27 novembre 2011

JAD FAIR AND DANIEL JOHNSTON : It's spooky


Probablement offert par Philippe D. au début des années 2000
Réf : PAPCD19 -- Edité par Paperhouse / Fire en Angleterre en 1993
Support : CD 12 cm
31 titres

Ceci est le premier billet d'une série informelle dédiée à un carré d'artistes, Jad Fair, Daniel Johnston, The Pastels et Teenage Fanclub et à une partie de leurs collaborations croisées. C'est aussi en quelque sorte un hommage à un certain David E. Barker, un anglais visiblement très fidèle dans ses goûts et ses amitiés musicales puisque, au fil des années et sur les différents labels dont il a eu la charge (Glass, Paperhouse Seminal Twang, August, God Bless), il a eu l'occasion de publier en Angleterre des disques de tous ces gens, ensemble ou séparément. Il a ainsi signé les Pastels après leur départ de Creation, lancé Teenage Fanclub chez Paperhouse avant qu'ils ne rejoignent eux Creation. Lui-même y a travaillé de 1992 à 1994, où il a eu droit à son propre sous-label, August.
Là, il s'agit de deux artistes américains, mais Barker suivait le travail de Jad Fair depuis bien longtemps quand il a sorti ce disque puisque l'un des seuls titres des très prolifiques Half Japanese (Jad et David Fair) que je possède se trouve sur Shadow and substance, une compilation de son label Glass de 1984 ! Avant ça, j'avais été très impressionné par Half Japanese quand j'avais découvert chez un disquaire que ce groupe underground avait carrément sorti un coffret de trois albums, 1/2 gentlement not beasts (mais je ne l'avais pasq acheté).
Ce CD It's spooky est une première réédition de l'album sorti sous le titre Jad Fair & Daniel Johnston en 1989 sur le propre label de Jad, 50 Skidillion Watts (avec 20 titres sur le 33 tours et 25 sur la cassette et le CD).Je ne sais pas comment s'est faite la rencontre entre Daniel Johnston et Jad Fair, mais après coup elle apparait presque inévitable tellement ils ont de points communs : production minimaliste, chant approximatif, excellentes chansons, forte productivité, éditions indépendantes, travail graphique en parallèle à la musique... A la limite, le seul risque de cette collaboration était que leurs talents ne s'additionnent pas tellement ils sont proches l'un de l'autre. Mais non, ça fonctionne.
L'album  a été enregistré en août 1988. Il y a six reprises et pour le reste, Daniel Johnston en signe la moitié seul et l'autre avec Jad Fair, qui ne place ici qu'un seul titre de lui seul.
Batterie, piano, guitares, quelques bidouillages (pas le plus intéressant de l'album), on n'est pas surpris d'avoir ici une production bricolée. Sur les 31 titres, tous ne me plaisent pas, bien sûr, mais il y a de grandes réussites et mes deux chansons préférées sont sûrement First day at work et son piano façon Méthode Rose ("It's your first day at work and you feel so nervous, you feel just like a jerk, and your boss is being nice to you but that's just for today, tomorrow he'll be mean to you so you'd better listen up and do what you're supposed to do") et I did acid with Caroline (une chanson à la Jeffrey Lewis avant l'heure).
J'aime aussi beaucoup l'assez rock Oh honey, If I'd only known,Tongues wag in this town et sa mélodie pop, I met Roky Erickson, le chien chanteur de Kicking the dog et Hands of love, chanté en choeur.
Côté reprises, Johnston a beau être grand fan des Beatles, je n'accroche pas trop à celle de Tomorrow never knows mais j'aime beaucoup celle du Chords of fame de Phil Ochs, qui se termine d'ailleurs par un bout du Act naturally de Buck Owens, et le chant de Happy talk n'est presque pas pire que celui de Captain Sensible sur sa propre version.


Daniel Johnston, Don't play cards with Satan, filmé par Jad Fair au moment de l'enregistrement de It's spooky. Ce titre ne figure pas sur l'album mais la vidéo a été ajoutée en bonus de la réédition de l'album par Jagjaguwar en 2001.

