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12 juillet 2025

EAST OF EDEN : Le 1er disque pirate d'East Of Eden


Acquis sur le vide-grenier de la rue Caulaincourt à Paris le 24 septembre 2022
Réf : 17.048 -- Édité par Deram en France en 1970
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Jig-a-jig -/- Marcus junior

Au lendemain du concert de Mozart Estate au Paris Popfest en 2022, j'avais repéré deux brocantes à faire avant de retourner à la maison. Manque de bol, une pluie fine imprévue s'est invitée toute la matinée.
Je n'ai rien trouvé à la broc assez sympathique et familiale de Pont-Ruisseau, et heureusement qu'un vendeur professionnel 'soldait' une partie de ses disques rue Caulaincourt : cela m'a évité de rentrer bredouille. Au bout du compte, à 3 € le 33 tours d'Hurard Coppet et 1 € la poignée 45 tours de gens comme Jah Cure, The Colour Field, Sons & Daughters ou Will Sheff, j'ai fait une assez bonne récolte.

Je ne connaissais pas du tout East of Eden. J'ai pris ce disque uniquement parce que la pochette m'a intrigué. Avec le slogan "Le 1er disque pirate d'East Of Eden", j'ai pensé qu'il s'agissait d'un disque promo. Mais non, c'est bien l'édition originale commercialisée en France de ce 45 tours qui se donne des atours de disque pirate. La première fois que j'ai été confronté à ce procédé, c'est avec le Live! Bootleg d'Aerosmith en 1978, que plusieurs des copains du quartier avaient acheté.
Certes, à cette époque il me semble que la vogue des disques pirates prenait de l'ampleur, et les radios pirates avaient aussi le vent en poupe, ça pouvait donc éventuellement être vendeur d'associer le groupe au côté rebelle de la piraterie. Mais là, ça vient comme un cheveu sur la soupe et sans aucune explication (aucune référence par ailleurs au verso ou sur le disque à cet aspect pirate). Je trouve cela plutôt anti-commercial qu'autre chose.

East of Eden s'est formé à Bristol en 1967. On les classe dans le rock progressif, avec des tendances jazz ou symphonique. Je ne suis surtout pas allé vérifier ces informations !
Ils ont sorti deux albums chez Deram en 1969 et 1970, avant de quitter le label pour Harvest. Comme d'autres (je pense aux Zombies, qui ont connu le succès avec She's not there Time of the season alors qu'ils venaient de se séparer), East of Eden a eu son plus grand succès avec un disque sorti sans leur accord, pas du tout représentatif de leur parcours. En effet, c'est Deram qui a sorti en mai 1970 Jig-a-jig, un medley de trois airs traditionnels, qui met en avant leur violoniste Dave Arbus. Le groupe le jouait assez ironiquement en rappel de ses concerts et n'imaginait qu'il serait un jour une face A de 45 tours et aussi leur seul grand succès !

Initialement, j'ai écouté le disque et je l'ai rangé sans le chroniquer, malgré sa pochette mystérieuse. Je l'ai ressorti tout récemment après avoir vu passer en ligne un lien vers la face B du 45 tours, Marcus Junior, avec un commentaire qui m'a surpris à propos d'une "version prog-folk d'un classique ska de Don Drummond".
Comment ça, Don Drummond, le tromboniste des Skatalites ? Celui qui, malade mentalement, a tué sa femme et est mort en hôpital psychiatrique à 35 ans ? Oui, lui, qui a composé plus de 300 titres, dont effectivement Marcus Junior, sorti en 45 tours sous son nom en 1964.
J'ai réécouté la version East of Eden pour vérifier, et elle n'a rien de ska. Et comme le titre est crédité "Drummond" sans prénom, je ne risquais pas de faire le lien avec les Skatalites. Mais il s'agit bien de la même composition, arrangée de façon totalement différente.
La grande question, c'est comment un groupe progressif se retrouve à reprendre du Don Drummond (et pas qu'une fois, puisque sur leur album Snafu, on trouve non seulement Marcus Junior mais aussi une autre reprise de Don Drummond, Confucius) ?. Eh bien, le saxophoniste Ron Caines nous donne l'explication dans un entretien pour Friars Aylesbury : il avait entendu ces titres dans un club reggae, acheté les disques,  et le groupe les a intégrés à son répertoire sur scène dès ses débuts.

