Pages
▼
28 mars 2016
BRUCE SPRINGSTEEN : The River
Acquis d'occasion en Angleterre dans les années 2000
Réf : A1179 -- Édité par CBS en Angleterre en 1981
Support : 45 tours 17 cm
Titres : The River -/- Independence day
En 1978, j'ai beaucoup aimé et acheté le 45 tours Because the night de Patti Smith, mais mon intérêt pour Bruce Springsteen s'est largement limité à ça. Dans le quartier, des copains avaient certains de ses albums, s'éclataient sur Rosalita ou Born to run, une chanson que j'aimais bien, mais pas au point de chercher à en écouter plus. Et en 1980, quand The River est sorti, il n'y avait qu'un seul double album à pochette simple de chez CBS qui m'intéressait : London calling de The Clash ! Mais quand même, j'ai toujours apprécié d'entendre les deux 45 tours tirés de l'album qui ont eu le plus de succès, Hungry heart et The river, et j'ai même fini par acheté ce dernier il y a quelques temps.
J'ai eu envie de le ressortir après avoir lu le n° d'Uncut daté d'avril 2016, avec Springsteen en couverture, qui présente le coffret The ties that bind qui vient de sortir. Comme il l'avait fait il y a quelques années avec Darkness on the edge of town / The promise, il a en effet plongé dans les archives des sessions de The River pour en ressortir un paquet de chansons laissées sur le carreau à l'époque, quitte parfois à refaire la voix.
J'ai appris à cette occasion qu'il s'était passé un an et demi entre le début de l'enregistrement de l'album et sa sortie. Assez vite, Springsteen avait bouclé The ties that bind, un album de dix titres, qu'il avait transmis au label pour le sortir. Mais il n'était pas complètement satisfait et composait chanson sur chanson. Les sessions ont donc repris et, si le double album original comptait vingt titres, plus d'une trentaine d'autres avaient été mis en boite, dont seule une minorité était sortie entre temps, en face B de 45 tours, dans des coffrets ou sur des compilations.
Ce n'est pas seulement à cause de l'intro à l'harmonica, mais j'ai toujours trouvé la chanson The River extrêmement triste, poignante presque. Ça se ressent dans le rythme et l'atmosphère et ça se confirme avec les paroles, qui racontent comment les rêves pourtant très modestes et raisonnables d'un jeune homme se détruisent au fil de la vie. C'est une chanson nostalgique particulièrement triste à l'évocation des bons moments passés à se baigner dans la rivière :
"Et maintenant ces souvenirs reviennent me hanter
Ils me hantent comme une malédiction
Est-ce qu'un rêve est un mensonge s'il ne se réalise pas
ou est-ce quelque chose de pire
qui me renvoie au bord de la rivière
même si je sais que la rivière est à sec"
Et elle n'a l'air de rien, mais j'ai l'impression que The River n'est pas une chanson facile à chanter. Je sais que je chante toutes les chansons faux, et à partir du moment où ce n'est pas juste, je n'ai pas si on peut parler de plus ou moins faux, mais The River est une chanson qui reste en tête des jours après qu'on l'a écoutée et quand je me la chante, même moi je me rends compte que je ça doit être insupportable !
Bruce Springsteen a indiqué en 2015 qu'Independence day, avec The River, Point blank et Stolen car, fait partie des chansons qui constituent le cœur de l'album. Elle avait pourtant été composée et enregistrée une première fois pour l'album précédent, Darkness on the edge of town. C'est aussi une chanson lente aux paroles plutôt tristes, assez proche de The River. Là, il n'est pas tant question de la Fête nationale américaine que d'un fils qui s'apprête à prendre définitivement son indépendance de son père et qui s'adresse à lui avant de quitter la maison familiale. C'est une bonne idée d'avoir associé ces deux chansons sur ce 45 tours, même si on aurait préféré un inédit en face B.
Springsteen est le premier artiste que j'ai vu présenté dans la presse comme un "nouveau Dylan", à l'époque de Darkness on the edge of town. A l'époque, comme je ne connaissais à peu près rien de Dylan, ça me faisait une belle jambe. Aujourd'hui, ça me parait peu approprié, surtout côté paroles. En écoutant ce 45 tours, je pense plutôt parmi les gens que j'apprécie à Elliott Murphy (les deux se connaissent bien) ou Townes van Zandt.
