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15 novembre 2024
CROWBAR : Bad manors (Crowbar's golden hits, volume 1)
Acquis chez Happy Cash à Dizy le 5 octobre 2024
Réf : PAS 6007 -- Édité par Paramount aux États-Unis en 1971
Support : 33 tours 30 cm
14 titres
Je passe régulièrement dans ce magasin Cash situé à quelques pas de ma ressourcerie locale. La plupart du temps pour rien, car les arrivages de lots de disques sont assez rares, même si, au fil des années, j'y ai trouvé une cinquantaine de CD neufs à 50 centimes, une des compilations reggae Tighten up et assez récemment un petit lot de 45 tours parmi lesquels il y avait le T.H.X. et le Fortunel.
Au bout du compte, depuis six mois que le rayon disques de la ressourcerie s'est presque entièrement tari, c'est au Cash que j'ai fait le plus d'affaires. Le mois dernier encore, j'y ai pris trois 45 tours, de Carl Douglas et George McCrae (pas leur tubes), ainsi qu'une réédition de Leader of the pack, avec une face B différente de mon original anglais. Alors que j'attendais à la caisse pour les payer, j'ai repéré une grosse pile de 33 tours posés sur le comptoir. Évidemment, j'ai beuqué les tranches des pochettes et j'ai noté qu'il y avait un bon paquet de daube, mais aussi des choses assez alléchantes comme un Chambers Brothers ou un Groundhogs.
J'ai donc demandé au vendeur quand les disques seraient mis en vente, en espérant qu'il me propose d'y jeter un œil de suite, mais il m'a répondu qu'ils seraient en rayon normalement dans l'après-midi.
J'ai fait preuve d'une assez remarquable force de caractère en n'y retournant pas le jour même, principalement parce que je craignais de faire le déplacement pour rien, mais le lendemain matin j'étais sur place dans l'heure qui a suivi l'ouverture.
Je croyais que le délai pour la mise en rayon se justifiait par l'évaluation et l'étiquetage individuel des disques, mais le vendeur aurait aussi bien pu me laisser les regarder immédiatement car il les a mis en rayon tels quels, mélangés dans les différents bacs.
Le prix des albums dans ce Cash varie entre 1 et 30 €, je ne savais donc pas trop à quoi m'attendre, mais au bout du compte la bonne nouvelle c'est que tous les disques étaient encore là et que, comme ils n'étaient pas étiquetés, ils étaient tous au prix de base, récemment abaissé à... 30 centimes !
Autant vous dire que j'ai pris mon temps pour examiner les disques un par un (il devait y en avoir peut-être 200) et rafler tous ceux qui présentaient le moindre intérêt, pour moi ou un pote. Je suis reparti avec plus de trente albums, dont trois Ventures, un Albert King, un Kris Kristofferson, un Steve Hillage, un Shadows, un Edgar Broughton Band...
Quasiment tous les disques que j'ai achetés sont tamponnés : ils viennent de la collection d'une même famille de la région. Ils datent pour la plupart des années 1970, répartis à peu près équitablement entre pressages français et américains, dont plusieurs ont un coin coupé, dans des genres qui couvrent le blues, le folk, la country, le rock et tout ce qui mélange un peu tout ça. Il y a des noms que je connaissais, et des choses à peu près inconnues pour moi, comme Earl Hooker, The Youngbloods, Heads Hands and Feet et Artful Dodger.
Rétrospectivement, je suis impressionné par le fait que les goûts de cette famille étaient aussi pointus. Pour une bonne partie, je pense que ces disques n'étaient pas disponibles chez les disquaires de la région, il fallait soit aller à Paris, soit les importer ou voyager pour les acheter. Et il y a une chose dont je suis sûr : tous ces disques que j'ai achetés ne constituent qu'une infime partie de la collection initiale, peut-être un "reste" vendu pour pas cher à Cash. Des gens qui avaient ces albums d'artistes inconnus ou quasi-inconnus chez nous avaient forcément plein d'autres disques. Je pense que les Stones, les Led Zeppelin, les Who, les Creedence etc. qu'ils avaient n'ont pas été perdus pour tout le monde.
Quand j'ai mis le disque sur la platine, je ne connaissais absolument rien de Crowbar.
L'album s'ouvre avec un instrumental bluesy, le premier de quatre Frenchman's filler (Bouche-trou du français, je dirais) qu'on trouve en début et en fin de chaque face. On enchaîne ensuite avec Too true Mama, un titre bien gras, assez rhythm and blues, avec des chœurs et des cuivres. J'étais assez convaincu à la fin de cette chanson pour me dire que j'allais chroniquer le disque et je me suis renseigné sur le groupe.