20 novembre 2011

BOBBY PATTERSON : How do you spell love


Acquis sur un vide-grenier de la Marne vers 2010
Réf : 1700 -- Edité par Calumet en France vers 1972
Support : 45 tours 17 cm
Titres : How do you spell love -/- Right on, Jody

Une pochette quelconque. Un nom à peu près inconnu, Bobby Patterson. Malgré tout, je n'ai pas laissé passer ce disque car ce nom je le connaissais, étant donné que j'ai à la maison depuis une bonne vingtaine d'années un 45 tours de Bobby paru dans la collection Triple Dynamite, éditée par Charly en Angleterre au début des années 1980. Ce disque, Philippe R. l'avait acquis dans des conditions assez rocambolesques à Paris avec plusieurs autres de ces trois-titres (d'où le nom de la collection) et il me l'a revendu à la fin de la même décennie, avec le Barefootin' de Robert Parker, juste avant une bourse aux disques où il s'est séparé d'une partie de sa collection.
Là, il s'agit d'une édition originale française, avec deux titres sortis aux Etats-Unis en 1971 et 1972.
Contrairement à ce que pourrait laisser penser le recto de la pochette, How do you spell love est ici la face A, comme l'indiquent le verso et la rondelle. A l'origine, c'était une face B, mais ce titre a eu pas mal de succès et a été plusieurs fois réédité. Il a notamment été repris en 1982 par les Fabulous Thunderbirds, sur l'album T-Bird rhythm et en face A d'un single qui a eu un certain succès. Sur le disque Charly, ils avaient rajouté la réponse à la question "How do you spell love ?" et c'était plus parlant. La réponse est "M-O-N-E-Y"...! C'est un excellent titre soul-funk, qui me fait pas mal penser à Joe Tex. Et comme il est question d'épeler, on pourrait dire qu'on est à mi-chemin entre le Joe Tex de S.Y.S.L.J.F.M. et celui plus funky de Loose caboose.
Right on, Jody était à l'origine une face A de single. C'est encore un excellent titre, au son plus brut, plus rhythm and blues, avec des cuivres.
On retrouve ces deux chansons sur l'album It's just a matter of time, sorti en 1972, le sommet d'une carrière d'interprète à la discographie assez conséquente, entamée en 1963 avec Walkin' the floor over you sous l'intitulé Robert Pattinson and his Combo. En tant qu'interprète, Bobby Patterson n'a jamais vraiment percé en-dehors de sa région de Dallas mais, comme il est expliqué au verso de la pochette, ce n'était pas sa seule activité dans l'industrie de la musique puisqu'il était auteur, arrangeur, producteur (de Fontella Bass et Roscoe Robinson entre autres) et même chargé de promotion pour son label Paula / Jewel.
De nos jours, Bobby est d'ailleurs toujours actif dans le domaine musical. Il anime une émission de radio pour KKDA-730 AM Soul 73 dans sa ville de Dallas et s'y produit encore régulièrement sur scène, en fin d'année dernière par exemple, et une chronique de concert de 2007 explique qu'il a conservé toute sa pêche.

Plusieurs compilations de Bobby Patterson ont été éditées en CD, mais parmi celles qui sont encore facilement disponibles,  Soul is my music et Taking care of business, je n'en ai pas trouvé qui contienne les deux faces de ce 45 tours.


Bobby Patterson, How do you spell love, en public en 2014 à Portland pour les Pickathon Pumphouse Sessions. Une très bonne version.

17 novembre 2011

VOLUME SEVEN


Acquis neuf en France à Reims ou à Paris en 1993
Réf : 7VCD7 -- Edité par Volume / World's End en Angleterre en 1993
Support : CD 12 cm
18 titres

