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27 mai 2023

LOS TEEN AGERS DE COLOMBIA : Salpicaito


Acquis sur la braderie-brocante d'Ay le 18 mai 2023
Réf : DTOA 3187 -- Édité par Odeon "Pops" en Argentine vers 1965 -- Promocional - Venta prohiba
Support : 33 tours 17 cm
Titres : Salpicaito -/- Esquina caliente

Il faisait pourtant beau en ce jour férié, même si c'était un peu frisquet, mais il y avait beaucoup moins de stands que d'habitude sur la braderie-brocante d'Ay. Et pas grand chose d'intéressant pour moi de manière générale. J'ai donc pris tout mon temps pour regarder les disques un par un quand je suis tombé sur un gars qui déballait devant chez lui des 33 tours à 2 € et plein de 45 tours à 70 centimes.
Je me suis souvenu que c'est chez lui que j'avais trouvé l'an dernier l'un des deux exemplaires du 45 tours de Shakin' Street achetés ce jour-là.
J'ai été d'autant plus attentif, que le premier disque que j'y ai vu, c'est un album rhythm and blues de 1970 de Wilbert Harrison, dont je me suis aussitôt emparé. Mais au bout du compte, je n'ai pas trouvé grand chose d'autre, à part un 45 tours de Jacques Duvall, avec sa version toute personnelle de Ti amo d'Umberto Tozzi, Je te hais...!
Il y avait aussi une poignée de 45 tours sans pochette. Souvent je les dédaigne, mais là j'avais décidé de tout fouiller. Alors je les ai passés en revue, en discutant avec le vendeur pour lui dire que, sans sa pochette un disque perdait vraiment beaucoup d'intérêt, mais que de temps en temps j'en prenais quand même.
C'est là que le gars me dit qu'il a d'autres disques sans pochette si ça m'intéresse. Oui bien sûr ! Et le voilà parti et revenu une minute après (c'est l'avantage de jouer à domicile) avec une petite boîte à chaussures de rondelles déshabillées de leur uniforme cartonné.
Parmi ces disques, il y en avait qui étaient des deux titres 17 cm argentins. Je ne dis pas des 45 tours car j'ai découvert à cette occasion qu'en Argentine dans les années 1960 ces disques s'écoutaient en 33 tours. J'en ai laissé un d'Aznavour, mais quand j'ai vu ce disque d'un groupe de Colombie dans le lot, j'ai su que j'avais fait une bonne pioche.

Ce qui est bien en plus, c'est que ce disque édité par Odéon en Argentine n'a jamais eu de pochette. Et, je ne l'avais pas remarqué tout de suite car la mention est biffée au feutre, il s'agit d'un exemplaire promotionnel dont la vente était interdite.

Los Teen Agers de Colombia fait partie de ces groupes dont la formation a fortement fluctué au fil des années. Ils se sont formés à Medellin en 1957 et ont sorti une cinquantaine de singles et plus de quinze albums jusqu'à la fin des années 1970. Selon la courte biographie disponible chez Discogs, ils seraient le premier groupe colombien à  avoir panaché le boléro et la cumbia avec le twist et le rock 'n' roll. On n'est donc pas ici dans de la musique traditionnelle, mais avec des bases locales passées au moulin de la pop.

Salpicaito (Éclaboussure) est un titre largement instrumental, avec un rythme bien particulier. L'étiquette nous précise qu'il s'agit de Merécumbé, un genre, vous l'aurez peut-être deviné, qui mêle le merengue et la cumbia. Le riff de cuivres et la partie de guitare sont très bien.

Mais c'est la face B, Esquina caliente (Coin chaud), que je préfère, avec ses flûtiaux notamment. Là, c'est du porro, un rythme et une danse qui est un sous-genre de cumbia.
Le chanteur crédité sur ce titre est Gustavo Quintero (1939-2016). Il n'a visiblement fait qu'un passage éclair chez Los Teen Agers mais, surnommé El Loko, il a fait une grande carrière, notamment avec Los Graduados, un groupe qu'il a fondé en 1968 au Mexique.

