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03 mars 2013

AYERS AND ARCHIBALD : Banana follies


Acquis par correspondance vers 1998
Réf : HUX007 -- Edité par Hux en Angleterre en 1998
Support : CD 12 cm
15 titres

Kevin Ayers est mort le 18 février. J'ai quelques regrets de n'avoir jamais assisté à l'un de ses concerts. Au début des années 2000, alors que j'avais fini par m'intéresser à sa musique, il a joué plusieurs fois en Belgique, mais je ne l'ai pas su à temps. Il y a eu en 2006 l'excellent concert en duo avec Max La Villa, qu'on a pu pendant un temps télécharger sur son site. Après la sortie de son ultime album, The unfairground, j'ai guetté de près l'annonce l'annonce d'une éventuelle tournée, mais mes espoirs ont vite été douchés. Il y a bien eu des projets de concerts, sous l'égide de Mojo notamment, mais cette brève a ensuite été publiée : "Néanmoins.........De nombreuses personnes ont écrit en se demandant quand Kevin risquait de s'aventurer à sortir à nouveau et à tourner. N'ayant jamais été un grand fan de la vie en tournée et toujours terriblement nerveux à l'idée de se produire en public, Kevin répugne de plus en plus ces temps-ci à se forcer à le faire. 'Je préfèrerais aller pêcher plutôt que de participer à la compétition', cela demeure son point de vue sur tout ça. Ainsi soit-il.". Quelques temps plus tard, le "site officiel" de Kevin Ayers fermait...
Plutôt que d'essayer de résumer la philosophie de Kevin Ayers (mais Laisse le bon temps de prendre, le titre de l'article de Vivonzeureux! que j'avais publié, reprenant des paroles de la chanson Whatevershebringswesing, convient toujours très bien), voilà ce que Kevin Ayers lui-même disait, dans l'émission de télé Pop 2, à l'occasion d'un concert à la Taverne de l'Olympia en mai 1970 : "La musique que je préfère moi c'est quand on est dans un café avec des gens et on prend une bouteille de vin et on fait des chansons ensemble, on rigole ensemble. Je trouve qu'il y a trop, il y a trop de musique sérieuse, il y a trop de gens qui prend la musique sérieusement, sur scène et tout ça. C'est toujours un grand truc, spécialement sur scène. Moi j'préfère la musique très, très léger, très entre les gens, beaucoup de communication, beaucoup de, beaucoup de choses drôles, comme ça, pas avec des, les messages très lourdes, importants.". Notons qu'Ayers a appliqué ce précepte jusqu'au bout. Le soir de l'annonce de sa mort, on apprenait dans les infos de France Inter qu'il jouait régulièrement de façon impromptue dans le café de Montolieu, où il vivait. Il y avait même laissé une guitare sur place avec un petit mot disant grosso modo "En joue qui veut".
Toujours en 1970, mais sur scène un peu plus tard, Ayers s'est adressé au public : "Bon, alors, la prochaine chanson, j'ai fait un traduction de les paroles, en français. Beaucoup de coexistence, mais co-vivance, pas de chance, c'est dimanche dans l'esprit de ce système gris. Les révolutions doit être célébration pour éviter l'ennui, pas à cause de cela. La vie c'est l'activité de la tête et de la jambe. Alors, continue d'être actif, ne dormez pas, surtout ne le prends pas sérieusement, ne vous prenez pas sérieusement, nous sommes tous les idiots. Mais ça va pour l'instant. Révolution doit être pour faire la vie plus simple et plus plaisirable, pour être vivant et pas seulement existant. Alors, vous savez très bien de quoi je parle. On vous donne cette chanson, s'appelle Ballade banane.". Ceci à une époque où la révolution était présente dans tous les esprits... En tout cas, il ne suffit malheureusement pas de prendre la vie du bon côté pour que tout soit rose. En 1992, Kevin Ayers, dans une citation reprise par Simon Reynolds en 2013, déclarait "De 17 à 40 ans j'ai passé un très bon moment, aucune raison de me plaindre. Mon problème c'est que je ne savais pas quoi faire du reste de ma vie".

