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26 août 2023
MIKE OLDFIELD : In dulci jubilo
Acquis sur le vide-grenier de Pierry le 30 septembre 2012
Réf : 640.079 -- Édité par Virgin en France en 1975
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Ommadawn -/- In dulci jubilo
A la fin des années 1970, il y avait pas mal de copains autour de moi qui avaient des albums de Mike Oldfield, souvent Tubular bells, mais aussi Hergest ridge. Généralement, ces copains avaient aussi des disques de Genesis, Ange, Pink Floyd, Supertramp...
Pour moi, Oldfield a toujours été principalement un artiste à albums, même si, avec mon frère, le premier titre qu'on a écouté et apprécié de lui était un 45 tours, le très folky Portsmouth. C'est pour ça que j'ai été surpris en lisant récemment un article à son sujet dans Mojo ou Uncut d'apprendre qu'il avait non seulement sorti beaucoup de singles, mais que, sans être à proprement parler une pop star, il avait eu un bon paquet de tubes. J'aurais pu éventuellement citer Moonlight shadow et To France, mais il y en a eu un paquet d'autres qui ont été un grand succès dans l'un ou l'autre pays du monde.
C'est l'occasion de ressortir ce 45 tours trouvé à Pierry il y a presque onze ans, dans un lot d'une vingtaine de disques à 20 centimes pièces, le jour même où j'avais trouvé sur un autre stand le légendaire Too fortiche des Yper-Sound. Ce disque m'intéresse pas tant pour sa musique que parce qu'il est une très bonne illustration des acrobaties éditoriales des maisons de disques françaises au fil des années.
Avec cette pochette, on n'est pas si loin de celle de Saint-Amand. Elle se contente d'annoncer en gros "In Dulci Jubilo du nouveau chef-d’œuvre de Mike Oldfield Ommadawn". C'est un peu présomptueux, mais pourquoi pas. Autre bizarrerie : avec tout ça, on s'attendrait à ce qu'In dulce jubilo soit la face A du disque, or les étiquettes de rond central la placent en face B.
Problème : sur l'album Ommadawn, aussi bien dans l'édition originale anglaise sortie le 21 octobre 1975 que dans son équivalent français (référence 940 513, distribution par la filiale de Barclay Compagnie Phonographique Française/C.P.F.), aucune trace d'In dulce jubilo...!
Cet album ne comporte qu'une seule composition, Ommadawn, divisée en Partie 1 et Partie 2 sur les deux faces de l'album. Notons, ça va nous être utile pour la suite, que la Partie 2 se termine par une chanson, qui n'a pas de titre spécifique sur l'album mais qui, par la suite, a été désignée comme étant On horseback.
Moins d'un mois après l'album, le 14 novembre 1975, Mike Oldfield a sorti en Angleterre un single "de Noël", avec en face A, un inédit, In dulce jubilo, et On horseback en face B.
Mon 45 tours référencé 640 079 est l'édition française de ce single, sortie vraisemblablement au tout début de 1976.
Mais alors, cette information sur la pochette laissant entendre qu'In dulce jubilo est tirée d'Ommadawan, elle est fausse ??
Eh bien non, cette information est vraie ! Parfois, il faut savoir prendre le taureau par les cornes, quitte à modifier la réalité si elle ne nous convient pas. Visiblement, C.P.F. voulait bien publier en France In dulce jubilo, mais à condition que ça serve à faire la promotion du nouvel album Ommadawn. Alors, ni vu ni connu je t'embrouille, ils ont aussi publié début 1976 une deuxième édition de l'album Ommadawn, référencée 940 529, sur laquelle, Abracadabra, on trouve In dulci jubilo à la fin de la face B.
Pourquoi pas, puisqu'après tout, cette pratique d'ajouter d'un single anglais sur un album à l'étranger est vieille comme le rock (On peut citer l'exemple de Gangsters sur le premier album des Specials). Sauf que ces imbéciles de C.P.F. ne se sont pas contentés d'ajouter ce nouveau titre, ils en ont profité pour supprimer On horseback, alors qu'on atteignait à peine 21 mn sur la face en laissant la partie 2 d'Ommadawn intacte. Ils auraient pu compenser en conservant On horseback sur le 45 tours, comme en Angleterre, mais non, ils ont choisi d'y mettre un extrait du "chef-d’œuvre"...
J'imagine la rage d'Oldfield si on lui a un jour dévoilé ce tour de passe-passe. C'est un manque complet de respect pour son œuvre, un peu comme si un galeriste avait de son propre chef coupé le coin d'un tableau pour le remplacer par un bout d'une toile plus récente.
In dulce jubilo (Dans la douce réjouissance) est un chant de Noël allemand qui remonterait au XIVe siècle. Mike Oldfield en a enregistré une première version en octobre 1974, sortie en février 1975 en face B du 45 tours Don Alfonso. Cette version, In dulce jubilo (for Maureen), est dédiée à sa mère, morte deux mois après l'enregistrement.
Oldfield pensait qu'il pouvait faire mieux que cette version. C'est pour cela qu'il l'a retravaillée et complétée. Cette deuxième version d'In dulce jubilo, celle de mon 45 tours est un instrumental très folk-rock. Les flûtes de Les Penning dominent la première partie, avant l'intervention de la guitare électrique de Mike Oldfield. Le succès a été au rendez-vous, puisque le 45 tours a été classé 4e du hit parade anglais. Dans le même esprit, la paire Oldfield/Penning fera encore mieux l'année suivante avec Portsmouth, qui se classera 3e.
Pour l'autre face, la A selon les étiquettes, qu'a donc choisi le label français pour remplacer On horseback ? Eh bien, quitte à faire du charcutage, il a été décidé de découper un extrait d'Ommadawn, précisément les dernières minutes de la Partie 1. Cerise sur le gâteau, il parait que le mixage sur cette version est différent de celui de l'album.
Comme Mike Oldfield est multi-instrumentiste et réputé pour être un sorcier du studio, j'ai toujours pensé qu'il enregistrait principalement seul, à part les chanteurs invités. Mais c'est loin d'être le cas. Rien que sur Ommadawn, il est accompagné par les percussionnistes du groupe Jabula, Paddy Moloney des Chieftains à la cornemuse irlandaise, Pierre Moerlen de Gong aux timbales, et Sally Oldfield et Bridget St John au chant.
En fait, j'aime bien la première partie de cette face, avec le chant, les percussions et encore des flûtes. Ça se gâte sur la fin avec le solo de guitare de Mike Oldfield couplé avec des synthés, qui est à peu près inécoutable pour moi et qui me rappelle pourquoi j'ai toujours détesté le rock progressif.
Les paroles en tout cas ne manquent pas d'humour. Même si elles sont retravaillées pour les rendre obscures, elles seraient dérivées de l'irlandais et signifieraient : "Papa est au lit, le chat boit du lait, je suis l'idiot chantant", "Ommadawn" désignant l'idiot.
En France en tout cas on appréciait cette musique. Et en 1977, quand Polydor a repris la distribution de Virgin, ce 45 tours a été réédité sous la référence 2097 930, de façon un peu plus cohérente, avec l'illustration de pochette et le titre de l'album Ommadawn mis en évidence.
Mike Oldfield, In dulce jubilo.
Mike Oldfield pendant l'enregistrement de l'album Ommadawn, un reportage de 1975.
Mike Oldfield, Ommadawn, en concert au festival de Knebworth en 1980.
J'ai raté ça quand j'ai rédigé ma chronique, mais la fois où Mike Oldfield a interprété In dulce jubilo pour l'audience la plus grande, c'est assurément à l'occasion de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques à Londres en 2012.
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