Il s'avère que Crowbar est un groupe fondé au Canada en 1970. Les gars avaient déjà un certain pédigrée car ils avaient pour la plupart précédemment accompagné Ronnie Hawkins sous le nom de And Many Others (leur seule trace discographique avec lui serait le single de 1968 Mary Jane). On n'est donc pas surpris d'entendre leur cocktail de rock, de boogie et de blues.
Le titre de l'album, Bad manors, est un jeu de mots sur "mauvaises manières" et sur le nom de la propriété où le groupe s'était installé en communauté, à Ancaster dans l'Ontario. Le sous-titre est trompeur : avec cette mention de "golden hits, volume 1", j'ai cru qu'il s'agissait d'une compilation, mais c'est bel et bien le deuxième album du groupe; le premier aussi en quelque sorte car Official music en 1970 créditait en premier le chanteur King Biscuit Boy, qui a quitté le groupe peu de temps après.
Et je ne dois pas être le seul par ici à ne jamais avoir entendu parler de Crowbar : un seul de leurs albums est sorti en France, un live de 1972.
La face A se poursuit sur un rythme d'enfer : une version survitaminée de Let the four winds blow de Fats Domino et trois autres reprises à la suite : House of blue lights, un boogie-woogie à double vitesse, Train keep rollin' et Baby let's play house, avec King Biscuit Boy en invité au yodel. La face se termine en beauté avec Oh what a feeling, le plus grand succès du groupe, presque un classique au Canada. Là, ça démarre carrément funky. Ça surprend, mais l'explication est simple : la chanson prend racine dans un medley de titres de James Brown que certains membres du groupe jouait sur scène dans une formation pre-Crowbar.
La face B continue dans la même veine, avec plus d'originaux, comme Murder in the first degree ou Mountain fire, avec son accompagnement de glou-glous. L'album se conclut joyeusement et religieusement avec Prince of peace, où Crowbar est notamment accompagné par la chorale de la bibliothèque publique de Terryberry. A la fin du disque, même dans son salon, on a l'impression de sentir la bière, le tabac et la sueur !
Au total, c'est un très bon disque dans son genre, que j'apprécie, même si je ne vais pas me mettre à écouter du boogie-blues à longueur de journées. C'est en tout cas une découverte bien représentative de ce beau lot de disques. Un lot comme j'aimerais en trouver plus souvent...!
Crowbar s'est séparé en 1975, mais s'est reformé dès 1977. Une version du groupe tournait encore en 2019.
Un reportage d'époque sur Crowbar à Bad Manors.
09 novembre 2024
TYPICAL COMBO : Pas couri
Acquis sur la braderie-brocante d'Ay le 27 octobre 2024
Réf : J.D. 116 -- Édité par Duli Disc en France en 1973
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Pas couri -/- Nous typical
Le temps était ensoleillé et très doux. On est arrivé sur place à presque 11h. A une heure aussi tardive, autant dire qu'il s'agissait avant tout de prendre l'air et que toute trouvaille serait un bonus inespéré. Et pourtant, c'est au final la brocante d'où j'ai ramené le plus de disques cette année : une douzaine, dont trois 78 tours, achetés sur quatre stands différents.
Au stand où j'ai fait mes meilleurs affaires, j'ai failli ne pas me baisser pour fouiller : j'ai repéré un carton de 45 tours de la taille d'une demi-boite à chaussures par terre, et je me suis dit qu'ils avaient l'air bien pourris. Je me trompais ! Ils n'étaient pas en si mauvais état que ça, et surtout il y en avait plusieurs d'intéressants. J'avais à peine commencé à les regarder que j'ai trouvé un disque d'une chanteuse africaine, Bella Bellow. J'ai demandé le prix au vendeur et il m'a donné une bonne réponse, 50 centimes ! J'ai repris ma quête et j'ai fini avec un éventail assez complet de mes goûts actuels : un James Brown années 60 que je n'avais pas; un Bee Gees de la même époque que j'ai cru ne pas avoir; un superbe EP live de 1964 de Jerry Lee Lewis avec deux reprises de Chuck Berry, malheureusement sans sa pochette; un quatre titres de Ricet-Barrier que je n'avais jamais vu; et enfin ce 45 tours de Typical Combo en parfait état.
Typical Combo, c'est un groupe dont Philippe R. me parle depuis des années, m'encourageant à écouter et chroniquer leur succès, l'excellent Makchiner. Je crois bien même que c'est même lui qui m'a offert mon exemplaire de ce disque. J'en ai quelques autres d'eux et de leur chanteur Georges Plonquitte, l'auteur notamment de la chanson Rosalie, bien connue de toute une génération grâce à Carlos et les pubs pour la boisson Oasis.
