Pages

08 septembre 2012

GERALDO LA VINY ET SON ORCHESTRE AVEC JOE CLEMENDORE (COBRA MAN) : Calypso


Acquis sur le vide-grenier de Germaine le 26 août 2012
Réf : POP - 1205 -- Edité par Guilde du Jazz en France vers 1956
Support : 33 tours 30 cm
15 titres

Or donc, le gars qui cette année à Germaine vendait quelques-uns de ses 33 tours de rock, dont le premier Rock 'n' roll animal de Lou Reed, avait aussi dans sa caisse des disques plus vieux d'au moins une ou deux générations, quelques 78 tours, des 33 tours de classique et quelques autres disques, dont cet album de calypso de Geraldo (alias Gérard) La Viny.
Depuis quelques semaines, je n'arrête pas de "croiser" Gérard La Viny : je l'ai vu mentionné dans la discographie de son ami Henri Salvador, il est au sommaire de C'est moi le chef !, la seconde compilation de l'émission L'Afrique Enchantée, avec le surprenant Albert Bongo, le Président qu'il nous faut ! (il a aussi commis en 1975 Bienvenue Président (Biguine à Giscard) à l'occasion d'une visite officielle de l'auvergnat aux Antilles), et j'avais même déjà acheté un peu plus tôt cet été un de ses 45 tours, avec Dupont aux Antilles en face B, édité à Guise, dans l'Aisne, s'il vous plait !
Guadeloupéen, Gérard La Viny semble avoir été au fil de sa discographie un touche-à-tout des rythmes exotiques : outre évidemment des chansons et musiques antillaises, il a notamment sorti un album de Rythmes et danses du Brésil et, aussi chez Guilde du Jazz, un album de cha-cha, mambo et merengue. Au début de sa carrière, dans les années cinquante à Paris, c'est au cabaret La Canne à Sucre qu'il s'est fait remarqué.
Ce disque de plus de cinquante ans avec sa pochette cartonnée vert-pomme est en parfait état, il est de La Viny et j'aime bien le calypso, ce qui m'a fait trois bonnes raisons de l'acheter, même si le label Guilde du Jazz m'aurait plutôt repoussé.
Je ne m'attendais à rien d'exceptionnel avant d'écouter ce disque pour la première fois, mais j'ai été très agréablement surpris par son excellente tenue. Il y a d'abord les chansons en créole chantées par Gérard La Viny, dont celle qui ouvre le disque, L'ami Ro-Ro. En 1958, par l'entremise de Salvador, La Viny a été signé chez Fontana par le directeur artistique du label, Boris Vian. Il y a d'abord créé Sans chemise, sans pantalon (!!) puis a sorti Bois un coup et va au lit, co-écrit par Vian. En 1960, après le décès de Vian, Gérard La Viny et ses Antillais ont sorti une autre version d'Ami Roro, avec un auteur crédité, cette fois (il n'y en a pas du tout sur cet album), le clarinettiste Eugène Delouche (je ne comprends pas les paroles, mais il y est justement question de clarinette...). La Viny n'en avait pas encore fini avec Roro, puisqu'il y reviendra en 1974 en écrivant cette fois les paroles d'une autre chanson, Roro, qu'on trouve en face B du tube J'aime tes g'noux d'Henri Salvador.
Il y a d'autres très bons titres dans cette veine, comme Amelia to-to-blo, Mary-Ann, et même une version de Banana boat song (Day O) qui réussit à surprendre par son arrangement et son interprétation.
C'est déjà pas mal pour un seul album, mais ce n'est pas tout. J'avais été attiré par l'annonce au recto de la présence en invité vedette d'un certain Joe Clemendore (Cobra Man). Lui est un chanteur originaire de La Trinité, l'île où est né le Calypso (ou Kaiso, comme il dit lui-même) et il s'exprime avec un anglais plein de bagout pour raconter, dans la pure tradition du calypso, des histoires où il est question de filles moches avec de beaux prénoms, d'un japonais qui chasse une prime pour la capture d'Hitler ou d'une vision du futur pas complètement farfelue (où on se nourrit de pilules, on fait des enfants par transmission sans-fil et on se fait verbaliser pour excès de vitesse trop lente).
J'ai cherché à en savoir un peu plus sur mystérieux Joe Clemendore, homme cobra coiffé d'un fez, qui, parti de La Trinité, s'est visiblement retrouvé à Paris en 1956 pour y enregistrer cet album (je ne doute pas que ce disque ait été produit en France).
Je n'ai pas trouvé trace d'autres disques enregistrés par Joe Clemendore, à une seule exception près, un 78 tours publié en Jamaïque, avec My brother Calamity en face A et Maintenance en face B. Il y a eu au moins deux reprises de Maintenance, une par Count Lasher dans les années 1970 et une sur un disque d'orchestre d'hôtel, chroniqué chez WFMU. C'est par un commentaire de ce billet que j'ai appris, outre que Clemendore avait séjourné en Jamaïque à partir de 1953, qu'il avait une autre spécialité, puisqu'il était aussi contorsionniste...!
Cette information m'a mis sur sa piste, j'ai trouvé une carte postale (en anglais) de promotion de cette activité, et surtout j'ai eu confirmation de ses séjours en Europe, à plusieurs reprises dans les années cinquante et soixante.

