28 août 2016

DAVID GRUBBS : The spectrum between


Acquis chez Human Relief Welfare à Dalston le 16 août 2016
Réf : DC186CD -- Édité par Drag City aux Etats-Unis en 2000 -- Auction-ready promo
Support : CD 12 cm
9 titres

J'ai fait un court séjour à Londres à la mi-août, notamment pour assister à la projection du documentaire Lawrence of Belgravia, que j'ai mieux apprécié en salle qu'en DVD, d'autant qu'il était complété par une intervention de Lawrence et du réalisateur Paul Kelly.
J'en ai profité pour acheter des disques pas chers, bien sûr, et j'ai surtout trouvé des CD.
A la grande boutique d'Oxfam à Dalston, où j'avais trouvé un bon paquet de disques l'automne dernier, dont un maxi de Lambchop, j'ai à nouveau trouvé quelques CD et 45 tours intéressants. Mais c'est quelques portes plus loin, chez Human Relief Welfare, dans une boutique qui ne paie pas de mine, que j'ai fait ma meilleure trouvaille.
Il y avait un carton de CD à 50 pence, que j'étais en train de fouiller sans rien y trouver. Mais la vendeuse m'a interpellé pour me montrer un carton plein de CD qu'elle s'apprêtait à mettre en rayon. Beaucoup de choses de bon goût dedans, dont des rééditions et des promos. Je me suis efforcé de me montrer raisonnable dans mes choix, au vu notamment des pilesqui ne cessent de grandir à la maison de CD que je n'ai pas encore eu l'occasion d'écouter, mais je suis quand même ressorti de là avec plus de vingt disques, de Captain Beefheart à Robert Wyatt, des Byrds à Will Oldham !
Dans le lot, il y avait deux albums de David Grubbs. The optimist notes the dusk n'est pas mal, mais je lui ai préféré The spectrum between, musicalement, mais aussi à cause du graphisme du rond de CD :



Il n'y a pas de mention particulière qui indique sur la pochette que mon disque est un hors-commerce destiné la promotion. Simplement, le code-barre est perforé, ce que font parfois les labels pour s’assurer qu’un disque envoyé gratuitement ne se retrouve pas dans le commerce de détail.
Par contre, le disque lui-même est très particulier. Je n'en ai pas trouvé d'image en ligne, mais je parierais bien que, pour les exemplaires commercialisés on a quelque chose d'assez classique, alors qu'ici on a une assez bonne blague à l'intention des journalistes et gens du métier un peu rapaces : un CD "prêt à être vendu aux enchères", non pas sur Drag City (DC) mais sur DCBAY. Les rubriques de l'Ebay encore un peu balbutiant de l'an 2000 sont pré-remplies, le vendeur indélicat est qualifié de "scumbag" (disons, "sac à merde") et évalué comme tel, et il est indiqué que le produit permettra à du hash non fumé de se trouver une maison ! Une façon encore pas trop méchante pour un label indépendant, aux budgets de promotion forcément limités, de s'en prendre à certains de ses partenaires...
Plus de quinze ans ont passé, mais j'ai quand même pris la peine de vérifier : de nombreux exemplaires de The spectrum between sont en vente sur Ebay, mais je n'en ai vu aucun présenté comme un promo !
Tout comme son compère de Gastr Del Sol Jim O'Rourke, David Grubbs est capable de se lancer dans des projets bien barrés, virant à "l'expérimental" ou "l'avant-garde", mais il peut tout aussi bien produire des morceaux qui ne sont ni plus ni moins que d'excellentes chansons que de nombreux artistes "pop" pourraient lui envier.
C'est ce deuxième aspect de son œuvre que je préfère, et j'ai de la chance, car c'est celui auquel j'ai été le plus souvent exposé, sur scène et sur disque.
Avec Dorian Feller, je l'ai vu en concert à la MJC Claudel le 15 mars 1999, avec Superstructure en première partie (aucun souvenir), dans une série de quatre concerts en cinq semaines où j'avais aussi vu Dogbowl, Superflu et Calc (aucun souvenir non plus, à tel point que la mémoire ne m'est même pas revenue quand j'ai chroniqué des disques de ces groupes !),et DAAU. Il était seul à la guitare acoustique et pour le coup je me souviens que j'ai apprécié sa prestation et que j'ai passé un bon moment.
Peut-être même a-t-il joué ce soir-là des morceaux de The spectrum between ? En effet, l'album a été enregistré dans l'année qui a suivi et il est dans la même veine, avec des paroles directes mais très originales. Le disque a été enregistré à New-York, mais il est aussi un petit peu français puisqu'on y trouve les fondateurs du label Rectangle Noël Akchoté (à la guitare sur trois titres) et Quentin Rollet (au saxophone sur un titre).
De Seagull and eagull à Two shades of green (à  rapprocher, forcément, de Two shades of blue sur l'album de 1998 The thicket), j'apprécie vraiment la plupart des chansons de ce disque, avec une préférence particulière pour la séquence de quatre titres qui va de Gloriette (qui démarre calmement à la guitare acoustique avant une partie instrumentale assez longue mais réjouissante, propulsée par la batterie de John McEntire de Tortoise) à Pink rambler.
David Grubbs est également professeur au conservatoire de Brooklyn et l'auteur d'un livre paru en français l'an dernier, Les disques gâchent le paysage : John Cage, les années 1960 et l'enregistrement sonore. Les disques qui gâchent le paysage sonore, c'est peut-être vrai pour John Cage et la musique expérimentale des années 1960, mais c'est pas demain que ça le sera pour moi !

