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21 avril 2013

GANG OF FOUR : To hell with poverty !


Acquis au Virgin Megastore de Londres le 11 septembre 1981
Réf : 12EMI 5193 -- Edité par EMI en Angleterre en 1981
Support : 45 tours 30 cm
Titres : To hell with poverty ! -/- Capital (It fails us now)

Lors de mon tout premier séjour à Londres, j'ai acheté un disque de Lewis Furey, vu Misty In Roots en concert, et le dernier jour je mes suis lâché en achetant une dizaine de disques (Simple Minds, Basement 5, XTC, Jah Wobble, Ultravox !, Elvis Costello, Jonathan Richman, les compilations Earcom 2 et Marty Thau presents 2 x 5). La plupart de ces disques étaient en solde ou d'occasion, mais j'ai dû acheter celui-ci au prix neuf, mais pas cher quand même, et j'ai dû dépenser quasiment jusqu'à mes dernières livres sterling car j'ai aussi acheté ce jour-là le t-shirt correspondant, chose que j'ai rarement faite. J'avais dû partir avec toutes mes économies, gonflées cet été-là par un boulot d'été et les cadeaux pour la réussite au bac...
Ce single hors album de Gang of Four est sorti trois mois seulement après Solid gold et il se trouve que c'est le dernier enregistrement publié de la formation originale du groupe puisque le bassiste Dave Allen a quitté le groupe pendant la tournée qui a immédiatement suivi.
La pochette de Keith Breeden est très colorée, très pop art, et c'est sûrement elle qui m'a poussé à prendre aussi le t-shirt. Je n'arrive pas à trouver de référence, mais il me semble que la photo lui ayant servi de base représentait peut-être J. F. Kennedy et Marylin Monroe une table de dîner.
Ce disque a donc plus de trente ans. Et pourtant, la crise, le chômage, les allocs, les défauts de crédit, la pauvreté, les riches qui se pavanent... les années Thatcher dont il date ont beau être derrière nous pour de bon, tout ça reste complètement d'actualité.
J'ai beaucoup écouté et apprécié To hell with poverty !, mais pourtant j'ai longtemps eu tendance à mésestimer cette chanson. Je la trouvais un peu trop funky, un peu trop polissée. Après coup, j'ai longemps pensé que c'était un premier pas vers le son un peu plus commercial de Songs of the free et Hard. Il a fallu que je réécoute et apprécie fortement la version réenregistrée en 2005 pour l'album Return the gift pour que je me décide à ressortir ce maxi original. Et je me suis rendu combien j'avais été sévère et à côté de la plaque avec ce disque. Certes, le son est plus lourd et plus clair, mais les ingrédients sont bien les mêmes que sur Solid gold. Et depuis quand un disque "commercial" commence-t-il par trente secondes de feedback ?!?
Les paroles, je les ai toujours aimées, et le refrain avec les cris qui l'accompagnent est efficace au point de me faire systématiquement gueuler les paroles avec (quasiment) le poing levé ! :
"Au diable la pauvreté ! On se pintera au gros rouge !
Au diable la pauveté ! Les allocs vont arriver, elles ont été mises au courrier".
Ce n'est pas autant demain la veille du jour où je me pinterai au gros rouge...
La face B, Capital (It fails us now), également inédite en album, est du Gang of Four typique, saccadé un peu comme Paralysed et Why theory, avec encore une basse énorme et une guitare acérée. Côté paroles, ils jouent aux maos ("Le capital (Il nous fait défaut maintenant), Camarades, saisissons l'occasion") en revenant sur certains de leurs sujets favoris, la consommation et la finance, avec suffisamment de distance pour ne pas se ridiculiser ("Au moment où je suis né, j'ai ouvert les yeux et tendu le bras pour sortir ma carte de crédit. Oh non ! Je l'ai laissée dans l'autre costume.").

Outre les nouvelles versions sur le très bon mais superfétatoire Return the gift (A quoi bon réenregistrer des chansons déjà excellentes, de façon pas si différente ?), on trouve les titres de ce maxi sur la compilation A brief history of the twentieth century et sur les rééditions de Solid gold qui contiennent en bonus les titres du EP américain Another day / Another dollar.




