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13 juillet 2020

THE BERMUDA STROLLERS : Bermuda Strollers '73


Acquis par correspondance via Discogs en juin 2020
Réf : ELPS 1122 -- Édité par Edmar aux Bermudes en 1973
Support : 33 tours 30 cm
10 titres

J'ai réécouté récemment le Monologue about Bermuda de Jonathan Richman qu'on trouve sur l'album Having a party with Jonathan Richman. C'est particulier pour lui car d'habitude il privilégie l'improvisation sur scène, ne sachant pas d'avance ce qu'il va jouer, mais là il a construit ce qui est quasiment un sketch qu'il a interprété plusieurs fois quasiment à l'identique lors de ses concerts vers 1991-1992, notamment à Reims le 19 mars 1992.
Il commence par chanter sa chanson Down in Bermuda, de l'album Rockin' and Romance, avant de s'interrompre pour expliquer dans le détail, démonstrations musicales à l'appui, comment ce séjour l'a incité à changer en lui permettant de se rendre compte que la musique de son groupe The Modern Lovers était trop raide et coincée. C'est drôle et parfaitement interprété : avec juste sa guitare, il réussit parfaitement à évoquer - pour s'en moquer - le son des Modern Lovers première période.
Ce qui l'a vraiment marqué au cours de ce séjour, c'est le groupe vedette de l'île, The Bermuda Strollers, des "vieux" d'une quarantaine d'années qui jouaient du calypso. Et, dans le monologue, Jonathan explicite son propos en jouant quelques mesures de leur version de Bang bang Lulu.
Je n'y avais jamais pensé, mais après avoir réécouté ça j'ai eu l'idée d'aller écouter le Bang bang Lulu des Bermuda Strollers. Je ne l'ai pas trouvé en ligne, mais sur Discogs il y avait sept albums listés pour les Bermuda Strollers, dont l'un, celui de 1973, avec une pochette qui claque, contenait la chanson qui m'intéressait. Et comme un vendeur français le proposait à un prix tout à fait correct, je me le suis offert.
Je me suis toujours demandé comment The Modern Lovers s'étaient retrouvés à jouer aux Bermudes. En fait, l'archipel est l'une des destinations du "Spring break", les vacances ultra-festives des étudiants américains. Et il se trouve que les propriétaires de l'Inverurie Hotel aux Bermudes étaient de Cambridge, Massachusetts. Comme ils recherchaient un groupe pour y animer la semaine en 1973, un voisin, Charlie Giuliano, a proposé à leur fils d'embaucher un groupe du coin, les Modern Lovers.
Après un début de semaine difficile, les Modern Lovers ont étoffé leur public petit à petit, mais les vraies vedettes en ville, qui jouaient pour des foules énormes, c'était le groupe officiel de la semaine, The Bermuda Strollers.


Un documentaire d'époque sur le Spring break aux Bermudes.

The Bermuda Strollers ont démarré en 1958. Au fil des années, ils sont devenus les ambassadeurs des Bermudes. Comme souvent dans les zones touristiques (Marcel Bianchi sur la Côte d'Azur ou en croisière, les groupes à Tahiti, Hawaï, en Guadeloupe ou en Martinique), ils jouaient surtout dans les hôtels, les restaurants ou sur les plages.
Le groupe, qui se présentait parfois comme jouant du Calypso rock, était mené par le guitariste Ted Ming et comprenait aussi à cette époque le bassiste Lawrence Minors, qui est mort à 73 ans en 2016. Dans son Monologue, Jonathan faisait la démonstration de la qualité de leur jeu. Le groupe comprenait aussi le frère de Ted John Ming, le batteur Ridgley Darrell et Rudy Ford. Il y aussi une section de cuivres.
C'est Ted Ming qui a dédicacé mon exemplaire du disque avec la mention "To Rosetta, Happy day always".
Les disques que les Bermuda Strollers enregistraient régulièrement, étaient avant tout destinés à être des souvenirs pour les touristes. Ils reflétaient donc le répertoire du groupe, mélange de succès du moment et de classiques locaux incontournables. C'est ainsi que la plupart des douze chansons qu'on trouve sur l'album de 1973 ont été enregistrées plusieurs fois, à commencer par leur hymne Wings of a dove (sur 4 albums), mais aussi Bermuda is another world et Archie - Go down Moses (3) et Ride your donkey, Yellow bird et La Bamba (2).
On sent à l'écoute que les Bermuda Strollers était un groupe chargé de mettre de l'ambiance dans les soirées. le titre d'ouverture Bermuda is another world, reprise d'une des vedettes du calypso Hubert Smith, est une carte postale pour touristes assez insupportable, mais dès le deuxième titre Show me le tempo est assez frénétique et il y a quand même des choses très intéressantes sur le disque.
Parmi les versions de tubes du moment, on trouve le slow Rainy night in Georgia (qui devient Rainy night in Bermuda, bien sûr) et Help me make it through the night. Et pour les classiques des îles, il y a donc Wings of a dove, enchaîné avec Ob-la-di, Ob-la-da, Island in the Sun et Yellow bird (également connu sous le titre Choucoune)
Archie et Ride your donkey, reprise d'un rock steady de 1968 des Tennors, sont deux de mes titres préférés.
Et puis bien sûr il y a Bang bang Lulu, version d'un traditionnel assez grivois prise elle aussi à un rythme d'enfer. C'est assez impressionnant de voir que, des années après, Jonathan Richman en rendait parfaitement l'ambiance en quelques notes. Un procédé comique assez courant est utilisé pour les paroles : les rimes des couplets nous laissent attendre des fins assez salées ("Ass", "Fuck her", "Dick"), mais le refrain reprend avant que ces mots soient prononcés.
L'influence des Bermuda Strollers sur Jonathan Richman a été forte. Non seulement, son attitude par rapport à la musique a été changée, ce qui a précipité la fin des Modern Lovers première époque, mais il s'est aussi mis à écouter du calypso et, comme il a eu l'occasion de l'expliquer lui-même sur scène à Binghamton dans une version un peu différente du Monologue, il s'en est inspiré en pompant et modifiant le rythme du calypso pour écrire des chansons comme Here come the Martian Martians ou Abominable snowman in the market.
Et cette influence est ressentie jusqu'en Australie, où un groupe  de reprises de Jonathan Richman s'est baptisé The Bermuda Strollers !

A écouter :
The Bermuda Strollers : Bang bang Lulu
The Bermuda Strollers : Ride your donkey

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