28 juillet 2025

RANKINE / DIRTY DISTRICT : Ragga-buzzin'


Acquis à la Bourse aux Disques de Radio Primitive à Reims le 23 mars 2025
Réf : 1442 -- Édité par Barclay en France en 1991 -- Hors commerce
Support : 45 tours 17 cm
Titres : RANKINE : Les mâles -/- DIRTY DISTRICT : Blast it

Après le Peter Gabriel, le The Call et le Pierre Vassiliu, voici un autre des disques glanés en mars lors de la bourse aux disques de Radio Primitive, la plupart rescapés de la discothèque de la station. J'ai vraiment fait de bonnes pioches ce jour-là !

Ce 45 tours promo contient deux extraits de la compilation Ragga buzzin'. On peut la considérer comme une réponse version raggamuffin de Barclay à la compilation Rapattitude de Labelle Noir/Virgin parue l'année précédente. C'est aussi une cousine de la très pop Contresens, c'est à dire qu'on a là trois compilations qui présentent des artistes d'une "nouvelle scène" d'un genre musical particulier.

Je ne me souviens plus de ce 45 tours en particulier, mais je sais qu'on avait aussi reçu le CD de Ragga buzzin' à la radio, que j'avais écouté, et c'est précisément la chanson de Rankine que j'avais choisi de diffuser en octobre 1991, dans mon émission personnelle Vivonzeureux!, puis, de façon particulièrement appropriée, dans mon autre émission Sueur d'hommes, co-animée avec les vedettes Phil Sex et Raoul Ketchup.

Je ne connaissais pas "Rankine". Grâce aux références présentes sur Discogs, j'ai assez vite appris que Clarence, de son prénom, est créditée sur les deux premières cassettes de Massilia Sound System, Rude & souple (1989) et Vive le Piim (1990). Sur la première, on trouve même une version de Les mâles, qui doit être différente mais que je n'ai malheureusement pas trouvée en ligne.
Je ne le savais pas du tout mais, comme le détaille Camille Martel dans son livre Massilia Sound System : La façon de Marseille (2021) (les premières pages sont disponibles ici), Clarence Rankine (ou Ranking Clarence, et il y a plein d'autres variations) est membre fondatrice de Massilia et, de 1984 à 1991, elle en a été l'une des trois vocalistes, avec Tatou et Jali. Elle chante donc plusieurs titres sur les deux cassettes du groupe, dont Nouveau style et L'argent, et a donné plusieurs dizaines de concerts avec eux.
Elle a quitté Massilia en mai 1991, un an avant la parution du premier album Parla patois, ce qui explique que ceux qui, comme moi, ont découvert le groupe avec ce disque ne la connaissent pas.
Apparemment, le titre sur Ragga-buzzin' était le premier jalons d'une carrière solo, mais je n'ai pas trouvé trace d'autres parutions de Rankine.

Les mâles est un excellent ragga, avec des paroles qui remettent les mecs à leur place et pointent la différence de traitement entre les hommes et les femmes. Camille Martel donne des détails sur le contexte de création de la chanson : "Clarence livre ensuite l’un des temps forts de Rude et Souple : « Les mâles », dans lequel elle répond à son confrère parisien le DJ Daddy Yod, qui avait sorti « Elle n’est pas prête » en 1987, galerie de portraits de jeunes femmes volages, pas d’accord pour s’engager dans une relation amoureuse stable. Une autre des filles évoquées par Daddy Yod dans sa chanson n’a rien dans la tête, elle est superficielle et terrifiée par l’idée de vieillir… La réponse de Clarence à cette démonstration machiste est claire."
Musicalement, on est en plein dans le style raggamuffin, avec une particularité dans l'arrangement, la présence remarquable d'un violon, tenu par Nicolas Zaroff, qui a notamment joué avec Leda Atomica (il est malheureusement mort accidentellement en 2011, à 48 ans).
Je ne sais pas si Rankine avait signé un contrat solo avec Barclay, mais en tout cas, parmi les artistes de Ragga buzzin', c'est bien elle que le label avait entrepris de mettre en avant : outre ce 45 tours, il y a eu un maxi hors commerce avec une version de Les mâles remixée par No Smoke. Elle est plus longue, mais aussi très quelconque. Le violon a malheureusement disparu...

Sur la face B, on trouve la contribution de Dirty District à Ragga buzzin'. Un groupe que j'ai eu l'occasion de voir quartier Wilson à Reims le 15 avril 1989 lors d'un concert antifasciste organisé par L’Égrégore.
Blast it est un titre de leur premier album, Pousse au crime & longueur de temps. Il fait plus de huit minutes sur l'album, juste cinq ici. Ce sont deux enregistrements différents, dans l'esprit reggae-rock rebelle façon The Clash. La version du 45 tours est sur un tempo plus rapide. Les deux ont le même défaut insupportable : elles sont chantées dans une espèce de bouillie indescriptible censée être de l'anglais.

Une vidéo a dû être tournée pour Les mâles, au moins pour un passage de télé : on en aperçoit quelques secondes dans l'émission Rapline spéciale Raggamuffin.


Massilia Sound System en 1990 : Tatou, Clarence Rankine et Jali. Photo : Stéphane Godefroid (Source).

19 juillet 2025

GUY CORNÉLY accompagné par LE TANDEM DU GROS-CA VÉLO / BOISBANT : Guadeloupe


Acquis sur la brocante de l'avenue Victor Hugo à Ay le 22 juin 2025
Réf : RC 62 -- Édité par Aux Ondes/Disques Célini en France vers 1969
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Guadeloupe -/- En cé nègue -- Où sont donc les tam-tam ?

La météo était agréable, l'ambiance paisible et familiale sur la petite brocante de l'avenue de la gare à Ay. Je n'ai acheté que deux disques à 1 €, mais deux superbes trouvailles dont j'étais très content. La qualité prime sur la quantité.
Le premier, je le cherchais depuis 2019, quand j'ai chroniqué le 45 tours de Denise Varène. Ils 'agit du EP dont j'avais reproduit la pochette où elle est photographiée avec son mari Marcel Bianchi.
L'autre, c'est celui-ci, que j'ai trouvé dans une boite à chaussures, caché parmi une petite vingtaine de disques de variétés.
La personne qui tenait le stand diffusait de la musique sur une enceinte. Au moment de payer, je lui ai demandé quel était ce titre largement instrumental très agréable qu'on entendait. Je pensais à The Cure, et effectivement la chanson s'appelle Lullaby, mais il s'agit bel et bien de Low, avec un extrait de I could live in hope. Un album que je ne connais pas, mais j'ai une version démo de Lullaby dans le coffret A lifetime of temporary relief.

Quand j'ai commencé à acheter des disques des Antilles, je me méfiais particulièrement des mentions du type de ce "Souvenir de la Guadeloupe". Pour moi, ça signifiait obligatoirement qu'on avait affaire à de la soupe commerciale pour touristes. J'ai vite été détrompé. Il s'avère que les touristes étaient un bon débouché commercial pour les créations musicales locales. Je pense qu'une bonne partie des productions de Debs et Célini s'écoulaient non pas chez des disquaires mais dans des boutiques pour vacanciers. Et je m'en félicite, car les disques de ces labels que je trouve par chez moi ne proviennent pas de collections de fans de ces musiques, ce sont bien les fameux souvenirs ramenés de vacances qu'on trouve dans ces cartons de disques.