Bruce Springsteen, The river, interprété pour la première fois sur scène en septembre 1979 lors des concerts de Musicians United for Safe Energy. Extrait du film No nukes.
Bruce Springsteen, Independence day, en concert au Summit à Houston le 8 décembre 1978
27 mars 2016
THE SLITS : Man next door
Offert par Dorian Feller à Villedommange au début des années 2010
Réf : Y 4 / RT 044-- Édité par Y / Rough Trade en Angleterre en 1980
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Man next door -/- Man next door (Version)
L'autre jour, en lisant un article de Dangerous Minds sur les Slits, je me disais que, avec dix ans de recul, je pourrais entreprendre de chroniquer une deuxième fois certains disques, soit parce que j'ai de nouvelles informations dessus, des souvenirs récents qui y sont associés, parce que des rééditions ont été publiées avec des bonus ou, le plus souvent, parce que des compléments sont disponibles en ligne.
Quand j'ai chroniqué ma cassette de l'album Return of the giant Slits fin 2006, j'avais réussi à trouver un site qui proposait en téléchargement la fameuse interview bonus (il n'est plus en ligne), mais maintenant Dangerous Minds a dégoté cette interview sur YouTube, mais aussi la vidéo d'Earth beat, que je n'avais jamais vue, et une version en concert de Man next door, que j'avais visionnée il y a quelques temps, les deux avec comme choriste/danseuse une jeune Neneh Cherry, qui était membre du groupe cette période. Aussi étrange que ça puisse paraître, elles se sont connues car Don Cherry et les Slits ont tourné ensemble.
Plutôt que de faire une nouvelle chronique, j'ai mis à jour mon vieux billet, mais tout ça m'a donné envie de ressortir ce 45 tours de 1980 que Dorian Feller a eu la gentillesse de m'offrir il y a quelques années.
En fait, c'est avec Man next door que j'ai découvert les Slits en 1981, sur l'une des toutes premières compilations que j'ai achetées, qui s'avère rester l'une des meilleures, Wanna buy a bridge ?, sortie par Rough Trade US pour présenter aux américains les premières productions de Rough Trade.
Ce 45 tours fait partie des quelques publications du groupe chez Y en 1980, entre ses deux albums studio : le demi-45 tours In the beginning there was rhythm, la compilation pseudo-pirate que je n'aime pas Retrospective et le très bon Animal space.
A l'époque, j'avais vu que la chanson était créditée à un certain John Holt, mais je ne savais pas qui c'était et ce n'était même pas clair pour moi qu'il s'agissait d'une reprise. En fait, cette chanson a une longue histoire et un titre complètement instable. A l'origine, elle est interprétée par le groupe de rock steady de John Holt The Paragons et est publiée en face B de 45 tours en 1968 sous le titre Got to get away.
Dans les années 1970, plusieurs 45 tours sortent, dont un qui reprend en face A la version originale sous le titre Man next door, et en face B une version toastée par Dave Barker intitulée, suivant les éditions, soit Got to get away soit A quiet place.
Il y a aussi une étrange version, également intitulée A quiet place, avec Horace Andy qui chante sur la version de John Holt, et en face B une version instrumentale par The Aggrovators retitrée A noisy place.
En 1979, Dennis Brown publie sa propre version sous le titre Man next door en 45 tours et sur l'album Joseph's coat of many colors. Elle a un certain succès et c'est sûrement celle qui a directement incité les Slits à reprendre la chanson.
Pour boucler la boucle, on poussera jusqu'en 1998 avec l'album Mezzanine de Massive Attack, un groupe qui a de forts liens avec Neneh Cherry, qui contient une version de Man next door chantée par Horace Andy, avec un échantillon sonore pioché chez The Cure.
Pour ce qui est de la version des Slits, j'ai découvert en préparant ce billet qu'elle est souvent décriée par les fans de reggae. Pour ma part, ce Man next door est la première version que j'ai eu l'occasion d'écouter et ça reste ma préférée. J'aime aussi beaucoup la "version" de la face B, que je ne connaissais pas avant d'avoir ce 45 tours.