Je n'ai pas associé de lien à Typical Combo dans le paragraphe ci-dessus car figurez-vous que, même si ce groupe guadeloupéen fondé à la fin des années 1960 a eu un grand succès, notamment dans les années 1970, et une histoire compliquée sur des décennies avec divers schismes et factions, eh bien je n'ai trouvé nulle part en ligne une biographie ou une discographie sérieuse du groupe, même pas un embryon de page Wikipedia. Ce qu'on trouve, ce sont des éléments d'information liés aux annonces de décès de membres du groupe, comme le fondateur Harry Simonnet et Daniel Dimbas. C'est une nouvelle preuve du manque de considération générale que nous avons pour nos artistes antillais. Un groupe équivalent en métropole aurait des biographies détaillées, voire des sites qui lui seraient dédiés.
A la place, voici les lignes qu'Henri Debs a écrites à leur sujet dans son livre de 2011 Mémoires et vérités :
"Fondé par Harry Simonnet il y a environ 43 ans, cet orchestre a connu un vif succès à partir de 1970. Après un bal joué à la Mutualité de Pointe-à-Pitre, ils emballèrent le public. Les musiciens étaient : Harry et Christian Simonnet (sax) et Georges Simonnet (piano), Georges Plonquitte (chant), Philogène Astasie, Edgard Mahomet (trompette), Billy Avinel (batterie), Serge Yéyé (congas), Fred "Kapyo" Josué (percussions). Les années suivantes, ils enregistrèrent deux tubes dont "Makchiner" pour mon compte et "Bobiné" pour Jacky Dulice.
Au cours des années, l'orchestre se transforma. Georges Plonquitte quitta Typical pour monter son G.P. Orchestra, Daniel Dimbas prit la relève comme guitariste-chanteur ainsi que Jacques Rosmade au chant. Le nombre de bals joués par cet orchestre était très important. Après une trentaine d'années, les musiciens de la première génération quittèrent Simonnet. Ce fut la grande guerre, avec procès et bien d'autres problèmes. Typical Combo devint Typical Abidos, ce qui obligea Harry à faire appel à de nouveaux musiciens. Typical Abidos a fait fureur et à tous ses bals, les salles étaient combles. La bagarre s'installa entre Philogène Astasie et Yves Abidos. Astasie monta un nouveau groupe avec le nom Le Grand Typical.
Qui gagnera ce combat ? L'avenir nous le dira. Mais en attendant, bravo à Harry d'avoir fondé le premier Typical, et de l'avoir dirigé avec brio.
Aujourd'hui, le Grand Typical de Philogène Astasie semble l'emporter. Cela va-t-il durer ?"
Ce 45 tours date de la première période du groupe, bien avant les guerres intestines. Je pense que la formation en photo sur la pochette doit être proche de celle créditée sur leur album de 1974.
Selon un commentaire sur YouTube, ce disque aurait été enregistré à la discothèque La Plantation à Blanchet Gourbeyre, en Guadeloupe, en 1973. Les deux faces sont signées Plonquitte.
Pas couri est indiqué sur la rondelle comme étant dans le style cadence. Il y a un côté cubain très marqué dans le refrain, renforcé par ce qui sonne à mes oreilles comme des mots espagnols. La chanson décolle vraiment à partir de 2'30, avec une partie instrumentale et le chant "Faut pas courir, faut rester là".
Très bien, mais à première écoute j'ai préféré la face B, Nous Typical, pour son énergie. Là, il s'agit d'un campa direct sur un tempo rapide. On est proche du Désordre musical des Maxel's (le Typical Combo a aussi mis son propre Désordre musical), avec les cuivres et les autres instruments qui se répondent, et c'est sûr que ça devait bien chauffer dans les bals animés par le groupe.
On peut donc faire de bonnes affaires même en plein midi sur un vide-grenier, et ces trouvailles m'ont presque redonné le goût de les fréquenter. Mais, à quelques exceptions près, il va falloir maintenant attendre le printemps prochain.
03 novembre 2024
PIXIES : Velouria
Acquis neuf probablement à Reims en 1990
Réf : 30364 -- Édité par 4AD en France en 1990
Support : CD 12 cm
Titres : Velouria -- Make believe -- I've been waiting for you -- The thing
Je ne sais plus à quelle occasion c'était, mais j'ai récemment réécouté Velouria et je me suis dit que c'était quand même excellent. Un revirement pour moi car, j'ai beau avoir acheté fidèlement tous les disques des Pixies à partir de Surfer Rosa et jusqu'à leur séparation après Trompe le monde, j'ai toujours considéré que Monkey gone to heaven et Velouria étaient toutes les deux un ton en dessous de Gigantic ou Here comes your man et d'autres chansons de leurs albums pas sorties en single. Je pense aujourd'hui que j'avais tort, et ce single, avec ses quatre titres en 10'30, est un disque de haute tenue.