Celui-ci est un bel objet discographique, un album au sens propre du terme, avec une pochette ouvrante et un insert rajouté, ce qui fait, que, recto-verso compris, la pochette fait six pages au format 45 tours.
L'autre particularité, et c'est également précisé sur la pochette, c'est que nous n'avons pas ici des chansons à proprement parler, mais des poèmes mis en musique. Contrairement à ce que je pensais initialement, les textes reproduits sur la pochette ne sont pas ceux des poèmes, mais un commentaire en français de l'auteur sur ses œuvres.

Ce poète, Guy Cornély, n'est donc pas un chanteur (il a publié au moins deux recueils de textes, Pêle mêle en 1968 et L'enfant en 2003), mais il chante quand même Paresse, un tumbélé des Guitars Boy, sur le 45 tours At the bay, un disque que je possède.

Guy Cornély est accompagné ici par un célèbre duo de musiciens de gwoka, Marcel Lollia dit Vélo (1931-1984) et Arthème Boisban (1931-2006 ?). C'est apparemment le seul disque jamais publié sous son nom par Guy Cornély, mais il ne s'agit pas de sa seule collaboration avec Vélo : il signe les notes de pochette de l'album 25 cm Folklore de la Guadeloupe de Vélo et son Gros-Ka et, même si l'image sur Discogs n'est pas lisible, je parierais bien qu'il est l'auteur du poème qu'on trouve au dos de la pochette de l'album Folklore hors série.

Je ne l'ai pas précisé tant ça me paraissait évident, mais les poèmes de Guy Cornély sont écrits en langue créole. Vélo et Boisbant assurent le rythme et lui dit son texte. Quand on écoute Guadeloupe, on ne peut que penser à une forme de proto-rap, et faire un parallèle avec un groupe qui venait de se lancer au même moment, pas si loin que ça de la Guadeloupe, les Last Poets de New York.

Il me semble que la "sauce" entre musique et voix prend mieux sur les deux titres de la face B, En cé nègue (dont on trouve le texte ici) et surtout Où sont donc les tam-tam ?, dont on apprend tout à la fin qu'il s'agit des "tam-tam de la liberté". Cette dernière chanson a été rééditée en 2018 sur la compilation Par les damné.e.s de la terre.

Une œuvre rare, intéressante artistiquement. Un très bel objet disque. C'est largement suffisant pour me combler. Mais il y a plus : la découverte du parcours de Guy Cornély, qui ne s'est pas contenté d'être un poète.
Engagé dans la marine à 18 ans en 1939, il se retrouve donc sous les ordres du Régime de Vichy. Comme des milliers de jeunes antillais, il "part en dissidence" en 1943. Autrement dit, il déserte en s'enfuyant en canoë jusqu'à la Dominique, puis il résiste en rejoignant les Français Libres du Général de Gaulle à Londres. Le 6 juin 1944, il participe au débarquement en Normandie en tant que marin du cuirassé Courbet. Comme de nombreux dissidents antillais, et comme les soldats français d'Afrique, il devra attendre longtemps (un demi-siècle...!) pour qu'un hommage lui soit rendu.
Et ce n'est pas tout. Après la guerre, il rejoint l'Institut Pasteur de Pointe-à-Pitre. En tant que parasitologue, il contribue à la lutte contre des maladies qui frappent les guadeloupéens.
Une vie admirable et remarquable.






12 juillet 2025

EAST OF EDEN : Le 1er disque pirate d'East Of Eden


Acquis sur le vide-grenier de la rue Caulaincourt à Paris le 24 septembre 2022
Réf : 17.048 -- Édité par Deram en France en 1970
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Jig-a-jig -/- Marcus junior

Au lendemain du concert de Mozart Estate au Paris Popfest en 2022, j'avais repéré deux brocantes à faire avant de retourner à la maison. Manque de bol, une pluie fine imprévue s'est invitée toute la matinée.
Je n'ai rien trouvé à la broc assez sympathique et familiale de Pont-Ruisseau, et heureusement qu'un vendeur professionnel 'soldait' une partie de ses disques rue Caulaincourt : cela m'a évité de rentrer bredouille. Au bout du compte, à 3 € le 33 tours d'Hurard Coppet et 1 € la poignée 45 tours de gens comme Jah Cure, The Colour Field, Sons & Daughters ou Will Sheff, j'ai fait une assez bonne récolte.

Je ne connaissais pas du tout East of Eden. J'ai pris ce disque uniquement parce que la pochette m'a intrigué. Avec le slogan "Le 1er disque pirate d'East Of Eden", j'ai pensé qu'il s'agissait d'un disque promo. Mais non, c'est bien l'édition originale commercialisée en France de ce 45 tours qui se donne des atours de disque pirate. La première fois que j'ai été confronté à ce procédé, c'est avec le Live! Bootleg d'Aerosmith en 1978, que plusieurs des copains du quartier avaient acheté.
Certes, à cette époque il me semble que la vogue des disques pirates prenait de l'ampleur, et les radios pirates avaient aussi le vent en poupe, ça pouvait donc éventuellement être vendeur d'associer le groupe au côté rebelle de la piraterie. Mais là, ça vient comme un cheveu sur la soupe et sans aucune explication (aucune référence par ailleurs au verso ou sur le disque à cet aspect pirate). Je trouve cela plutôt anti-commercial qu'autre chose.

East of Eden s'est formé à Bristol en 1967. On les classe dans le rock progressif, avec des tendances jazz ou symphonique. Je ne suis surtout pas allé vérifier ces informations !
Ils ont sorti deux albums chez Deram en 1969 et 1970, avant de quitter le label pour Harvest. Comme d'autres (je pense aux Zombies, qui ont connu le succès avec She's not there Time of the season alors qu'ils venaient de se séparer), East of Eden a eu son plus grand succès avec un disque sorti sans leur accord, pas du tout représentatif de leur parcours. En effet, c'est Deram qui a sorti en mai 1970 Jig-a-jig, un medley de trois airs traditionnels, qui met en avant leur violoniste Dave Arbus. Le groupe le jouait assez ironiquement en rappel de ses concerts et n'imaginait qu'il serait un jour une face A de 45 tours et aussi leur seul grand succès !

Initialement, j'ai écouté le disque et je l'ai rangé sans le chroniquer, malgré sa pochette mystérieuse. Je l'ai ressorti tout récemment après avoir vu passer en ligne un lien vers la face B du 45 tours, Marcus Junior, avec un commentaire qui m'a surpris à propos d'une "version prog-folk d'un classique ska de Don Drummond".
Comment ça, Don Drummond, le tromboniste des Skatalites ? Celui qui, malade mentalement, a tué sa femme et est mort en hôpital psychiatrique à 35 ans ? Oui, lui, qui a composé plus de 300 titres, dont effectivement Marcus Junior, sorti en 45 tours sous son nom en 1964.
J'ai réécouté la version East of Eden pour vérifier, et elle n'a rien de ska. Et comme le titre est crédité "Drummond" sans prénom, je ne risquais pas de faire le lien avec les Skatalites. Mais il s'agit bien de la même composition, arrangée de façon totalement différente.
La grande question, c'est comment un groupe progressif se retrouve à reprendre du Don Drummond (et pas qu'une fois, puisque sur leur album Snafu, on trouve non seulement Marcus Junior mais aussi une autre reprise de Don Drummond, Confucius) ?. Eh bien, le saxophoniste Ron Caines nous donne l'explication dans un entretien pour Friars Aylesbury : il avait entendu ces titres dans un club reggae, acheté les disques,  et le groupe les a intégrés à son répertoire sur scène dès ses débuts.

Un pseudo-disque pirate et une surprenante reprise d'un titre ska, c'est suffisant pour faire ma journée...

