Pages
▼
29 décembre 2019
RALFE BAND : Swords
Acquis chez Récup'R à Dizy le 21 décembre 2019
Réf : TAL-30 -- Édité par Talitres en France en 2007
Support : CD 12 cm
14 titres
Quand je suis arrivé à la ressourcerie, j'ai tout de suite vu qu'ils avaient mis en vente un nouveau lot de CD. Des disques neufs - encore sous cellophane - et en plusieurs exemplaires. Il s'est avéré qu'il s'agissait uniquement de disques publiés par le label bordelais Talitres. Comment ils sont arrivés là ? Mystère. Aucun disquaire dans le coin n'en aurait eu autant en stock et je ne pense pas qu'il y ait eu non plus de distributeur diffusant localement ces disques.
En tout cas, j'ai fait une sélection dans ce lot et je suis revenu à la maison avec quatre disques. J'ai été déçu par Taxi Taxi (trop mou) et Early Day Miners, groupe pourtant comparé à Low sur une étiquette apposée sur le disque. J'ai apprécié l'album Luxe de Stranded Horse, et surtout j'ai passé un excellent moment à l'écoute du disque que je vous présente aujourd'hui, Swords, le premier album de Ralfe Band.
J'ai écouté le disque "à l'aveugle", sans avoir ouvert le livret ni cherché d'informations en ligne, je ne savais donc pas si j'avais affaire à des anglais ou des américains. J'aurais plutôt penché pour des gens d'outre-Atlantique car, à l'écoute, je me suis dit que j'aurais bien classé ce disque dans un rayon Americana. Quelque chose de léger, pas particulièrement original, mais pour le coup réjouissant de bout en bout.
En fait, Ralfe Band est le projet d'Oly Ralfe, un anglais, qui crée seul quasiment toutes les chansons, et sur ce disque le groupe de base est un trio, avec Andrew Mitchell et John Greswell. Cette édition française de Swords est sortie deux ans après l'édition originale, bizarrement parue chez Skint, label plutôt réputé pour le Big Beat que pour de la pop-country-rock... Du coup, on a droit à deux titres bonus sur l'édition Talitres de 2007, deux faces B de singles. Très bien, c'est juste dommage pour un complétiste comme moi qu'il en manque une troisième, By a boiling sea, la face B de Fifteen hundred years.
Le disque démarre gentiment par une valse instrumentale et enchaîne avec une autre valse, Women of Japan, l'un des singles. Il y est question de trouver l'homme qui embrassait toutes les femmes du Japon (!?...), avec une sorte de cloche employée comme percussion, tout simplement mais à bon escient. Là, comme à d'autres moments (dont Arrow and bow), on pense de temps en temps à Will Oldham.
Quand on trouve toutes les chansons d'un disque bien ou très bien, on risque fort de se répéter, mais j'apprécie vraiment beaucoup aussi 1500 years, avec de la mandoline, de l'accordéon et même une ébauche de yodel, Broken teeth song, Crow, et Sword, une chanson lente, avec des chœurs bienvenus à la fin. Même Bruno mindhorn qui, pour moi, débute mal (très jazzy), finit très bien.
Visiblement, Oly aime bien décrire le type de ses chansons dans ses titres. Ainsi, on a droit à (encore) une valse, Albatross waltz, à un blues (l'excellent Parkbench blues, utilisé pour la musique d'une pub en 2011) et à une marche, March of the pams, dont le piano me fait penser à The big dig de Family Fodder, qui est une version d'une Gnossienne de Satie. Y aurait-il donc, là aussi, une référence à Satie ?
On retrouve le piano sur Siberia, l'instrumental qui clôt l'album original chez Skint de 2005.
La qualité ne faiblit pas sur les deux titres bonus, avec Run down the lane, qui m'a fait penser à du Tom Waits époque Raindogs en beaucoup moins barré, et Moths, un dernier instrumental, qui amène les choses calmement à leur terme.
Après Swords, Ralfe Band a sorti deuxième album, Attic thieves, bien reçu en 2008, puis la bande originale du film Bunny and the Bull et un autre album, Son be wise, en 2013.