Je note aussi que ces coquines ont légèrement modifié les paroles. Dans la version originale, le voisin d'à côté est inquiétant et fait du tapage nocturne et le narrateur veut se sauver et emmener sa famille dans un coin plus tranquille. A l'inverse, Ari Up des Slits chante qu'elle voudrait aller dans un endroit plus bruyant !
La version en concert de 1981 nous permet de découvrir comment les Slits concoctaient leur mixture et elle nous permet de nous souvenir d'Ari Up, qui est morte à 48 ans en 2010.
The Slits, Man next door, en concert au Tempodrom à Berlin le 19 juin 1981.
20 mars 2016
KEVIN AYERS : Caribbean moon
Offert par Fabienne M. à Mareuil-sur-Ay en mars 2016
Réf : 3C 006-05347 -- Édité par Harvest / EMI en Italie en 1973
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Caribbean moon -/- Take me to Tahiti
Après Althea et Donna hier, on reste dans les Antilles avec la Lune caribbéenne de Kevin Ayers.
Quand cette chanson est enregistrée en mars 1973, Pink Floyd, groupe signé sur le même label Harvest, vient de sortir The dark side of the moon. Ce qui intéressait Ayers, c'était clairement The light side of the moon, pas tant la face éclairée d'ailleurs que sa face légère !
On imagine la tête des fans de Floyd ou de son ex-groupe Soft Machine, alors en pleine phase jazz-rock, s'ils tombaient sur ce truc sautillant et plein de gaieté. C'est d'ailleurs ce que j'ai pensé aussi la première fois que j'ai entendu cette chanson, sur l'exemplaire de Dorian Feller de la compilation Odd ditties de 1976. Sur le coup, ça m'a paru vraiment trop léger, exotique et quasiment easy listening. Je n'avais pas saisi alors la dose d'humour et de distance que contenait cette chanson volontairement de pacotille.
L'album Bananamour a été enregistré en septembre 1972 mais il n'est sorti qu'en mai 1973, quelques semaines après ce 45 tours enregistré entre temps. Si la sortie de Caribbean moon a été aussi précipitée, c'est peut-être quand même parce que, second degré ou pas, Harvest espérait peut-être tenir là un tube de l'été. Mais ça n'a pas marché et ce sera le même topo en 1976 quand le label choisira de commercialiser à nouveau ce 45 tours pour appuyer la sortie d'Odd ditties.
En mai 1973, lors d'un concert au Queen Elizabeth Hall de Londres, Ayers a justement présenté cette "imported song" comme "une de ces chansonnettes pour Radio 1". Mais les radios et le public ont préféré Pink Floyd, bizarrement, et ce 45 tours n'a pas dû vendre le millième de Dark side of the moon.
Chose rare à l'époque, une vidéo a été tournée pour Caribbean moon, peut-être à l'occasion d'une émission télé. C'est aussi un petit bijou, qui renforce l'humour de la chanson. On en voit des vignettes sur la pochette de ce 45 tours italien que je me suis fait offrir pour mon anniversaire, pochette que je préfère au dessin un peu tristos de la pochette originale anglaise.
Avec cette chanson, grâce à ses piccolo et sa flûte, avec la mention de la musique rasta et du calypso, on sait qu'aux Antilles, la lune est jaune comme une banane, à tel point que les éphèbes danseurs sont affublés d'une ceinture de bananes. Visiblement, je ne sais pourquoi, Kevin Ayers était obsédé à l'époque par la lune et les bananes. En tout cas, avec Singing a song in the morning, cette chanson est peut-être l'une des plus joyeuses et entraînantes d'Ayers.
En face B, pour continuer sur une note exotique, on trouve Take me to Tahiti, une chanson enregistrée pendant les sessions de Bananamour mais écartée de l'album, tout comme Fake Mexican tourist blues, encore une autre chanson pseudo-exotique de ce voyageur épris de soleil qu'était Ayers. Lors du concert des Banana follies en septembre 1972, il n'avait qu'une chose à dire en introduction de la chanson, c'est qu'il l'avait écrite à Malte !
En tout cas, si la seule mention de Tahiti est exotique pour nous, cet enregistrement l'est beaucoup moins que Caribbean moon, avec le son beaucoup plus électrique du groupe de Bananamour. Difficile donc de l'enchaîner par exemple avec Si t'as été à Tahiti de Paola...