Dave Arbus (1941-2025) est mort ce printemps. Il était passé au fil des années de l'archet de violon aux crayons et pinceaux. Les annonces de sa mort mentionnent à peine East of Eden pour se contenter du fait qu'il joue sur Baba O'Riley des Who.


East of Eden, Jig-a-jig, une version courte mais excellente, à la fin d'une émission de la RTBF, vers 1970.

06 juillet 2025

THE EQUATORS : Baby come back


Offert par Claire B. à Mareuil sur Ay le 7 juin 2025
Réf : 640 206 -- Édité par Stiff en France en 1980
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Baby come back -/- Georgie

Après celui d'Essous, voici un autre disque offert par ma sœur Claire, celui-là rescapé d'une déchetterie je crois.
On ne peut pas dire qu'il est courant, mais j'avais déjà eu l'occasion de voir ce disque. Je ne m'y étais pas intéressé, rebuté par le fait que cette reprise par un groupe nommé The Equators de Baby come back, l'excellent tube de 1968 de The Equals, fait penser à ces publications parasites, dont les meilleurs exemples présentés ici sont peut-être Venus par The Blocking Shoes et Yankee Horse, Sea side shuffle par Big Tears and the Crocodile ou Al Capone par Prince of Wales Stars.

Mais ce disque est paru en 1980, il ne s'agissait plus de concurrencer un grand succès du moment. Et surtout, pour l'occasion Stiff a fait appel comme producteur à Eddy Grant, l'auteur et interprète original de la chanson. Cette reprise n'a donc rien d'une quelconque contrefaçon et a tout le soutien des ayant-droits. 

Formé en 1977, même s'ils ont pris ce nom plus tard, The Equators était un groupe de Birmingham composé des quatre frères Brian, Donald, Leo et Rocky Bailey, ainsi que de Cleveland Clarke, Dennis Fletcher et du guitariste Alfonso Renford.
Repérés lors d'un concert où ils étaient à l'affiche avec leurs voisins de Birmingham The Beat, ils ont été signés par Stiff. Précédemment, ils avaient enregistré à Paris en juillet 1979, sous le nom de Mosiah, un album de reggae paru uniquement par chez nous. J'aimerais bien connaître l'histoire de ce disque plus en détails...

Le premier projet assigné par Stiff aux Equators, c'est l'album Black and Dekker de Desmond Dekker : ils l'accompagnent sur trois titres, Lickin' stick, Hippo et Please don't bend.

Cité chez Marco On The Bass, Dave Wakeling explique que The Beat a été influencé par The Equators : ils avaient élaboré avant eux un hybride punk-reggae, qu'ils pratiquaient de manière pleine de "soul" et délicate. Malheureusement pour The Equators, il n'y avait visiblement pas la place pour deux groupes de Birmingham au moment où la vague ska/2 Tone a submergé l'Angleterre.

Mon exemplaire du 45 tours correspond à l'édition originale française de ce disque. Pourquoi deux éditions françaises pour cette parution assez obscure ? Eh bien tout simplement parce que, courant 1980, la distribution française de Stiff est passée de Barclay à Vogue. Barclay a donc arrêté de commercialiser ces disques, et Vogue en a ressorti quelques uns qui étaient récents, comme celui-ci, sous la référence 104 130.

Cette reprise ska de Baby come back est bien sûr accélérée, mais elle reste très fidèle dans l'esprit à la version originale. Ça décolle dans la seconde moitié, quand l'atmosphère se fait d'un coup assez "dubby" et qu'on a droit à une partie de chant toasté, qui pour le coup évoque immanquablement feu Ranking Roger de The Beat.
Cerise sur le gâteau, il existe sur un maxi une Dub version de Baby come back : soit d'abord les trois minutes trente du 45 tours, plus quatre minutes de rab pour mon plus grand plaisir.

La face B, Georgie, est produite par Bob Andrews de The Rumour, qui jouait aussi sur Black and Dekker. Elle est de très bonne tenue.

L'année suivante est sorti Hot, l'unique album des Equators, également produit par Bob Andrews. Les deux titres du 45 tours n'y figurent pas. L'aventure Stiff s'est arrêtée là et le groupe s'est séparé.
35 ans plus tard, The Equators s'est reformé. Ils jouent régulièrement et ont publié quelques nouveaux titres.



28 juin 2025

GILBERT BÉCAUD : Mé-qué, mé-qué


Acquis chez Emmaüs à Tours sur Marne le 16 octobre 2021
Réf : EGF 169 -- Édité par La Voix De Son Maître en France en 1968
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Mé-qué, mé-qué -- C'était mon copain -/- Donne-moi -- La ballade des baladins

En 2020, Philippe R. m'a envoyé la vidéo d'un passage de Gilbert Bécaud interprétant Mé-qué, mé-qué en 1972 dans une émission de Philippe Bouvard et Jean Amadou, en soulignant que la chanson s'envole quand il se met au piano et que la grosse section de cuivres façon jazz / rhythm and blues se déchaîne. Les musiciens ont tous l'air de bien s'éclater et détonent par rapport au "public" d'une émission de ce genre.
J'ai acheté ce 45 tours l'année suivante et depuis tout ce temps-là il était dans la pile de disques à chroniquer.

Mé-qué, mé-qué est une chanson que j'avais repérée depuis un moment car, à l'écoute de chansons de Tahiti, d'Afrique ou "des îles" dans des langues ou créoles que je ne comprends pas, je me suis souvent imaginé écrire des paroles en français qui colleraient sur ces sonorités.
Avec ses rimes en "qué et en "qua", c'est l'exercice auquel Charles Aznavour s'est livré pour ce qu'il qualifiait sur scène en 1954 de "petite fantaisie". C'est certes léger, avec la musique qui va bien avec, mais c'est une réussite. On n'est pas au même niveau de virtuosité, mais ça pourrait annoncer les exploits de Boby Lapointe façon Méli mélodie ou La peinture à l'huile.
Sur un thème similaire du départ du port dans une contrée exotique, Marcel Amont enregistrera quelques années plus tard Pleurez-pas, je reviendrai.

J'ai été surpris de découvrir le crédit Charles Aznavour / Gilbert Bécaud pour cette chanson. Je ne savais pas particulièrement qu'ils avaient collaboré à leurs débuts. Aznavour a raconté leur première rencontre à Frémeaux, chez Édith Piah et Jacques Pills, avec qui ils collaboraient  séparément tous les deux. En attendant Piaf ce jour-là, ils ont écrit Viens et ils ont fait par la suite une quinzaine de chansons ensemble.

Chacun sur son label, ils ont sorti Mé-qué, mé-qué en 78 tours en 1953. Bécaud en face B de Quand tu danses et Aznavour, en l'orthographiant Mé-ké, avec Viens en face B. La partition nous apprend que Dario Moreno a sorti sa propre version presque simultanément. Des trois, c'est celle de Bécaud qui a ma préférence.
Une version en public figure sur l'album Olympia 72 et, clin d’œil, elle est sortie en 45 tours avec Quand tu danses en face B.
Cette chanson n'est pas un "grand classique", mais elle a été régulièrement reprise. Par Marino Marini notamment (très bonne version) ou par The Gaylords, en anglais en 1954. Par la suite, Joe Dassin l'a incluse sur son album de 1969, qui s'est beaucoup vendu, et Kenny Criola en a fait une version de bonne tenue en 1977, avec un arrangement dans le ton de l'époque.

