28 juillet 2025

RANKINE / DIRTY DISTRICT : Ragga-buzzin'


Acquis à la Bourse aux Disques de Radio Primitive à Reims le 23 mars 2025
Réf : 1442 -- Édité par Barclay en France en 1991 -- Hors commerce
Support : 45 tours 17 cm
Titres : RANKINE : Les mâles -/- DIRTY DISTRICT : Blast it

Après le Peter Gabriel, le The Call et le Pierre Vassiliu, voici un autre des disques glanés en mars lors de la bourse aux disques de Radio Primitive, la plupart rescapés de la discothèque de la station. J'ai vraiment fait de bonnes pioches ce jour-là !

Ce 45 tours promo contient deux extraits de la compilation Ragga buzzin'. On peut la considérer comme une réponse version raggamuffin de Barclay à la compilation Rapattitude de Labelle Noir/Virgin parue l'année précédente. C'est aussi une cousine de la très pop Contresens, c'est à dire qu'on a là trois compilations qui présentent des artistes d'une "nouvelle scène" d'un genre musical particulier.

Je ne me souviens plus de ce 45 tours en particulier, mais je sais qu'on avait aussi reçu le CD de Ragga buzzin' à la radio, que j'avais écouté, et c'est précisément la chanson de Rankine que j'avais choisi de diffuser en octobre 1991, dans mon émission personnelle Vivonzeureux!, puis, de façon particulièrement appropriée, dans mon autre émission Sueur d'hommes, co-animée avec les vedettes Phil Sex et Raoul Ketchup.

Je ne connaissais pas "Rankine". Grâce aux références présentes sur Discogs, j'ai assez vite appris que Clarence, de son prénom, est créditée sur les deux premières cassettes de Massilia Sound System, Rude & souple (1989) et Vive le Piim (1990). Sur la première, on trouve même une version de Les mâles, qui doit être différente mais que je n'ai malheureusement pas trouvée en ligne.
Je ne le savais pas du tout mais, comme le détaille Camille Martel dans son livre Massilia Sound System : La façon de Marseille (2021) (les premières pages sont disponibles ici), Clarence Rankine (ou Ranking Clarence, et il y a plein d'autres variations) est membre fondatrice de Massilia et, de 1984 à 1991, elle en a été l'une des trois vocalistes, avec Tatou et Jali. Elle chante donc plusieurs titres sur les deux cassettes du groupe, dont Nouveau style et L'argent, et a donné plusieurs dizaines de concerts avec eux.
Elle a quitté Massilia en mai 1991, un an avant la parution du premier album Parla patois, ce qui explique que ceux qui, comme moi, ont découvert le groupe avec ce disque ne la connaissent pas.
Apparemment, le titre sur Ragga-buzzin' était le premier jalons d'une carrière solo, mais je n'ai pas trouvé trace d'autres parutions de Rankine.

Les mâles est un excellent ragga, avec des paroles qui remettent les mecs à leur place et pointent la différence de traitement entre les hommes et les femmes. Camille Martel donne des détails sur le contexte de création de la chanson : "Clarence livre ensuite l’un des temps forts de Rude et Souple : « Les mâles », dans lequel elle répond à son confrère parisien le DJ Daddy Yod, qui avait sorti « Elle n’est pas prête » en 1987, galerie de portraits de jeunes femmes volages, pas d’accord pour s’engager dans une relation amoureuse stable. Une autre des filles évoquées par Daddy Yod dans sa chanson n’a rien dans la tête, elle est superficielle et terrifiée par l’idée de vieillir… La réponse de Clarence à cette démonstration machiste est claire."
Musicalement, on est en plein dans le style raggamuffin, avec une particularité dans l'arrangement, la présence remarquable d'un violon, tenu par Nicolas Zaroff, qui a notamment joué avec Leda Atomica (il est malheureusement mort accidentellement en 2011, à 48 ans).
Je ne sais pas si Rankine avait signé un contrat solo avec Barclay, mais en tout cas, parmi les artistes de Ragga buzzin', c'est bien elle que le label avait entrepris de mettre en avant : outre ce 45 tours, il y a eu un maxi hors commerce avec une version de Les mâles remixée par No Smoke. Elle est plus longue, mais aussi très quelconque. Le violon a malheureusement disparu...