The spectrum between est en vente chez Drag City, où l'on peut écouter des extraits de tous les titres.

26 août 2016

M. MILTON : J'ai ma combine



Acquis sur le vide-grenier de Sillery le 24 juillet 2016
Réf : DF 180 -- Édité par Columbia en France en 1930
Support : 78 tours 25 cm
Titres : J'ai ma combine -/- C'est pour mon Papa

Après celui de Mahjouba, voici un deuxième disque pris dans mon lot de 78 tours acheté 2 € à Sillery.
M. Milton, Georges de son prénom, j'avais déjà vu passer son nom mais je ne connaissais rien de son parcours. Il a connu un grand succès en 1927 avec sa chanson La fille du bédouin et est resté très populaire pendant toutes les années 1930.
Sur l'étiquette, on le présente comme étant "du Théâtre des Nouveautés", chez qui il devait alors être en contrat et où les opérettes dans lequel il apparaissait étaient créées. Sur ce disque, il est accompagné par "l'Orchestre de jazz" du prolifique chef d'orchestre Pierre Chagnon.
Les étiquettes indiquent aussi qu'on à affaire à des "motifs" du film Le roi des resquilleurs. Ce terme de motif me surprend un peu. Dans un contexte musical, ça me fait penser à quelque chose de simple et bref, voire à un air, alors qu'ici ce sont des chansons complètes et parfaitement formées.