Le groupe américain Girls, qui avait déjà interviewé Lawrence pour Magic! en 2010, rend hommage à Felt / Denim / Go-Kart Mozart avec un 45 tours à sortir dans les prochaines semaines intitulé tout simplement Lawrence.
Mais on est en 2011, et le 45 tours en forme de coeur tiré à 1000 exemplaires est déjà épuisé à la vente avant même d'être officiellement sorti, tandis que le titre lui-même est en écoute gratuite un peu partout, notamment chez One Thirty BPM, où l'on peut lire une lettre de Christopher Owens, de Girls, dans laquelle il explique qu'il a composé ce titre en 2008 alors qu'il était membre de Holy Shit et qu'il imagine bien la voix de Lawrence sur cet enregistrement  sans avoir osé y apposer ses propres paroles.
A l'écoute, il est clair que Girls a opté pour un hommage à la première période du groupe, avec Maurice Deebank à la guitare, avec un instrumental dans la veine de Crumbling the antiseptic beauty ou The splendour of fear, plus quand même une touche personnelle de pop californienne sous la forme de choeurs et de ce qui sonne comme une flûte. En tout cas, après le Song for Dan Treacy de MGMT en 2010, ça fait plaisir d'entendre un nouvel hommage à l'un de nos héros des années 1980.
Pour ce qui concerne Felt, ce n'est en tout cas pas le premier hommage discographique. J'en oublie sûrement, même si on exclut les reprises, mais le premier qui me vient à l'esprit c'est le Belt de Teenage Fanclub qui ouvrait le n° 7 du CD-magazine Volume en 1993. Il s'agit là encore d'un instrumental et, avant même de mettre le CD dans le lecteur, on pouvait tout de suite associer ce titre, bien vu, à la pochette du mini-album de Felt de 1986, Let the snakes crinkle their head to death, notamment sa deuxième édition, centrée sur le ceinturon de Lawrence. Ça se confirme complètement à l'écoute.

Les écossais, qui sont arrivés chez Creation quand Felt était déjà séparé, rendent un hommage sincère au groupe de Lawrence, mais qui ne se prend pas au sérieux pour autant. Il est bien précisé dans le magazine qu'il est conseillé d'avoir à l'esprit qu'iol s'agit d'un hommage à Felt quand on écoute l'enregistrement. Dans l'article sur Teenage Fanclub de la partie magazine, on apprend que c'est Brendan O'Hare qui est surtout responsable de ce morceau et que l'orgue utilisé est un clavier Yamaha QY-20 de la taille d'une cassette VHS.
Contrairement à ce qui est indiqué dans la présentation du titre sur TouTube, Belt n'a jamais été l'une des faces B de Norman 3. Comme le confirme l'excellente discographie commentée en français par Chris Wilde, Belt n'est sorti que sur ce Volume Seven, avec accessoirement une réédition en 1995 sur le 2e tome du best of de Volume, Sharks patrol these waters.
Sans remonter à Sonorama (en France de 1958 à 1962), Volume n'a pas été le premier à associer une revue et un disque, mais c'est l'une des expériences les plus intéressantes du genre, qui a duré une bonne partie des années 1990. La décennie précédente, au moment des nouveaux romantiques et des débuts du rock indépendant, l'angleterre avait notamment eu droit à Debut, avec carrément un 33 tours. J'ai souvent vu des exemplaires de Debut dans les caves de Record and Tape Exchange et, même si j'ai souvent failli le faire, je n'en ai au bout du compte jamais acheté. Peut-être parce que, comme avec beaucoup de compilations, c'est le genre de disques qu'on ne réécoute pas souvent au fil du temps. C'est exactement ce qui se passe pour moi avec les quatre Volume que j'ai achetés, même s'il s'agit d'un produit qui se tient très bien. Le principe : un CD avec des titres inédits au moment de la parution, même s'il s'agit souvent d'avant-premières de quelques jours ou quelques semaines (il y a aussi des live, des remixes et de vrais inédits comme Belt) et un magazine de près de 200 pages format CD avec notamment un article sur chacun des groupes du CD.
A la réécoute de Volume Seven, outre le Teenage Fanclub, le Barney des Boo Radleys s'avère être un de mes titres préférés (décidément, je n'en finis pas de redécouvir cette chanson, qui elle fait référence au chanteur de New Order), avec ceux de Redd Kross et The Heroines, et aussi la reprise de Life's a gas de T. Rex par Bang Bang Machine. Pour le reste, c'est représentatif du son des années 90, oscillant entre rock (remix d'un titre du premier EP de Radiohead, titres live de Verve et Sebadoh) et techno/dance, la palme du titre insupportable dans ce genre allant à Delta Lady.