Sur la face B, on trouve la contribution de Dirty District à Ragga buzzin'. Un groupe que j'ai eu l'occasion de voir quartier Wilson à Reims le 15 avril 1989 lors d'un concert antifasciste organisé par L’Égrégore.
Blast it est un titre de leur premier album, Pousse au crime & longueur de temps. Il fait plus de huit minutes sur l'album, juste cinq ici. Ce sont deux enregistrements différents, dans l'esprit reggae-rock rebelle façon The Clash. La version du 45 tours est sur un tempo plus rapide. Les deux ont le même défaut insupportable : elles sont chantées dans une espèce de bouillie indescriptible censée être de l'anglais.

Une vidéo a dû être tournée pour Les mâles, au moins pour un passage de télé : on en aperçoit quelques secondes dans l'émission Rapline spéciale Raggamuffin.


Massilia Sound System en 1990 : Tatou, Clarence Rankine et Jali. Photo : Stéphane Godefroid (Source).

19 juillet 2025

GUY CORNÉLY accompagné par LE TANDEM DU GROS-CA VÉLO / BOISBANT : Guadeloupe


Acquis sur la brocante de l'avenue Victor Hugo à Ay le 22 juin 2025
Réf : RC 62 -- Édité par Aux Ondes/Disques Célini en France vers 1969
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Guadeloupe -/- En cé nègue -- Où sont donc les tam-tam ?

La météo était agréable, l'ambiance paisible et familiale sur la petite brocante de l'avenue de la gare à Ay. Je n'ai acheté que deux disques à 1 €, mais deux superbes trouvailles dont j'étais très content. La qualité prime sur la quantité.
Le premier, je le cherchais depuis 2019, quand j'ai chroniqué le 45 tours de Denise Varène. Ils 'agit du EP dont j'avais reproduit la pochette où elle est photographiée avec son mari Marcel Bianchi.
L'autre, c'est celui-ci, que j'ai trouvé dans une boite à chaussures, caché parmi une petite vingtaine de disques de variétés.
La personne qui tenait le stand diffusait de la musique sur une enceinte. Au moment de payer, je lui ai demandé quel était ce titre largement instrumental très agréable qu'on entendait. Je pensais à The Cure, et effectivement la chanson s'appelle Lullaby, mais il s'agit bel et bien de Low, avec un extrait de I could live in hope. Un album que je ne connais pas, mais j'ai une version démo de Lullaby dans le coffret A lifetime of temporary relief.

Quand j'ai commencé à acheter des disques des Antilles, je me méfiais particulièrement des mentions du type de ce "Souvenir de la Guadeloupe". Pour moi, ça signifiait obligatoirement qu'on avait affaire à de la soupe commerciale pour touristes. J'ai vite été détrompé. Il s'avère que les touristes étaient un bon débouché commercial pour les créations musicales locales. Je pense qu'une bonne partie des productions de Debs et Célini s'écoulaient non pas chez des disquaires mais dans des boutiques pour vacanciers. Et je m'en félicite, car les disques de ces labels que je trouve par chez moi ne proviennent pas de collections de fans de ces musiques, ce sont bien les fameux souvenirs ramenés de vacances qu'on trouve dans ces cartons de disques.

Celui-ci est un bel objet discographique, un album au sens propre du terme, avec une pochette ouvrante et un insert rajouté, ce qui fait, que, recto-verso compris, la pochette fait six pages au format 45 tours.
L'autre particularité, et c'est également précisé sur la pochette, c'est que nous n'avons pas ici des chansons à proprement parler, mais des poèmes mis en musique. Contrairement à ce que je pensais initialement, les textes reproduits sur la pochette ne sont pas ceux des poèmes, mais un commentaire en français de l'auteur sur ses œuvres.