On aurait pu penser le groupe fini pour de bon quand Oly Ralfe a sorti en 2018 un album solo, Notes from another sea mais, le mois dernier, Ralfe Band a annoncé son retour avec un nouveau titre, Sweating it out, et un concert est annoncé pour le 29 janvier. A suivre, donc.
Swords est toujours en vente en CD chez Talitres, au prix cadeau de 4 €.
Session acoustique en duo pour Le Cargo en 2008 (d'autres titres sont disponibles)
22 décembre 2019
MAZOUNI : Chérie Madame
Acquis par correspondance via Discogs en décembre 2019
Réf : HPC 86 -- Édité par Sawt El Arab en France en 1981
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Chérie Madame -/- Short
Un peu comme la compilation Antilles méchant bateau m'avait incité en début d'année à me faire offrir un 45 tours de Daniel Forestal, la rétrospective 1969-1983 de Mazouni parue au printemps dernier, que j'avais survolée à sa sortie et que j'ai écoutée plus tranquillement après l'avoir empruntée à la Médiathèque, m'a donné envie de me procurer un de ses disques pour vous en parler ici (et du coup j'ai aussi commandé le CD, excellent de bout en bout).
Ses chansons ont beau avoir été reprises par Rachid Taha, Zebda ou l'Orchestre National de Barbès, je ne connaissais pas du tout Mazouni avant la sortie de cette compilation. Né en 1940 à Blida en Algérie, il a commencé à enregistrer dans les années 1960. Il s'est établi en France en 1969, et c'est sur cette période que se concentre Un dandy en exil.
Comme je le disais, la compilation est excellente. Bien entendu, les orchestrations "arabisantes" dominent, avec une interprétation et une production de grande qualité, mais il y a des surprises, comme la guitare électrique de Daad dagui ou Je pense à celle qui, bien que datant de 1973, sonne quasiment yé-yé. Parmi les chansons qui m'emballent, il y a Écoute moi camarade, Je n'aime pas le jour, je n'aime pas la nuit et Adieu la France ("Adieu la France, bonjour l'Algérie, quand j't'ai quittée, combien j'ai pleuré. Finie souffrance, finie l'indifférence, bientôt je serai avec toi chérie").
Et aussi, on aurait pu faire un superbe EP rien qu'avec les cinq duos masculin-féminin qui ponctuent l'album.
Souvent, l'amour que ces duos dépeignent est tout sauf romantique. Même dans un titre comme Mon amour, il est gentil, la femme chante à un moment "Si jamais tu me trompes je vais te tuer". Sur cette chanson comme dans d'autres, dont Je suis seul, un procédé intéressant est utilisé : un chanteur chante en Arabe, l'autre répond en Français (ou vice-versa), mais les phrases en Arabe et en Français riment.
Dans l'ensemble, l'homme n'a pas la vie facile dans ces duos. Dans Si massoud (Je t'aime et je t'aimerai), il en vient à supplier "Respecte au moins les moustaches qui sont les miens". Dans L'amour maâk, il est confronté à une prostituée raciste :"Je ne monte pas avec quoi parce que tu es un arabe", "Vas-t-en espèce de bicot, c'que tu m'dis m'est bien égal", "Tu m'touches pas pauvre imbécile, je n'aime pas non plus les noirs"...
Ça tombe bien parce que le duo qui m'a carrément fait éclater de rire à la première écoute, c'est Chérie Madame et j'ai pu trouver un exemplaire de ce disque à un prix relativement correct. Certes, à ce prix-là la pochette est en piteux état et le disque bien râpé, mais il passe.
Il existe au moins quatre éditions de ce titre : celle-ci chez Sawt El Atlas, qu'on trouve aussi avec une pochette légèrement différente, une autre chez La Voix du Globe, avec la même pochette, sur laquelle a été ajouté un crédit pour la chanteuse Meriem Abed et qui, coup classique, donne comme auteur de la face A non pas Mazouni mais Si Ahmed Soulimane, le fondateur du label.
La dernière édition, chez Pariphone, avec une autre face B, semble plus ancienne. De toute façon, la date donnée pour Chérie Madame sur la compilation, 1981, me semble tardive par rapport aux photos de pochette, qui font vraiment très première moitié des années 1970.