Gang of Four, To hell with poverty, en direct dans l'émission Old grey Whistle Test le 11 avril 1981. Je préfère, et de loin, les mouvements de danse pourtant très particuliers du chanteur aux accoutrements très mode années 80 de l'ensemble du groupe.

20 avril 2013

THE TRUFFAUTS : On dit que le bonheur est toujours ailleurs


Offert par Ronald Chateauroux / The Truffauts par correspondance en avril 2013
Réf : TP9 2013 -- Edité par TP9 en Allemagne en 2013
Support : CD 12 cm
Titres : La belle et la bête -- Significant sleep inertia -- Living ain't easy -- Casse-toi -- She stole my heart

Depuis qu'on a parlé ici de leurs French songs (désormais en écoute chez Soundcloud), The Truffauts ont continué de sortir très régulièrement des disques. Après les albums To your heart en 2008 et The pleasure of life en 2010, voici que nous arrive cet EP, On dit que le bonheur est toujours ailleurs, un bon quart de siècle après leur premier album ...Fanny !., avec une belle photo de pochette (mieux mise en valeur au verso et sur l'étiquette du disque).
Rappelons ce qui fait la particularité des Truffauts : ce groupe allemand a des influences pop-rock anglo-américaines très classiques, mais il se trouve que, comme son nom l'indique, il est très francophile. D'où des peudonymes de circonstance (de Jean-Jacques Boucher à Olivier Durange, avec pour ce disque une chanteuse invitée, Julie La Colline) et un certain nombre de chansons originales chantées entièrement en français. Les autres titres sont en anglais et, pour être logique avec moi-même et avec ce que je pense des groupes français, je devrais regretter que les Truffauts n'écrivent pas aussi de temps en temps en allemand...
Des deux chansons en français ici présentes, l'une plutôt lente, La belle et la bête, ouvre le disque, et l'autre,plus rapide et plus rock, Casse-toi, donne son titre au EP ("Tu crois que le bonheur est toujours ailleurs. Rester ici va porter malheur. Casse-toi, barre-toi"), qui m'évoque un peu Frank Black/les Pixies ou Sugar, ce qui donne bien le ton du disque puisque Significant sleep inertia et Living ain't easy sont aussi de cet acabit.
Je ne sais pas si ça finira par arriver, mais il est dommage qu'il ne se soit pas encore trouvé d'organisme de soutien à la francophonie ou de promotion de l'amitié franco-allemande pour donner une bourse aux Truffauts et leur permettre de faire un tour de France des salles de rock. Ils en seraient ravis, j'en suis sûr, et moi aussi !

Ça n'a pas l'air d'être déjà le cas, mais ce disque sera bientôt disponible en téléchargement chez Amazon/Itunes. Plus d'infos chez The Truffauts.

14 avril 2013

THE THE : Soul mining


Acquis chez Emmaüs à Tours-sur-Marne dans les années 2000
Réf : PET 39266 -- Edité par Epic aux Etats-Unis en 1984
Support : Cassette
10 titres

Certes, j'avais déjà depuis début 1984 la version 33 tours de ce premier album de The The, achetée soldée à moitié prix quelques mois après sa sortie dans une boutique Our Price du nord de Londres. J'avais aussi acheté quelques temps plus tard la cassette anglaise, avec "6 extra tracks", dont Perfect et cinq extraits de l'album annulé The pornography of despair. Malgré cela, j'ai quand même trouvé deux bonnes raisons d'acheter cette cassette américaine, qui comporte moins de titres que l'anglaise, mais on y trouve "2 special extended mixes not available on LP" que je n'avais pas, et surtout la pochette n'est pas la même que celle de l'édition originale de l'album.
Je ne le savais pas, mais cette pochette est en fait celle, réduite au format d'un timbre poste, de l'édition américaine de Soul mining. J'ai toujours trouvé la pochette originale très réussie (elle est due à Andy "Dog" Johnson, le frère de Matt Johnson, comme toutes les pochettes de The The dans ses premières années), mais je me suis souvent demandé quel était le rapport entre ce portrait (ça pourrait être Nina Simone ou Billie Holiday retravaillée d'après photo) et la musique que contient le disque. Alors que la pochette américaine, avec ce gars qui semble hurler et cracher très douloureusement le logo du groupe, illustre plutôt bien le titre et l'ambiance du disque, surtout quand on regarde le dessin complet, qui commence au verso :


