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11 novembre 2022

TALKING HEADS : I zimbra


Acquis par correspondance via Ebay en janvier 2022
Réf : 2C008-63307 -- Édité par Sire en France en 1979
Support : 45 tours 17 cm
Titres : I zimbra -/- Air

Ce qui m'a décidé à acheter ce 45 tours, c'est que je venais de lire le Fear of music de Jonathan Lethem dans la collection 33 1/3 et dans la foulée de regarder le documentaire de l'émission South Bank show spécial Talking Heads, tourné en août 1979 et diffusé en décembre de la même année. On y voit notamment le groupe répéter dans le loft new yorkais de Tina Weymouth et Chris Frantz, là même où toutes les bases musicales de l'album ont été enregistrées les 22 avril et 6 mai 1979 (A défaut de lire le livre, on peut trouver chez guitar.com une chronique assez détaillée de l'album).
Initialement, j'ai moins aimé et moins écouté More songs about buildings and food et Fear of music, les deuxième et troisième albums de Talking Heads, que 77 et Remain in light, le premier et le quatrième. Désormais, je trouve que Fear of music contient un nombre impressionnant d'excellentes chansons.

Bon, une fois reçu le 45 tours, il m'aura fallu une dizaine de mois pour le chroniquer...! J'aurais même pu me contenter de chroniquer l'album, que j'ai dans son édition originale française, avec couverture en carton embossé. C'est l'une des premières fois où j'avais dû me battre pour acheter un disque. En effet, quelques mois après sa sortie, je l'avais trouvé soldé chez France Loisirs, à 25 ou 30 francs (à une époque où les disques neufs valaient environ 45 francs). Au moment de payer, la vendeuse m'avait expliqué que les produits étaient réservés aux adhérents, dont je ne faisais pas partie. Pour une fois, j'ai fait preuve de répartie puisque je lui ai dit que, si le disque était soldé, c'est que les adhérents n'en avaient pas voulu. Et du coup elle a daigné accepter mon argent.

Tout comme Jonathan Lethem, ce n'est qu'assez récemment que j'ai su que les paroles d'I zimbra sont adaptées d'un poème dadaïste d'Hugo Ball de 1916. J'avais toujours pensé qu'il s'agissait soit de paroles dans une langue d'Afrique, soit d'un langage inventé. Le langage est inventé, certes, mais par Ball, pour l'un des ses "poèmes sonores", Gadgi beri bimba. Ce n'est pas par inattention que nous avons loupé cette information. Certes, "H. Ball" est bien crédité sur l'étiquette du rond central après "D. Byrne" et "B. Eno", mais c'est tout et c'est le service minimum. Comme les paroles sont reproduites sur la pochette intérieure, ça n'aurait pas coûté grand chose d'indiquer en référence le titre du poème qui les a inspirées et le nom complet de son auteur.
Côté musique, l'idée initiale pour I zimbra était apparemment de faire un hybride de highlife et de disco. Au bout du compte, on n'entend pas vraiment le côté disco, mais l'aspect musique africaine est bien présent. Il est clair que c'est précisément cette chanson qui annonce assez bien l'évolution du groupe qui aboutira à l'album suivant, Remain in light. Certains éléments se retrouveront également plus tard chez Tom Tom Club, et surtout, on a l'impression d'entendre ici en germe tout le son de Vampire Weekend à ses débuts.
Il y a plein d'invités sur ce titre, dont aux congas un certain Gene Wilder, pas l'acteur mais un musicien de rue invité par le groupe à les rejoindre, et une Ari, qui serait Ari Up des Slits. Robert Fripp intervient aussi avec une partie de guitare traitée aux Frippertronics (Musicalement, Fripp c'est rarement ma tasse de thé, mais comme beaucoup j'ai découvert son humour depuis le début de la pandémie de COVID avec les reprises qu'il enregistre chaque dimanche avec son épouse la chanteuse Toyah. La dernière en date, Can your pussy do the dog ? des Cramps, vaut son pesant de cacahuètes).
La version originale d'I zimbra de trois minutes est parfaite. On trouve sur YouTube une version longue qui serait une version remixée d'époque inédite. Pas sûr que ça soit pas juste un bidouillage de fan, mais ça fonctionne très bien aussi avec une durée doublée ! Et sur le double live The name of this band is Talking Heads, la version live de novembre 1980 est pas mal accélérée.

En face B, on trouve un autre extrait de Fear of music, Air, l'une des nombreuses chansons de l'album avec un seul mot pour titre. Elle est marquée par des chœurs féminins très aériens, si j'ose dire, crédités à The Sweetbreathes, soit Tina Weymouth et deux de sœurs.
Pour la musique, David Byrne explique à son propos dans l'émission South Bank show qu'on peut voir ci-dessous: "J'ai écouté beaucoup de Kurt Weill récemment. Une de mes ambitions était d'écrire ce genre de mélodies que je trouve très obsédante. Je ne crois pas avoir complètement réussi, mais je crois m'en être un peu approché. Je voulais écrire une chanson triste qui ne décrit pas d'une relation amoureuse. Pour moi, elle décrit comment on se sent quand on se sent très triste."
Les paroles sont à la fois simples, marquantes et énigmatiques (donc bonnes !) : l'air peut blesser et la peau avoir besoin de s'en protéger.
A l'excellente version de l'album, je crois que je préfère encore la version "de répétition" qu'on entend dans The South Bank show, qui est un peu plus rapide, avec un solo de guitare bien plus tranchant. Il y a aussi une version live de 1979 sur The name of this band is Talking Heads (A ce sujet, j'ai été impressionné par le nombre de concerts donnés par Talking Heads de 1977 à 1979).


Talking Heads, documentaire de l'émission South Bank show, filmé en août 1979, diffusé le 23 décembre 1979. Air commence à 23'10.


Talking Heads, I zimbra, en concert au Westfalenhalle à Dortmund le 20 décembre 1980, diffusé dans l'émission RockPop.




L'affiche promotionnelle pour Fear of music utilisée pour la pochette du 45 tours français. Le carroyage vert ajouté dessus rappelle plutôt la pochette de More songs about buildings and food.

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