13 novembre 2011

MARC ODEKA : A Propriano


Acquis sur le vide-grenier de la rue de la Chaude Ruelle à Epernay le 11 novembre 2011
Réf : E. P. 45.108 -- Edité par I.R.S. en France dans la deuxième moitié des années 1960
Support : 45 tours 17 cm
Titres : A Propriano -- Pleure, baby, pleure -/- Les folles nuits -- Le yé-yé repenti

Ah, la brocante de la rue de la Chaude Ruelle du 11 novembre... Le dernier grand rendez-vous en plein air de l'année par chez moi et, les traces qui en sont laissées ici le prouvent, généralement un bon coin pour la pêche aux disques.
Cette année n'a pas failli à la tradition puisque j'en suis revenu avec des CD de (Smog), New Order et The Cure, une poignée de 33 tours achetés à l'origine à Hawaï il y a pile cinquante ans, en novembre 1961, et aussi quelques 45 tours.
Celui-ci, je l'ai choisi pour sa pochette et pour ce titre de chanson assez intrigant, Le yé-yé repenti.
Sur le coup, j'étais persuadé qu'il s'agissait d'une de ces éditions à compte d'auteur à petit tirage, que tout un chacun pouvait faire pour distribuer autour de lui. J'ai donc été assez surpris de constater que Où es-tu, toi la fille ?, le premier disque de Marc Odeka (celui-ci est le deuxième), sur lequel il était déjà accompagné par les Martin's (ils étaient cinq, d'après la photo de pochette), avait carrément été édité par Pathé / EMI !
Il n'empêche, les Martin's et ce Marc Odenka, apparemment surnommé Le Baron et étudiant en psychologie à une époque où ça ne courait pas les rues, sont bel et bien un gentil groupe de gentils amateurs dans la tonalité variétés-yé-yé de l'époque.
A propriano est un slow post-Aline, avec basse et orgue proéminents. Sur Pleure, baby, pleure, ils se risquent à accélérer le rythme presque à la vitesse du rock. Le thème de la chanson est assez sombre, venant de quelqu'un qui était sûrement un jeune père de famille : pleure, bébé, pleure, tu pleureras toute ta vie (c'est peut-être l'influence de la psychologie : on trouve sur le premier 45 tours une chanson intitulée Si je pouvais tuer la mort !). C'est quand même le titre le plus intéressant des quatre.
Il n'en a pas l'allure, mais avec les deux chansons de la face B, Le Baron tente de nous faire accroire qu'il a brûlé la chandelle par les deux bouts avant de se ranger, enchaînant Les folles nuits à l'époque du yé-yé. Mais tout ça c'est bien fini, et raconté au passé d'ailleurs, et malheureusement Le yé-yé repenti n'est pas vraiment à la hauteur de son titre, même si on sent bien que, dans une autre dimension ou entre d'autres mains, cette chanson, tout comme Pleure, baby, pleure, aurait presque pu virer freakbeat.
On nous précise au dos de la pochette que "Marc n'a pas dit son dernier mot". Il semble bien en tout cas qu'il n'ait pas sorti de troisième disque.

Je ne suis pas le premier à me pencher sur ce 45 tours. On peut écouter Pleure, baby, pleure et Le yé-yé repenti aussi bien chez Rond Carré que chez Popcorn Oldies.

11 novembre 2011

BUZZCOCKS : Harmony in my head


Acquis probablement au Record and Tape Exchange de Plymouth vers 2002
Réf : UP 36541 -- Edité par United Artists en Angleterre en 1979
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Harmony in my head -/- Something's gone wrong again