Eh oui, avec cet album il est littéralement question de se creuser le ciboulot (au marteau), de se torturer l'âme, de procéder à un examen de conscience. Et c'est pas gai, bien sûr. Même si tout ça est fort lucide, on est bien loin ici de l'hoptimisme...
Sorti à l'automne 1983, Soul mining est chronologiquement le tout dernier des classiques de la new wave, sachant que la limite temporelle que j'ai arbitrairement fixée est celle du succès des Smiths.
Boule de spleen, réflexion métaphysique, interrogation existentialiste ponctuée par le passage des jours, l'oeuvre de Matt Johnson des années 1982-1983 est très cohérente, qu'on aborde la question par les titres d'albums (Des bleus à l'âme en feu pour celui paru sous le nom de Matt Johnson et La pornographie du désespoir pour celui de The The de 1982, resté inédit), par les singles, qui forment quasiment une trilogie (Perfect — "Oh what a perfect day, to think about myself", Uncertain smile — "But just for today... I think I'll lie here and dream of you" et This is the day — "This is the day when things fall into place"), ou par les chansons de l'album en ordre séquentiel (J'ai attendu demain (toute ma vie) avant This is the day, puis The sinking feeling — "Tomorrow's world is here to stay", The twilight hour, Soul mining — "Something always goes wrong when things are going right" et enfin Giant — "How can anyone know me when I don't even know myself").
Malgré tout ça, la musique de The The n'est pas pour autant déprimante sur ce disque où Matt Johnson a su s'entourer de quelques invités, comme Zeke Manyika, le batteur d'Orange Juice, qui martèle le premier et le dernier titre, Thomas Leer ou Jools Holland de Squeeze. C'est notamment le cas sur This is the day, probablement l'un des sommets du disque, une chanson rythmée, avec un accordéon enjoué et un violon qui lui donne un air de gigue irlandaise. Sauf que côté paroles bien sûr, c'est l'antithèse du Morning of our lives de Jonathan Richman, avec une ironie cruelle qui fait que quand il chante "This is the day your life will surely change", on comprend évidemment que "C'est le jour où ta vie ne changera pas du tout". Mais je ne résiste pas à l'envie de vous traduire toute la chanson :
"Ouais, tu ne t'es pas réveillé ce matin parce que tu ne t'es pas couché.
Tu regardais le blanc de tes yeux virer au rouge.
Le calendrier sur le mur raye les joue passés.
Tu as relu de vieilles lettres — tu souris en pensant que tu as bien changé.
Tout l'argent du monde ne pourrait pas racheter ce temps-là.
Tu tires les rideaux et le soleil vient te brûler les yeux.
Tu regardes un avion voler à travers le ciel bleu clair.
C'est le jour où — ta vie va sûrement changer.
C'est le jour où (C'est ta vie) — les choses vont se mettre en place.
Tu aurais pu tout faire — si tu l'avais voulu.
Tes amis et ta famille pensent que tu as de la chance.
Mais l'aspect de toi qu'ils ne verront jamais c'est quand tu te retrouves seul
avec les souvenirs qui font tenir ta vie — comme de la colle."

Pour en revenir aux particularités de cette cassette, il s'avère que les deux "extended mixes" sont en fait les deux faces du maxi anglais de This is the day. Les chansons sont allongées respectivement de 25" et 1'51 mais il est quasiment impossible de les distinguer des versions album, et c'est très bien comme ça.
Pour ce qui concerne Perfect, l'histoire est un peu compliquée. Le titre était sorti en single début 1983. Il a été réenregistré lors des sessions de Soul mining mais il ne fait pas partie des sept titres de l'album original. Il y est pourtant étroitement associé car cette nouvelle version de Perfect a été diffusée de façon limitée sur un maxi 45 tours qui accompagnait les premiers exemplaires du 33 tours anglais, elle a été ensuite incluse sur la cassette anglaise de l'album, sur cette cassette américaine, et sur toutes les éditions en CD jusqu'à celle remastérisée de 2002, où Matt Johnson a obtenu que le contenu original des sept titres de l'album soit respecté. Soit, c'est son disque, mais cette tête de mule a aussi fait changer la pochette, et il aurait pu avoir le bon goût de proposer un CD bonus avec Perfect et les différentes versions et chansons inédites parues à l'époque en faces A et B de single...