Quelque part, Chérie Madame est un duo dans le style du Vous me quittez déjà de Melon Galia. Mais là où chez Melon Galia le ton est gentiment moqueur, ici c'est presque féroce.
Voici les répliques de Meriem Abed dans la chanson aux phrases chantées en Arabe. Une partie de ces phrases est traduit chez Born Bad, mais de toute façon on en devine aisément le sens au vu des réponses :
"Comment comment, je n'ai pas compris (...)
Tu n'as pas honte, ta saloperie (...)
Je n’ai pas besoin, non merci (...)
Tu ne sais pas bien danser (...)
Achète-moi une DS (...)
Dans mon cœur, il n’y a pas de place (...)
Tu es fauché et pas riche (...)
Si tu m’aimes, moi je m’en fiche (...)
Je t’en prie, laisse-moi tranquille (...)
Oh la la, quel imbécile !(...)
Oh, le pauvre, il se répète (...)
Mais je m’en fous pas mal, tu es bête (...)"
Et il manque le ton moqueur sur lequel certaines de ces phrases sont balancées. Quant à la musique, elle est entraînante, avec une flûte qui danse dans nos oreilles.
La face B, Short, ne figure pas dans la compilation Born Bad. Chantée en arabe par Mazouni seul, elle s'inscrit dans une série de chansons où il se penche sur les tenues vestimentaires, puisqu'il a aussi enregistré Zetti short et Mini jupe. On trouve Mini jupe sur la version numérique et le vinyl d'Un dandy en exil, mais pas sur le CD, par manque de place.
Il existe un autre 45 tours avec Short en face B. C'est à se demander si le 45 tours de 1981 ne serait pas une réédition avec deux titres déjà précédemment parus.
Mazouni vit actuellement en Algérie. Il a dû quitter la France au début des années 1990 après avoir publié une chanson soutenant Saddam Hussein au moment de la première guerre du Golfe.
Un dandy en exil Algérie-France 1969-1983 de Mazouni est en vente chez Born Bad.
Une autre édition de mon 45 tours avec une photo de pochette de la même session, mais différente.
15 décembre 2019
PHILADELPHIA INTERNATIONAL ALL STARS / MFSB : Let's clean up the ghetto
Acquis neuf à Châlons-sur-Marne en 1977
Réf : 5451 -- Édité par Philadelphia International en France en 1977
Support : 45 tours 17 cm
Titres : PHILADELPHIA INTERNATIONAL ALL STARS : Let's clean up the ghetto (Vocal) -/- MFSB : Let's clean up the ghetto (Instrumental)
J'ai publié plus de 1500 chroniques ici en 14 ans et je n'ai jamais chroniqué deux fois le même disque. Certes, je me suis souvent intéressé à des éditions différentes d'un même disque (avec notamment une série sur Power, corruption & lies), mais dans l'idée, je n'ai l'intention de chroniquer un disque qu'une seule fois, même si ça m'est déjà arrivé, des années plus tard, de relire une chronique et d'avoir envie de la modifier ou la compléter.
Ce qui m'est arrivé plusieurs fois aussi, c'est d'avoir l'idée de chroniquer un disque et de me rendre compte que j'ai déjà fait cette chronique. C'est assez logique, car quand un disque m'intéresse suffisamment pour que je passe du temps à le chroniquer, les raisons qui ont suscité cet intérêt peuvent rester valables des années plus tard. Mais ça confirme que, sur certains aspects, j'ai des trous de mémoire impressionnants.
En général, une rapide recherche sur le blog me confirme qu'un disque est déjà chroniqué ou non quand j'ai un doute, mais les choses ne sont jamais allées aussi loin qu'hier : j'ai passé sûrement deux bonnes heures entre vendredi et samedi à faire des recherches d'information et à préparer un billet pour le 45 tours Girlfriend is better de Talking heads. J'ai commencé à préparer le billet, à y intégrer les images et les vidéos... Ce n'est que quand j'ai entamé la rédaction et que j'ai voulu vérifier toutes mes chroniques étiquetées Talking Heads que je me suis rendu compte avec horreur que cette chronique était déjà en ligne depuis mai 2013 ! Je m'étais demandé pourquoi j'avais bien pu acheter isolément ce disque sur Ebay. La réponse était simple : c'était pour le chroniquer !
