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08 avril 2012
LES TROGGS : I can't control myself
Acquis sur le vide-grenier de Tours sur Marne le 1er avril 2012
Réf : 4690.981 ME -- Edité par Fontana en France en 1966
Support : 45 tours 17 cm
Titres : I can't control myself -- When I'm with you -/- Hi hi Hazel -- Gonna make you
Autant la semaine précédente à Saint-Martin d'Ablois la température était largement printanière, autant ça caillait de bon matin dimanche dernier à Tours-sur-Marne. Je tremblais de froid et j'avais les doigts gourds en fouinant. J'avais déjà fait quelques emplettes de 45 tours quand je suis arrivé à ce stand où il y avait sur la table principalement des capsules de Champagne, mais aussi deux boites à chaussures de 45 tours et deux caisses d'albums.
Une des boites de 45 tours contenait visiblement des disques "collectors", sous pochette plastique, avec des étiquettes de prix à l'avenant, de 6 à 18 € (pour un bel EP des Beatles). Mais certains de ces disques n'avaient pas d'étiquette. Le propriétaire du stand étant parti pisser/chiner/boire un café ou un verre de Champagne pour se réchauffer (vous pouvez rayer les mentions inutiles), son fils d'une vingtaine d'années était bien embêté car il ne connaissait pas tous les prix des disques et des capsules. Il m'a cependant indiqué qu'il pensait que ces disques étaient à 2 €. Muni de cette information, j'ai fait mon marché et j'ai sélectionné trois disques : un superbe EP de Fats Domino (malheureusement, si le disque à l'intérieur est bien de lui et sur le même label, je n'avais pas remarqué que les titres ne correspondaient pas à ceux de la pochette), un autre, carrément, des Teddy Bears (on aura l'occasion d'en reparler) et celui-ci des Troggs qui, comme les Beatles et d'autres sur leurs pressages français, on droit à l'article "Les" sur la pochette plutôt que "The".
Le père n'étant toujours pas revenu (peut-être qu'il n'y avait pas de mention inutile et qu'il était parti faire les trois), le fils est resté sur sa première idée et m'a même proposé de me faire les trois disques à 5 €. C'est un peu plus cher que ce que je paie habituellement sur un vide-grenier, mais c'est donné pour des disques de cette qualité en bon état ! Je pense que le père les aurait sûrement vendus un peu pus cher, mais je n'ai ni marchandé ni même mis la pression sur son pauvre fils abandonné en plein coup de bourre sur le stand.
I can't control myself est le troisième tube des Troggs. Les deux premiers, enregistrés en trois-quarts d'heure en février 1966, sont Wild thing et With a girl like you. L'album est arrivé en juillet, intitulé From nowhere en Angleterre et Wild thing presque presque partout ailleurs, mais dès septembre le groupe sortait ce nouveau titre, I can't control myself, qui n'était pas sur l'album, et qui ne sera pas non plus sur le suivant, Trogglodynamite, en février 1967.
I can't control myself est un classique du rock et la preuve c'est que j'ai déjà eu l'occasion d'en chroniquer ici trois versions différentes par Enric Casasses et Pascal Comelade, Paul Roland et Big Maybelle, ce qui place cette chanson au niveau de Satisfaction ou The model. Et sans lister toutes les reprises, on signalera qu'Howard Devoto a chanté I can't control myself avec les Buzzcocks (et peut-être bien aussi avec Magazine sur scène). Pour Comelade, la performance d'I can't control myself est depuis plusieurs années un grand moment lors de ses concerts, avec ou sans la participation de Casasses mais presque toujours avec un solo de ballon de baudruche de Pep Pascual.
Il y a eu dans Mojo l'an dernier un très bon article sur les Troggs. On y apprend notamment que les Troggs avaient été repérés par Larry Page parce qu'on lui avait dit qu'ils jouaient You really got me mieux que les Kinks (et Page était co-manager des Kinks...), mais autant les Kinks avaient un côté dandy, autant les Troggs ont toujours revendiqué être un groupe de prolos. Ils racontent dans Mojo comment, le jour où Wild thing est entré dans les charts, ils ont tous plaqué leur boulot, sans se concerter. Mais musicalement, sur leurs titres rock, les Troggs sont bien dans la lignée des Kinks brutaux de You really got me/All day and all of the night. Wild thing, écrit par Chip Taylor, capturait bien ça et on n'est pas surpris qu'ils aient repris Louie Louie sur leur premier album.
