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25 novembre 2022
FLEUR OFFWOOD : French indie folk & alternative pop
Acquis chez Gilda à Paris le 23 septembre 2022
Réf : PP050 -- Édité par Perfect Pitch en Allemagne en 2017
Support : CD 12 cm
16 titres
J'ai fait le voyage de Paris en septembre pour revoir Lawrence en concert (pour la première fois depuis 1989), cette fois-ci avec son Mozart Estate, dont le premier album au titre à rallonge est annoncé pour janvier prochain.
Ça m'a permis de vérifier que j'arrive toujours à trouver des CD intéressants à petit prix dans mes boutiques préférées, Parallèles, Gilda et Boulinier.
Dans le lot, il y avait cet album de Fleur Offwood. Je la connais surtout pour ses collaborations avec l'ami Seb Adam : ils se sont produits sur scène ensemble et un de mes titres préférés d'Une plage en hiver, le dernier album de Seb, est leur duo Mots croisés.
Ce disque est un bel objet. Pochette cartonnée ouvrante, couleurs pastel, illustrations sympathiques. Il y a un code-barres au dos et aucune mention du style "Disque promotionnel interdit à la vente", mais je parierais bien qu'aucun exemplaire de ce disque n'a jamais été en vente dans les bacs d'un disquaire (sauf en occasion comme dans ce cas précis, où un professionnel a dû revendre son stock à Gilda).
En effet, Perfect Pitch est un label de Warner Chappell Production Music, un éditeur musical dont l'objectif est de diffuser au maximum les œuvres des artistes qu'il a sous contrat, sur disque éventuellement, mais aussi et surtout en synchronisation musicale.
Ceci explique que le titre de l'album, French indie folk & alternative pop soit juste une tentative de description la plus attrape-tout possible du style musical de Fleur Offwood. On trouve sur la tranche du disque trois mots-clés complémentaires : "Female - Advertising - Easy-going".
En fait, les huit chansons de ce disque ont été publiées sur deux albums différents en 2017 : L'un, titré Bouquet, disponible uniquement au format numérique, et donc l'édition Perfect Pitch en CD et numérique. Et cet album est une compilation : deux des titres proviennent de son premier album, Des mots (que j'avais trouvé il y a quelques années, soit dit en passant, déjà chez Gilda) et on y trouve aussi les quatre titres du EP de 2019 crédité à Fleur Offwood and the Conifers.
Ce sont donc bien des "chansons indépendantes" qu'on entend sur ce disque. Parmi celles-ci, mes préférées sont Mon amour (décrite ainsi dans les notes de pochette : "French girly punk with retro garage pop flavour"), Chez Roberto Barr (qui est un artiste qui existe vraiment, mais il est actuellement installé au 45 rue Blaes à Bruxelles, plutôt qu'au 41 comme le dit la chanson) et La ballade d'elle et lui, avec son petit côté country and western.
Après les huit chansons, on a droit aux pistes instrumentales, inédites par ailleurs, ce qui est l'habitude pour les disques d'illustration musicale.
Fleur Offwood a produit en 2019 un autre album pour Perfect Pitch, Loulou, qui est entièrement instrumental. Son dernier album en date, Les chansons naïves, est sorti au printemps dernier.
19 novembre 2022
CLAUDE BERSOUX SES MUSICIENS SES ELEVES : Patro-blues
Acquis chez Emmaüs à Tours-sur-Marne le 16 octobre 2021
Réf : MG 001 -- Édité par Patrodisc en France dans les années 1960
Support : 45 tours 17 cm
Titres : CLAUDE BERSOUX : Patro-blues -- PATRICK RAAFLAUB : Swing-valse -/- CHRISTIAN GRYMONPREZ : Carrefour des échos -- PHILIPPE PICOT : Classique accordéon
Il n'y avait pas grand chose ce jour-là à Emmaüs, mais j'étais bien content de tomber sur ce disque.
Je l'ai pris d'abord pour sa très belle photo de pochette, avec les accordéonistes sur le manège et les gamins qui regardent tous le photographe, mais aussi pour les circonstances de sa parution, le 25e anniversaire du Patronage Laïque de Champigny-sur-Marne.
Pour l'occasion, on a fait les choses en grand : lancement d'un label pour auto-éditer le disque (a priori, c'est le seul disque publié sous l'étiquette Patrodisc), découpage au dos de toutes les pochettes pour qu'elles puissent servir de présentoir, et aussi une publicité au verso pour les accordéons Fratelli Crosio.