Ce poète, Guy Cornély, n'est donc pas un chanteur (il a publié au moins deux recueils de textes, Pêle mêle en 1968 et L'enfant en 2003), mais il chante quand même Paresse, un tumbélé des Guitars Boy, sur le 45 tours At the bay, un disque que je possède.

Guy Cornély est accompagné ici par un célèbre duo de musiciens de gwoka, Marcel Lollia dit Vélo (1931-1984) et Arthème Boisban (1931-2006 ?). C'est apparemment le seul disque jamais publié sous son nom par Guy Cornély, mais il ne s'agit pas de sa seule collaboration avec Vélo : il signe les notes de pochette de l'album 25 cm Folklore de la Guadeloupe de Vélo et son Gros-Ka et, même si l'image sur Discogs n'est pas lisible, je parierais bien qu'il est l'auteur du poème qu'on trouve au dos de la pochette de l'album Folklore hors série.

Je ne l'ai pas précisé tant ça me paraissait évident, mais les poèmes de Guy Cornély sont écrits en langue créole. Vélo et Boisbant assurent le rythme et lui dit son texte. Quand on écoute Guadeloupe, on ne peut que penser à une forme de proto-rap, et faire un parallèle avec un groupe qui venait de se lancer au même moment, pas si loin que ça de la Guadeloupe, les Last Poets de New York.

Il me semble que la "sauce" entre musique et voix prend mieux sur les deux titres de la face B, En cé nègue (dont on trouve le texte ici) et surtout Où sont donc les tam-tam ?, dont on apprend tout à la fin qu'il s'agit des "tam-tam de la liberté". Cette dernière chanson a été rééditée en 2018 sur la compilation Par les damné.e.s de la terre.

Une œuvre rare, intéressante artistiquement. Un très bel objet disque. C'est largement suffisant pour me combler. Mais il y a plus : la découverte du parcours de Guy Cornély, qui ne s'est pas contenté d'être un poète.
Engagé dans la marine à 18 ans en 1939, il se retrouve donc sous les ordres du Régime de Vichy. Comme des milliers de jeunes antillais, il "part en dissidence" en 1943. Autrement dit, il déserte en s'enfuyant en canoë jusqu'à la Dominique, puis il résiste en rejoignant les Français Libres du Général de Gaulle à Londres. Le 6 juin 1944, il participe au débarquement en Normandie en tant que marin du cuirassé Courbet. Comme de nombreux dissidents antillais, et comme les soldats français d'Afrique, il devra attendre longtemps (un demi-siècle...!) pour qu'un hommage lui soit rendu.
Et ce n'est pas tout. Après la guerre, il rejoint l'Institut Pasteur de Pointe-à-Pitre. En tant que parasitologue, il contribue à la lutte contre des maladies qui frappent les guadeloupéens.
Une vie admirable et remarquable.






12 juillet 2025

EAST OF EDEN : Le 1er disque pirate d'East Of Eden


Acquis sur le vide-grenier de la rue Caulaincourt à Paris le 24 septembre 2022
Réf : 17.048 -- Édité par Deram en France en 1970
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Jig-a-jig -/- Marcus junior

Au lendemain du concert de Mozart Estate au Paris Popfest en 2022, j'avais repéré deux brocantes à faire avant de retourner à la maison. Manque de bol, une pluie fine imprévue s'est invitée toute la matinée.
Je n'ai rien trouvé à la broc assez sympathique et familiale de Pont-Ruisseau, et heureusement qu'un vendeur professionnel 'soldait' une partie de ses disques rue Caulaincourt : cela m'a évité de rentrer bredouille. Au bout du compte, à 3 € le 33 tours d'Hurard Coppet et 1 € la poignée 45 tours de gens comme Jah Cure, The Colour Field, Sons & Daughters ou Will Sheff, j'ai fait une assez bonne récolte.