Ces chansons sont extraites du film Le roi des resquilleurs de Pierre Colombier. Il est sorti en 1930, au tout début du cinéma parlant. Sur ce sujet, même si c'est très annexe dans le livre, j'ai trouvé quelques  paragraphes intéressants pages 32 et 33 du livre Georges Brassens : Histoire d'une vie de Marc Robine et Thierry Séchan (1991) :
"En ce début des années 30, l'accession du cinéma à la parole est une invention quasi miraculeuse. Surtout pour les chanteurs et les chanteuses. Désormais - alors que la télévision n'est qu'embryonnaire - l'image peut accompagner la diffusion de leur voix.
On bâtit donc en vitesse, autour d'une poignée de chansons, des scénarios sans autre finalité que de mettre tel ou tel artiste en valeur. Qu'importe en effet l'intrigue, le jeu des autres comédiens ou l'écriture cinématographique, puisqu'il ne s'agit au fond que d'un music-hall à domicile, permettant au public le plus populaire de voir des vedettes qui, surtout en province, ne viendront jamais jusqu'à lui, faute de salles et de circuits appropriés. Ainsi, des films, qui ne laisseront pas une ligne dans l'histoire du cinéma, drainent-ils des foules compactes se pressant pour applaudir Milton, Henri Garat, Alibert, Albret Préjean ou Tino Rossi."
Le roi des resquilleurs fait bien sûr partie de ces films. Georges Milton y interprète le personnage de Bouboule, qui aura un tel succès qu'il réapparaîtra dans quatre films de 1931 à 1939. En 1945, Jean Devaivre en tournera même une nouvelle version, avec Rellys dans le personnage principal, renommé Mimile.
Chez 5962.fr, on peut voir le programme de la séance du dimanche 18 décembre 1932 à l'Idéal Cinéma Parlant d'Audruicq, qui programmait Le roi des resquilleurs.
Les deux chansons de ce disque ont elles-aussi eu beaucoup de succès (il y a même, sous la référence DF 360, une autre édition de ce 78 tours, sortie en France et en Angleterre). Elles sont toutes les deux intéressantes, avec des arrangement de qualité
J'ai ma combine, nous explique le resquilleur Bouboule sur la face A, dans une veine résolument hip-pop optimiste : "J'ai ma combine, jamais dans la vie rien ne me turlupine. J'ai ma combine, je garde mon p'tit cœur blanc comme la blanche hermine. Les soucis, merci, ça m'est égal, les ennuis, tant pis, j'm'en fiche pas mal. J'ai ma combine, c'est banal mais c'est jovial, c'est le principal.".
Pas mal, mais je crois que je préfère la chanson comique C'est pour mon papa, dans laquelle un enfant conte les malheurs de son papa, comparé à sa maman :
"Ma maman chaque matin fait sa petite ballade en auto
Papa s'lève plus tôt et s'tape le métro
Maman, au five o' clock boit l'thé avec ses amis
Elle ne revient pas avant huit heures et demi
Papa ne rouspète pas, c'est lui qui fait l'repas
Il reçoit les livraisons et balaye la maison
Faire les oeufs sur l'plat, c'est pour mon papa
Faire du boniment, c'est pour ma maman
Le tango c'est tout l'temps pour ma mère
Le balai, c'est tout l'temps pour mon père
Faire la soupe au chat, c'est pour mon papa
S'payer d'l'agrément, c'est pour ma maman
Quand elle flirte un peu trop avec les gigolos
Faire pisser Mirza, c'est pour mon papa !".
C'est léger et caricatural, mais pas désagréable. Notons que j'ai peut-être bien entendu cette chanson pour la première fois interprétée par Charlotte Julian en 1987. Je préfère la version de 1930 (!), et j'espère que je vais continuer à trouver des disques qui me font explorer l'histoire de la chanson. 


19 août 2016

BOB SEGER SYSTEM : 2 + 2 = ?


Acquis chez Troc.com à Profondeville le 2 août 2016
Réf : CLF 2143 -- Édité par Capitol en France en 1968
Support : 45 tours 17 cm
Titres : 2 + 2 = ? -/- Death row