A mon grand étonnement, je me suis rendu compte en faisant référence dans mon billet sur les Smiths à la grande productivité des Buzzcocks entre 1978 et 1980 que je n'avais encore chroniqué aucune de leurs parutions. Que plus de 800 autres disques leur soient passé devant le nez, c'est totalement injustifié.
Mais par lequel commencer pour se corriger ? En toute logique, ça aurait dû être Singles going steady, leur excellente compilation des huit premiers 45 tours. Mais bon, les compilations ne sont pas de "vrais" disques et je viens déjà de faire une exception avec Hatful of hollow, alors on va trancher et prendre plutôt l'un de ces 45 tours, Harmony in my head, qui se trouve être le dernier de leurs disques dont j'ai fait l'acquisition.
J'avais déjà ces deux titres depuis 1980 environ, puisque j'ai acheté Singles going steady peu de temps après sa sortie, mais j'ai quand même pris ce 45 tours quand je suis tombé dessus pour pas cher un matin à Plymouth parce que c'est un très bel objet, Malcolm Garrett ayant produit pour l'occasion une de ses "images" les plus réussies (il en a produit beaucoup notamment pour Magazine, et les Buzzcocks donc). Sur la pochette intérieure de Singles going steady, la pochette de ce 45 tours était toute rouge, mais apparemment c'est cette version en bleu qui est la plus courante. 
Harmony in my head est sorti en juillet 1979, c'est donc le dernier a avoir été inclus  dans Singles going steady, compilé à l'origine pour le marché américain en septembre 1979. Les deux titres ont dû être enregistrés pendant les sessions qui ont donné le troisième album, A different kind of tension, sorti lui aussi en septembre 1979, mais ils n'ont pas été repris sur l'album, suivant la (bonne) habitude des Buzzcocks.
Moins bijou pop que d'autres singles des Buzzcocks, Harmony in my head est plutôt une tuerie rock. C'est un titre particulier dans l'histoire du groupe car c'est la première face A écrite par le seul guitariste Steve Diggle et en plus c'est lui qui chante plutôt que Pete Shelley. Pour les couplets, il s'exécute avec une hargne digne d'un Hugh Cornwell à son sommet avec les Stranglers. Le refrain, qui doit durer environ 7 secondes, est plus que minimal ("But it's a harmony in my head, it's a harmony in my head"), mais il a la qualité essentielle d'un refrain, celle de rester justement dans la tête.
Something's gone wrong again, la face 1 (et non B, si l'on en croit l'étiquette), le récit d'une journée de merde, marqué par une note de piano insistante, a longtemps été l'un de mes titres préférés de la compilation. Depuis qu'ils ont repris ce titre en 1988 sur un flexi Rock Hardi, et surtout, depuis qu'ils l'ont joué à la MJC Claudel de Reims lors d'un concert mémorable où la foule était si compacte dans la salle minuscule que leur gros son s'en est retrouvé étouffé, je ne peux plus écouter cette chansons sans penser aux Thugs.

Les deux faces de ce 45 tours sont disponibles pour pas cher sur les rééditions de Singles going steady, une compilation qui compte désormais 24 titres, et de A different kind of tension, mais à tout prendre je conseillerais, tant qu'on en trouve des exemplaires en vente à prix correct, d'investir plutôt dans Product, l'excellente intégrale en trois CD de la première époque du groupe.



06 novembre 2011

THE SMITHS : Hatful of hollow


Acquis à La Clé de Sol à Reims en 1984
Réf : 70 290 -- Edité par Rough Trade / Virgin en France en 1984
Support : 33 tours 30 cm
16 titres