Mon disque est une réédition de 1968 d'un EP paru initialement en 1955, avec une inversion des faces A et B.
Sur le disque original, il est bien précisé que deux titres (la face de Mé-qué, mé-qué) sont accompagnés par le Quartette Fred Ermelin et les deux autres par François Vermeille et son Ensemble. En 1968, plus aucune mention de Fred Ermelin.

Autant j'apprécie Mé-qué, mé-qué, une chanson qui a très bien vieilli, autant j'ai du mal avec les autres titres du disque, sauf La ballade des balladins, qui passe pas mal pour moi, avec un arrangement assez dépouillé. Mais pour C'était mon copain et surtout Donne-moi, je trouve le chant emphatique et maniéré. Bécaud n'avait pas encore trouvé sa voix en tant qu'interprète.

Pour ma part, le Bécaud que j'ai connu c'est la grande vedette des années 1970, celle de L'important c'est la rose ou Nathalie qui passait dans les émissions du samedi soir à la télé. Monsieur 100 000 Volts était bien loin. Je vous fais grâce de la version de La ballade des baladins en 1979 à la fin de l'émission Numéro un Raymond Devos !
Ce n'est que plus tard que j'ai pris conscience de son succès international et je n'ai vraiment mesuré son influence que via les reprises d'Et Maintenant / What now my love, Je t'appartiens / Let it be me et Le jour où la pluie viendra / The day the rains came.


Gilbert Bécaud, Mé-qué, mé-qué, ci-dessus en direct en 1972 dans l'émission Samedi soir de Philippe Bouvard et Jean Amadou, et ci-dessous en concert à la même époque.





22 juin 2025

NIRVANA : Come as you are


Acquis par correspondance chez Momox en juin 2025
Réf : GED21715 -- Édité par DGC en Europe en 1992
Support : CD 12 cm
Titres : Come as you are (LP version) -- Endless, nameless -- School (Live) -- Drain you (Live)

En 1991-1992, je me suis pas mal baladé un peu partout en France avec Eric, le directeur de Radio Primitive, pour participer à des réunions de la Férarock, dont la création a été décidée en février 1991, du Réseau des Découvertes du Printemps de Bourges ou du Centre Info Rock.
Quand on arrivait en voiture dans une ville, on mettait souvent la radio pour écouter ce que faisait la "concurrence" et, à partir de l'automne 1991 et pendant au moins dix-huit mois, c'est devenu une blague entre nous parce que, systématiquement, on tombait sur Ouï FM, France Inter ou NRJ qui nous annonçait une nouveauté, une découverte, un tube qui vient de sortir... avant d'envoyer Smells like teen spirit de Nirvana ! Plus le temps passait, plus c'était drôle d'entendre annoncer comme nouveauté un disque que la Primitive, comme toutes les radios Férarock, passait depuis sa sortie en septembre 1991.
Je précise que, à titre personnel, je n'ai joué aucun rôle dans la découverte et la promotion de Nirvana : j'appréciais le tube, mais je n'ai pas acheté les disques à l'époque et, autant cet automne-là je passais les Pixies presque chaque semaine dans mon émission, autant je n'ai passé Nirvana qu'une fois, pour annoncer leur passage aux Transmusicales.

Les Transmusicales de Rennes 1991, c'est le festival qu'on avait choisi pour présenter au monde notre nouvelle association Férarock, avec une conférence de presse le 7 décembre, accompagnée par un concert mémorable de Billy Ze Kick et les Gamins En Folie.
Une fois la conférence terminée, une bonne partie d'entre nous est passée du bar L'Inconnu à la salle Omnisports de la ville pour le grand concert de la soirée, avec au programme, Curve, Momma Stud, James et... Nirvana.
En effet, les Trans ont toujours été un festival défricheur plutôt que suiveur et, après avoir vu le groupe à Rotterdam (le 1er septembre, je suppose), l'équipe des Trans avait aussitôt décider de les programmer, et c'était à la fois leur premier gros concert en France et la toute dernière date de leur tournée européenne pour la sortie de Nevermind.

Déjà bien fatigué et avec un salle bien pleine, je ne suis pas allé sur le parterre pour assister au concert de Nirvana. Je me suis installé dans une zone peut-être bien réservée à la presse, tout en haut des gradins, à droite quand on regardait la scène. J'ai donc vu le concert "de côté".
Je n'ai pas beaucoup de souvenirs précis de leur prestation ce soir-là. Juste une image, tout à la fin du concert, celle du grand bassiste qui se penche pour ramasser le chanteur écroulé par terre et qui le porte dans ses bras pour sortir de scène. J'ai toujours pensé que Kurt Cobain était à moitié dans les vapes à ce moment-là, mais dans les images du reportage télé ci-dessous on voit qu'il fait au passage un signe d'au-revoir au public.
Ce concert est plutôt bien documenté, on peut écouter le son des trois-quarts d'heure de la prestation de Nirvana, et voir, ci-dessous également, deux titres filmés, dont une excellente version de Smells like teen spirit.


Nirvana aux Transmusicales, Salle Omnisports à Rennes, le 7 décembre 1991. Un sujet visiblement diffusé dans une émission de Bernard Lenoir, avec un extrait de Smells like teen spirit et la fin du concert.


Nirvana, Jesus wants me for a sunbeam et Smells like teen spirit, aux Transmusicales, Salle Omnisports à Rennes, le 7 décembre 1991.

Come as you are est le deuxième single extrait de Nevermind. Apparemment, la maison de disques pensait que c'était ce titre qui avait le plus gros potentiel commercial. Smells like teen spirit est sorti en premier dans le but de défricher le terrain et de faire monter la sauce. On sait ce qu'il en est advenu. Personne que ce premier single aurait un tel succès et que c'est lui qui allait devenir un classique.
Au moment de confirmer le choix de ce second single, alors que tout le monde savait qu'il ne passerait pas du tout inaperçu, Kurt Cobain n'était pas trop chaud pour le choix de cette chanson, parce qu'il savait très bien que son motif principal avait des accointances marquées avec le titre de 1985 Eighties de Killing Joke. La parenté musicale s'entend bien à l'écoute, mais elle me semble encore plus marquée avec un titre paru encore deux ans plus tôt, Life goes on des Damned, qui avait peut-être, consciemment ou non, inspiré Killing Joke.

Pour la pochette du disque, Cobain avait juste demandé au graphiste Robert Fisher des micro-organismes et du violet. D'où ces petites bestioles qui doivent être du plancton, plus quelques spermatozoïdes. Par contre, il n'y a que Robert Fisher lui-même qui pouvait pointer du doigt que la zone bleutée dans la partie gauche de la pochette est une radio de son visage de quand il s'était cassé le nez à l'école !

Come as you are est vraiment une excellente chanson, que le groupe n'a pas jouée à Rennes. Mine de rien, Nirvana en a quand même produit pas mal de ce niveau en très peu de temps. Celle-ci est dans la veine de Lithium, All apologies ou Rape me, c'est à dire du rock pas trop bourrin, avec pas mal de nuances, enregistré simplement en trio par des gars bourrés de talent. On a même droit à un petit bout de solo de guitare tout à fait bienvenu.
Les paroles sont volontairement contradictoires ("Viens en ami, en vieil ennemi", "Prends ton temps, dépêche toi"), mais ce qui marque a posteriori c'est d'entendre Kurt Cobain chanter "Je jure que je n'ai pas d'arme".