1990, ça correspond au moment où je suis passé au CD (j'ai dû acheter mon premier lecteur courant 1989). Jusque-là, j'avais tous les disques du groupe en vinyl. Je ne regrette pas ce changement, sauf pour la taille des pochettes (là, l'illustration a même été tournée d'un quart de tour pour gagner un peu en échelle). Par contre, je regrette par principe d'avoir revendu mes 33 tours de Come on pilgrim et Surfer rosa quand, vers cette époque, je les ai rachetés en doublon en CD.
Dès la guitare rythmique bien crade en intro (celle de Black Francis je suppose), avant que la rythmique solide arrive et que la guitare solo toujours aussi remarquable de Joey Santiago se lance, Velouria a un gros son, mais sur un tempo pas très rapide. Avec deux particularités remarquables, le thérémine du musicien de session invité Robert F. Brunner et le travail impressionnant que fait Kim Deal tout au long en deuxième voix.
La rime vocalement accentuée de "velouria" avec "adore ya" me fait toujours penser à celle un peu tirée par les cheveux de "Cleopatra" avec "at-ra" dans Abdul & Cleopatra. Le point de référence qu'apparemment personne n'a saisi, c'est Victoria des Kinks. Rien d'évident pour moi à l'écoute en-dehors bien sûr du "-ria", mais Frank Black lui-même s'en est étonné dans un entretien pour Q en 1990 : "Velouria : c'était Ma Victoria, pas mal, mais la chanson des Kinks... Je ne sais pas, ça doit être une bonne chanson pour que je m'en sois sorti". Il a confirmé son intérêt pour les Kinks en reprenant This is where I belong pour une face B en 1994.
Une version de Velouria a été enregistrée le 11 juin 1990 en session pour John Peel. Visiblement, Black Francis l'interprète seul à la guitare électrique.
Vu qu'il est question dans la chanson de velours ("Velouria", "Velveteen"), j'ai toujours eu naturellement tendance à associer Velouria avec la face B instrumentale du single suivant, Velvety. Mais les deux n'ont rien à voir : Velvety est une chanson que Black a écrite vers ses 15 ans et qu'il a fini par chanter en 2002 sur l'album Devil's workshop.
Make believe est un petit rock classique à la Pixies. C'est aussi une pochade chantée par le batteur David Lovering, qui fait référence à sa fanscination pour la chanteuse Debbie Gibson, dont la carrière fulgurante et assez fugace aux États-Unis a inspiré au moins une autre chanson, Debbie Gibson is pregnant with my two headed love child de feu Mojo Nixon et Skid Roper.
I've been waiting for you est une reprise, d'une chanson du premier album de Neil Young. Elle est pas mal, mais elle pâlit à côté de la version de Winterlong que le groupe avait publiée l'année précédente sur la compilation hommage The bridge : A tribute to Neil Young.
L'autre grand moment du disque avec Velouria, c'est The thing. C'est le titre que j'ai le plus écouté et diffusé depuis sa parution. C'est en fait la deuxième partie de la chanson The happening sur Bossa nova, mais elle est présentée ici dans un autre arrangement et en tant qu'entité indépendante. Elle raconte le trajet en voiture d'un gars qui se rend à Las Vegas, où l'atterrissage d'extras-terrestres a été annoncé dans l'émission de radio The Billy Goodman happening.
Le chant est "parlé" et la musique joue comme en boucle. Et, si mes oreilles ne me trompent pas, fait exceptionnel pour ce groupe, c'est un piano qui donne une partie du rythme ! Le tout est pour moi assez hypnotique.
Ce disque a beau avoir largement plus de trente ans, il tombe en pleine actualité : les Pixies viennent de sortir un nouvel album, The night the zombies came, tandis que Kim Deal s'apprête à sortir ce mois-ci un premier album sous son nom, Nobody loves you more.
Et sinon, je changerai peut-être d'avis d'ici quelques décennies, mais je trouve toujours Dig for fire et Alec Eiffel un ou deux crans en-dessous dans la discographie single des Pixies.
Pixies, Velouria, en direct en studio en 1990.
Pixies, Velouria, en concert à la Brixton Academy à Londres le 26 juin 1991.
Pixies, The happening, en concert à la Brixton Academy à Londres le 26 juin 1991.