Et pour finir, un petit bonus, avec une vidéo que Philippe R. m'a incité à regarder à nouveau le mois dernier et qui m'a donné envie de réécouter la version originale.
Après Althea et Donna, on a un autre duo de jeunes filles, Hanna et Anita qui reprennent Caribbean moon, en rendant hommage à la vidéo originale avec l'aide d'amis ou de membres de la famille. On sait s'amuser chez les Finnois, et leur joie est communicative ! C'est avec de genre de perles que YouTube peut s'avérer être un bon moyen de faire des découvertes musicales, et leur reprise est parfaitement dans l'esprit des chansons les plus gaies de Kevin Ayers.
Une publicité parue dans la presse pour annoncer la sortie du 45 tours en Angleterre.
19 mars 2016
ALTHIA & DONNA : Up town top ranking
Acquis chez Shelter à Ramsgate le 11 mars 2016
Réf : LIG 506 -- Édité par Lightning en Angleterre en 1977
Support : 45 tours 17 cm
Titres : ALTHIA & DONNA : Up town top ranking -/- MIGHTY TWO : Calico suit
J'ai été bien content de tomber sur ce 45 tours d'Althea et Donna. Je connais depuis un bon moment Up town top ranking par le biais de compilations, mais je n'avais aucun disque d'elles.
Mon 45 tours n'a pas de pochette, mais il n'y a en a jamais eu, ni pour l'édition anglaise ni pour l'originale en Jamaïque. Bon, quand on voit l'anti-pochette française, on se dit qu'on a déjà de la chance de bénéficier de l'étiquette de Lightning Records.
Je ne connaissais pas l'histoire de cette chanson, celle de deux jeunes filles qui enregistrent, sur la même base musicale et avec le même producteur, un disque en réponse au Three piece suit de Trinity. Lui se vantait de son costume trois pièces, elles font de l'up town top ranking, ce qui apparemment désigne ce que fait un jamaïcain de la cambrousse quand il va frimer en ville.
Après, c'est un peu le conte de fées. Mikey Dread passe le disque dans son émission et c'est un tube en Jamaïque. John Peel le passe dans la sienne, et c'est carrément numéro un des ventes pendant une semaine en Angleterre et les gamines se retrouvent à chanter leur chanson devant des millions de téléspectateurs. Un album sortira dans la foulée, sympathique mais sans plus, et ce sera quasiment tout pour Althea et Donna, qui resteront sur ce seul succès.
Ça permet sans doute à Up town top ranking de garder toute sa fraicheur, un disque joyeux, complètement hip pop optimiste, à enchaîner avec d'autres disques reggae chantés par des jeunes, comme Pass the dutchie de Musical Youth, Les Gamins en Folie ou Betta must come de QQ, inclus récemment sur une compilation Soul Jazz.
En face B, Calico suit est crédité à Mighty Two. Sans surprise, connaissant la pratique jamaïcaine, il s'agit d'une "version" largement instrumentale de la chanson principale, avec un instrument mis en avant qu'on entendait souvent sur les productions reggae de l'époque mais que j'ai du mal à identifier : je pense qu'il s'agit d'un orgue ou d'un piano électrique au son trafiqué avec une pédale d'effet.
Un disque qui fait danser et qui met de bonne humeur, vous pouvez m'en prescrire tous les jours, merci !
Althia & Donna, Up town top ranking, à Top of the Pops, le 26 janvier 1978. Les voix ont visiblement été enregistrées pour l'occasion
13 mars 2016
ORCHESTRE DU GŒLAND GRIS : Doux baisers hawaïens
Acquis à la braderie-brocante d'Ay le 2 juin 2011
Réf : 259 -- Édité par Discolux en Belgique dans les années 1930
Support : 78 tours 25 cm
Titres : Doux baisers hawaïens -/- Rêves
Les disques souples, je connais bien, mais ce jour-là, alors que je faisais mon tour de la braderie-brocante d'Ay, je suis tombé dans un carton sur une poignée d'exemplaires très bizarres : des disques souples de grand format (25 cm), blancs et épais comme des 78 tours rigides. A 50 centimes, j'étais bien décidé à en prendre un rien que pour l'objet, mais en plus j'en ai trouvé un au titre alléchant, Doux baisers hawaïens.