Une trouvaille qui montre qu'en étant curieux on a plus de chances d'être chanceux. Je ne saurai jamais comment ce disque argentin a atterri en Champagne, mais on sait que les disques voyagent et font voyager, même pour le chineur qui reste à deux pas de chez lui.


La belle pochette de l'album Colombia baila con Los Teenagers de 1965, sur lequel on trouve Esquina caliente.

20 mai 2023

RICKY SHAYNE : Mamy blue


Acquis chez Récup'R à Dizy le 14 janvier 2023
Réf : SG 331 -- Édité par Disc'AZ en France en 1971
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Mamy blue -/- I've got it all

Si je me souviens avoir été marqué quand je me suis rendu compte que Le sous-marin vert des Compagnons de la Chanson et le Yellow submarine des Beatles étaient la même chanson, je crois que c'est vraiment avec Mamy blue que j'ai eu la démonstration qu'il pouvait y avoir plusieurs enregistrements d'une même chanson, et dans des langues différentes.
Il faut dire que c'est un cas particulier : en 1971, cette chanson a donné deux énormes tubes en même temps à deux chanteurs, Joël Daydé dans une version en anglais et Nicoletta dans une version en français. Et ces versions étaient complémentaires plus que concurrentes, puisque les deux ont eu du succès et surtout, fait étonnant, elles ont été sorties par la même maison de disques, Riviera !

C'est déjà assez compliqué comme ça, mais à l'époque je ne connaissais pas la genèse complète de la chanson, qui a été dévoilée depuis. On la trouve racontée un peu partout, mais chez Histoire des Chansons c'est raconté clairement, avec les vidéos qui vont bien pour illustrer le propos.

C'est Hubert Giraud (1920-2016) qui est l'auteur de la chanson. L'inspiration lui serait venue au printemps 1970 alors qu'il était coincé dans un embouteillage à Paris.
Par je ne sais quels méandres, c'est en Italie et en italien (paroles d'Herbert Pagani) que sort la première version de Mamy blue, interprétée par Ivana Spagna (qui aura de grands succès dans les années 1980 sous le seul nom de Spagna).
C'est là qu'on commence à se rendre compte que l'histoire de Mamy blue est une histoire européenne, puisqu'ensuite Phil Trim, du groupe espagnol Pop-Tops, l'adapte en anglais et la sort au printemps 1971. L'édition française du 45 tours proclame aussi fièrement que faussement qu'il s'agit de la "Version originale"...

Sentant qu'un gros filon est en train de leur glisser entre les doigts, Giraud et le label Barclay/Riviera commissionnent deux nouvelles versions. A Londres, à l'Olympic Sound Studio et avec son chant à la Joe Cocker, Daydé l'enregistre en anglais, en conservant les paroles de Phil Trim. La pochette du 45 tours proclame aussi fièrement que faussement qu'il s'agit de la "Version originale"...! En parallèle, Nicoletta enregistre la chanson en français sous la direction musicale d'Ivan Jullien. Je note que Phil Trim est crédité pour les paroles : peut-être que les paroles ont été en partie retraduites en français à partir de la version anglaise ?

Toujours en 1971, il y a aussi eu une version en italien par Dalida, qui a eu un certain succès. Mais les deux versions les plus populaires et celles qui ont toujours compté pour moi sont celles de Daydé et Nicoletta.
Mais quand même, j'ai été intrigué quand je suis tombé au début de l'année sur ce 45 tours de Ricky Shayne que je ne connaissais pas du tout. Cette fois-ci la pochette proclame haut et fort qu'il s'agit ENFIN de la VERSION DÉFINITIVE de Mamy blue. Et si la pochette le dit, c'est que ça doit être vrai ! Faut dire que, vue la concurrence, il était difficile de prétendre que c'était une nouvelle "version originale".
Le disque n'a pas dû se vendre beaucoup chez nous, mais il a quand même eu droit à une autre pochette légèrement différente, qui comporte aussi la mention de la version définitive.

Si Mamy blue a fait le tour de l'Europe en 1971, Ricky Shayne a lui fait le tour du monde : Il est né au Caire d'un père français et d'une mère libanaise. Il a vécu en au Liban, en France, en Italie, en Allemagne, aux États-Unis... En tant que chanteur, c'est surtout en Allemagne qu'il a eu du succès. Il a aussi été acteur, commerçant et est artiste peintre !