Un pseudo-disque pirate et une surprenante reprise d'un titre ska, c'est suffisant pour faire ma journée...

Dave Arbus (1941-2025) est mort ce printemps. Il était passé au fil des années de l'archet de violon aux crayons et pinceaux. Les annonces de sa mort mentionnent à peine East of Eden pour se contenter du fait qu'il joue sur Baba O'Riley des Who.


East of Eden, Jig-a-jig, une version courte mais excellente, à la fin d'une émission de la RTBF, vers 1970.

06 juillet 2025

THE EQUATORS : Baby come back


Offert par Claire B. à Mareuil sur Ay le 7 juin 2025
Réf : 640 206 -- Édité par Stiff en France en 1980
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Baby come back -/- Georgie

Après celui d'Essous, voici un autre disque offert par ma sœur Claire, celui-là rescapé d'une déchetterie je crois.
On ne peut pas dire qu'il est courant, mais j'avais déjà eu l'occasion de voir ce disque. Je ne m'y étais pas intéressé, rebuté par le fait que cette reprise par un groupe nommé The Equators de Baby come back, l'excellent tube de 1968 de The Equals, fait penser à ces publications parasites, dont les meilleurs exemples présentés ici sont peut-être Venus par The Blocking Shoes et Yankee Horse, Sea side shuffle par Big Tears and the Crocodile ou Al Capone par Prince of Wales Stars.

Mais ce disque est paru en 1980, il ne s'agissait plus de concurrencer un grand succès du moment. Et surtout, pour l'occasion Stiff a fait appel comme producteur à Eddy Grant, l'auteur et interprète original de la chanson. Cette reprise n'a donc rien d'une quelconque contrefaçon et a tout le soutien des ayant-droits. 

Formé en 1977, même s'ils ont pris ce nom plus tard, The Equators était un groupe de Birmingham composé des quatre frères Brian, Donald, Leo et Rocky Bailey, ainsi que de Cleveland Clarke, Dennis Fletcher et du guitariste Alfonso Renford.
Repérés lors d'un concert où ils étaient à l'affiche avec leurs voisins de Birmingham The Beat, ils ont été signés par Stiff. Précédemment, ils avaient enregistré à Paris en juillet 1979, sous le nom de Mosiah, un album de reggae paru uniquement par chez nous. J'aimerais bien connaître l'histoire de ce disque plus en détails...

Le premier projet assigné par Stiff aux Equators, c'est l'album Black and Dekker de Desmond Dekker : ils l'accompagnent sur trois titres, Lickin' stick, Hippo et Please don't bend.

Cité chez Marco On The Bass, Dave Wakeling explique que The Beat a été influencé par The Equators : ils avaient élaboré avant eux un hybride punk-reggae, qu'ils pratiquaient de manière pleine de "soul" et délicate. Malheureusement pour The Equators, il n'y avait visiblement pas la place pour deux groupes de Birmingham au moment où la vague ska/2 Tone a submergé l'Angleterre.

Mon exemplaire du 45 tours correspond à l'édition originale française de ce disque. Pourquoi deux éditions françaises pour cette parution assez obscure ? Eh bien tout simplement parce que, courant 1980, la distribution française de Stiff est passée de Barclay à Vogue. Barclay a donc arrêté de commercialiser ces disques, et Vogue en a ressorti quelques uns qui étaient récents, comme celui-ci, sous la référence 104 130.

Cette reprise ska de Baby come back est bien sûr accélérée, mais elle reste très fidèle dans l'esprit à la version originale. Ça décolle dans la seconde moitié, quand l'atmosphère se fait d'un coup assez "dubby" et qu'on a droit à une partie de chant toasté, qui pour le coup évoque immanquablement feu Ranking Roger de The Beat.
Cerise sur le gâteau, il existe sur un maxi une Dub version de Baby come back : soit d'abord les trois minutes trente du 45 tours, plus quatre minutes de rab pour mon plus grand plaisir.

La face B, Georgie, est produite par Bob Andrews de The Rumour, qui jouait aussi sur Black and Dekker. Elle est de très bonne tenue.

L'année suivante est sorti Hot, l'unique album des Equators, également produit par Bob Andrews. Les deux titres du 45 tours n'y figurent pas. L'aventure Stiff s'est arrêtée là et le groupe s'est séparé.
35 ans plus tard, The Equators s'est reformé. Ils jouent régulièrement et ont publié quelques nouveaux titres.