Voici encore un disque ramené de ma récente virée en Belgique. Et dans ce cas précis, je suis content de mon coup car, si je n'avais pas été attentif, je ne serais pas revenu avec ce disque.
Après Charleroi, je suis passé à Namur, puis j'ai remonté la vallée de la Meuse en direction de Dinant. Je me suis arrêté dans la petite localité de Profondeville, où se trouve un petit dépôt-vente. Petit, mais en général quand je m'y arrête j'y trouve quelques disques. Cette fois-ci, j'ai cru que j'en reviendrais bredouille car le rayon de 45 tours, de bonne taille, était rempli de disques de variétés sans intérêt. Jusqu'à ce que je tombe sur la pochette de ce 45 tours de Bob Seger System. Malheureusement, elle était vide ! Mais j'ai senti que, d'un seul coup, je me trouvais dans une zone du bac où il y avait des disques un peu plus rock. Et bingo, quelques secondes plus tard, en sortant un disque d'une autre pochette pour le vérifier, je tombe sur le 45 tours correspondant à la pochette de Bob Seger System ! J'ai refait le coup, mais inversé, un peu plus tard avec un 45 tours de The Pentangle de la même époque : j'ai d'abord trouvé le disque sans pochette, ce qui ne m'a pas trop surpris car il ressemblait à un pressage anglais, et peu de temps après j'ai trouvé la pochette manquante. Malheureusement, je n'ai pas été en mesure d'apparier les disques et pochettes des vingt ou trente 45 tours de ce petit lot intéressant.
J'ai acheté le 45 tours Still the same de Bob Seger and the Silver Bullet Band à sa sortie en 1978 car je l'avais entendu à la radio et il me plaisait bien mais, en-dehors de quelques autres tubes, c'est à peu près tout ce que je connais de Bob Seger, dont je n'ai jamais dû écouter un album en entier.
Je ne savais donc pas qu'il avait commencé sa carrière tôt dans les années 1960 et qu'il avait sorti ses premiers 45 tours en 1966 sous le nom Bob Seger and the Last Heard. Il signe ensuite chez Capitol et le groupe, réduit à un trio, devient The Bob Seger System. Ceci est leur premier disque, sorti au tout début de 1968.
C'est un disque qui jouit d'une très bonne réputation, tout à fait méritée. Thématiquement, 2 + 2 = ? est considérée comme l'une des premières chansons ouvertement anti-guerre du Vietnam (The Seger File précise que le disque aurait été réédité en 1969 au moment des Moratoires pour la fin de la guerre au Vietnam), tandis que Death row (Le couloir de la mort) aborde bien sûr le sujet de la peine de mort. Du sérieux, donc, ce qui est reflété dans la musique, un rock très lourd et très saturé. On trouve sur le site de Julian Cope une chronique très détaillée de ce 45 tours par The Seth Man, que je vous invite à consulter.
Je trouve les deux faces aussi bonnes l'une que l'autre, leur point commun pourrait être l'expression "Je ne veux pas mourir".
Sur 2 + 2 = ?, c'est un jeune appelé qui s'exprime. Il dit en substance qu'il est un jeune homme, mais qu'il est assez vieux pour tuer, même s'il ne veut tuer personne, qu'il n'est pas un génie ni un rebelle, mais qu'il sait additionner deux et deux et il réclame un changement des règles et veut savoir pourquoi donc il devrait mourir. Il y a une rythmique effrénée, de la guitare, de l'orgue et même des chœurs, et dans le genre c'est franchement excellent.
Sur Death row, c'est un condamné à mort de vingt-et-un ans qui s'exprime et, dès le coup de guitare en intro, c'est glaçant. Des coups de percussions suggèrent les portes et les verrous qui claquent. On le suit de sa cellule à la salle d'exécution et, au fur et à mesure que la fin approche, il sue et il a chaud, et nous avec presque car on s'y croirait à chaque fois qu'il hurle "Whhyyyyy ? I don't wanna die !!".
2 + 2 = ? a été inclus en 1969 sur Ramblin' gamblin' man, le premier album de The Bob Seger Sytem. Death row sera ressorti des cartons pour intégrer le deuxième album Noah un peu plus tard la même annnée.
Comme le dit The Seth Man, c'est presque étonnant de la part de Bob Seger System, mais ce disque est à mettre au niveau de ceux de leurs voisins de Detroit MC5. Et ce n'est pas tous les jours qu'on trouve des disques rock de ce calibre à 50 centimes, même s'il faut se battre pour en rassembler les pièces.
Comme souvent pour les disques de ces années-là, je suis un peu fasciné par la qualité de l'extrait du catalogue Pathé Marconi au dos de la pochette. A part Udo Jürgens et Cliff Richard qui font un peu tâche, on a droit à Solomon King, Small Faces, The Four Tops, Bobbie Gentry, The Beatles, Stevie Wonder, The Beach Boys, Marvin Gaye et Tammi Terrell, Ray Charles, The Box Tops, Chris Farlowe et Procol Harum. Rien que ça ! Il y a aussi Reparata and the Delrons, qui n'est pas un improbable groupe obscur, voire virtuel, comme je le pensais, mais un groupe féminin américain qui a eu du succès des deux côtés de l'Atlantique, et qu'on peut notamment entendre sur Honky tonk women des Rolling Stones !

13 août 2016

LES SOEURS ETIENNE : Les beaux soirs d'autrefois


Acquis chez Oxfam à Marcinelle le 2 août 2016
Réf : 20.170 -- Édité par Decca en France en 1948
Support : 78 tours 25 cm
Titres : Les beaux soirs d'autrefois (La fiera di San Colombano)-/- La marchina (Marquigna)