Je ne dirais pas qu'elle est définitive, mais sa version de Mamy blue est de bonne tenue. C'est elle qui se rapproche le plus de l'interprétation de Daydé, il me semble. Elle est en anglais sur le 45 tours mais il l'a aussi chantée en allemand.

Je n'irais pas prétendre que c'est une pépite cachée, mais la face B, You've got it all, dans un style de rhythm and blues léger, est elle aussi tout à fait correcte.

Définitives ou pas, il y a des dizaines d'autres versions de Mamy blue. Wikipedia en mentionne même une par Joe Cocker, mais elle n'est pas dans Discogs et, quand on essaie de l'écouter sur YouTube, c'est en fait la version Daydé qu'on entend ! Pour ma part, je vous en ai sélectionné juste une autre, celle reggae d'Horace Andy, sortie en 1972 single et sur l'album Skylarking.


Ricky Shayne, Mamy blue, dans l'émission ZDF Disco du 11 décembre 1971.


Ricky Shayne, Mamy blue, dans l'émission Ein Kessel Buntes du 29 janvier 1972.

14 mai 2023

TOM NOVEMBRE : Dépêche-toi


Acquis par correspondance chez Momox en avril 2023
Réf : 884 103-7 -- Édité par Philips en France en 1985
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Dépêche-toi -/- Silhouettes anonymes

Je me suis intéressé à Charlélie Couture au moment de la sortie de Pochette surprise, ce qui fait que je suis allé l'écouter deux fois en concert en six mois, fin 1981 au Grand Théâtre de Reims et au printemps 1982 à Châlons.
Pour ce qui est de son frère Tom Novembre, j'ai vu passer toute la publicité autour de son premier album Version pour doublage fin 1982, j'ai dû entendre à un moment ou un autre le 45 tours Je cherche mon scoubidou, mais je n'ai pas creusé plus. Je n'ai donc pas cherché à le voir sur scène quand il est passé une première fois à Reims (à la salle des Cordeliers il me semble me souvenir, salle qui aujourd'hui est devenue un garage automobile...), puis une seconde au Grand Théâtre en 1984. Par contre, je n'ai pas manqué son spectacle à Reims le 25 mars 1987, à nouveau au Grand-Théâtre). Il faut dire qu'entre-temps je m'étais procuré la cassette du deuxième album Toile cirée et j'avais écouté et pas mal diffusé sur RFM 93 le troisième, L'insecte.

Un peu à la manière de Lewis Furey, Tom Novembre ne se contentait pas de faire des concerts, il proposait des spectacles, où il était le plus souvent seul en scène, avec un titre, un minimum de mise en scène, un fil rouge scénaristique entre les chansons, ponctuées de monologues et de sketches. Le spectacle que j'ai vu en 1987 était sûrement Le cocktail de Sergio, qui devait incorporer une bonne partie des chansons de L'insecte.

Sur cet album, ce que j'ai le plus écouté et passé dans mes émissions à l'époque, ce sont les intermèdes qui doivent être directement tirés du spectacle : Tout ce qui est rare est cher, Je veux bien qu'on me prenne pour un guignol, Écoute-moi bien p'tit gars façon Gabin et surtout la fausse bande annonce de western Djimbo, qu'on a pu entendre pendant des années dans les programmations musicales de nuit de Radio Primitive.

Ce faisant, j'ai sûrement négligé les belles chansons de cet album, à commencer par Dépêche-toi, le premier 45 tours qui en a été extrait (le deuxième fût Les nains de 1m80; je ne les ai quasiment jamais vus, je pense qu'ils ont été très peu diffusés).
Dépêche-toi est une ballade, tout comme le tube de Charlélie Comme un avion sans aile. C'est une chanson de rupture, qui décrit le moment même de la séparation. Et comme souvent, tout est très confus dans ces moments-là : c'est elle qui voulait partir, mais c'est lui qui fait sa valise et la quitte. Une grande réussite.