 
Le contorsionniste Joe Clemendore dans ses oeuvres dans un cabaret à Paris le 21 juin 1956.

Si Gérard La Viny a été surnommé l'Ambassadeur des Antilles, Joe Clemendore était lui le Yogi des Caraïbes ! Le yogi André van Lysebeth relate un passage mémorable de Joe Clemendore en direct à la télévision belge dans une émission de France Hardy au début des années cinquante. En plus de la France et de la Belgique, Joe Clemendore est aussi passé par la Bulgarie, puisqu'il y a inspiré la vocation de yogi d'un certain Damyan Vasilev !
Chanteur et contorsionniste yogi, Joseph Clemendore avait au moins deux cordes à son arc. Je me demande bien ce qu'il est devenu par la suite...
Quant à lui, Gérard La Viny est décédé en 2009. La Région Guadeloupe lui avait rendu un hommage en novembre 2008. Son fils, Eddy La Viny, a repris le flambeau et est lui aussi chanteur


A écouter :
Geraldo La Viny et son orchestre avec Joe Clemendore (Cobra Man), Things to come.

Geraldo La Viny et son orchestre avec Joe Clemendore (Cobra Man), Amelia to-to-blo.
Geraldo La Viny et son orchestre avec Joe Clemendore (Cobra Man), Japanese invasion.
Geraldo La Viny et son orchestre avec Joe Clemendore (Cobra Man), Ami Ro-Ro.

   
Une carte publicitaire pour le contorsionniste Joseph Clemendore

5 commentaires:

  1. "un japonais qui chasse une prime pour la capture d'Hitler" ? Impayable, et ça donne envie d'en savoir plus, d'avoir le texte en entier ; la musique est vraiment bien, du calypso de bonne tenue, et ce "japanese invasion" que vous donnez en écoute est un très bon morceau.

    RépondreSupprimer
  2. Pour "Japanese invasion", les notes de pochette disent précisément, et c'est plus poétique, "au Japon, un garçon qui rêve de gagner la prime pour la capture d'Hitler...". A l'écoute, je comprends le tout début des paroles ("Quand les allemands se sont rendus, ils ont offert une prime pour la capture du Fuhrer". Ce qui est surprenant, car Hitler était mort au moment de l'Armistice, il me semble. En tout cas, pour le reste des paroles, je chope des bribes, mais pas suffisamment pour reconstituer l'histoire !
    J'ai aussi (déjà) des nouvelles à propos de "L'Ami Roro". Je n'ai toujours pas eu l'occasion d'écouter la version du 45 tours de 1960 créditée à Delouche, mais ce matin-même j'ai acheté l'album "Show folklore" de David Martial sur Disques Celini/Aux Ondes. Il s'ouvre avec une version de "L'ami Roro" créditée à Leona Gabriel, et il s'agit bien de la même chanson que celle de l'album "Calypso".

    RépondreSupprimer
  3. excellents ces calypso, excellent message. ph.
    bon c'est vraiment merdique le code lettres pour envoyer un message

    RépondreSupprimer
  4. Cette fois-ci, je viens d'acheter un album années 60 de Gérard la Viny, "A case à la Canne à Sucre", qui contient une chanson intitulée "Les prénoms des filles".
    Sans surprise, on découvre qu'il s'agit d'une version en français, créditée à Gérard la Viny, d' "Ugly girls have pretty names", un des titres chantés ici par Joe Clemendore.
    "Les prénoms des filles" a aussi été édité sur un EP chez Deb's.

    RépondreSupprimer
  5. The studio one reggae singer Winston Francis from Jamaica used to work with Clement and was also known as "Cobra"

    RépondreSupprimer