Pages

14 mai 2006

THE SPECIALS : Specials plus


Acquis au Carrefour de Châlons-sur-Marne en 1980
Réf : CHR TT 5003 & 6198 357 -- Edité par Two Tone en France en 1980
Support : 33 tours 30 cm & 45 tours 17 cm
11 & 2 titres

Je suis tombé pour la première fois sur ce deuxième album des Specials un soir, alors que, comme ça nous est souvent arrivé, je faisais les courses à Carrefour avec mon père. Bon, évidemment, ça m'a valu très vite de me faire plus ou moins engueuler car, au lieu de vider le chariot à la caisse, j'étais déjà plongé dans l'examen de la pochette et du 45 tours inclus avec l'album. Sans parler que lui ai sûrement imposé l'écoute du disque le soir même à la maison, mais ça reste un cadeau dont je suis très content et un bon souvenir.
L'album original s'appelle More Specials. En France, le label a eu la bonne idée de traduire le titre. Même si Plus de Specials aurait mieux convenu, ça a surtout l'intérêt de faire ce cette édition une curiosité (en Espagne, c'est Mas Specials qui est sorti...), d'autant que toutes les rééditions en CD portent le titre original anglais.
En Angleterre, l'album est sorti initialement avec un 45 tours contenant deux titres inédits, plus ou moins des projets solo de membres du groupe, Roddy Radiation et Neville Staples. En France, le label a préféré inclure le 45 tours Rat race, qui était sorti à peine quelques mois plus tôt. Tant mieux pour moi : j'avais déjà Gangsters et le premier album, et j'avais aussi investi dans l'import du EP live avec Too much too young, mais je n'avais pas acheté Rat race. Il faut dire que ce disque a dû se vendre mille fois moins que Gangsters en France et sa "carrière" n'a peut-être pas été facilitée par le fait que la "distribution exclusive" de Chrysalis, le label qui diffusait Two Tone hors Angleterre, est passée de chez Phonogram à RCA pile à cette période. RCA a dû récupérer le stock d'invendus avec le contrat, a fait apposer des étiquettes et des gommettes sur 15 000 exemplaires du disque pour masquer toute mention de Phonogram, et les a insérés dans l'album plutôt que de presser un 45 tours spécialement pour l'occasion. Aux Etats-Unis, pas de 45 tours mais Rat race a été inclus sur l'album lui-même.
Ce deuxième album ne pouvait sûrement que décevoir les fans de ska qui venaient de passer un an à danser sur Gangsters, A message to you Rudy, Nite klub ou Too much too young. Les paroles du premier album étaient loin d'être vraiment gaies, mais celles de Specials plus le sont encore moins. Le ton est donné par  Enjoy yourself, qui ouvre et ferme le disque. Il s'agit d'une reprise d'une chanson de 1949, popularisée par Guy Lombardo, mais j'imagine que les Specials étaient surtout familiers avec la version de Prince Buster. Le message de la chanson ("Enjoy yourself, it's later than you think, Enjoy yourself, while you're still in the pink, The years go by as quickly as you wink") pourrait se résumer par le slogan hip-pop optimiste, "Le temps passe vite, vivez heureux en attendant la mort" !. Ce n'est pas désagréable, mais pour les Specials le moment de grâce était déjà passé. Les fans attendaient encore un disque rapide et dansant, ils se sont retrouvés avec un album patchwork, sans grande unité, avec des titres au tempo plutôt moyen et une tonalité nouvelle inattendue, une sorte de muzak easy listening, qui marque la dernière partie du disque. Les chansons prises individuellement sont plutôt bonnes, mais le disque ne fonctionne pas bien en tant qu'album, et surtout il était déroutant. Ça ne m'empêche pas d'apprécier une bonne partie de ses chansons prises individuellement.
Les singles sortis par le groupe en 1980 sont symptomatiques de cette situation. Ils se sont certes plutôt bien vendus en Angleterre mais, tout comme Rat race, les deux titres extraits de l'album, Stereotype et Do nothing, n'avaient pas l'allure de tubes. 
Stereotype est pourtant un morceau d'anthologie que je fais figurer sans hésitation dans mon panthéon personnel (Ne me demandez pas la liste des titres ce panthéon, je serais bien incapable de vous la donner !), mais dans sa version album, mise au pluriel en Stereotypes car il y deux parties, Stereotype, la version du single, et Stereotype pt 2. Ce n'était pas évident de classer ce single dans les dix premières ventes du moment : petite boite à rythmes Casio, trompette mexicaine, quelque chose qui sonne comme un balalaïka, et l'histoire d'un gars stéréotypé qui se bourre la gueule tous les soirs, rentre chez lui écouter sa stéréo, et finit par se planter dans un lampadaire en bagnole alors qu'il est poursuivi par les flics après sa première cuite post-cure de sevrage alcoolique...
La première partie est bien, mais on aurait pu se contenter de commencer à la deuxième, qui est une sorte de discomix à la jamaïcaine. Ça commence par reprendre intégralement la partie 1, avant d'enchaîner sur un dub toasté, boite à ryhmes qui s'éclate, grosse basse, effets stéréo sur les voix, et Neville Staples dans le rôle du DJ jamaïcain qui improvise à partir des paroles originales (le gars stéréotypé, l'alcool, la musique en stéréo) un toast qui me touche toujours autant, même vingt-cinq ans plus tard. Peut-être parce que j'ai un peu l'impression d'entendre mon portrait : "All I want is my stereo (...) I don't drink no beer (...) They call me the stereo type (...) You stop into your flat and you feel so relax with your stereo (...) I don't need no speed to make me go fast, Just give me little 45 and 33, I buy my stereo I want to be free, I'm a stereo type".
Même si, à part Stereotypes, j'ai beaucoup moins écouté cet album que le premier, je restais assez intéressé par le groupe pour m'offrir à Londres l'années suivante le livre Specials illustrated, qui contenait les paroles et les accords des chansons des deux albums, illustrées par Nick Davies. Un livre jamais réédité, actuellement très recherché par les fans du groupe.