Je ne connaissais pas du tout East of Eden. J'ai pris ce disque uniquement parce que la pochette m'a intrigué. Avec le slogan "Le 1er disque pirate d'East Of Eden", j'ai pensé qu'il s'agissait d'un disque promo. Mais non, c'est bien l'édition originale commercialisée en France de ce 45 tours qui se donne des atours de disque pirate. La première fois que j'ai été confronté à ce procédé, c'est avec le Live! Bootleg d'Aerosmith en 1978, que plusieurs des copains du quartier avaient acheté.
Certes, à cette époque il me semble que la vogue des disques pirates prenait de l'ampleur, et les radios pirates avaient aussi le vent en poupe, ça pouvait donc éventuellement être vendeur d'associer le groupe au côté rebelle de la piraterie. Mais là, ça vient comme un cheveu sur la soupe et sans aucune explication (aucune référence par ailleurs au verso ou sur le disque à cet aspect pirate). Je trouve cela plutôt anti-commercial qu'autre chose.

East of Eden s'est formé à Bristol en 1967. On les classe dans le rock progressif, avec des tendances jazz ou symphonique. Je ne suis surtout pas allé vérifier ces informations !
Ils ont sorti deux albums chez Deram en 1969 et 1970, avant de quitter le label pour Harvest. Comme d'autres (je pense aux Zombies, qui ont connu le succès avec She's not there Time of the season alors qu'ils venaient de se séparer), East of Eden a eu son plus grand succès avec un disque sorti sans leur accord, pas du tout représentatif de leur parcours. En effet, c'est Deram qui a sorti en mai 1970 Jig-a-jig, un medley de trois airs traditionnels, qui met en avant leur violoniste Dave Arbus. Le groupe le jouait assez ironiquement en rappel de ses concerts et n'imaginait qu'il serait un jour une face A de 45 tours et aussi leur seul grand succès !

Initialement, j'ai écouté le disque et je l'ai rangé sans le chroniquer, malgré sa pochette mystérieuse. Je l'ai ressorti tout récemment après avoir vu passer en ligne un lien vers la face B du 45 tours, Marcus Junior, avec un commentaire qui m'a surpris à propos d'une "version prog-folk d'un classique ska de Don Drummond".
Comment ça, Don Drummond, le tromboniste des Skatalites ? Celui qui, malade mentalement, a tué sa femme et est mort en hôpital psychiatrique à 35 ans ? Oui, lui, qui a composé plus de 300 titres, dont effectivement Marcus Junior, sorti en 45 tours sous son nom en 1964.
J'ai réécouté la version East of Eden pour vérifier, et elle n'a rien de ska. Et comme le titre est crédité "Drummond" sans prénom, je ne risquais pas de faire le lien avec les Skatalites. Mais il s'agit bien de la même composition, arrangée de façon totalement différente.
La grande question, c'est comment un groupe progressif se retrouve à reprendre du Don Drummond (et pas qu'une fois, puisque sur leur album Snafu, on trouve non seulement Marcus Junior mais aussi une autre reprise de Don Drummond, Confucius) ?. Eh bien, le saxophoniste Ron Caines nous donne l'explication dans un entretien pour Friars Aylesbury : il avait entendu ces titres dans un club reggae, acheté les disques,  et le groupe les a intégrés à son répertoire sur scène dès ses débuts.

Un pseudo-disque pirate et une surprenante reprise d'un titre ska, c'est suffisant pour faire ma journée...

Dave Arbus (1941-2025) est mort ce printemps. Il était passé au fil des années de l'archet de violon aux crayons et pinceaux. Les annonces de sa mort mentionnent à peine East of Eden pour se contenter du fait qu'il joue sur Baba O'Riley des Who.


East of Eden, Jig-a-jig, une version courte mais excellente, à la fin d'une émission de la RTBF, vers 1970.

06 juillet 2025

THE EQUATORS : Baby come back


Offert par Claire B. à Mareuil sur Ay le 7 juin 2025
Réf : 640 206 -- Édité par Stiff en France en 1980
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Baby come back -/- Georgie

Après celui d'Essous, voici un autre disque offert par ma sœur Claire, celui-là rescapé d'une déchetterie je crois.
On ne peut pas dire qu'il est courant, mais j'avais déjà eu l'occasion de voir ce disque. Je ne m'y étais pas intéressé, rebuté par le fait que cette reprise par un groupe nommé The Equators de Baby come back, l'excellent tube de 1968 de The Equals, fait penser à ces publications parasites, dont les meilleurs exemples présentés ici sont peut-être Venus par The Blocking Shoes et Yankee Horse, Sea side shuffle par Big Tears and the Crocodile ou Al Capone par Prince of Wales Stars.