Endless, nameless n'est pas un titre inédit : il était caché à la fin des éditions CD de Nevermind. C'est un enregistrement plein de rage et de frustration : le groupe s'était lancé dedans parce qu'il n'arrivait pas à mettre Lithium dans la boite. A la fin, Cobain a cassé sa guitare, ce qui a mis fin à la session car il n'y avait pas d'autre guitare de gaucher disponible... Par la suite, le groupe a pris l'habitude de détruire du matériel à la fin du concert, souvent à la fin de cette chanson. Ils l'ont fait de manière limitée à Rennes, et franchement, je ne vois rien de très malin là dedans.

Les deux derniers titres étaient eux inédits avant la sortie de ce single. Ils ont été enregistrés au Paramount de Seattle le 31 octobre 1991, un concert publié vingt ans plus tard en DVD et CD sous le titre Live and loud, l'une des multiples parutions posthumes du groupe. Ils ont joué ces deux chansons à Rennes.

School est une chanson du premier album Bleach. Pour le coup c'est du rock bien graisseux, pour ne pas dire grunge. Je n'écouterais pas ça tous les jours, mais quand même c'est très bien dans son genre.

Quant à Drain you, c'est l'une des quelques chansons de Nevermind que j'aime beaucoup. Bon riff, et bon rythme, bon chant. Excellent, rien à dire. Encore une preuve que Nirvana n'est pas le groupe d'un seul tube et que ce n'est pas un hasard s'ils ont eu un tel succès.




Nirvana, Come as you are, en concert au Festival de Reading le 30 août 1992.


Nirvana, Come as you are, à New York le 18 novembre 1993 pour l'émission MTV unplugged.


Nirvana, Come as you are, au Pier 48 à Seattle le 13 décembre 1993, publié en DVD en 2013 sous le titre Live and loud.


Nirvana, School, en concert au Paramount à Seattle le 31 octobre 1991.


Nirvana, Drain you, en concert au Paramount à Seattle le 31 octobre 1991.


Nirvana, Drain you, en direct dans l'émission Nulle part ailleurs, en 1994.

13 juin 2025

ESSOUS DE L'ORCHESTRE BANTOUS : Côte d'Ivoire an 7


Offert par Claire B. à Châlons-en-Champagne le 11 mai 2025
Réf : GKL 152 -- Édité par Comoe en France en 1967
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Papa Houphouët-Boigny -- Côte d'Ivoire an 7 -/- Côte d'Ivoire ya Africa -- Mbula sambo

Après le Jack Scott, Les Barbecues ou le Papoose, voici un autre 45 tours trouvé pas cher et offert par ma sœur Claire. Elle les choisit au feeling plutôt qu'au hasard : elle se doutait bien que ce disque de musique d'Afrique risquait de m'intéresser.

Et elle ne se trompait pas, ne serait-ce que parce que Jean Serge Essous est un artiste dont on a déjà eu l'occasion de parler ici, avec Congo rhythm, un disque de l'O.K. Jazz, un 45 tours des Bantous de la Capitale et un titre qu'il a signé en face B du 45 tours de Moshé.

C'est une façon de souligner le parcours musical impressionnant d'Essous (1935-2009), clarinettiste, saxophoniste, chanteur et chef d'orchestre congolais. En voici quelques étapes, par ordre :
  • 1954 : Membre de l'Orchestre Négro Jazz
  • 1956 : Membre fondateur de l'Orchestre O.K. Jazz
  • 1957 : Membre fondateur de l'Orchestre Rock-A-Mambo 
  • 1959 : Membre fondateur des Bantous de la Capitale, qu'il dirige jusqu'à son départ en 1966. Il rejoindra le groupe par la suite dans diverses formations, pendant des décennies.
  • Fin des années 1960 : Membre important de l'Orchestre RyCo Jazz, dans la période où le groupe est installé aux Antilles, où il diffuse la rumba congolaise.
  • 1969-1970 : Membre de l'Africa Team, qui joue avec Manu Dibango.

La teneur des notes de pochette est assez surprenante :

"Ce disque, réalisé dans des conditions financières particulièrement difficiles, à la suite d'innombrables obstacles qui m'ont été dressés de toutes parts, est ma modeste contribution à l'évolution historique de mon pays.
Que la côte d'Ivoire tout entière accepte ici mon humble participation à l'accomplissement du Devoir National.
"

Ces notes sont signées par Germain K. Loukou. Je m'en doutais un peu à la lecture et ça semble confirmé par le fait que la référence du catalogue porte ses initiales : Germain K. Loukou devait être le patron du label Comoe. Il n'y a qu'une grosse quinzaine de disques du label référencés sur Discogs, probablement une petite partie seulement de sa production, mais trois autres disques contiennent aussi des titres en référence à Félix Houphouët Boigny, par l'Orchestre Agnéby-Jazz, Les Rythmes de la Bia et Laba Sosseh.
Il faut essayer de se replacer dans le contexte de la Côte d'Ivoire de l'époque, pays nouvellement indépendant, dirigé dès ses débuts (et pendant 33 ans) par un président autoritaire et un parti unique, un régime qui a a très vite tourné à la dictature, qui devait encourager le culte de la personnalité qui accompagne souvent un pouvoir fort.

Ce disque précisément a été publié à l'occasion du 7e anniversaire de l'indépendance du pays, proclamée le 7 août 1960. En juillet 1967, le président Félix Houphouët Boigny était en visite officielle à Paris., reçu notamment à Matignon par Georges Pompidou, qu'il avait connu lorsqu'il était Ministre d’État en France entre 1958 et 1961. En août, la Fête de l'Indépendance, la fête nationale du pays qui à cette époque tournait entre plusieurs villes, a eu lieu à Daloa.
Il y en a sûrement eu plus, mais au moins un autre disque a été publié pour célébrer cette occasion, Houphouët & Thérèse d'Amédée Pierre.

Ce 45 tours n'est donc pas simplement un produit culturel et commercial, c'est un acte politique et un signe d'allégeance au pouvoir ivoirien. 
Mais que vient faire le congolais Jean Serge Essous dans cette histoire, auréolé du succès des Bantous de la Capitale qu'il venait de quitter ?
Eh bien, selon Nzolele TV, Les Bantous de la Capitale étaient le groupe préféré d'Houphouët Boigny, et ils ont été invités lors de la première Fête de l'Indépendance en 1961, mais aussi pour la sixième en 1966.
Essous et les Bantous figurent également sur un EP compilation publié à l'occasion d'un Grand Prix de la chanson ivoirienne (disque sur lequel on trouve un Merci Président Boigny...).
Quand Essous quitte les Bantous en 1966, c'est pour honorer des contrats en France métropolitaine. On sait aussi qu'il séjourne aux Antilles début 1968. Entre les deux, j'imagine que ce disque était pour lui un projet de commande et de circonstance. Mais notons qu'il s'est largement impliqué, puisqu'il signe seul les quatre titres du 45 tours.

Et le disque lui-même ? Eh bien, il n'est pas révolutionnaire, mais il est de bonne tenue. Je regrette de ne pas comprendre les paroles, qui sont dans une langue qui m'est inconnue, peut-être bantoue.
Papa Houphouët Boigny, est dans un style purement afro-cubain, qui décolle un peu dans la deuxième partie avec les cuivres.
Côte d'Ivoire an 7, emmené par le saxophone, est un titre entraînant. 
D'une manière générale, je préfère la face B du disque.
Pour Côte d'Ivoire ya Africa, on est toujours dans un style afro-cubain pas hyper original, mais c'est mon titre préféré, avec un bon alliage du saxophone et des percussions, et surtout un solo de guitare électrique qui est bienvenu.
Dans une veine un peu similaire, Mbula sambo est très bien aussi, avec des percussions, des chœurs et pour finir à nouveau de la guitare électrique.

si l'occasion se présente, sachez que j'accepte en cadeau tout EP de musique d'Afrique, des Antilles, de l'Océan Indien ou d'ailleurs, qu'il soit "politique" ou non...!