J'ai commencé à déchanter plus tard, lorsque j'ai eu la possibilité chez fois d'écouter des 78 tours et que j'ai compris pourquoi ce type de disque n'était pas plus répandu : ce grand disque, même après des années coincées entre d'autres dans une pile, n'est jamais plat ! On peut le repousser dans un sens ou l'autre, écouter une face concave ou convexe mais ce n'est jamais génial.
En plus, sur le coup je n'ai pas trouvé beaucoup d'informations sur ce disque, sauf que Discolux était une étiquette du distributeur belge Phonedibel.
En plus du titre d'une des chansons, j'aimais beaucoup le nom de l'Orchestre du Goéland Gris. Un peu comme l'Orchestre de Ça Gaze ou celui du Tourbillon, dont j'ai aussi un disque, j'étais persuadé que c'était l'orchestre d'un cabaret, mais là aussi j'ai fait chou blanc et je n'ai trouvé aucune référence à un tel lieu, ni en France ni en Belgique.
J'ai donc remisé mon disque sans le chroniquer, comme j'en avais d'abord eu l'intention, mais j'y pensais assez souvent, notamment car j'avais copié la photo des labels.
Je l'ai encore ressorti il y a quelques jours, et là d'un seul coup j'ai progressé à pas de géant. Je suis tombé sur un bête fichier Excel de liste de disques en vente, mais qui comportait cette mention:
"Orchestre du Goeland Gris (Grey Gull Orchestra) mx 3900, Feb 1930, prob. Mike Mosiello (t), Andy Sanella (stg), John Cali (g) Charles Magnante (acc.),…GREAT".
Des noms ? Des pistes ? Hop, je cherche des infos sur le steel guitariste Andy Sannella, puisqu'il y a de la guitare hawaïenne et là, bingo, j'apprends que, avec les musiciens cités ci-dessus, il formait le noyau du prolifique orchestre maison d'une maison de disques de Boston active de 1919 à 1931, Grey Gull Records !
Un "grey gull", en français, c'est un goéland gris !!
Il s'avère donc que mon disque, que je croyais francophone, est en fait l'édition belge d'enregistrements américains, avec une traduction complète en français du nom de l'orchestre et des titres des chansons...!
Muni de ces éléments, et sachant que les discographies anciennes de jazz sont très bien documentées, je me suis rendu sur
le site du projet Grey Gull Discography et j'ai trouvé des informations sur les deux faces de mon disque :
Sweet hawaiian kisses (matrice 2455) a été publié deux fois, sur le disque version Grey Gull 2344, crédité à Arthur Fields et sur le Grey Gull 4160 en 1927, crédité à Roy Butler, l'un des pseudos d'Arthur Fields.
Dreams (matrice 3873) a été publié en 1930 sur Goodson S175, l'un des labels de Grey Gull et crédité aux Melodist Four.
Rêves, sur mon disque, porte bien le numéro de matrice 3873, et c'est assurément le même enregistrement que le Dreams de Goodson, une valse instrumentale avec principalement la trompette solo de Mike Mosiello, même si on entend, aussi, entre autres, la guitare hawaïenne.
Par contre, Doux baisers hawaïens (matrice 3896) n'est pas le même enregistrement que le Sweet hawaiian kisses de la matrice 2455. En effet, comme précisé sur l'étiquette du 78 tours Grey Gull, Sweet hawaiian kisses est chanté, alors que ma version de ce très beau titre de guitare hawaïenne est entièrement instrumentale !
Ce numéro de matrice ne figure pas encore dans la base de données de Grey Gull Discography mais je pense qu'il s'agit juste d'un manque et je suis à peu près sûr que cette version instrumentale a aussi été éditée aux Etats-Unis.
En tout cas, ce disque plein de surprises est non seulement un étrange objet mais aussi très intéressant musicalement. Évidemment, je regrette maintenant de ne pas avoir pris tout le lot, même si musicalement les autres disques étaient sûrement moins intéressants.
Ces titres Grey Gull ont visiblement été très rarement réédités, à l'exception du CD Grey Gull rarities de Jazz Oracle, sur lequel on retrouve les musiciens de ce disque sur plusieurs titres, mais aucune des deux faces de mon 78 tours souple.
Orchestre du Goéland Gris : Doux baisers hawaïens.
Orchestre du Goéland Gris : Rêves.