Mais ce disque est paru en 1980, il ne s'agissait plus de concurrencer un grand succès du moment. Et surtout, pour l'occasion Stiff a fait appel comme producteur à Eddy Grant, l'auteur et interprète original de la chanson. Cette reprise n'a donc rien d'une quelconque contrefaçon et a tout le soutien des ayant-droits. 

Formé en 1977, même s'ils ont pris ce nom plus tard, The Equators était un groupe de Birmingham composé des quatre frères Brian, Donald, Leo et Rocky Bailey, ainsi que de Cleveland Clarke, Dennis Fletcher et du guitariste Alfonso Renford.
Repérés lors d'un concert où ils étaient à l'affiche avec leurs voisins de Birmingham The Beat, ils ont été signés par Stiff. Précédemment, ils avaient enregistré à Paris en juillet 1979, sous le nom de Mosiah, un album de reggae paru uniquement par chez nous. J'aimerais bien connaître l'histoire de ce disque plus en détails...

Le premier projet assigné par Stiff aux Equators, c'est l'album Black and Dekker de Desmond Dekker : ils l'accompagnent sur trois titres, Lickin' stick, Hippo et Please don't bend.

Cité chez Marco On The Bass, Dave Wakeling explique que The Beat a été influencé par The Equators : ils avaient élaboré avant eux un hybride punk-reggae, qu'ils pratiquaient de manière pleine de "soul" et délicate. Malheureusement pour The Equators, il n'y avait visiblement pas la place pour deux groupes de Birmingham au moment où la vague ska/2 Tone a submergé l'Angleterre.

Mon exemplaire du 45 tours correspond à l'édition originale française de ce disque. Pourquoi deux éditions françaises pour cette parution assez obscure ? Eh bien tout simplement parce que, courant 1980, la distribution française de Stiff est passée de Barclay à Vogue. Barclay a donc arrêté de commercialiser ces disques, et Vogue en a ressorti quelques uns qui étaient récents, comme celui-ci, sous la référence 104 130.

Cette reprise ska de Baby come back est bien sûr accélérée, mais elle reste très fidèle dans l'esprit à la version originale. Ça décolle dans la seconde moitié, quand l'atmosphère se fait d'un coup assez "dubby" et qu'on a droit à une partie de chant toasté, qui pour le coup évoque immanquablement feu Ranking Roger de The Beat.
Cerise sur le gâteau, il existe sur un maxi une Dub version de Baby come back : soit d'abord les trois minutes trente du 45 tours, plus quatre minutes de rab pour mon plus grand plaisir.

La face B, Georgie, est produite par Bob Andrews de The Rumour, qui jouait aussi sur Black and Dekker. Elle est de très bonne tenue.

L'année suivante est sorti Hot, l'unique album des Equators, également produit par Bob Andrews. Les deux titres du 45 tours n'y figurent pas. L'aventure Stiff s'est arrêtée là et le groupe s'est séparé.
35 ans plus tard, The Equators s'est reformé. Ils jouent régulièrement et ont publié quelques nouveaux titres.



28 juin 2025

GILBERT BÉCAUD : Mé-qué, mé-qué


Acquis chez Emmaüs à Tours sur Marne le 16 octobre 2021
Réf : EGF 169 -- Édité par La Voix De Son Maître en France en 1968
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Mé-qué, mé-qué -- C'était mon copain -/- Donne-moi -- La ballade des baladins

En 2020, Philippe R. m'a envoyé la vidéo d'un passage de Gilbert Bécaud interprétant Mé-qué, mé-qué en 1972 dans une émission de Philippe Bouvard et Jean Amadou, en soulignant que la chanson s'envole quand il se met au piano et que la grosse section de cuivres façon jazz / rhythm and blues se déchaîne. Les musiciens ont tous l'air de bien s'éclater et détonent par rapport au "public" d'une émission de ce genre.
J'ai acheté ce 45 tours l'année suivante et depuis tout ce temps-là il était dans la pile de disques à chroniquer.