Cela fait un moment que je souhaitais chroniquer un disque des Sœurs Étienne pour leur rendre hommage. La dernière fois, c'était au printemps dernier, quand on a appris la mort de Louise Étienne, l'aînée du duo de chanteuses qu'elle constituait avec Odette, morte en 2013. Heureusement, contrairement à ce qu'on a pu lire un peu partout, la dernière des sœurs Étienne n'était pas décédée puisque, hors le duo, trois sœurs leur ont survécu, Danielle, Claudette et Catherine.
Mais voilà, en mars dernier je ne possédais qu'un seul disque de Sœurs Étienne, le tout dernier qu'elles ont publié je crois, un 45 tours sorti en 1987 avec Symphonie en face A. Certes, il est sympathiquement dédicacé au verso ("Pour Ginette et Maurice, avec toute la sympathie de deux rémoises"), mais il y a aussi au verso la mention de Pascal Sevran, qui a signé les paroles de la face B, et il y a des limites que je ne suis pas encore préparé à franchir, d'autant que ce 45 tours tardif n'est pas représentatif de leur période de succès, qui couvre une dizaine d'années de 1945 à 1955.
Heureusement, lors de ma virée belge au début de ce mois, j'ai trouvé ce 78 tours, au même endroit que le Oscar Denayer. Certes, ce disque a été exporté de France en Belgique au moment de sa commercialisation en 1948, mais il n'a sûrement pas beaucoup bougé depuis car je l'ai acheté 68 ans plus tard à quelques centaines de mètres de l'endroit où il a été initialement vendu, chez Marcel Debaix (Disques phonos, Instruments de musique), 41 rue Émile Tumelaire à Charleroi. L'étiquette du marchand avec son saxophoniste noir est très belle. Je la mets ici en gros plan pour faire un clin d'oeil à l'ami Le Colonel et à sa Collection Kangourou :



Donc, Les Sœurs Étienne étaient "deux rémoises", et c'est bien ça qui m'intéressait. Et qui m'attriste car, je ne vais pas vous refaire le coup du prophète en son pays, mais il est clair que personne ou presque dans leur ville natale ne s'est intéressé à elles quand il était encore temps (et du temps il y en a eu, puisque Louise et Odette sont mortes respectivement à 91 et 85 ans), pour leur rendre hommage et documenter leur parcours. Il n'y a pourtant pas tant d'artistes rémois qui ont eu une telle audience à l'échelle nationale... (Cependant, on apprend chez Reims Punk 'n' Roll que Jacques Pessis a réalisé en 1996 un documentaire de 24 minutes. Il a probablement été diffusé sur La Cinquième, qui l'a co-produit, mais n'est pas actuellement disponible en ligne).
Alors, on prend ici et là pour reconstituer à gros traits leur parcours. Elles sont nées rue de la Neuvillette et ont aussi habité rue Lesage. Leur famille tenait un dancing, le Modern Parc, situé près de la Vesle, vers le Pont Fléchambault (on pouvait encore voir le socle du kiosque à musique en 2013). En 2015, il était question de raser la Maison Verte, située sur ce parc, en bord de Vesle.
En 1943, la famille Étienne a déménagé à Paris, et Les Sœurs Étienne ont très vite rencontré le succès, en réussissant à harmoniser parfaitement leurs voix pour faire à deux et en français ce que The Andrews Sisters faisaient à trois et en anglais.
Leur plus grand succès, c'est C'est si bon, qu'elles ont été les premières à chanter en 1948 (Yves Montand a raté le coche de peu). La chanson est depuis devenue un classique dans le monde entier, interprétée par des centaines d'artistes, grâce notamment à Louis Armstrong.
En tout, le duo a gravé plus d'une centaine de titres en dix ans. Si j'en crois les numéros de catalogue, mon 78 tours est le deuxième à être sorti après C'est si bon (20.168), Tant pis tant pis (20.169) s'étant glissé entre les deux.
En face A, on trouve Les beaux soirs d'autrefois, adapté d'une chanson italienne La fiera di San Colombano. Je ne sais pas si c'est la version originale, mais j'ai trouvé en ligne une interprétation italienne de 1947 par Marisa Fiodaliso et Enrico Gentile. Le thème est très classique, la nostalgie pour les fêtes villageoises d'autrefois, mais l'arrangement de cette valse par l'Orchestre de Raymond Legrand est très bien léché et, surtout, les deux sœurs font des prouesses vocales, celles qui ont fait leur succès, d'autant plus impressionnantes que, à l'époque, les enregistrements étaient sûrement faits intégralement en direct.
En face B, on trouve une version de La marchina, du film Deux amours. La version originale dans le film est par Tino Rossi. Cette fois, il s'agit d'une samba, avec là aussi un thème éternel, celui de la nouvelle danse qui va faire oublier toutes les autres. l'interprétation des Sœurs Étienne est beaucoup plus enjouée et rythmée et, comme pour la face A, je la préfère, et de loin, à la version originale.
J'espérais depuis quelques temps trouver un 78 tours des Sœurs Étienne. C'est chose faite, et en plus je l'apprécie. Il doit en rester au bas mot une soixantaine d'autres à glaner...