A voir, Qui est Essous ?, un documentaire de Denis Landa dans sa série Les artistes inoubliables.
A lire, Jean Serge Essous : Clarinettiste, saxophoniste et chanteur congolais - (1935-2009) de 
Joachim E. Goma-Thethet et François Roger Byhamot (2012).

07 juin 2025

BAUHAUS : She's in parties


Acquis neuf probablement à Paris en 1983
Réf : BEG 91T -- Édité par Beggars Banquet en Angleterre en 1983
Support : 45 tours 30 cm
Titres : She's in parties -/- Here's the dub (Special effects by "Loonatik β Drinks"®) -- Departure

Transporter un vinyl 30 cm à vélo ce n'est pas simple. A une période où je n'avais que ce moyen de transport à ma disposition à Châlons, j'optais généralement pour la solution la plus basique : le sac en plastique de disquaire accroché au guidon. La plupart du temps, je n'ai eu aucun problème et le disque n'a pas souffert, même s'il voletait au vent. Sauf une fois. C'était la nuit, je faisais le trajet entre chez mon père aux Grévières et chez mes grands-parents où j'habitais rue Saint Loup. Une fois remontée la rue des Vieilles Postes, j'ai traversé aux feux l'avenue de Metz et, au moment où je suis passé devant l'ancien bureau de l'octroi (qui abritait à l'époque un coiffeur, il me semble), mon sac de disque s'est pris dans les rayons. J'ai oublié plein de choses, y compris des soirées de concert complètes, mais je me souviens très bien de cet incident !
Le sac ne contenait qu'un disque, ce maxi de Bauhaus. La pochette a souffert, avec un coin arraché plus un trou, mais heureusement le disque est intact. Et c'est tant mieux, car je venais quelques semaines plus tôt d'investir 35 francs dans ce disque neuf, ce qui n'était pas rien dans mon budget d'étudiant. C'est le seul disque de Bauhaus que j'ai acheté à sa sortie.

Le gothique, ce n'est pas vraiment mon truc. Ou alors à la marge, avec Joy Division, le Cure de Faith / Pornography ou le troisième Siouxsie and the Banshees. Mais bon, quand le titre (généralement entendu dans l'émission Feedback de Bernard Lenoir) me plaisait, je n'hésitais pas à investir. J'ai notamment le single Anaconda de Sisters of Mercy, que j'ai souvent pensé chroniquer ici (et rien ne dit que ça ne finira pas par se faire).

Donc, She's in parties me plaisait en 1983 et j'aime toujours autant cette chanson aujourd'hui. Il faut dire que tous les ingrédients sont là pour me plaire : la basse énorme façon Jah Wobble dans la Metal Box de PIL, la guitare acérée typiquement new wave, un truc qui ressemble à du mélodica à la Augustus Pablo, l'influence clairement ressentie de Bowie sur le chant de Peter Murphy... Les paroles additionnent les références à un tournage de cinéma. Apprendre son texte, baiser de cinéma, salle de montage, effets spéciaux... : c'est dans la boîte !
Cette version maxi dure deux minutes de plus que le petit 45 tours, mais en fait je crois qu'il s'agit tout simplement de la version intégrale de l'album. Ce temps rajouté, c'est la partie instrumentale finale, une sorte de cold dub excellent, un peu à la Basement Five.

Autant j'apprécie vraiment la fin instrumentale de la face A, autant je trouve assez décevante Here's the dub, la véritable version dub de She's in parties en face B. Les ingrédients sont les mêmes, mais c'est plus percussif et la mayonnaise ne prend pas aussi bien, à mon goût.

L'autre face B, l'inédit Departure, a été enregistré pour une Peel session. Il y a beaucoup de texte parlé, un peu comme dans The gift du Velvet Underground, ou Love like Anthrax de Gang of Four, mais ce n'est pas du tout du même niveau. Pas étonnant que ce soit resté une expérimentation d'un jour à la BBC.

Ce single est sorti en avril 1983. Il est monté à la 26e place du classement des ventes et le groupe est passé à Top of the Pops. Il est aussi bien sûr parti en tournée, mais a annoncé sa séparation après un ultime concert le 5 juillet, soit dix jours avant la sortie de l'album Burning from the inside. Ils venaient de sortir quatre albums studio en quatre ans, ils étaient peut-être au bout du rouleau...

Depuis, Bauhaus s'est reformé deux fois et a même sorti un cinquième album, mais ça s'est tellement mal fini que ça ne devrait plus se reproduire. Les membres du groupe sont toujours actifs en solo ou avec leurs autres projets (Tones On Tail, Love and Rockets), mais le chanteur Peter Murphy vient juste d'annuler pour raisons de santé la tournée qui devait suivre la sortie de son nouvel album.




Bauhaus, She's in parties, dans l'émission Top of the pops, en 1983.

31 mai 2025

SAM CASTENDET ET SON ORCHESTRE ANTILLAIS : Souvenirs


Acquis sur le vide-grenier de Mareuil sur Ay le 1er mai 2025
Réf : DF 3406 -- Édité par Columbia en France en 1951
Support : 78 tours 25 cm
Titres : Souvenirs -/- Tombé levé

Pour l'instant, je fais très peu de trouvailles cette année sur les vide-greniers. Pour la grande broc de Mareuil, à domicile, les amateurs de capsules de Champagne sont plus à la fête que les chineurs de disques. J'ai quand même acheté deux 33 tours d'Everything But The Girl à 1 € pièce, quelques CD à 50 centimes et puis, la bonne surprise, ce disque qui était en bas d'une petite pile de cinq-six 78 tours.
C'était le seul disque antillais du lot, malheureusement, mais ça m'a fait un coup au cœur de voir écrit Sam Castendet sur l'étiquette, car ça fait quelques années que je connais ce nom et que je recherche un des disques de cet artiste.

Ce disque que j'ai trouvé a deux défauts.
D'abord, il a une petite cassure sur le bord, ce qui fait que le début des chansons n'est pas écoutable. Le propriétaire du stand voulait le jeter quand je lui ai fait la remarque, mais je lui ai dit que je voulais quand même bien payer les 50 centimes qu'il demandait pour ce disque abîmé.
Et puis, ce disque ne contient pas la chanson Martinique 48 qui est celle que je recherche. Je l'ai entendue pour la première fois en 2021 sur une compilation double CD assez quelconque intitulée Souvenirs des Antilles. Je l'ai donc, mais j'aurais bien aimé avoir le 78 tours pour le chroniquer ici.
Voici ce qu'en dit Jean-Pierre Meunier dans le livret de Biguine à La Canne à Sucre : "...la redoutable biguine Martinique 48, composée par Sam Castendet pour exprimer sa déception et son aigreur au retour de son premier voyage en Martinique, vingt-quatre ans après l’avoir quittée. Aucune classe de la société martiniquaise n’est épargnée dans cette satire incroyablement virulente, chantée par l’auteur en personne. Avec le temps, les choses ont forcément changé, il faut du moins l’espérer. Ne voyons donc plus dans ce document qu’un épisode truculent d’une époque révolue. Si l’on se replace dans le contexte d’alors, on peut cependant imaginer le scandale provoqué par cette irrévérencieuse biguine qui ne tarda pas d’ailleurs à être rigoureusement interdite de diffusion à la radio.".