La seule chose rassurante dans cette histoire, c'est que quasiment tout ce que je comptais dire hier à propos de Speaking in tongues et Stop making sense, je l'avais déjà exprimé tel quel en 2013. Au moins, sur ce point, je suis consistant avec moi-même !
Comment je me suis retrouvé dans cette situation ? Tout a commencé mardi. Comme je passais quelques jours à Paris, l'ami Philippe D. m'a invité à une projection de Stop making sense, un événement organisé à l'occasion de la sortie en Blu-ray d'une énième version remasterisée de cet excellent film de concert de 1984 réalisé par Jonathan Demme.
Déjà, je croyais avoir revu le film assez récemment en DVD, mais je me trompais : j'ai juste écouté cette année une réédition CD de l'album que je venais d'acheter pas chère en Angleterre, qui a l'avantage par rapport au 33 tours 9 titres original de contenir les 16 titres qu'on entend dans le film.
En sortant de la salle, je me suis fait trois remarques :
1) Purée, la qualité des chansons de Talking Heads est quand même excellente;
2) J'ai vraiment sous-estimé Speaking in tongues à sa sortie. Certes, ce n'est pas un classique comme Remain in light, mais les six titres de l'album interprétés dans le film (le tournage s'est fait à la fin de la tournée Speaking in tongues, le groupe n'a plus jamais tourné ensuite) sont quand même très bonnes, avec une parenté marquée avec Tom Tom Club ;
3) le costume extra-large de David Byrne joue un rôle beaucoup moins important dans le film que dans mon souvenir. Il ne le porte que pendant une ou deux chansons avant d'enlever la veste et, non, il ne se "gonfle" pas pour devenir de plus en plus gros comme je croyais m'en souvenir !
Toujours en sortant, je me disais que j'espérais ne pas avoir déjà chroniqué mon double maxi-45 tours avec This must be the place et Slippery people car ça me permettrait de parler ici de Speaking in tongues.
J'ai vérifié, et je n'avais pas chroniqué ce double maxi, mais au bout du compte (c'est ce qui avait déjà dû se passer en 2013), j'ai préféré envisager de chroniquer Girlfriend is better, car c'est un 45 tours avec la version Stop making sense de cette chanson de Speaking in tongues.
Bon,la chose positive dans tout ça c'est que, en re-préparant ce billet déjà publié, j'ai eu l'idée d'une autre chronique pour ce week-end, celle du tube Let's clean up the ghetto.
Là encore, ça montre que je n'étais pas au meilleur de ma forme en cette fin de semaine. J'étais donc en train d'écouter des singles de Talking Heads en vue de ma chronique tout en m'affairant dans mon bureau. A un moment, je me remets à l'ordinateur après avoir lancé un disque et je dresse l'oreille. "Tiens, elle n'est pas mal cette intro, c'est quoi cette face B de Talking Heads ?", me suis-je dit. Oups, en quelques secondes, j'avais oublié que j'avais fini d'écouter les Talking heads et que je venais de lancer Let's clean up the ghetto. Mais l'enchaînement était parfait et confirme que, au-delà de Take me to the river, la soul-disco a été l'une de leurs influences.
Mais pourquoi est-ce que ce 45 tours des Philadephia International All Stars s'était retrouvé sur ma pile de disques à écouter ? Tout simplement parce que, deux jours plus tôt, chez Gilda à Paris, j'avais acheté le 45 tours TSOP de MFSB. Je pensais l'avoir déjà avec une autre pochette, mais non, je confondais avec Let's clean up the ghetto.
Je pense que l'exemplaire du disque que je chronique aujourd'hui est bien celui que, à l'époque de sa sortie, ma famille avait acheté. Je ne pense pas que mes parents s'y soient intéressés suffisamment pour décider de l'achat. Cela veut dire que, avec mon frère et ma sœur, on avait dû être accrochés à cette chanson au point de tanner les parents pour qu'ils achètent le disque, mais je ne me souviens pas comment il avait pu autant nous marquer. Certes, ce 45 tours a dû avoir beaucoup de succès et il passait beaucoup en radio, mais il y en avait plein d'autres cette année-là, de Rockcollection à Daddy cool, et je suis étonné que celui-ci fasse partie des quelques disques familiaux achetés cette année-là.