Plusieurs compilations des Sœurs Étienne ont été éditées en CD au fil du temps, mais aucune ne semble actuellement distribuée. Du coup, les CD existants sont vendus à prix prohibitif. Cherchez plutôt la bonne occasion ou écoutez en ligne...

10 août 2016

GONTARD! : Repeupler


Offert par Noël Belmondo par correspondance en mai 2015
Réf : GONTARD01STRN -- Édité par Gontard! en France en 2015 -- Interdit à la vente
Support : CD 12 cm
13 titres

Après la parution de son premier album Bagarres love songs fin 2012, Gontard! a continué à diffuser des productions en ligne à un rythme très soutenu, comme Carne on Chatroulette, Poteau rose ou Comment ramener un noyé à la rive.
De juillet 2014 à février 2015, il a enregistré ce deuxième album Repeupler, mais un grand changement s'est produit pour l'occasion : Gontard!, le projet solo de l'un des Frères Nubuck, associant échantillons de la sono mondiale et diatribes caustiques, s'est transformé en Gontard! le groupe, avec le compère Noël Belmondo à la basse (ex-Frères Nubuck, alias Henri Bingo de Bingo Bill Orchestra), Anthony Nakata à la guitare et Clément Michel à la batterie.
Au printemps 2015, Gontard! a pressé quelques exemplaires de l'album à des fins de promotion (Noël Belmondo a eu la gentillesse de m'en offrir un...). Début 2016, Repeupler a été commercialisé nationalement par Ici d'Ailleurs, avec les mêmes titres mais avec une pochette différente.
Tout récemment, on parlé de Gontard! par chez moi à l'occasion de la diffusion de la vidéo pour La france des épiciers, tournée dans le Grand Est, de Colombey-les-Deux-Eglises à Nancy. Et c'est vrai que ce n'est pas gai. On peut comparer cette version groupe de la chanson à la première version de 2013 sur Comment ramener un noyé à la rive.



Cette chanson donne une bonne idée de l'atmosphère de l'album, de La saison des grands froids à Rivoluzionari en passant par la série Repeupler 5 / Repeuplons 1 / Repeuplement 3. Il est aussi question de "rock 'n' roll capitalisme" dans Vince Taylor, de cimetières et de tombes dans Oh moi! et Sanglier.
Même si les deux titres n'ont rien à voir, il est difficile d'écouter Mon frère est fils unique sans penser en écho à Avec mon frère, sorti récemment sur Futurisme, le deuxième album de Chevalrex, un autre Frère Nubuck.
Pour l'instant, mes deux titres préférés de l'album sont Inutile d'affranchir, avec un motif de guitare qui me rappelle Roudoudou (mais je ne sais pas où Roudoudou l'avait piqué) et Sauvagerie tropicale ("Hé, tu la sens pas, la sauvagerie tropicale ? D'autres jours viendront, il faudra certainement les tuer. Boulot, dodo, chacun pour soi dans son ghetto, et Dieu pour tous ! Hé, tu les sens pas, ces fameuses années trente, la frontière symbolique, elle est où, entre ce qui pue et mon amie la rose ?").
Le CD est commercialisé avec un livret standard, avec paroles des chansons. Dans le 33 tours, c'est carrément un fanzine qui est glissé, avec des textes et des illustrations en plus. On y trouve notamment Nice, dont le texte ("C'est beau Nice, mais pas assez pour y mourir.") a pris une couleur particulière ces dernières semaines, mais le "C'est beau Nice !" dans l'ensemble des paroles est très ironique. Nice a été publié fin 2015 sur la Ici Mostla d'Ailleurs tape, où l'on retrouvait notamment Ovulation française, dans la droite ligne de Repeupler, et Zizi Panpan, avec un échantillon du Red tape de The Nits.
La toute dernière parution de Gontard!, c'est l'excellente reprise de Et les filles de Jean-Luc Le Ténia que l'on trouve sur la compilation A Découvrir Absolument Volume 40.
Plein de bonne musique à écouter, donc. Il ne me reste plus qu'à espérer attraper prochainement le gars Gontard! et son groupe en concert...