Mé-qué, mé-qué est une chanson que j'avais repérée depuis un moment car, à l'écoute de chansons de Tahiti, d'Afrique ou "des îles" dans des langues ou créoles que je ne comprends pas, je me suis souvent imaginé écrire des paroles en français qui colleraient sur ces sonorités.
Avec ses rimes en "qué et en "qua", c'est l'exercice auquel Charles Aznavour s'est livré pour ce qu'il qualifiait sur scène en 1954 de "petite fantaisie". C'est certes léger, avec la musique qui va bien avec, mais c'est une réussite. On n'est pas au même niveau de virtuosité, mais ça pourrait annoncer les exploits de Boby Lapointe façon Méli mélodie ou La peinture à l'huile.
Sur un thème similaire du départ du port dans une contrée exotique, Marcel Amont enregistrera quelques années plus tard Pleurez-pas, je reviendrai.

J'ai été surpris de découvrir le crédit Charles Aznavour / Gilbert Bécaud pour cette chanson. Je ne savais pas particulièrement qu'ils avaient collaboré à leurs débuts. Aznavour a raconté leur première rencontre à Frémeaux, chez Édith Piah et Jacques Pills, avec qui ils collaboraient  séparément tous les deux. En attendant Piaf ce jour-là, ils ont écrit Viens et ils ont fait par la suite une quinzaine de chansons ensemble.

Chacun sur son label, ils ont sorti Mé-qué, mé-qué en 78 tours en 1953. Bécaud en face B de Quand tu danses et Aznavour, en l'orthographiant Mé-ké, avec Viens en face B. La partition nous apprend que Dario Moreno a sorti sa propre version presque simultanément. Des trois, c'est celle de Bécaud qui a ma préférence.
Une version en public figure sur l'album Olympia 72 et, clin d’œil, elle est sortie en 45 tours avec Quand tu danses en face B.
Cette chanson n'est pas un "grand classique", mais elle a été régulièrement reprise. Par Marino Marini notamment (très bonne version) ou par The Gaylords, en anglais en 1954. Par la suite, Joe Dassin l'a incluse sur son album de 1969, qui s'est beaucoup vendu, et Kenny Criola en a fait une version de bonne tenue en 1977, avec un arrangement dans le ton de l'époque.

Mon disque est une réédition de 1968 d'un EP paru initialement en 1955, avec une inversion des faces A et B.
Sur le disque original, il est bien précisé que deux titres (la face de Mé-qué, mé-qué) sont accompagnés par le Quartette Fred Ermelin et les deux autres par François Vermeille et son Ensemble. En 1968, plus aucune mention de Fred Ermelin.

Autant j'apprécie Mé-qué, mé-qué, une chanson qui a très bien vieilli, autant j'ai du mal avec les autres titres du disque, sauf La ballade des balladins, qui passe pas mal pour moi, avec un arrangement assez dépouillé. Mais pour C'était mon copain et surtout Donne-moi, je trouve le chant emphatique et maniéré. Bécaud n'avait pas encore trouvé sa voix en tant qu'interprète.

Pour ma part, le Bécaud que j'ai connu c'est la grande vedette des années 1970, celle de L'important c'est la rose ou Nathalie qui passait dans les émissions du samedi soir à la télé. Monsieur 100 000 Volts était bien loin. Je vous fais grâce de la version de La ballade des baladins en 1979 à la fin de l'émission Numéro un Raymond Devos !
Ce n'est que plus tard que j'ai pris conscience de son succès international et je n'ai vraiment mesuré son influence que via les reprises d'Et Maintenant / What now my love, Je t'appartiens / Let it be me et Le jour où la pluie viendra / The day the rains came.