13 avril 2013

HENRI SALVADOR : Kissinger - Le Duc Tho



Acquis chez Emmaüs à Tours-sur-Marne le 6 avril 2013
Acquis chez Royer à Epernay le 4 septembre 2012
Réf : RI 10 084 -- Edité par Rigolo en France en 1973
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Kissinger - Le Duc Tho -/- Un chagrin d'amour

Samedi dernier chez Emmaüs, j'ai hésité un bon moment avant de prendre ce disque car je ne savais plus si je l'avais déjà. La couleur rouge me disait quelque chose (c'est à peu près la même que pour les 45 tours Petit lapin et Pauvre Jésus-Christ sortis à la même époque) et le titre Kissinger - Le Duc Tho éveillait aussi des souvenirs. Finalement, je l'ai pris, à tort en partie car il se trouve que j'avais effectivement acheté ce disque il y a à peine plus de six mois, avec une pile d'autres lors d'un déstockage peut-être ultime de vinyls chez Royer (là où j'ai trouvé le Neon lights de Kraftwerk), mais à raison quand même car l'exemplaire que j'avais est une deuxième version du disque, ou du tout du moins de sa pochette, avec le verso qui est passé devant, remaquetté au passage avec une photo retournée et agrandie, le disque gardant les mêmes étiquettes, et donc théoriquement les mêmes faces 1 et 2, mais les premiers retours avaient dû laisser penser qu'Un chagrin d'amour avait plus de potentiel commercial. De toute façon, je ne regrette pas ce deuxième achat car il m'a donné l'occasion de réécouter plus attentivement ce disque et d'en voir l'intérêt.
Il est clair en tout cas qu'en ce début des années 1970 Henri Salvador puisait une partie de son inspiration dans l'actualité. Après le scandale de la garantie foncière, c'est aux accords de paix de Paris qu'il s'est intéressé, et là on a une fois de plus la preuve que la discophilie est un bon moyen de développer sa culture générale, puisque cette chanson, Kissinger - Le Duc Tho, m'a donné l'occasion de me pencher sur la chronologie de la fin de la guerre du Vietnam, sur laquelle j'étais à peu près ignare. Les longues négociations de 1968 à 1973, la signature des accords il y a tout juste quarante ans, le retrait des troupes américaines, l'attribution controversée du prix Nobel de la Paix à Henry Kissinger et Le Duc Tho, prix refusé par ce dernier, la poursuite de la guerre jusqu'à la chute de Saïgon en 1975... J'en sais désormais un peu plus.
Henri Salvador est l'auteur des paroles de cette chanson, encore un des exemples, et ils sont multiples, qui contredit la promo de l'album posthume Tant de temps, qui affirmait présenter la seule chanson dont il ait signé texte et musique. Certes, les paroles ici ne sont pas du Dylan, et le seul commentaire que Salvador fait sur le Vietnam, c'est de mettre en scène, pour faire rire, le dialogue de sourds entre le représentant américain lors des négociations et son homologue nord-vietnamien. Il y a plus drôle, y compris chez Salvador, mais ce n'est pas là que réside l'intérêt du disque. Cet intérêt, je l'ai trouvé dans la musique et la technique de production, toutes les deux entièrement dues à Henri Salvador lui-même qui, depuis 1969, travaillait seul à l'élaboration, à l'enregistrement et au mixage de ses disques.
Ici, on a droit en intro à des effets sonores de sirènes et de bombardiers, puis une boite à rythmes fournit un léger rythme tribal à la Liquid Liquid et les noms des deux protagonistes sont psalmodiés pendant tout le morceau. Ensuite, Salvador fait son numéro, en yaourt, en français et en anglais, de façon presque sérieuse, hormis la saillie "Que les signatures soient respectées et qu'on nous libère de ce sac de nœuds !". C'est Salvador qui fait toutes les voix, il n'a pas utilisé d'enregistrement des voix réelles de Kissinger et Le Duc Tho, mais si ça avait été le cas, la conclusion aurait été limpide : on aurait pu affirmer que Salvador avait produit ici un titre proto-hip hop, contemporain des travaux des Last Poets ou de Gil Scott-Heron, avec dix à quinze ans d'avance sur des maîtres de l'échantillonnage et du collage sonore tels que Double Dee & Steinski (It's up to you) ou Dee Nasty (Etat d'urgence). Quand j'ai mis ce disque sur la platine, je ne m'attendais absolument pas à ce que ce genre de réflexion me vienne à l'esprit !
En face B, Un chagrin d'amour est une ballade sur un rythme de bossa pratiqué par Salvador depuis les années 1940, mais là encore la production lui donne une tonalité particulière : voix doublées, boite à rythmes, orgue... on est plus près de Shuggie Otis que de Tom Jobim !
Comme pour le précédent 45 tours d'Henri Salvador chroniqué ici, il semble bien qu'aucune des deux faces de ce disque d'un chanteur (très) populaire n'est actuellement disponible dans le commerce...