Repeupler est disponible chez Ici d'Ailleurs, en CD + Livret, 33 tours + MP3/WAV + Fanzine ou MP3/WAV.




Gontard! : Repeupler 5 et Rivoluzionari, en session pour Shoot It + Tagada Tsoin Tsoin le 4 février 2015.

07 août 2016

OSCAR DENAYER : Oscar plays Elvis


Acquis chez Oxfam à Marcinelle le 2 août 2016
Réf : MLP 0225/850 -- Édité par Metronome en Belgique sûrement dans les années 1970
Support : 33 tours 30 cm
14 titres

J'ai fait une petite virée en Belgique cette semaine et, comme souvent, j'en suis revenu avec quelques bonnes trouvailles, faites surtout cette fois-ci dans des boutiques de seconde main ouvertes par l'organisme caritatif Oxfam.
Ce disque-ci m'a sauté aux yeux d'emblée et je m'en suis saisi sans hésiter ! Oscar plays Elvis, c'est en plein dans la lignée de Aimable joue Françoise Hardy mais ça sonne quand même mieux... En plus, Oscar est en galante compagnie sur la pochette et tous les deux sont juchés sur une Harley Davidson. Ce qui vaut à cette pochette, comme à celle de James Last, d'avoir été répertoriée dans un article de Juke Box Magazine. Dans une autre partie de l'article, on trouve aussi une fameuse pochette de Georges Jouvin avec Dominique, celle de La trompette mène la danse, avec là aussi une Harley en vedette.
Oscar, c'est Oscar Denayer, un accordéoniste belge. Je n'ai trouvé en ligne aucune information biographique le concernant, mais on peut être certain qu'il a eu un parcours similaire à celui d'accordéonistes populaires français comme André Verchuren, Marcel Azzola ou Émile Prud'Homme. La différence, c'est qu'Oscar s'attaque ici au répertoire d'Elvis Presley, ce que ses homologues français n'ont sûrement pas fait. Je ne pense même pas qu'il y ait un album de Johnny Hallyday à l'accordéon...
Ce qui surprend à première écoute, c'est que, même si c'est du Elvis, ça sonne exactement comme n'importe quel disque de variétés à l'accordéon. Ça s'explique sûrement par le choix du répertoire : quasiment rien de l'Elvis rock 'n' roll des années 1950 et une majorité de titres des années 1960, dont plusieurs scies tirées de ses bandes originales de film. Les accordéonistes musettes n'ont sûrement pas attendu Elvis pour jouer O sole mio (It's now or never), Plaisir d'amour (Can't help falling in love with you) ou la chanson populaire allemande sur laquelle est basée Wooden bird (co-signée par le chef d'orchestre Bert Kaempfert). D'autres succès d'Elvis composés à partir d'airs populaires, comme Love me tender, (Let me be your) Teddy Bear et Surrender, ne déparent pas dans le lot.
Il n'empêche, à l'exception notable de (Marie's the name) His latest flame, on retrouve ici un grand nombre de mes titres favoris d'Elvis, avec In the ghetto et aussi deux des titres joués par Bill Drummond dans une fameuse session radio en 1986, Are you lonesome tonight ? et Wild in the country. Et surtout, il y a Can't help falling in love with you. Depuis 1997 et la sortie d'une version de cette chanson par David Thomas et 2 Pale Boys dans le coffret Monster, je la chante très souvent. Désormais, je dispose d'un accompagnement instrumental pour le faire. Malheureusement, la version d'Oscar est bien plus rapide que celle de David...
Je n'ai trouvé aucun extrait de ce disque en ligne. Pour que vous puissiez vous faire une idée, j'ai sélectionné la version de You're the devil in disguise, un 45 tours à succès d'Elvis en 1963.

Oscar Denayer: You're the devil in disguise.

04 août 2016

THE FALL : The frenz experiment


Acquis chez A la Clé de Sol à Reims vers 1989
Réf : BEGA 91 + FALL 1 -- Édité par Beggars Banquet en Angleterre en 1988
Support : 33 tours 30 cm + 45 tours 17 cm
10 + 2 titres

Ce n'est pas si souvent que ça arrive, mais la lecture de la chronique de Renégat par Stéphane Deschamps pour Les Inrockuptibles m'a donné envie de lire le livre. Il s'agit des mémoires de Mark E. Smith de The Fall, récemment parus en français chez Le Serpent à Plumes. Du coup, je me suis commandé l'édition originale anglaise du livre de 2008 et je l'ai lue avec beaucoup de plaisir.