Gilbert Bécaud, Mé-qué, mé-qué, ci-dessus en direct en 1972 dans l'émission Samedi soir de Philippe Bouvard et Jean Amadou, et ci-dessous en concert à la même époque.





22 juin 2025

NIRVANA : Come as you are


Acquis par correspondance chez Momox en juin 2025
Réf : GED21715 -- Édité par DGC en Europe en 1992
Support : CD 12 cm
Titres : Come as you are (LP version) -- Endless, nameless -- School (Live) -- Drain you (Live)

En 1991-1992, je me suis pas mal baladé un peu partout en France avec Eric, le directeur de Radio Primitive, pour participer à des réunions de la Férarock, dont la création a été décidée en février 1991, du Réseau des Découvertes du Printemps de Bourges ou du Centre Info Rock.
Quand on arrivait en voiture dans une ville, on mettait souvent la radio pour écouter ce que faisait la "concurrence" et, à partir de l'automne 1991 et pendant au moins dix-huit mois, c'est devenu une blague entre nous parce que, systématiquement, on tombait sur Ouï FM, France Inter ou NRJ qui nous annonçait une nouveauté, une découverte, un tube qui vient de sortir... avant d'envoyer Smells like teen spirit de Nirvana ! Plus le temps passait, plus c'était drôle d'entendre annoncer comme nouveauté un disque que la Primitive, comme toutes les radios Férarock, passait depuis sa sortie en septembre 1991.
Je précise que, à titre personnel, je n'ai joué aucun rôle dans la découverte et la promotion de Nirvana : j'appréciais le tube, mais je n'ai pas acheté les disques à l'époque et, autant cet automne-là je passais les Pixies presque chaque semaine dans mon émission, autant je n'ai passé Nirvana qu'une fois, pour annoncer leur passage aux Transmusicales.

Les Transmusicales de Rennes 1991, c'est le festival qu'on avait choisi pour présenter au monde notre nouvelle association Férarock, avec une conférence de presse le 7 décembre, accompagnée par un concert mémorable de Billy Ze Kick et les Gamins En Folie.
Une fois la conférence terminée, une bonne partie d'entre nous est passée du bar L'Inconnu à la salle Omnisports de la ville pour le grand concert de la soirée, avec au programme, Curve, Momma Stud, James et... Nirvana.
En effet, les Trans ont toujours été un festival défricheur plutôt que suiveur et, après avoir vu le groupe à Rotterdam (le 1er septembre, je suppose), l'équipe des Trans avait aussitôt décider de les programmer, et c'était à la fois leur premier gros concert en France et la toute dernière date de leur tournée européenne pour la sortie de Nevermind.

Déjà bien fatigué et avec un salle bien pleine, je ne suis pas allé sur le parterre pour assister au concert de Nirvana. Je me suis installé dans une zone peut-être bien réservée à la presse, tout en haut des gradins, à droite quand on regardait la scène. J'ai donc vu le concert "de côté".
Je n'ai pas beaucoup de souvenirs précis de leur prestation ce soir-là. Juste une image, tout à la fin du concert, celle du grand bassiste qui se penche pour ramasser le chanteur écroulé par terre et qui le porte dans ses bras pour sortir de scène. J'ai toujours pensé que Kurt Cobain était à moitié dans les vapes à ce moment-là, mais dans les images du reportage télé ci-dessous on voit qu'il fait au passage un signe d'au-revoir au public.
Ce concert est plutôt bien documenté, on peut écouter le son des trois-quarts d'heure de la prestation de Nirvana, et voir, ci-dessous également, deux titres filmés, dont une excellente version de Smells like teen spirit.


Nirvana aux Transmusicales, Salle Omnisports à Rennes, le 7 décembre 1991. Un sujet visiblement diffusé dans une émission de Bernard Lenoir, avec un extrait de Smells like teen spirit et la fin du concert.


Nirvana, Jesus wants me for a sunbeam et Smells like teen spirit, aux Transmusicales, Salle Omnisports à Rennes, le 7 décembre 1991.