Kissinger - Le Duc Tho est en écoute chez Bide & Musique.
Un chagrin d'amour est en écoute sur Youtube.

 
La pochette retravaillée pour un deuxième tirage...

07 avril 2013

THE UNDERTONES : Positive touch


Acquis chez Debenhams à Harrow-on-the-Hill à l'automne 1983
Réf : ARD 103 -- Edité par Ardeck en Angleterre en 1981
Support : 33 tours 30 cm
14 titres

J'ai habité près de Harrow-on-the-Hill pendant l'année que j'ai passée à Londres en 1983-1984, et au centre de Harrow il y a un magasin Debenhams, un "grand magasin" comme on dit, façon Galeries Lafayette, et je ne fréquentais pas les lieux depuis trois mois que la section disques du magasin (je ne sais plus son nom) a entrepris de se débarrasser d'une bonne partie de son stock d'albums : plusieurs centaines de 33 tours à 1 £ pièce !
J'en ai acheté un bon paquet, bien sûr, dans la limite de mes moyens. Je n'ai plus toute la liste en tête mais, outre ce troisième album des Undertones, je me souviens qu'il y avait Songs of the free de Gang of Four et Rock 'n' roll with The Modern Lovers, rien que ça !
Positive touch, avant même d'avoir l'occasion d'écouter cet excellent disque, c'est d'abord une pochette très travaillée, due à Bush Hollyhead, du studio NTA. Si au premier regard la pochette extérieure apparait comme presque entièrement blanche, elle présente en fait de nombreuses figures embossées, ainsi que le nom du groupe en braille. Si on passe le doigt sur ces éléments en relief, on ressent effectivement le toucher en positif du titre de l'album !




La pochette intérieure, elle, est très colorée. Elle permet de comprendre que les figures en relief sont des pictogrammes associés à chacune des chansons. Pour les sucettes, je n'ai jamais compris pour le coup ce qu'elles venaient faire là, mais je les ai toujours beaucoup aimées.
A ma connaissance, aucune des rééditions en CD de ce disque n'a même essayé de reproduire de près ou de loin un emballage de cette qualité (au minimum, il faudrait une pochette cartonnée en relief). Au contraire, celles que j'ai vues proposent le disque sous boitier plastique avec les pictogrammes imprimés en grisé. Du sabotage !