Je suis d'accord avec Stéphane Deschamps quand il dit que Smith est "Un peu réac, mais pas aigri". C'est le principal défaut du livre, le côté vieux con qui nous guette tous avec l'âge, qui pousse à croire que, dans le temps les choses étaient plus simples, les gens plus libres et qu'aujourd'hui tout va mal et les jeunes sont amorphes devant leur télé/ordinateur/téléphone (l'appareil change au fil des années). Alors qu'en fait, on le sait bien, la principale différence c'est qu'il y a quarante ans, les vieux cons étaient jeunes, vivaient la vie sans se poser de questions alors qu'aujourd'hui ils l'analysent au prisme de leur expérience. Ils devraient juste penser que, de tout temps, les gens ayant atteint leur âge, à commencer par leurs parents, ont fait ce genre de réflexion.
Bref, une fois qu'on réussit à passer par-dessus ça, qui est surtout sensible dans les premiers chapitres, la lecture est réjouissante. Mark E. Smith y raconte sa vie, qui se confond en grande partie avec le parcours de The Fall, et dézingue à tout va, à commencer par les (nombreux anciens) membres du groupe, mais aussi des musiciens, journalistes, politiciens. A de nombreuses reprises cependant, il prend le temps de souligner le rôle positif et le soutien, ici d'un label, là d'un musicien. Il prend aussi le parti de Liam Gallagher contre Noel...
Mais l'intérêt principal du livre, c'est quand Mark E. Smith parle de son parcours avec The Fall, de ses choix artistiques (la répétition, la recherche du faux rythme et du léger manque de justesse,...) et de l'écriture des paroles. C'est révélateur et ça explique comment il a pu mener la barque The Fall contrez vents et marées depuis 1976.

Renégat est disponible chez Le Serpent à Plumes. 4 extraits à lire en ligne.



Par rapport à la production du groupe (plus de trente albums, des dizaines de singles, de disques en public et de compilations), j'ai peu de disques de The Fall. Mais pour fêter cette lecture de Renegade, j'ai ressorti un de mes albums préférés du groupe, The frenz experiment, que j'avais acheté 25 francs en solde chez A la Clé de Sol. Il s'agissait de la première édition anglaise en 33 tours, qui comportait un 45 tours en bonus.
Cet album est sorti au moment où le groupe a connu ses plus gros succès commerciaux (c'est tout relatif), quand l'épouse de Mark Brix était membre du groupe et quand une série de reprises (Mr. Pharmacist, There's a ghost in my house, Victoria) a été éditée en single et s'est retrouvée classée dans les meilleures ventes.
On retrouve Victoria ici. C'est une très bonne version de la chanson des Kinks, suffisamment courte pour passer en radio et qui sonne quand même comme du Fall. Et justement, sans cette reprise Frenz experiment resterait un excellent disque, car on y retrouve les éléments qui, de façon très stable tout au long de son parcours, sont la marque de fabrique de The Fall, et donc du seul membre permanent du groupe, Mark E. Smith : la musique avec certains aspects répétitifs même si elle est variée d'un titre à l'autre, le chant, et les paroles, marquantes et originales rien qu'à la lecture des titres des chansons : ici, Carry bag man, Guest informant, Oswald defense lawyer et Mark'll sink us (Mark nous coulera, il ne faut pas négliger la part d'humour de Smith !).
Aujourd'hui, mes titres préférés sont ceux avec des choeurs (Carry bag man, Oswald defense lawyer),ou une deuxième voix (Frenz), mais aussi Athlete cured (réputé pour pomper le riff de Tonight I'm gonna rock you tonight de Spinal Tap) et Bremen nacht.

On trouve toujours assez facilement The frenz experiment en CD. Il y manque une des faces du 45 tours bonus, mais il y a six titres en plus.


The Fall : Victoria, ci-dessus dans une émission de télé et ci-dessous en vidéo.


The Fall : Carry bag man, en direct sur la chaîne italienne Rai Uno en 1988.