Je pense que ce disque date du début des années 1960 (les lettres pour les numéros de téléphone, comme le NOR 94-95 de Fratelli-Crosio, ont été abandonnées fin 1963). On sait par ailleurs que le Patronage Laïque, probablement fondé sous le Front Populaire, existait en 1939, puisque Louis Talamoni, qui fut maire de Champigny dans les années 1950, s'est impliqué dans sa gestion quand il est arrivé dans cette ville cette année-là.
C'est Claude Bersoux qui a mené ce projet. Il a eu à la fois une carrière d'instrumentiste, de chef d'orchestre, de compositeur et d'enseignant pendant 17 ans au conservatoire de Champigny.
Les quatre pistes de ce disque sont de très bonne tenue. Il ne s'agit pas d'accordéon solo : il y a un accompagnement d'orchestre.
Le titre le plus intéressant pour moi est Carrefour des échos, une composition d'André Astier et Tony Fallone. On y entend le son particulier de l'instrument joué par Christian Grymonprez. il s'agit d'un orgue électronique Orgacor CI. J'ai cherché des informations au sujet de cet instrument, mais j'ai fait chou blanc. Cependant, j'ai constaté que Fratelli-Crosio avait poursuivi dans l'électronique, puisqu'ils ont commercialisé par la suite un synthétiseur accordéon Orgacor !
Ce disque est très sympathique et n'a pas dû être beaucoup diffusé. Ça n'en fait pas pour autant un collector, contrairement à ce que semblent en penser deux vendeurs, sur Discogs et Ebay, qui en réclament respectivement 50 et 139 €. Ils ne sont pas prêts de trouver preneur à ce prix-là...
11 novembre 2022
TALKING HEADS : I zimbra
Acquis par correspondance via Ebay en janvier 2022
Réf : 2C008-63307 -- Édité par Sire en France en 1979
Support : 45 tours 17 cm
Titres : I zimbra -/- Air
Ce qui m'a décidé à acheter ce 45 tours, c'est que je venais de lire le Fear of music de Jonathan Lethem dans la collection 33 1/3 et dans la foulée de regarder le documentaire de l'émission South Bank show spécial Talking Heads, tourné en août 1979 et diffusé en décembre de la même année. On y voit notamment le groupe répéter dans le loft new yorkais de Tina Weymouth et Chris Frantz, là même où toutes les bases musicales de l'album ont été enregistrées les 22 avril et 6 mai 1979 (A défaut de lire le livre, on peut trouver chez guitar.com une chronique assez détaillée de l'album).
Initialement, j'ai moins aimé et moins écouté More songs about buildings and food et Fear of music, les deuxième et troisième albums de Talking Heads, que 77 et Remain in light, le premier et le quatrième. Désormais, je trouve que Fear of music contient un nombre impressionnant d'excellentes chansons.
Bon, une fois reçu le 45 tours, il m'aura fallu une dizaine de mois pour le chroniquer...! J'aurais même pu me contenter de chroniquer l'album, que j'ai dans son édition originale française, avec couverture en carton embossé. C'est l'une des premières fois où j'avais dû me battre pour acheter un disque. En effet, quelques mois après sa sortie, je l'avais trouvé soldé chez France Loisirs, à 25 ou 30 francs (à une époque où les disques neufs valaient environ 45 francs). Au moment de payer, la vendeuse m'avait expliqué que les produits étaient réservés aux adhérents, dont je ne faisais pas partie. Pour une fois, j'ai fait preuve de répartie puisque je lui ai dit que, si le disque était soldé, c'est que les adhérents n'en avaient pas voulu. Et du coup elle a daigné accepter mon argent.
Tout comme Jonathan Lethem, ce n'est qu'assez récemment que j'ai su que les paroles d'I zimbra sont adaptées d'un poème dadaïste d'Hugo Ball de 1916. J'avais toujours pensé qu'il s'agissait soit de paroles dans une langue d'Afrique, soit d'un langage inventé. Le langage est inventé, certes, mais par Ball, pour l'un des ses "poèmes sonores", Gadgi beri bimba. Ce n'est pas par inattention que nous avons loupé cette information. Certes, "H. Ball" est bien crédité sur l'étiquette du rond central après "D. Byrne" et "B. Eno", mais c'est tout et c'est le service minimum. Comme les paroles sont reproduites sur la pochette intérieure, ça n'aurait pas coûté grand chose d'indiquer en référence le titre du poème qui les a inspirées et le nom complet de son auteur.