Come as you are est le deuxième single extrait de Nevermind. Apparemment, la maison de disques pensait que c'était ce titre qui avait le plus gros potentiel commercial. Smells like teen spirit est sorti en premier dans le but de défricher le terrain et de faire monter la sauce. On sait ce qu'il en est advenu. Personne que ce premier single aurait un tel succès et que c'est lui qui allait devenir un classique.
Au moment de confirmer le choix de ce second single, alors que tout le monde savait qu'il ne passerait pas du tout inaperçu, Kurt Cobain n'était pas trop chaud pour le choix de cette chanson, parce qu'il savait très bien que son motif principal avait des accointances marquées avec le titre de 1985 Eighties de Killing Joke. La parenté musicale s'entend bien à l'écoute, mais elle me semble encore plus marquée avec un titre paru encore deux ans plus tôt, Life goes on des Damned, qui avait peut-être, consciemment ou non, inspiré Killing Joke.

Pour la pochette du disque, Cobain avait juste demandé au graphiste Robert Fisher des micro-organismes et du violet. D'où ces petites bestioles qui doivent être du plancton, plus quelques spermatozoïdes. Par contre, il n'y a que Robert Fisher lui-même qui pouvait pointer du doigt que la zone bleutée dans la partie gauche de la pochette est une radio de son visage de quand il s'était cassé le nez à l'école !

Come as you are est vraiment une excellente chanson, que le groupe n'a pas jouée à Rennes. Mine de rien, Nirvana en a quand même produit pas mal de ce niveau en très peu de temps. Celle-ci est dans la veine de Lithium, All apologies ou Rape me, c'est à dire du rock pas trop bourrin, avec pas mal de nuances, enregistré simplement en trio par des gars bourrés de talent. On a même droit à un petit bout de solo de guitare tout à fait bienvenu.
Les paroles sont volontairement contradictoires ("Viens en ami, en vieil ennemi", "Prends ton temps, dépêche toi"), mais ce qui marque a posteriori c'est d'entendre Kurt Cobain chanter "Je jure que je n'ai pas d'arme".

Endless, nameless n'est pas un titre inédit : il était caché à la fin des éditions CD de Nevermind. C'est un enregistrement plein de rage et de frustration : le groupe s'était lancé dedans parce qu'il n'arrivait pas à mettre Lithium dans la boite. A la fin, Cobain a cassé sa guitare, ce qui a mis fin à la session car il n'y avait pas d'autre guitare de gaucher disponible... Par la suite, le groupe a pris l'habitude de détruire du matériel à la fin du concert, souvent à la fin de cette chanson. Ils l'ont fait de manière limitée à Rennes, et franchement, je ne vois rien de très malin là dedans.

Les deux derniers titres étaient eux inédits avant la sortie de ce single. Ils ont été enregistrés au Paramount de Seattle le 31 octobre 1991, un concert publié vingt ans plus tard en DVD et CD sous le titre Live and loud, l'une des multiples parutions posthumes du groupe. Ils ont joué ces deux chansons à Rennes.

School est une chanson du premier album Bleach. Pour le coup c'est du rock bien graisseux, pour ne pas dire grunge. Je n'écouterais pas ça tous les jours, mais quand même c'est très bien dans son genre.

Quant à Drain you, c'est l'une des quelques chansons de Nevermind que j'aime beaucoup. Bon riff, et bon rythme, bon chant. Excellent, rien à dire. Encore une preuve que Nirvana n'est pas le groupe d'un seul tube et que ce n'est pas un hasard s'ils ont eu un tel succès.




Nirvana, Come as you are, en concert au Festival de Reading le 30 août 1992.


Nirvana, Come as you are, à New York le 18 novembre 1993 pour l'émission MTV unplugged.


Nirvana, Come as you are, au Pier 48 à Seattle le 13 décembre 1993, publié en DVD en 2013 sous le titre Live and loud.


Nirvana, School, en concert au Paramount à Seattle le 31 octobre 1991.


Nirvana, Drain you, en concert au Paramount à Seattle le 31 octobre 1991.


Nirvana, Drain you, en direct dans l'émission Nulle part ailleurs, en 1994.