La réédition remasterisée de 2002 de More Specials est toujours disponible en CD. Elle ne comporte aucun bonus, même pas les deux titres du 45 tours de l'édition anglaise.


The Specials, Stereotypes, en public à Amsterdam, dans l'émission Countdown.





2 commentaires:

  1. Encore le vieux thorax au rapport!
    moi aussi j'ai connu ce disque par le biais de Stereotype, entendue sur la compile 2Tones (version bleue ou rose au choix). Et je la trouvais super belle et émouvante, mais je n'ai jamais cherché à comprendre le texte (ah, la flemme!) et je ne savais pas du tout que ça parlait de ça. Je croyais en toute logique qu'il s'agissait d'un gamin de 15 ans qui est triste à cause d'un terrible chagrin d'amour, ou alors d'un plaidoyer contre la misère dans le monde, style Bob Marley ! Le genre de titre pour lequel on faisait marcher la touche REW du walkman une bonne dizaine de fois de suite... Par contre je te trouve sévère avec le reste de l'album. S'il est vrai qu'il manque d'homogénéité, il est quand même excellent, avec plein de titres attachants, comme Hey, little rich girl, Do nothing, Holiday for tonight, I can't stand it (en duo avec Rhoda Dakar)... En fait tout est super à part Enjoy yourself qui devient un peu lassant à la longue + Sock it to 'em JB qui fait trop figure de style. Pour le reste, de la musak comme ça, ben j'en redemande !! C'est comme pour le Sandinista des Clash : au début on est plutôt déçu mais 20 ans + tard, c'est devenu celui qu'on réécoute le + souvent.
    (Ceci dit le 1er Specials est bien sûr un must absolu).
    A part tout ça il y a une bonne version 60's rutilante de Enjoy yourself par Enoch Light & The Light Brigade sur "Pertinent percussion cha cha's" un LP avec un son d'une dynamique hallucinante !
    Et pour le détail, l'album ici présenté est le pressage français "Specials plus" car il est plus couramment connu sous le nom de "More Specials" (et je ne crois pas que la version "Plus" est jamais été rééditée).
    Bon, du coup j'ai réécouté tout le disque. merci, Pol Dodu !
    : )

    RépondreSupprimer
  2. J'ai relu récemment cette chronique, qui a déjà presque huit ans, et j'ai eu l'impression qu'il en manquait la moitié !
    Presque rien sur l'achat du disque et les particularités de cette édition et l'impression que je n'avais vraiment évoqué que le titre essentiel, Stereotypes.
    Je viens de compléter ça, et j'en ai profité pour ajouter une sélection de vidéos.

    RépondreSupprimer