Côté musique, l'idée initiale pour I zimbra était apparemment de faire un hybride de highlife et de disco. Au bout du compte, on n'entend pas vraiment le côté disco, mais l'aspect musique africaine est bien présent. Il est clair que c'est précisément cette chanson qui annonce assez bien l'évolution du groupe qui aboutira à l'album suivant, Remain in light. Certains éléments se retrouveront également plus tard chez Tom Tom Club, et surtout, on a l'impression d'entendre ici en germe tout le son de Vampire Weekend à ses débuts.
Il y a plein d'invités sur ce titre, dont aux congas un certain Gene Wilder, pas l'acteur mais un musicien de rue invité par le groupe à les rejoindre, et une Ari, qui serait Ari Up des Slits. Robert Fripp intervient aussi avec une partie de guitare traitée aux Frippertronics (Musicalement, Fripp c'est rarement ma tasse de thé, mais comme beaucoup j'ai découvert son humour depuis le début de la pandémie de COVID avec les reprises qu'il enregistre chaque dimanche avec son épouse la chanteuse Toyah. La dernière en date, Can your pussy do the dog ? des Cramps, vaut son pesant de cacahuètes).
La version originale d'I zimbra de trois minutes est parfaite. On trouve sur YouTube une version longue qui serait une version remixée d'époque inédite. Pas sûr que ça soit pas juste un bidouillage de fan, mais ça fonctionne très bien aussi avec une durée doublée ! Et sur le double live The name of this band is Talking Heads, la version live de novembre 1980 est pas mal accélérée.
En face B, on trouve un autre extrait de Fear of music, Air, l'une des nombreuses chansons de l'album avec un seul mot pour titre. Elle est marquée par des chœurs féminins très aériens, si j'ose dire, crédités à The Sweetbreathes, soit Tina Weymouth et deux de sœurs.
Pour la musique, David Byrne explique à son propos dans l'émission South Bank show qu'on peut voir ci-dessous: "J'ai écouté beaucoup de Kurt Weill récemment. Une de mes ambitions était d'écrire ce genre de mélodies que je trouve très obsédante. Je ne crois pas avoir complètement réussi, mais je crois m'en être un peu approché. Je voulais écrire une chanson triste qui ne décrit pas d'une relation amoureuse. Pour moi, elle décrit comment on se sent quand on se sent très triste."
Les paroles sont à la fois simples, marquantes et énigmatiques (donc bonnes !) : l'air peut blesser et la peau avoir besoin de s'en protéger.
A l'excellente version de l'album, je crois que je préfère encore la version "de répétition" qu'on entend dans The South Bank show, qui est un peu plus rapide, avec un solo de guitare bien plus tranchant. Il y a aussi une version live de 1979 sur The name of this band is Talking Heads (A ce sujet, j'ai été impressionné par le nombre de concerts donnés par Talking Heads de 1977 à 1979).
Talking Heads, documentaire de l'émission South Bank show, filmé en août 1979, diffusé le 23 décembre 1979. Air commence à 23'10.
Talking Heads, I zimbra, en concert au Westfalenhalle à Dortmund le 20 décembre 1980, diffusé dans l'émission RockPop.
L'affiche promotionnelle pour Fear of music utilisée pour la pochette du 45 tours français. Le carroyage vert ajouté dessus rappelle plutôt la pochette de More songs about buildings and food.
06 novembre 2022
JUAN CATALAÑO : Les grognards
Acquis à la bourse BD Disques d'Épernay le 22 février 2022
Réf : 460.567 -- Édité par Fontana en France en 1958
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Les grognards -- Ses baisers me grisaient (Kisses sweeter than wine) -/- Symphonie d'un soir (Silhouettes) -- Demain la quille (The teen-age march)
Juste après le Mexicano, voici le Catalaño !
En quelques mois, j'ai acheté trois disques de Juan Catalaño. D'abord un 25 cm en état superbe, Les Gitans, qui contient deux des titres du 45 tours qui nous intéresse aujourd'hui, que j'ai acheté ensuite. Et enfin, je me suis offert un EP de Jan et Rod, parce qu'il contenait une version de La java des bombes atomiques, sans savoir que Jan et Juan ne font qu'un.