Avant ça, je crois bien que je n'avais jamais entendu parler de Sam Castendet (1906-1993), qui a quand même un parcours impressionnant.
Né à la Martinique, il s'installe en Métropole en 1924. Il débute sa carrière de clarinettiste puis de chef d'orchestre en 1931, en prenant la suite de la grande vedette Stellio à l'Exposition Coloniale. Il travaille ensuite dans de nombreux cabarets, à Paris, en province ou en Suisse. Il est notamment le chef d'orchestre de La Canne à Sucre à Paris de 1946 à 1951. A ce moment là, remarquablement, il est passé en raison de problèmes de santé de la clarinette à la batterie.
La majeure partie de sa discographie a été enregistrée entre 1946 et 1954. Elle a fait l'objet d'une réédition "intégrale 1950" Festival Biguine chez Frémeaux et d'une Intégrale 1951-1954 chez Aztec.
Sam Castendet a arrêté de jouer professionnellement de la musique en 1962.

A défaut de Martinique 48, je suis bien content quand même d'être tombé sur ce 78 tours, même un peu cabossé. On y trouve deux biguines instrumentales.
La face A, Souvenirs, une composition de Sam Castendet, est très bien dans son genre.
Je ne sais pas ce que ça signifie, mais la face B, Tombé levé, est décrite spécifiquement sur l'étiquette comme une "Biguine La Haute". C'est une composition de Maurice Noiran (1914-1978), qui avait pris la succession de Sam Castendet à la clarinette dans son orchestre. C'est mon titre préféré des deux.

25 mai 2025

PIERRE VASSILIU : Le dragon


Acquis à la Bourse aux Disques de Radio Primitive à Reims le 23 mars 2025
Réf : CBS A3947 -- Édité par CBS en France en 1983
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Le dragon -/- Fanny

Dans les bacs de la bourse aux disques de Radio Primitive, je n'ai pas seulement racheté des disques que j'y avais mis en vente il y a plus de trente ans, comme celui de The Call, mais j'ai aussi pris celui-ci, qui a intégré la discothèque de la radio avant 1986, quand la station s'appelait encore Reims Radio FM. A l'époque, la radio n'avait justement pas de discothèque. Les labels ne nous envoyaient quasiment pas de disques promo et chacun venait faire ses émissions avec ses propres disques. L'embryon de la discothèque commune s'est formé quand Luc R., l'un des premiers piliers de l'association, lui a fait don d'une bonne partie de sa collection personnelle, avec principalement je crois du folk ou de la chanson française, dont on a un exemple ici.

Cela fait un moment que je pense à chroniquer un disque de Pierre Vassiliu. Pour l'heure on n'a parlé de lui ici qu'à l'occasion d'un disque promotionnel où il présentait deux extraits de La foire aux boudins et Le Maçon de Macon.
Ayant grandi dans les années 1970, je ne connaissais de lui que son très grand succès, Qui c'est celui-là ?. Même si les deux n'ont pas de lien direct et plusieurs années d'écart, j'ai toujours associé ce tube à celui d'un chanteur d'un style proche qui a lui aussi eu un seul gros tube, Louis Chédid et son T'as beau pas être beau.
Ce n'est qu'assez récemment, à force d'acheter régulièrement les disques quand je tombe dessus, que je suis devenu familier avec la discographie des années 1960 de Pierre Vassiliu. Et avant de mettre ce 45 tours des années 1980 sur la platine, sans en attendre grand chose, j'imaginais plutôt chroniquer Ivanhoé, A marée haute (La Marne) (pour des raisons évidentes de proximité), Armand, Et ta sœur ou Les défilés.
J'ai été surpris de découvrir au passage que Geoff Leigh d'Henry Cow avait collaboré et tourné avec Vassiliu vers 1979-1981. Je l'associais plus aux Musiques de Traverses qu'à la chanson...

Les deux titres de ce 45 tours sont extraits de l'album Roulé... Boulé. C'était un moment un peu particulier pour Vassiliu car il avait été viré par son précédent label RCA et venait de signer chez CBS.
La pochette est la même que pour l'album. C'est quelque chose, cette photo ! Je ne sais pas qui est le chien rock star mais, comme Pierre est accompagné de son épouse Laura, je ne serais pas surpris que ce soit tout simplement un cliché pris le jour de leur mariage !

Je n'en suis pas certain, mais il me semble que Le dragon a quelque chose dans le rythme des musiques des îles. C'est en tout cas une chanson entraînante avec des gimmicks amusants et un refrain qui fait le job puisqu'il est entêtant.
Le dragon dont il est question, c'est l'information. Ce qui m'a surpris dans ces paroles de 1983, c'est leur actualité. Pas d'internet ni de réseaux sociaux à l'époque, mais la presse à sensation c'est vieux comme la presse et ces extraits des paroles n'ont pas pris une ride :

Attention voici le dragon de l'information qui arrive
Porté par les esclaves colporteurs de faux bruits
Il crache les mauvaises nouvelles avec une délectation profonde
Et peut vous faire avaler n'importe quelle salade (...)

Chaque, chaque, chaque jour des nouvelles
Chaque, chaque, chaque jour dans la poubelle
Chaque, chaque, chaque jour des bêtises
Chaque, chaque, chaque jour on s'enlise (...)

Nos journalistes sont sur place
De façon a bien vous miner le moral
Et rappelez-vous que
Si la liberté d'expression n'est toujours pas autorisée
Le mensonge est toléré


La face B, Fanny, une chanson lente, est moins intéressante pour moi. Sur un ton qui rappelle presque Souchon, il raconte l'histoire somme toute malheureusement classique d'une femme que son mec a mise sur le trottoir.

Ni Le dragon ni Roulé... Boulé n'ont été de grands succès et la collaboration avec CBS s'est arrêté là. Côté show business, la décision de s'installer au Sénégal pendant plusieurs années n'a pas dû aider la carrière de Pierre Vassiliu. Dans les années 1980, il a publié isolément chez les majors Philips et Polydor, et un album chez l'indépendant Yaba Music. Il est mort en 2014 à 76 ans.

18 mai 2025

RICK DEES AND HIS CAST OF IDIOTS : Disco duck


Acquis chez Depostorage à Couvin le 4 mars 2025
Réf : 2090 204 -- Édité par RSO en Belgique en 1976
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Disco-duck (Part 1) -/- Disco-duck (Part 2) (Instrumental)

Il faut bien admettre que, question achat de disques, je ne suis pas quelqu'un de difficile. On me propose un "canard disco" ? C'est comme avec le "poulet fou", je suis tout de suite intéressé. On rajoute à ça une "bande d'idiots" qui accompagne la vedette ? Non seulement, je prépare mon euro pour acquérir le disque, mais je le garde précieusement et je montre les dents si quelqu'un l'approche pendant que j'examine le reste du stock de cet antiquaire-brocanteur.
Depostorage est situé à Couvin, pas loin de la frontière française, mais en Belgique. Ce qui explique sûrement pourquoi c'est sur un pressage belge du disque que je suis tombé.

Il n'y a pas qu'en Belgique que le label a choisi, assez logiquement, d'illustrer la pochette avec un canard : c'est pareil en Allemagne, aux Pays-Bas, au Japon, en Turquie... Mais pas en France, où la pochette est moche et purement utilitaire. On y apprend que c'est la "version originale" (c'est vrai), que le disque a été n°1 aux États-Unis (c'est vrai aussi, pendant une semaine) et qu'il sert d'indicatif du Hit Parade RTL présenté par André Torrent. Ce qui contredit mes souvenirs : j'aurais dit que je ne connaissais absolument pas ce Disco duck, mais j'ai donc dû en entendre régulièrement au moins quelques notes à la radio puisque le Hit Parade était une émission que j'écoutais à cette époque.