Je vais essayer de ne pas me lancer dans la description des quatorze titres de cet album et de me limiter dans les superlatifs, car il se trouve que j'estime que Positive touch est un disque excellent de bout en bout, sans temps morts, l'album le plus abouti des Undertones (évidemment, il y a les singles, mais on a déjà abordé la question) et une pépite pop rock/new wave généralement sous-estimée.
Les deux titres qui ouvrent l'album donnent une bonne idée de ses ingrédients et de ses qualités : Fascination s'ouvre par un petit roulement de batterie, immédiatement suivi de choeurs et d'un riff de guitare. Julie Ocean est une ballade émouvante emballée en 1'45. Il y a plein de points de référence à trouver dans les sixties, mais la particularité de Positive touch c'est qu'il n'a rien de rétro dans le son, contrairement à l'album suivant The sin of pride. Ce son est sûrement en partie dû au producteur, le même que pour les deux premiers Undertones, Roger Béchirian, un technicien vedette qui était carrément managé (!) par Jake Riviera, le même que pour Nick Lowe et Elvis Costello, deux artistes avec qui il a beaucoup collaboré. En cette même année 1981, Béchirian a notamment travaillé sur le Trust d'Elvis Costello et l'East side story de Squeeze, dont le pianiste Paul Carrack est présent ici sur deux titres.
Positive touch a été très bien accueilli à sa sortie par les deux grands magazines français : album du mois dans Best avec une chronique de Youri Lenquette qui se termine par "Chef d'oeuvre !!!", tandis que dans Rock & Folk, Michka Assayas souligne chez les Undertones "l'art consommé de conjuguer le classique et l'inattendu". Mais tout le monde n'a pas été aussi enthousiaste : dans Sounds, Dave McCullouch regrette que les Undertones aient abandonné la noisy pop naïve de leurs débuts. Et c'est vrai que les Undertones de 1981 ont mûri, perdu de leur insouciance, et qu'une certaine tristesse imprègne l'album ("Nothing good lasts forever, and sometimes nothing starts", "Sad girl, such an unusual attraction",...), mais il y a aussi des pépites speedées comme His goodlooking girlfriend, Hannah Doot et When Saturday comes. De toutes façons, le groupe avait lui bien l'intention de changer, comme John O'Neill l'expliquait à l'époque dans un entretien pour Rock & Folk : "Pour Positive touch, nous avons été très influencés par beaucoup de groupes récents, comme UB 40, The Beat, Teardrop Explodes, tous ces groupes qui expérimentent.".
Malheureusement pour les Undertones, et malgré le soutien de leur nouveau label, Positive touch n'a pas été un succès. Le single extrait de l'album au moment de sa sortie, It's going to happen !, n'a pas été un gros tube. Quelques semaines plus tard, un nouvel essai a été tenté, avec une version de Julie Ocean, malheureusement et inutilement réenregistrée pour la rallonger (!) et la réorchestrer. Une autre chanson de l'album, Life's too easy, a été réenregistrée et est sortie en 45 tours, mais c'était en face B de Beautiful friend, un titre inédit sorti début 1982, entre deux albums.
En 2013, une formation des Undertones tourne et va prochainement se produire en France. Mais cette formation n'inclut pas le chanteur Feargal Sharkey qui, s'il ne composait pas les chansons, comptait quand même énormément dans ce qui faisait l'intérêt du groupe. Mon conseil serait plutôt de se procurer un exemplaire de Positive touch, soit un 33 tours original pour la pochette, soit une réédition CD avec au moins 19 titres, c'est à dire avec en bonus les singles d'époque.


The Undertones, une vidéo pour le single It's going to happen !.

 
The Undertones, Hannah Doot, sur la scène du Palace à Paris le 11 octobre 1980. Extrait de l'émission Chorus.

 
The Undertones, The positive touch, en public à Münich le 30 septembre 1981.

05 avril 2013

DIZZY GILLESPIE AND HIS ORCHESTRA : Ow !


Acquis sur le vide-grenier de Bisseuil le 31 mars 2013
Réf : SG. 49 -- Edité par La Voix de son Maître en France en 1948
Support : 78 tours 25 cm
Titres : Ow ! -/- Oop-pop-a-da