C'est chez Amour du Rock 'n' Roll qu'on trouve le plus d'informations sur le parcours de Juan Catalaño et Rodolfo Licari, ensemble depuis leur rencontre en tant que voisins de palier à Casablanca jusqu'à leur arrivée à Paris en 1956 avec leur duo de chant et guitare burlesque, et séparément avec la carrière ensuite de Juan sous son seul nom. Signés par Jacques Canetti chez Philips avant de passer chez Fontana, avec Boris Vian comme directeur artistique et Alain Goraguer à la direction d'orchestre, ils ont publié des reprises, de Boby Lapointe notamment, et des chansons originales.
Sur ce disque, le quatrième de Catalaño sous son nom, ce sont les reprises qui dominent, mais le seul original, Les grognards, signé Hubert Giraud et Pierre Delanoë, est le titre principal. C'est de la chanson française la plus classique possible. Rien d'humoristique là-dedans. Ce n'est pas vraiment ma tasse de thé.
Parmi les reprises, il y a d'abord Ses baisers me grisaient. La chanson originale est intitulée Kisses sweeter than wine. Elle a un parcours intéressant, qui associe le folklore irlandais, Leadbelly, Pete Seeger et les Weavers ainsi que Jimmie Rodgers ! C'est peut-être le succès qu'en a fait Jimmie Rodgers en 1957 qui a inspiré cette version. L'adaptation française est signée Boris Vian. Je pense qu'il s'agit là de la première version publiée de cette adaptation, qui a continué à se diffuser au-delà de la mort de Vian, puisque, parmi d'autres, Hugues Aufray en 1961 et Nana Mouskouri en 1965 ont interprété cette chanson avec son texte.
Pour Demain la quille, on reste après Les grognards dans la thématique militaire. J'ai trouvé la trace de la chanson originale The teen-age march en face B d'un 45 tours par Carlson's Raiders qui proposait en face A des chansons du film Le pont de la rivière Kwaï. Un film qui a fort inspiré Juan puisque, sur le disque précédent, il reprenait déjà Hello ! Le soleil brille..., la marche du Colonel Bogey.
Si j'ai eu envie de chroniquer ce disque, c'est parce qu'on y trouve Symphonie d'un soir, une adaptation de la chanson américaine Silhouettes.
La version originale par The Rays est très bien. J'aime beaucoup moins le traitement rock qu'Herman's Hermits a appliqué à la chanson en 1965, avec beaucoup de succès. C'est certainement la version la plus connue. Claude François l'a aussitôt décalquée pour sa propre adaptation française.
Je ne connaissais aucune de ces versions les plus diffusées quand j'ai découvert et apprécié Silhouettes. C'était vers le début des années 1990, sur une compilation de Dennis Brown. Il en a publié au moins deux versions, produites par Derrick Harriott, l'une en 1972 et l'autre en 1978, peut-être bien avec la même prise vocale, mais avec une orchestration différente. Ça reste, avec l'originale, ma version préférée de cette chanson.
L'histoire racontée dans Silhouettes est simple. Un gars se promène le soir en ville et croit voir la fille dont il est amoureux à sa fenêtre, enlacée avec un autre. Il est malheureux. Sauf que, il finit par découvrir qu'il s'est trompé de fenêtre. Alors il monte l'escalier quatre à quatre, rejoint la fille et tout est bien qui finit bien !
Symphonie d'un soir est une chanson très particulière. On a d'un côté une chanson aux origines doo-wop. Il en reste le balancement d'origine et un arrangement intéressant qui associe des cuivres et des cordes. Mais il y a un contraste avec l'interprétation de Juan Catalaño. Il a une belle voix de basse, digne d'un chanteur d'opéra, et une élocution de l'époque, très chanson française traditionnelle. L'association de la musique et du chant provoque un effet saisissant, qui est double pour moi : d'un côté c'est involontairement comique, mais de l'autre ça reste une reprise que j'apprécie sincèrement.
Comme ça se faisait beaucoup à l'époque, Fontana a publié quelques temps plus tard une autre version de Symphonie d'un soir, jazz et instrumentale, par Michel de Villers et son Orchestre, avec des notes d'Anna Tof (alias Boris Vian) au verso de la pochette.