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06 janvier 2007

FELT : Ballad of the band


Offert par Creation Records par correspondance en mai 1986
Réf : CRE 027 -- Edité par Creation en Angleterre en 1986
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Ballad of the band -/- I didn't mean to hurt you

Je ne sais pas si c'est au moment des concerts de novembre 1985 en première partie de The Jesus & Mary Chain que les premiers contacts entre Felt et Creation ont été pris, toujours est-il que dès avril 1986 Creation annonçait l'arrivée de Lawrence sur sa cassette de promotion "Come !", et dès le mois de mai sortait ce single, premier fruit du partenariat entre le groupe et le label.
J'ai reçu quelques exemplaires du maxi et du 45 tours dès leur sortie pour faire la promotion du concert que j'organisais à Reims pour la Fête de la Musique 1986 en partenariat avec la M.J.C. Claudel et l'association Un Autre Emoi.
Le maxi a une pochette différente (deux belles photos "solaires" en couleurs de Lawrence), mais il manque d'unité avec en face A les deux titres de ce 45 tours et deux instrumentaux au piano en face B. Je lui préfère de beaucoup ce 45 tours, objet pop très réussi et très cohérent, même si je n'aime pas trop sa pochette (une photo bleutée du batteur Gary Ainge datant de quelques temps, prise par l'ancien bassiste Mick Lloyd).
Pour le reste, ce disque est parfait. Comme "Ignite the seven cannons", il est produit par Robin Guthrie, mais la patte du leader des Cocteau Twins m'a toujours semblé moins marqué sur cet enregistrement que sur l'album. A propos de ce disque, j'ai souvent lu des comparaisons au Dylan du milieu des années 60, époque "Like a rolling stone" / "Blonde on blonde", et même si les deux faces du 45 tours ne me font penser à aucune chanson de Dylan en particulier, je ne trouve pas cette comparaison aberrante : les guitares électriques et l'orgue dominent le son, et Lawrence a une voix particulière.
"Ballad of the band" est une chanson pop-rock parfaite, dès l'intro avec le riff de guitare rythmique et la guitare solo, jouées toutes les deux par Lawrence. L'orgue est relativement plus discret sur cette face. Pendant longtemps, je n'ai pas compris les paroles, jusqu'à ce que je lise un article qui y faisait allusion, et que je les vois écrites. En fait, il faut prendre le titre au pied de la lettre : c'est une chanson qui parle du groupe, Felt, et plus particulièrement du départ de Maurice Deebank, son guitariste. Le premier couplet est plein de reproches ("Où étais-tu quand je voulais bosser ? T'étais encore au lit, t'es un abruti complet"), mais le ton change complètement dans le deuxième et dernier couplet : "Tout est de ma faute, oui c'est moi le responsable, Je n'ai pas d'argent, je ne suis pas connu Et c'est pourquoi j'ai presque envie de renoncer Et toutes ces chansons, comme 'Crystal ball', 'Dismantled king' Tu sais je les aime toutes Mais malgré tout j'ai presque envie de renoncer". Pour la face A du single qui marquait un nouveau départ du groupe pour la deuxième moitié de sa carrière, on n'a pas l'impression que Lawrence était très confiant d'obtenir le succès durable et la reconnaissance dont il rêvait, et qu'il mentionnait dans toutes les interviews... Quant à cette rupture avec Maurice, elle a quand même dû considérablement marquer Lawrence, puisque sur son dernier album en date, "Tearing up the album chart" de Go-Kart Mozart, il lui adresse encore un message codé, "Delta echo echo beta alpha neon kettle".
A proprement parler, la face B "I didn't mean to hurt you" est plus une ballade que la face A : une belle chanson lente, dominée par l'orgue de Martin Duffy, avec encore une fois un titre qui décrit bien le sujet de la chanson: excuse-moi, je ne voulais pas te blesser.


Felt à Reims le 21 juin 1986 (photo JC Brouchard)
De gauche à droite, Martin Duffy,Marco Thomas, le ventilateur, Gary Ainge, Lawrence et Neil Scott