Dernièrement, j'ai eu le plaisir de me voir offrir un électrophone Teppaz, modèle Oscar 65, en parfait état de fonctionnement. Première conséquence, et pas des moindres, j'ai désormais la possibilité d'écouter à la maison des disques 78 tours. C'est très frustrant d'acheter des disques sans pouvoir les écouter et jusqu'à présent je regardais très peu les 78 tours sur les vide-greniers et j'avais rarement craqué (je n'en ai que 4 ou 5). Ça va changer maintenant, et ça a bien commencé dès dimanche dernier à Bisseuil, dans un froid glacial, où j'ai trouvé ce disque de Dizzy Gillespie.
J'ai beau m'être beaucoup intéressé à un autre trompettiste,  je ne suis pas particulièrement fan de cet instrument et ce qui m'a vraiment décidé à acheter ce disque, c'est l'association des deux titres onomatopesques, Ow ! et Oop-pop-a-da.
Ces faces titres ont été enregistrées à New York le 22 août 1947. Si j'en crois la mention inscrite au crayon sur la pochette, le premier propriétaire de mon exemplaire l'a acheté en février 1950.
Si la face A, Ow !, s'avère être un instrumental jazz très classique, mais pas désagréable, il semble bien que c'est la face B, Oop-pop-a-da, qui soit vite devenue l'un des grands titres de Dizzy Gillespie. D'ailleurs, c'est ce titre que Boris Vian mentionne dans sa chronique dans Combat du 3 juin 1948 : "Nouveautés : En fait, il n'y en a pas beaucoup. En-dehors de Oop pop a da, par Dizzy Gillespie et son grand orchestre, paru sous l'étiquette "La Voix de son Maître" (SG. 49), que tous les amateurs de bon jazz se doivent de posséder"
Et pourquoi, donc, les amateurs de bon jazz, et les autres, devraient-ils s'intéresser à Oop-pop-a-da ? Eh bien, parce que c'est un titre plein d'énergie, chanté dans un style scat par Dizzy Gillespie et Kenneth Hagood, accompagnés par des membres de l'orchestre. Loin de moi l'idée de me lancer dans un raccourci trop audacieux, mais question onomatopées, si on est évidemment très loin du "A-wop-bom-a-loo-mop-a-lomp-bom-bom !"de Little Richard, on en a quand même sûrement les prémices avec ce genre de titre.
Notons quand même que cette chanson a été écrite par Lee Brown, alias Babs Gonzales, qui l'a enregistré le premier avec son groupe Three Bips and a Bop. Mais c'est bien Dizzy Gillespie qui l'a rendue célèbre et l'a interprétée pendant plus de quarante ans. Si la version 78 tours dure à peine plus de trois minutes, on peut en écouter des versions beaucoup plus longues, au Carnegie Hall avec Charlie Parker en 1947 ou à Paris en 1952. La toute dernière version enregistrée par Dizzy Gillespie, qui est mort en 1993, est sûrement celle qui donne son titre à l'album de 1988 du Moe Koffman Quintet, et celle là dure plus de dix minutes !


En voilà une qui écoute la voix du maître Dizzy Gillespie !

01 avril 2013

BEST OF PEEL SESSIONS PAR BERNARD LENOIR


Acquis dans une FNAC à Paris en 1990
Réf : FC 1 -- Edité par FNAC/Strange Fruit en France en 1990 -- Compilation réalisée pour la FNAC
Support : CD 12 cm
16 titres

