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24 octobre 2006
GIANT SAND : Chore of enchantment
Acquis par correspondance chez Ow Om aux Etats-Unis en octobre 1999
Réf : V2ADV-27061-2 -- Edité par V2 aux Etats-Unis en 1999 -- For promotional use only
Support : CD 12 cm
16 titres
Ça fait longtemps que je n’ai pas fait le compte, mais Howe Gelb a bien dû sortir en tout une quarantaine d’albums, sans exagérer. Si on jouait au jeu à la con qui voudrait qu’on n’en garde qu’un seul, c’est celui-ci que je choisirais, sans aucune hésitation. Et pourtant, ce chef d’œuvre fin de siècle, ce petit bijou de production, a bien failli ne jamais être diffusé au public !!
En effet, le 30 mai 1999, Howe annonçait tout fièrement sur le livre d’or de son site officiel que le nouvel album de Giant Sand, "Chore of enchantment" sortirait fin août. Il précisait que ce serait la première fois qu’un de leurs disques aurait une sortie mondiale sur un seul label le même jour, et que, en toute honnêteté, c’était quelque chose qu’ils avaient voulu faire avant la fin du siècle. La précédente fois que Giant Sand avait signé avec une filiale de major, c’était avec Imago pour "Glum" en 1994. Malheureusement, le label avait été mis en faillite peu de temps après la sortie du disque. Là, c’est la qualité et le succès de "Slush", l’album d’OP8 enregistré avec Lisa Germano, qui avait ouvert à Howe les portes de V2.
Mais le 7 août, patatras. Howe annonce que V2 a décidé de ne plus rien avoir à faire avec Giant Sand. Son commentaire : "Difficile de dire si c’est un problème ou pas. Maintenant on ne le saura jamais". En tout cas, il enchaîne aussitôt en proposant de vendre à ceux qui fréquentent régulièrement le site les exemplaires promos du disque : si le groupe décide d’abandonner la sortie de l’album, il en restera une trace, et avec moins de 500 exemplaires ça en fera un collector
Ow Om, le label maison étant une petite structure, et Paypal n’existait pas encore ou ne s’était pas imposé. En tout cas, je me suis retrouvé au bureau de poste, à envoyer un mandat postal international à Tucson, le genre de truc qui coûte très cher et met très longtemps à arriver. La preuve : ce n’est que début octobre 99 que j’ai reçu mon exemplaire, dans sa petite boite transparente en plastique souple, sans pochette ni livret, faut pas trop en demander, mais avec une photo dédicacée (un clin d'œil au cliché pris par Will Oldham pour la pochette du "Spiderland" de Slint).
Le 1er novembre, après un mois d’écoute, je communiquais mes premières impressions sur le forum.
Ce que je ne savais pas à l’époque, c’est que l’album avait eu une longue gestation de dix-huit mois (mais seulement cinq semaines de studio sur cette période). Fin 1997, Howe avait quitté un moment la tournée européenne d’OP8 pour se rendre au chevet de son mentor et meilleur ami, le guitariste Rainer Ptacek. Après le décès de Rainer, Howe a connu une période de blocage créatif, très inhabituelle chez lui. Quand il a été prêt à enregistrer, avec John Parish à Tucson puis avec Jim Dickinson à Memphis, il s’est heurté au fait que les deux autres membres du groupe, Joey Burns et John Convertino, étaient de moins en moins disponibles, leur autre groupe Calexico ayant pris de l’importance dans l’intervalle. Ce qui explique qu’une bonne partie du disque a été complétée et mixée avec Kevin Salem à New-York, sans la section rythmique titulaire de Giant Sand.
Cet album est littéralement habité par l’ombre tutélaire de Rainer, à qui le disque est dédié. Du point de vue sonore, cela ne se traduit pas seulement par le titre qui clôt l’album, "Shrine", qui est littéralement un autel dédié à Rainer, avec un vrai bout de son jeu de guitare slide dedans. La trouvaille musicale qu’a trouvée Howe Gelb pour associer Rainer à son œuvre, ça a été d’utiliser des extraits d’une cassette de ses airs favoris d’opéra, retrouvée par sa femme après son décès. Le disque s’ouvre et se clôt avec certains de ces airs, mais l’utilisation la plus poignante qui en est faite, c’est sur "No reply", avec un air de "L’élisir d’amour" de Donizetti qui porte un titre approprié, "Une larme furtive", et qui est magistralement incorporé à la chanson, presque comme un instrument solo.
Globalement, le disque est surtout sur des tempos moyens et lents. Même "Dusted", le titre qui ouvre l'album, que j'avais découverte dans une version très électrique sur scène en avril 97, a ici un rythme très ralenti, une sorte de déhanchement porté par la basse. On est tout à fait dans la lignée de "Glum" et "Slush", et pas loin dans l’esprit du "Love sick" de Dylan sur "Time out of mind", avec de la production studio en plus. De la production, mais aussi de la spontanéité : la fontaine de l’Ardent Studio joue la pluie sur "Dirty from the rain" et le train de marchandises du soir de Tucson s’invite à la fin de "Way to end the day".
Pour changer de rythme, il n'y a guère ici que le groovy "Wolfy", la vignette "1972" et "Satellite", qui rappelle le Giant Sand rock de "Center of the universe" ou des débuts du groupe. Entre ces deux titres, il y a une séquence imparable avec "Shiver", "Dirty from the rain", "Astonished" No reply, des chansons poignantes, d'un très haut niveau de qualité. Il est extrêmement rare d'en trouver un aussi grand nombre réunies sur un seul album, d'autant qu'il y en a d'autres du même niveau ailleurs sur le disque, notamment "Raw", une véritable prouesse, un exercice d’équilibre avec un fil tendu sur lequel viennent taper les marteaux du piano.
La qualité musicale est impressionnante. Pour ne prendre qu'un exemple, il y a la fin de "Astonished": le solo de guitare auquel on pourrait s'attendre est réduit à quelques notes/arpèges d'autant plus efficaces.
Tout au long du disque, la pluie est omniprésente dans les paroles, qui sont au niveau de la performance musicale, particulièrement pour "Raw" (encore), "Astonished", "Shiver" ("Forget aging well like some treasured splendor… With words just so strong and a touch just so tender"), "No reply" et "Way to end the day".
Au bout du compte, avec le soutien des fans, exprimé suite à la diffusion de la version promo du disque, des amis musiciens et de plusieurs labels, Giant Sand a finalement pris la décision de sortir officiellement "Chore of Enchantment", qui sera diffusé au début de l’année 2000 par Thrill Jockey aux Etats-Unis et Loose en Europe.
Merci pour ton blog. Tu me donnes vraiment envie d'acheter les disques dont tu parles.
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerTant mieux. C'est effectivement un des buts recherchés : donner envie d'aller écouter les musiques que j'aime...