, par l'organiste Bobby Alexis, Cornelia Redmond et... Kay McDaniel, la propre épouse de Bo au moment où ce disque est sorti !
L'autre excellent disque du lot, c'est visiblement Where it all began, produit par Johnny Otis, celui-là même dont était extrait A good thing (absent ici, à juste titre), comme en témoignent les excellents I've had it hard, Bad trip et la version complète, live en studio, de Bo Diddley-itis.
Les 6 extraits de l'album de reprises Another dimension ne sont pas déshonorants, surtout les versions de Bad moon rising et The shape I'm in, mais bon, si on veut écouter du Creedence ou du Band, on n'a pas besoin que quelqu'un du talent de Bo se dévoue pour les reprendre. Quant à la reprise d'Elton John...
C'est un peu pareil pour les trois titres extraits de Big bad Bo, vraiment funky pour le coup, que Bo chante avec moins de personnalité que d'habitude.

Sur Bo Diddley, un grand article du New-York Times de 2003, une série de billets-hommages de Boogie-Woogie Flu (1, 2, 3 et 4 : je vous conseille particulièrement Pills, Aztec et Untitled instrumental plus bien sûr Crackin' up sur le premier billet et les extraits de Black gladiator du troisième). Et enfin, la preuve qu'il n'y a pas que Bo Diddley qui a tourné funky !