La face B, Silhouettes anonymes, avec son style légèrement funky, figure aussi sur l'album. Elle fait partie de ces chansons de Tom Novembre qui associent énumérations et observations.

Après L'insecte, le parcours d'acteur de Tom Novembre a pris le pas sur ses activités de chanteur. C'est qu'en 2002 qu'il a sorti un quatrième album, Le pion. Je l'avais emprunté à la médiathèque, mais j'avais été déçu à son écoute. Quant à André..., l'album de reprises de Bourvil de 2006, c'était un bel hommage, mais qui m'aurait sans doute plus intéressé sur scène que sur disque.

On peut écouter intégralement sur YouTube la double compilation TOMe 1 TOMe 2, qui reprend l'intégralité des trois premiers albums de Tom Novembre.

06 mai 2023

STANLEY BRINKS : BC


Acquis par correspondance chez Stanley Brinks en avril 2023
Réf : [sans] -- Édité par RadBab en Allemagne en 2023
Support : CD 12 cm
12 titres

C'est une colonne dans le n° 11 du fanzine Groupie qui m'a alerté sur l'existence d'une chanson en français de Stanley Brinks. Un événement qui m'a suffisamment marqué pour que cette chanson, Marionnettes, donne son titre à ma dernière compilation en date, et joue un rôle dans ma balade du Bandcamp d'avril pour le webzine Casbah.

Marionnettes est tiré d'un album sorti en janvier, Bc, disponible en numérique sur Bandcamp. Pour avoir un CD (gravé), on peut, comme indiqué sur Facebook, passer commande directement par mél. Ce que j'ai fait, en ajoutant pour l'occasion l'album sorti en février, Taf-taf (Stanley Brinks reste très prolifique, avec au moins 44 albums sortis depuis 2006 !). Ça permet d'avoir un objet, avec sa pochette imprimée en noir sur papier couleur, comme toutes ses sorties, et même un petit livret avec les paroles.

Guillaume Delcourt, qui a chroniqué les deux albums pour PopNews, a une préférence pour Taf-taf. Pour ma part, ce serait plutôt l'inverse, mais j'apprécie de toute façon les deux disques.

Même si c'est un CD, je note que cet album conserve une face A et une face B. Stanley y joue de tous les instruments, de la guitare au saxophone, en passant par le violon et les sifflets, à l'exception de la batterie et de l'accordéon. Il est accompagné par une petite équipe de choristes.

Renaud de Groupie m'a fait remarquer que Marionnettes n'est pas la première chanson en français de Stanley. Il y en a plusieurs sur l'album Vieilles caniques et nouvelles caniques de 2017, dont En Rhénanie-Palatine, qui musicalement a un certain cousinage avec Les Marionnettes, il me semble.
J'ai trouvé que les paroles de Les marionnettes ("On nous enfile par tous les trous. Les marionnettes c'est nous. Le capital, le parti, kif-kif. Y s'en branlent de la queue au pif qu'on s'écrase et reste en-dessous.") étaient parfaitement dans l'air du temps du climat social en France ce premier trimestre 2023. En fait, comme celles d'autres chansons de l'album (One civilization, Trouble in my bubble, Nuts, Todos quieren ser polis), elles sont inspirées par les suites de la pandémie de Covid. Le titre complet de l'album, Bar Cafétéria si on en croit la pochette, fait peut-être référence à ces lieux fermés pendant les confinements, où l'on ne pouvait ni se retrouver ni encore moins jouer en concert.

Outre Les marionnettes, j'ai quelques chansons préférées sur l'album : I'm in love with you tonight, Nuts, Trouble in my bubble, One civilization et Make the most of what you've got.

Très souvent à l'écoute de l'album, j'ai pensé à Jonathan Richman, pas tant pour des comparaisons musicales, mais parce qu'ils semblent avoir une démarche similaire sur plusieurs points : les chœurs féminins qui répètent des phrases comme avec les Modern Lovers des années 1980, les inspirations musicales culturellement variées, la chanson en espagnol, les tournées fréquentes dans une configuration minimale...

Je vais essayer de suivre d'un peu plus près les productions de Stanley Brinks, et j'espère bientôt trouver enfin l'occasion d'assister à l'un de ses nombreux concerts.