Le concert du 21 juin 1986 s'est très bien passé, et pourtant c'était une sacrée organisation avec quatre groupes dans la soirée. Felt est arrivé à l'heure prévue, conduit par Dave Harper, un ancien membre de Five Or Six. Le seul impondérable de la soirée, c'est qu'il y avait un quart de finale de coupe du monde de foot France-Brésil. Ça on le savait, mais on n'avait pas prévu qu'il y aurait des prolongations et des tirs au but ! On a donc dû décaler un peu l'horaire des concerts, mais la France avait gagné, et l'atmosphère de la soirée n'en a été que plus festive.
Lawrence a une réputation très forte d'excentrisme. De ce que j'en connais, cette réputation est très surfaite. Après tout, c'est un rocker comme un autre, qui a passé des journées entières dans des camionnettes inconfortables, entassé avec les membres de son groupe, avant de jouer dans des bouges enfumés et inconfortables. Sa seule demande un peu particulière ce jour-là a été de demander s'il pouvait avoir un ventilateur avec lui sur scène. Il faut dire qu'il faisait vraiment très beau et très chaud ce soir-là, que la MJC Claudel était plus que bondée, et que même sans ça cette salle était toujours très chaude et très enfumée. Les rockers de Claudel ont souri à cette demande, mais objectivement elle ne semble pas démesurée !
Trois groupes rémois étaient au programme avant Felt mes amis de Brigitte Rurale avec leur rock agro-alimentaire et leurs tubes "Elle est partie aux Baléares" et "En Sibérie l'automne dure toute l'année", les Scavengers, avec Michel Jovanovic, futur responsable de l'Usine à la basse et
Funeral Service, un groupe qui se perpétue encore aujourd'hui sous le nom des Volfonis.
Comme d'habitude, la loge-salle à manger de Claudel était la salle de musique à l'étage. La fenêtre était ouverte pour avoir un peu d'air, et Martin Duffy égrenait des notes sur le piano droit. Une journaliste de Libération avait même fait le déplacement depuis Paris pour ce premier concert de Felt. Ça a donné l'article pleine page ci-dessous.
Pour ce concert, la formation de Felt était celle du 45 tours (Lawrence, Gary Ainge, Marco Thomas, Martin Duffy) augmentée du guitariste émérite Neil Scott, qui avait notamment joué sur le deuxième album d'Everything But The Girl. Ils ont joué un set d'une quarantaine de minutes d'une qualité exceptionnelle, avec un répertoire bien rôdé couvrant leurs premières années de carrière ("Fortune", "Penelope Tree", "Roman litter", "Scarlet servants", "The day the rain came down", "Primitive painters", "Spanish house", plus "Ballad of the band" deux fois (dont une en rappel), et chose plus rare chez Felt, deux reprises, une excellente version de "Outdoor miner" de Wire, qu'ils jouaient assez régulièrement apparemment, et une de "Hyacinth house", un titre de "LA woman" des Doors, qu'ils ont rarement dû interpréter. Les chansons de "Forever breathes the lonely word", l'album qui allait sortir trois mois plus tard, étaient probablement écrites, mais le groupe ne les connaissait sûrement pas encore : ils n'en ont joué aucune, alors qu'elles constituaient la majeure partie du set d'un concert de la fin août 86.


Felt à Reims le 21 juin 1986 (photos JC Brouchard)
De gauche à droite, Lawrence, Dave Harper (au fond), Neil Scott (coupé), Gary Ainge à la batterie, Lawrence et Neil Scott


Vingt ans après, PopNews a publié une interview de Lawrence et l'a interrogé sur le concert de Reims. Le moins que l'on puisse dire c'est que ses souvenirs sont très flous ! Pour éclaircir un peu la phrase "Je ne voulais pas partager une chambre avec les autres, et le propriétaire d'un bar où nous avions atterri m'avait laissé dormir dans une pièce à part, tout seul, sans lumière. Au milieu de la campagne. C'était très beau, la Champagne. Je devrais vivre là.", disons que si je rassemble un peu mes propres souvenirs, le "propriétaire d'un bar" était Philippe R., membre actif d'Un Autre Emoi et guitariste de Brigitte Rurale, qui avait effectivement dû tenir la buvette du concert une bonne partie de la soirée, et qui a hébergé la moitié du groupe ce soir-là, chez lui à Rilly-la-Montagne, dans une chambre aménagée dans son grenier qui n'était peut-être pas très éclairée !!

6 commentaires:

  1. Je me souviens évidement très bien de ce concert. Nous étions venus Jean-Philippe et moi en 2CV depuis Paris (c'est long en 2CV, ça monte, ça descend). Je me souviens de France-Brésil dans un bar, de Brigitte Rurale et bien sûr de Felt magistral. Tiens je me souviens même de la journaliste de Libération.

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  2. En 86 j 'étais un peu jeune pour voir Felt en concert mais apprendre qu'ils ont dormi à Rilly-la-montagne me fait rire . Voilà c tout !!

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  3. Merci pour cette série d'articles sur Felt que je redécouvre maintenant; à l'époque où j'avais acheté leurs disques (c'était vers 1989-90), j'étais passé un peu à côté à cause d'une smith'o'mania de laquelle je suis heureusement revenu.

    Et puis avec le revival que l'on connaît des eigthies, comme il est agréable de pouvoir se réfugier dans un titre comme "I'm against the eighties" :-)

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  4. A voir, un document exceptionnel : Felt en 1985, avec Maurice Deebank à la guitare, interprétant cinq titres en direct dans l'émission "Estoc de pop" de la télévision catalane TV3.
    Parmi ces titres, une version "précoce" de "Ballad of the band". Ce qui montre que, si cette chanson parle bien de Deebank et de son départ du groupe, elle a été écrite avant son départ définitif, contrairement à ce que je pensais (et j'étais loin d'être le seul à le penser...).

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  5. On peut supposer que ça se passe à Barcelone. Ça ne serait pas après ce concert que Deebank est parti?

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  6. Je ne saurais dire, mais ce n'est pas impossible car je crois me souvenir qu'il y avait un rapport entre l'Espagne (ou une espagnole) et le départ de Deebank du groupe.

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