EMI vient d'éditer une compilation de 38 titres intitulée Bernard Lenoir L'Inrockuptible. La sortie du disque a reçu fort logiquement le soutien de ses partenaires historiques, Les Inrockuptibles (critique et "interview exclusive") et la FNAC, qui distribue en exclusivité l'édition en triple 33 tours.
La sélection, réalisée par Bernard Lenoir, fait la part belle à des titres de la fin des années 1980 et des années 1990, l'époque de son retour à la radio, de C'est Lenoir et du surnom L'Inrockuptible, justement. Ce choix est de qualité, sans surprise, ni raretés. Tout ce qui est susceptible de m'intéresser là-dedans, je l'ai ou au minimum je le connais, et de toute façon je suis plutôt pour ma part un enfant de la première période de Lenoir, celle de Feedback. Ce disque n'est donc visiblement pas fait pour moi, et je ne comptais pas m'y intéresser plus que ça mais, de passage dans une FNAC, justement, j'ai tiqué quand j'ai vu ce qui figure sur les étiquettes apposées sur le disque : "La première compilation par Bernard Lenoir, la voix mythique de l'Indie Rock".
Je ne sais pas si travailler dans le marketing implique d'être inculte ou amnésique. Je ne sais pas si quelqu'un aux Inrocks ou à la FNAC a essayé de corriger cette affirmation, mais en tout cas ce qui est certain c'est que Bernard Lenoir L'Inrockuptible ne peut absolument pas être la première compilation réalisée par Bernard Lenoir, tout bonnement parce qu'il a déjà activement participé à la réalisation de la compilation de Peel sessions dont il est question aujourd'hui, éditée en 1990, diffusée exclusivement dans les FNAC et déjà à l'époque largement soutenue par Les Inrockuptibles.
Pendant longtemps, les fameuses sessions enregistrées par les groupes anglais pour l'émission radio de John Peel étaient plus réputées qu'écoutées par chez nous. Certes, quelques titres sortaient parfois officiellement, souvent en face B d'un single, mais souvent il fallait se contenter de coller son oreille au poste de radio pour écouter les transmissions/retransmissions en ondes moyennes, ou se risquer à acheter des cassettes pirates au son incertain. Tout a changé en 1987 quand John Peel et son compère Clive Selwood ont fondé Strange Fruit Records et se sont mis à sortir des maxis de Peel sessions. Certes, les pochettes étaient parmi les plus moches de l'histoire de l'industrie du disque, mais que de pépites là-dedans !
Une première compilation, intitulée The sampler, est sortie en Angleterre en 1988. Cet abum est sorti en France chez Off The Track, agrémenté pour l'occasion de notes de pochette signées d'un autre homme de radio, Yves Bigot. Deux ans plus tard, la distribution de Strange Fruit avait dû passer chez Wotre Music et c'est alors qu'est arrivé Best of Peel sessions par Bernard Lenoir, un disque à la pochette quand même moins moche, qui n'est sorti qu'en France (et même, donc, que dans le réseau FNAC). Quatre groupes sont sur les deux compilations (New Order, The Wedding Present, Buzzcocks et The Undertones) mais un seul titre est dupliqué, Here comes the Summer.
Je n'avais pas prévu au départ d'acheter ce disque mais, au moment de sa sortie il y en avait des piles énormes dans une FNAC parisiennes, à un prix tellement attractif que je m'étais même laissé aller à prendre le CD (pour moins de 40 francs, genre), alors que je venais tout juste d'acheter ma première platine.
La sélection des titres proposés ici est quasiment sans faute. Les enchaînements, avec le talent et le métier d'un programmateur radio, sont excellents. Cerise sur le gâteau, sur 18 titres, la part belle est faite à la période punk/new wave (10 titres), avec seulement deux titres plus anciens des années 1970 et quatre de la suite des années 1980.
On sait que la particularité de ces sessions enregistrées pour la BBC, c'est que cela se faisait très vite, quasiment en direct dans le studio, afin de pouvoir enregistrer en moyenne quatre titres en une session. Ça donne des versions souvent plus brutes que celles sorties sur disque, d'autant que de nombreux groupes profitaient de l'occasion pour se faire la main sur de nouveaux titres à peine écrits ou en tout cas encore inédits.
Je ne vais pas lister tout ce que j'aime sur ce disque car ça reviendrait à donner presque entièrement la liste complète des 18 titres. Disons juste que les deux "vieilleries" de 1970 (Terrapin de Syd Barrett et Jewel de T-Rex) son excellentes, que j'apprécie le son de guitare différent de Love will tear us apart et I am the fly, que j'ai vraiment connu Hong Kong garden avec ce disque et apprécié d'y retrouver une version de Killing an Arab, que la fraicheur de Here comes the Summer est renversante, qu'il est surprenant d'entendre Inspiral Carpets reprendre Gimme shelter des Stones en s'évertuant visiblement à sonner comme Julian Cope et Teardrop Explodes, et qu'on peut juste regretter que le titre des Smiths choisi, What difference does it make, avait déjà largement été diffusé dans cette version sur Hatful of hollow.
Deux ans après la sortie de ce disque, Bernard Lenoir a lancé ses propres Black sessions, qui lui ont valu pour de bon le surnom de "John Peel" français mais, dès 1979, avec sa programmation et les retransmissions de concerts Feedback, il pouvait déjà prétendre au titre.