En tout cas, plus que le refrain, je sais ce qui a dû nous accrocher dans cette chanson : sa ligne de basse, six notes si je compte bien, énorme. Pas étonnant qu'elle ait été aussitôt reprise en reggae par Johnny Clarke ou qu'elle ait été samplée plusieurs fois.
Let's clean up the ghetto, c'est un projet de Philadelphia International Records, le label de Gamble et Huff. Il y a eu un album, avec des titres inédits des principales vedettes du label, qui sont réunies pour la chanson-titre de plus de huit minutes (divisée en deux faces sur le 45 tours), accompagnées par MFSB, le groupe maison qu'on entend sur la plupart des productions du label.
Quand on a acheté ce disque, je n'ai prêté aucune attention aux stars mentionnées au recto de la pochette (Lou Rawls, Billy Paul, Archie Bell, Teddy Pendergrass, O'Jays et Dee Dee Sharp Gamble), tout simplement parce que je ne connaissais aucun de ces noms.
Ce qui est rare dans ce type de chanson qui réunit plusieurs artistes pour une bonne cause, c'est qu'on n'a pas du tout l'impression à l'écoute d'avoir juste des gens qui se succèdent chacun leur tour au micro pour dire quelques lignes. Même si dans les faits c'est ce qu'il se passe, on arrive ici à quelque chose de parfaitement réussi et homogène.
En pleine période disco, la chanson est certes dansante, mais conserve des racines rhythm and blues fortement marquées. Côté paroles, on est dans le "socialement conscient", proche dans l'esprit de certaines chansons de Curtis Mayfield. Inspirées par la vision d'horreur de New York à l'époque d'une grande grève des éboueurs, elles appellent les habitants des ghettos à se prendre en main pour gérer leur quartier, sans compter sur les autorités. Fort logiquement, les bénéfices de ce projet sont allés au soutien d'actions communautaires dans les quartiers de Philadelphie.
Dans l'esprit, une chanson comme celle-ci annonce le rap. On n'est après tout en 1977 que cinq ans avant la publication de The message.
La face B du 45 tours est intéressante car il me semble qu'elle est différente de la deuxième partie, largement instrumentale, de la version album de la chanson.
Je n'aurai donc pas chroniqué un disque de plus de Talking Heads ce week-end, mais je suis bien content d'avoir eu l'occasion de danser en écoutant Let's clean up the ghetto !
08 décembre 2019
SHIVAREE : Breach
Acquis chez Gilda à Paris le 18 novembre 2019
Réf : 01143-2006-2 -- Édité par Zoë aux Etats-Unis en 2004
Support : CD 12 cm
5 titres
J'étais venu à Paris pour le boulot et je pensais avoir juste le temps en fin de journée de faire des emplettes chez Gilda et Parallèles. Sauf qu'en arrivant à 18h45 à la boutique, j'ai découvert que les horaires avaient changé et que la fermeture n'était plus à 20h mais à 19h. Je n'ai donc eu que quelques minutes pour regarder à toute vitesse les CD maxi ou en pochette cartonnée à prix bradé. J'en ai trouvé beaucoup moins que d'habitude, bien sûr, mais je suis quand même reparti avec une grosse poignée de disques, dont celui-ci de Shivaree.
On n'a beau voir que la chanteuse Ambrosia Parsley sur les pochettes, Shivaree était un trio américain, composé également du guitariste Duke McVinnie et du clavier Danny McGough, qui a notamment joué avec Ramsay Midwood et tourné avec Tom Waits (Quels noms ils ont tous, si c'est les vrais, pas besoin effectivement de se chercher un pseudo !).
Je connais bien sûr et j'apprécie leur tube Goodnight moon, et au fil du temps j'ai fini par acheter leur premier album I oughtta give you a shot in the head for making me live in this dump.
Je ne connaissais pas du tout ce maxi, mais il m'a suffi de retourner la pochette pour voir qu'il s'ouvrait par une reprise de The fat lady of Limbourg de Brian Eno pour le mettre aussitôt dans ma petite pile.