Du "Oh noooooooo !" en ouverture au "Waaaraaarrgghhh !" final, I can't control myself est exactement dans cette lignée : du rock brutal, primaire, animal presque. "Quand tu es près de moi, je ne me contrôle pas"... Toujours dans Mojo, Reg Presley explique que la chanson lui a été inspirée par la vue d'une spectatrice d'un concert, face à lui, qui avait un jean rouge coupé tellement bas qu'on lui voyait les poils pubiens. Il n'était, il le dit lui-même, qu'un maçon brut de décoffrage, et dans la voiture au retour, il avait déjà les paroles. Il n'a parlé que de hanches visibles ("Her slacks are low and her hips are showing"), mais la testostérone est suffisamment présente dans la chanson pour que celle-ci ait été plus ou moins censurée par-ci par-là. Sur le même thème, les gentils garçons d'XTC ont fait quelque chose de beaucoup plus civilisé en 1979 avec When you're near me I have difficulty.
La face B du 45 tours anglais, Gonna make you, co-écrite par Larry Page, est encore plus primaire, si c'est possible (pas de "Ba ba ba ba ba ba ba ba ba" comme sur la face A), mais elle parle exactement de la même chose : "You turn me on when I'm with you". De la batterie à la guitare, on est tellement sur le territoire de Bo Diddley que c'en est presque du plagiat. Au moins, sur leur deuxième album, à titre de compensation peut-être, les Troggs feront carrément une reprise de Bo, Mona.
Pour compléter le EP, le label français a choisi deux titres de From nowhere, qui sont représentatifs de la face pop des chansons des Troggs. When I'm with you est une perle pré-psychédélique, qui traite encore toujours du même thème, l'effet d'une fille sur Reg Presley, mais les réactions sont ici plus sophistiquées ("I see the flowers before their time", "I'm hearing bells before they ring") : on rejoint le terrain de jeu d'XTC... Hi hi Hazel est de la même veine, pop et presque bucolique. On sent fortement l'influence de Donovan.
On concluera ce billet avec une pensée pour Reg Presley, le maçon chanteur et amateur d'OVNIs des Troggs. Il avait déjà eu une attaque en 2010 et, après avoir appris qu'il était très gravement malade, il a annoncé au début de cette année qu'il arrêtait définitivement les Troggs.
Je me demandais si Les Troggs avaient eu l'occasion de jouer en France à l'époque. C'est arrivé au moins une fois, en 1967 au Festival International de Pop Music au Palais des Sports de Paris. Avec l'ordinateur et une connexion qui vont bien (ce qui n'est pas mon cas), on peut voir sur le site de l'INA un extrait de 15 minutes de l'émission Bouton Rouge du 8 juin 1967, qui se conclut par une version de I can't control myself.
I can't control myself ...when I'm with you ! çà doit être fait exprés :))
RépondreSupprimerOui, j'ai bien pensé que le label français avait peut-être fait exprès d'accoler ces deux chansons. D'un autre côté, avec "I", "want", "you" et "girl", on a de quoi écrire une bonne partie des paroles de presque toutes les premières chansons des Troggs...
RépondreSupprimerEn tout cas on sait qu'elle s'appelle Hazel et qu'il va make her !:))
RépondreSupprimerle phrasé de Reg Presley mixe celui de van Morrison période Them et celui de Keith Relf dans "still i'm sad" (le pa-pa-pa pa-pa-pa-pa-pa des choristes troggiens accélérant d'ailleurs la ligne mélodique du choeur yardbirdsien de "still i'm sad"), le break du mitan ressuscite le gimmick du "my generation" des Who... bon, d'accord, les costumes rayés annoncent Buren, un point pour eux !
RépondreSupprimerLes costumes rayés, certes, mais j'ai oublié de mentionner les pulls qu'ils arborent fièrement sur cette pochette !
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