A l'origine, Rick Dees est surtout un animateur radio. Alors qu'il animait des émissions à Memphis, il a écrit et enregistré Disco duck, une chanson parodiant gentiment le genre, où le héros en boite de nuit ne peut s'empêcher de danser à l'écoute de la chanson, puis il se met à battre des bras et à cancaner et se transforme en canard disco. On a donc affaire ici à une forme particulière de la danse des canards !

C'est vraiment un disque complètement associé à Memphis. Il a été enregistré aux studios Shoe et Ardent, avec à la production et aux arrangements des musiciens de session du coin, Bobby Manuel, Lester Snell et Mark Blumberg.
L'édition originale du disque a été sortie par une légende locale, Estelle Axton, co-fondatrice de Stax, sur son nouveau label Fretone. Le contrat a ensuite été repris par RSO, qui a pu assurer une distribution nationale et internationale et transformer cet essai en tube vendu à millions.

Pour Disco duck, Dees se serait inspiré d'un titre de Jackie Lee de 1965, The duck. Certes, il s'agit de deux chansons qui parlent de danse et de canard, mais musicalement je n'entends pas de lien direct.
En tout cas, la rythmique de Disco duck est souple, les arrangements de qualité, mais ce qui fait le succès du titre, c'est bien la voix de canard de Ken Pruitt et les chœurs. C'est pourquoi, la part 2 instrumentale en face B, sans ces ingrédients, intéressera surtout les vrais fans de disco.

Le grand projet de RSO dans ces années-là, c'est le film Saturday night fever. Dans le film, on entend quelques notes de Disco duck dans une scène où des étudiants apprennent le disco. Une scène entière a été tournée, où John Travolta fait le canard, mais elle a été coupée au montage. Peut-être parce que le manager de Dees avait refusé d'inclure la chanson dans l'album de la bande originale du film, pour ne pas parasiter les ventes du 45 tours. Un mauvais calcul, puisque la BO du film est l'un des albums les plus vendus au monde.

Rick Dees n'a plus vraiment donné dans le disque par la suite, mais il reste un animateur radio très populaire.


Rick Dees, Disco duck, en direct dans l'émission Midnight special. Une bonne version, plus rapide que celle du disque.






Rick Dees, Disco duck, dans l'émission Solid gold, avec une introduction par un jeune auteur-compositeur-interprète plein de talent.

09 mai 2025

JEFFERSON AIRPLANE : White rabbit


Acquis sur le vide-grenier de Mardeuil le 27 avril 2025
Réf : 45.617 -- Édité par RCA en France en 1967
Support : 45 tours 17 cm
Titres : White rabbit -/- Somebody to love

La semaine précédente, quelqu'un avait fait circuler la pochette de la réédition de 1971 de ce 45 tours, liée à la publication du livre L'Herbe bleue (Go ask Alice), et je m'étais dit que c'était quand même un excellent disque, puisqu'on y trouve les deux plus grands tubes de Jefferson Airplane, qui se trouvent être mes deux chansons préférées du groupe (dont j'ai dû écouter deux ou trois albums et un best-of).

Quand je suis tombé  sur ce disque l'autre dimanche, j'étais donc bien sûr de le chroniquer en cas d'achat, mais j'ai hésité un moment à investir 2 € dans ce 45 tours original français de 1967 car il lui manque sa pochette originale. Je me suis vite traité d'imbécile et j'ai conclu l'achat pour deux très bonnes raisons. 1°) Il m'est revenu que, de toute façon il était rare que les 45 tours français deux titres de cette époque aient une pochette illustrée. Et effectivement, celui-ci avait une pochette générique RCA. J'aurais bien aimé l'avoir, mais je m'en passerai, d'autant que 2°) un ancien propriétaire du disque a, en découpant la couverture d'un cahier de travaux pratiques Sciences & Cartographie, fait un superbe travail pour se fabriquer une pochette maison, avec des illustrations trouvées dans des magazines. Le verso est particulièrement réussi et tout à fait de son époque. On a là un très bel exemple ce que Patrice Caillet appelle le discographisme récréatif.
Il existe bien un EP français avec une pochette illustrée, mais bon, je ne compte pas trop tomber dessus prochainement à 2 € dans un vide-grenier...

Il y a une autre chose qui m'intéresse particulièrement dans ce disque, c'est l'histoire de ces deux chansons, que j'ai découverte il y a quelques temps en lisant Mojo ou Uncut.
En effet, elles ont toutes les deux été enregistrées le même jour, le 3 novembre 1966, pendant les sessions du deuxième album, Surrealistic pillow, mais elles n'étaient pas nouvelles. Grace Slick, qui venait d'intégrer le groupe, les a amenées avec elle. Quelques semaines plus tôt, elle les chantait encore avec son précédent groupe, The Great Society, dans lequel jouaient notamment son mari Jerry et son beau-frère Darby Slick.
En février 1966, Someone to love était sorti en 45 tours et, par la suite, un album a été édité sur lequel on trouve une version live de White rabbit enregistrée en 1966.
Sur les deux faces de mon 45 tours, les chansons sont créditées "G. Slick", mais c'est une erreur : White rabbit est bien de Grace, mais c'est Darby l'auteur de Somebody to love. Je suppose que ça lui assure une bonne rente depuis 1967...!
Il est ironique en tout cas que les deux plus grands succès de l'Airplane, sortis en single en février et en juin 1967 et montés à la cinquième et à la huitième place du classement des ventes, soient en fait des reprises de The Great Society.

Ce qui est surprenant avec White rabbit, c'est que la chanson est courte (2'30 à peine), mais que c'est tout sauf une pop song avec couplets, refrain et mélodie qui reste en tête. Au contraire, sur un rythme de boléro, elle est toute en tension, qui monte, qui monte et qui ne se libère que dans les trente dernières secondes. Grace Slick insiste sur le fait que le sujet de la chanson, qui contient de nombreuses références à Alice au pays des merveilles, n'est pas la drogue, mais elle a quand même été écrite à la fin d'un trip au LSD, et Grace pointe le fait que les drogues sont présentes en sous-texte dans de nombreux classiques de la littérature jeunesse.

Somebody to love, pour le coup, est une grande excellente chanson. La version de Jefferson Airplane transforme la chanson originale un peu pataude en un grand moment de rock and roll.

Ce disque fait partie de ceux qui ont annoncé le fameux Été de l'Amour hippie de 1967. Il est aussi innovateur parce que c'est peut-être bien la première fois, avant Big Brother and the Holding Company, qu'un groupe de rock avec une chanteuse qui compose certains des titres rencontre un très grand succès.


Jefferson Airplane, White rabbit et Somebody to love, dans l'émission American Bandstand à la veille de l’Été de l'amour, le 3 juin 1967.


Jefferson Airplane, White rabbit, dans l'émission The Smothers Brothers Comedy Hour.


Jefferson Airplane, White rabbit.


Jefferson Airplane, Somebody to love, en concert au Monterey International Pop Music Festival le 17 juin 1967.


Jefferson Airplane, Somebody to love, en direct à la télévision en 1969 dans l'émission Dick Cavett Show, avec David Crosby en invité au second tambourin et aux chœurs.


Jefferson Airplane, Somebody to love et White rabbit, en concert au Woodstock Music and Art Fair le 16 août 1969.