Sauf erreur de ma part, le seul enregistrement de concert publié pendant qu'Ayers était vraiment actif est sa face du disque June 1, 1974, où il partageait l'affiche avec John Cale, Eno et Nico. Mais depuis les années 1990, on a eu droit à un grand nombre de d'éditions de sessions ou de concerts, dont beaucoup avaient à l'origine été enregistrés et diffusées par la BBC, ce qui au passage confirme la place que tenait Ayers sur la scène anglaise de l'époque, même s'il n'a jamais vendu énormément de disques.
Banana follies a justement été enregistré par la BBC le 20 septembre 1972 (et diffusé le 10 octobre).Kevin Ayers et le bassiste Archie Leggett se sont produits ensemble à partir du printemps 1972 sous la bannière Ayers and Archibald. Il reste peu de documents de cette collaboration, à l'exception d'une session de cinq titres enregistrée le 17 mai 1972 pour l'émission de Bob harris sur la BBC, éditée en 1996 par Strange Fruit sur Singing the bruise.
Cette collaboration a culminé en septembre 1972, du 6 au 24, quand Ayers, Archibald et leurs amis ont présenté un spectacle de music-hall intitulé Banana follies. Voilà ce qu'en disait Kevin Ayers en 1998 dans les notes de pochette du CD : "Je ne sais plus trop comment nous avons planifié nos débuts au cabaret, mais soudain nous y étions, en costume de soirée, entourés de palmiers et de bananes, à jouer des chansons et à s'autoriser à faire ce qui nous paraissait drôle sur le moment. Cet événement n'aurait jamais dû être gravé sur disque - ces happenings en partie improvisés sont rarement, voire jamais, consignés sur bande. L'échange entre l'artiste et le public est souvent visuel et des réponses subtiles comme le rire apparaissent, c'est le moins qu'on puisse dire, mystérieuses. Je me souviens qu'on a beaucoup ri et que des litres et des litres de vin ont été bus. Je doute qu'on s'en sortirait avec cette approche non-professionnelle de nos jours, mais ça a fonctionné de manière nonchalante à l'époque, il y a bien longtemps !".
Bon, c'est clair qu'il fallait sûrement être sur place pour apprécier pleinement ce spectacle, mais Ayers était quand même bien modeste. La partie vraiment cabaret au début, avec notamment David Bedford et Lol Coxhill, est certes anecdotique, même si elle n'est pas désagréable. Elle comprend Pretty little girl, Two little pigeons, que Lol Coxhill avait enregistré pour son album Ear of the beholder en 1971 (un disque sur lequel Ayers joue de la guitare), 'Orrible orange et la pièce radiophonique des années 1930 Murder in the air, que Lol Coxhill gravera sur un maxi en 1977. Mais les deux-tiers du disque correspondent à un concert "classique" de Kevin Ayers, et l'ensemble est excellent.
Je crois que le seul des titres alors déjà paru sur disque est Whatevershebringswesing. Le dernier jour du spectacle, Robert Wyatt a accepté de monter sur scène et a chanté sur cette chanson, comme il l'a fait pour la version en studio. Il n'était pas là le 20 septembre, mais la version est quand même très bonne.
A l'issue de cette série de spectacles, un album Banana follies était plus ou moins prévu, et des sessions ont effectivement eu lieu. Mais
Ayers était un véritable feu follet à l'époque et, quelques semaines plus tard il avait formé un nouveau groupe, Decadence, qui s'est séparé après quelques mois d'existence. Si bien que, quand l'album a fini par arriver en mai 1973, intitulé Bananamour, il ne contenait que trois des titres de ce spectacle, O wot a dream, le single-hommage à Syd Barrett, Interview et The end, devenu entre-temps Beware of the dog.Trois autres titres enregistrés en studio en septembre 1972 seront finalement inclus sur la compilation Odd ditties en 1975, Fake Mexican tourist blues, Take me to Tahiti et Don't sing no more sad songs.
Mais Bananamour a conservé d'autres éléments de son creuset des Banana follies, comme le duo de bananes dessiné de la pochette et la grande photo intérieure de la pochette, qui représente Ayers et Leggett en costume blanc autour d'un échiquier dont les pièces sont sculptées dans des bananes : c'est ainsi qu'ils apparaissaient sur scène au tout début du spectacle.
Par la suite, Kevin Ayers a fini par intégrer les autres chansons du spectacle dans sa discographie. Le très court Ball bearing blues est apparu en 1974 sur The confessions of Dr. Dream and other stories. La chanson du film L'ange bleu, Falling in love again, chantée dans sa version originale en allemand par Marlene Dietrich, est apparue en 1975 sur Yes we have no mananas. Quand au Hat song, qu'il jouait déjà avec The Whole World en 1970, il s'est retrouvé en 1978 sur Rainbow takeaway.
Ce disque est donc un document sympathique et précieux, d'autant que les principaux protagonistes, Archie Leggett, Davi Bedford, Lol Coxhill et Kevin Ayers, sont désormais tous morts.

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