Il s'avère que Breach est sorti à l'automne 2004, en pleine campagne électorale américaine (celle qui aboutira à la réélection de George W. Bush), pour annoncer la sortie début 2005 du troisième album, Who's got trouble ?.
Pour des raisons contractuelles, le deuxième album n'était pas sorti aux États-Unis, mais la réputation du groupe avait connu un sursaut en 2004 avec l'inclusion de Goodnight moon sur la bande originale de Kill Bill : Vol. 2.
On trouve sur ce maxi cinq titres, avec d'abord deux extraits de l'album à venir, plus deux reprises et un titre original inédit par ailleurs.
Habituellement, c'est plutôt Peter Saville qui pille les autres, mais ici la barre colorée sur la pochette me fait fortement penser à celle qu'on trouvait en 2001 sur la pochette de Get ready de New Order.
J'imagine que le groupe a disposé d'un budget impressionnant pour l'enregistrement de son album. Rien que pour ce maxi, il y a trois producteurs extérieurs (plus Danny McGough) et six studios pour l'enregistrement et le mixage, tous à New York sauf Plus XXX à Paris, où l'album a été mixé. Ce séjour à Paris explique sûrement la collaboration avec Bertrand Burgalat, qui joue du piano électrique Rhodes sur l'album.
J'ai chroniqué ici il y a déjà bien longtemps Taking tiger mountain (by strategy), et j'ai inclus ce disque parmi les grands précurseurs du genre dans ma Discographie personnelle de la New Wave. Plus le temps passe et plus j'apprécie cet album, un disque uniformément excellent et mon préféré de Brian Eno. Malgré cela, son influence directe reste assez limitée en terme de reprises. De tête, je peux citer Third uncle par Bauhaus, le morceau-titre et Put a straw under baby par Pascal Comelade, Taking tiger mountain étant également repris par les inspirés The Pascals.
Shivaree fait donc à mon sens preuve d'un excellent goût en reprenant The fat lady of Limbourg. Leur version permet de redécouvrir la chanson avec une oreille neuve, d'apprécier la qualité de sa construction et ses différents éléments marquants, et de se pencher un peu plus sur les paroles bien délirantes, avec la grosse bonne femme du Limbourg qui demande un baiser bien collant comme récompense pour goûter des échantillons et un gros œuf de canard noir qui se révèle être en cire !
La chanson suivante, I close my eyes, est aussi extraite de l'album et c'est un original de Shivaree. Elle aurait bien pu sortir en titre principal de single : c'est pour elle qu'une vidéo a été réalisée et elle a aussi circulé en disque promo. On voit bien la parenté avec Goodnight moon et c'en est un digne successeur, sauf que là le succès n'a pas été particulièrement au rendez-vous.
Le titre suivant est une reprise de Fear is a man's best friend de John Cale. la version originale de l'album Fear est sortie en 1974, comme Taking tiger mountain, et les deux albums ont comme musiciens en commun Eno et Phil Manzanera. La voix un peu paresseuse d'Ambrosia Parsley fonctionne très bien par ailleurs, mais là, sa façon de chanter le refrain sans conviction ni passion dessert complètement cette version. C'est pourtant une chanson importante pour le groupe : ils l'avaient déjà reprise une première fois en 2000, en face B de John, 2/14.
Le titre suivant est encore une reprise, d'un titre que je connaissais pas bien, Strange boat des Waterboys, sorti à l'origine sur l'album Fisherman's blues. Cette version est un duo avec Ed Harcourt qui fonctionne bien. Il y a un petit côté Bruce Springsteen dans les deux versions, je trouve.
Le dernier titre, 657 bed b, est également un duo, cette fois avec Scott Bondy de Verbena. C'est une réussite qui sonne comme un classique de la country, sauf que c'est une composition originale.
Shivaree est un groupe qui semble avoir aimé les reprises. Avant de se séparer, le groupe a sorti un quatrième album, Tainted love : Mating calls and fight songs, uniquement composé de reprises (mais on n'y trouvait pas la trace de la chanson de Gloria Jones !).