06 mars 2016
SIEUR & DAME : Amour et papouasie
Acquis chez Gilda à Paris le 25 février 2016
Réf : KTB37 -- Édité par Kythibong en France en 2013
Support : CD 12 cm
10 titres
Quels sont mes critères pour sélectionner un CD à 50 centimes parmi des dizaines d'autres ? C'est simple : une pochette cartonnée en bon état très réussie, des titres en français pour un groupe français (de Nantes), un disque masterisé à Athens en Géorgie (ça en jette) et, cerise sur le gâteau, une chanson créditée entre autres à Julia Lanoë et Carla Pallone alias Mansfield Tya. Je ne sais pas vous, mais moi ça me suffit amplement.
Malgré tout, on place souvent de gros espoirs sur un disque acheté comme ça à l'aveugle pour être ensuite très déçu à l'écoute. Rien de ça ici puisque que cet album de Sieur & Dame, qui s'ouvre sur l'air de Frère Jacques, est puissant et original. Une véritable découverte.
Après l'intro instrumentale, ce premier titre, qui donne une bonne idée de l'album dans son ensemble, se poursuit avec les deux voix contrastées du Sieur Etienne Anclin et de la Dame Claire Grupallo, rejoints sur cet album pour former un trio par Jonathan Seilman, qui a enregistré et mixé le disque. On repère tout de suite que Claire a une voix opératique qui évoque un peu, sur ce premier titre uniquement, celle de Catherine Ringer. Etienne, lui, a un chant proche de la voix parlée, qui m'a instantanément fait penser à un autre chanteur que je ne comprends pas, Albert Pla, le catalan qui a collaboré avec Pascal Comelade pour le spectacle et le disque Somiatruites.
Car une des premières choses que l'on remarque à l'écoute d'Amour et papouasie, c'est que, bien que les titres soient pour la plupart en français et que les paroles contiennent des mots et des expressions dans cette langue, l'ensemble est chanté dans une langue a priori inconnue.
J'ai trouvé une explication à ce mystère dans un entretien avec avec Lionel Delamotte pour Pulsomatic :
"Puis, le jeu intime avec le langage. On cuisine Etienne et ses textes, qui n’en sont pas ; il s’emporte si on parle de yaourt : « C’est péjoratif, on ne dit pas à une nana dans le jazz qu’elle fait du yaourt ! On dit qu’elle fait du scat ! Mon chant, c’est un langage personnel. Breton ou Eluard, quand ils faisaient de l’écriture automatique, on ne leur disait pas qu’ils ne savaient pas écrire. C’était une expression poétique. Là, c’est pareil, c’est une forme poétique ! ». Et le compère Romain qui tacle « Oui, c’est une sorte de slam poétienne ! ». Claire, elle, va « chercher dans le répertoire classique, dans ce que je suis en train de travailler par ailleurs, dans plein de langues, avec des vrais mots. Du latin, de l’allemand, de l’espagnol... »."
Mais les paroles et le chant sont associés à la musique et le tout donne un disque d'une grande unité, passionnant d'un bout à l'autre.
J'aurais tendance à dire que Terrible est mon titre préféré, mais je les aime tous. Pour se donner une idée du travail du groupe, on peut comparer les deux reprises du disque aux versions originales. Leur version de Cavaliers de Mansfield Tya a été publiée initialement sur l'album ReNYX. Cette reprise est bien créditée sur l'album, mais bizarrement l'autre, tout aussi excellente, ne l'est pas. Il s'agit d'Ours molaire de Piano Chat, publiée initialement sur la compilation Décennie : Couverture de leur label commun Kithybong. Peut-être parce que, en-dehors du titre, l'instrumental de Piano Chat et la composition de Sieur & Dame ont très peu en commun.
Amour et papouasie est le deuxième album de Sieur & Dame, après Perversion discrète en 2011. Ils sont sorti fin 2013 un 45 tours commun avec Gregaldur, Collé serré/Lambaldur, mais je les découvre un peu trop tard car le groupe a annoncé en septembre 2015 qu'il tirait sa révérence discrètement après neuf années de concerts, clips et disques. Ils ont du coup tout mis en téléchargement libre, mais on peut continuer à les soutenir en achetant leurs disques chez Kythibong, tous disponibles en CD et vinyl.