S'il y a un groupe que j'ai raté pendant l'année scolaire que j'ai passée en Angleterre, en 1983/1984, c'est bien les Smiths. Qu'on se comprenne bien, je ne suis pas passé à côté des Smiths, c'était impossible, ils étaient partout, dans la presse, à la télé et chez les disquaires dès la sortie de This charming man à l'automne 1983. Je les ai plutôt volontairement et soigneusement ignorés, en partie par snobisme (ils étaient partout et donc trop à la mode pour moi) mais surtout parce que Morrissey m'énervait, dans ses interviews, avec son chant maniéré sur This charming man, avec son look trop travaillé, son écouteur dans l'oreille façon Diva, et les glaïeuls dans la poche arrière de son jean. Surtout les glaïeuls, en une du NME et à la télé dans Top of the Pops.
Je n'ai donc jamais vu les Smiths en concert alors que j'en aurais eu la possibilité tout au long de l'année. J'ai vu Hand in glove bien mis en avant chez Rough Trade en septembre 1983, mais je ne connaissais pas le groupe et je ne peux pas dire que la pochette m'a donné envie d'en savoir plus. Et dès octobre, les Smiths n'ont dû jouer que dans des grandes salles alors que moi j'allais commencer à fréquenter les petits clubs comme le Living Room. Et de toute façon je boycottais le groupe.
J'ai commencé à évoluer début 1984 avec la sortie des deux singles suivants, What difference does it make ? et Heaven knows I'm miserable now qui m'ont accroché, pour la musique bien sûr, et aussi comme souvent avec les Smiths pour des bouts de phrases fulgurants dans les paroles ("The devil will find work for idle hands to do", "I was looking for a job, and then I found a job and Heaven knows I'm miserable now"). J'ai commencé à changer d'avis, donc, mais pas suffisamment pour acheter mon premier disque des Smiths avant de rentrer en France, même si j'ai bien pensé à me dépêcher d'acheter What difference does it make ? avant que la pochette originale avec Terence Stamp ne soit plus disponible. Mais le terrain était prêt, et quand Hatful of hollow est sorti en novembre 1984, à un prix imbattable (environ 35 francs dans mon souvenir, soit moins que le prix d'un maxi 45 tours pour un 33 tours 16 titres luxueux, avec une pochette ouvrante et les paroles imprimées sur la pochette intérieure), je l'ai acheté de bon coeur, d'autant que j'avais déjà une pointe de nostalgie pour mon séjour en Angleterre.
L'une des grandes forces des Smiths pendant leurs presque cinq ans d'activité discographique c'est d'avoir, encore plus qu'un autre groupe de Manchester (les Buzzcocks) et avec beaucoup plus d'impact, sorti des disques à un rythme digne de celui des Rolling Stones au début des années 1960. D'un février à l'autre, pile un an entre le premier album, The Smiths en 1984, et le deuxième, Meat is murder en 1985, avec des singles à la pelle entre les deux et cette compilation en novembre 1984, pour faire patienter les fans et occuper le marché de Noël. Autre parallèle avec les sixties : à la grande différence de ce qui se faisait en ce début des années 80, les Smiths sur ce disque sont un quatuor pop-rock des plus basiques, et on n'entend sur ce disque que la basse, la batterie et les guitares (avec juste un peu d'harmonica et de mandolines), sans aucun ajout de claviers ou autres séquenceurs.
Je crois que l'unanimité est parfaite pour affirmer que Hatful of hollow, qui aurait pu n'être qu'un assemblage hétéroclite de titres de sessions radio et de faces A et B de singles, est un bien meilleur album que The Smiths (les deux disques ont 5 titres en commun, mais les enregistrements sont tous différents, sauf pour Hand in glove, proposé ici dans sa version originale alors qu'il était remixé sur l'album). Je suis entièrement d'accord et je ne vais pas trop m'étendre là-dessus mais, outre les différences de production (les enregistrements pour la BBC sont plus "frais", claquent plus, mettent mieux en valeur les guitares de Johnny Marr et rendent mieux compte de la façon de composer du groupe, avec Morrissey qui ajoute ses paroles et son chant sur un instrumental préalablement composé), on remarquera que The Smiths, et c'était sûrement volontaire, ne contenait que deux singles (Hand in glove et What difference does it make ?), alors que celui-ci contient des versions des cinq premiers singles du groupe, et même des six premiers si l'on considère que la monumentale face B How soon is now ? a été promue en face A dès février 1985, et on pourrait compter un demi-point en plus quand on sait que, avant le groupe ne compose et enregistre This charming man, cette excellente version BBC de Reel around the fountain a failli sortir en face A du deuxième single (ça s'est arrêté à l'étape du test-pressing).
De Louder than bombs aux différents best-of, il y a des dizaines de compilations des Smiths. Pour ma part, en ces temps de rééditions de la discographie complète du groupe dans des versions plus ou moins luxueuses, je maintiens que seule celle-ci est indispensable et suffit pour avoir l'essentiel des meilleurs titres du groupe,d'autant que, pour le coup, je me refuse à considérer The Queen is dead comme une pierre de touche. Ici, avec This charming man, Girl afraid, Handsome devil ("Let me get my hands on your mammary glands") Still ill ("England is mine and it owes me a living") What difference does it make ?, William, it was really nothing, Accept yourself, Heaven knows I'm miserable now, Reel around the fountain, Hand in glove ("The sun shines out of our behinds") et How soon is now ?, je n'ai pas besoin d'implorer avec l'excellent  Please please please let me get what I want car j'ai absolument tout ce qu'il me faut des Smiths !

01 novembre 2011

GUERRE FROIDE : Guerre froide


Acquis à La Clé de Sol probablement à Reims fin 1981 ou en 1982
Réf : STECHAK PRODUCTS 001 -- Edité par Stechak en France en 1981
Support : 45 tours 30 cm
Titres : Ersatz -- Demain Berlin -/- Mauve -- Peine perdue

Noir c'est noir, il n'y a pas d'espoir. Et froid c'est froid, et c'est fini tant pis.
Je ne sais plus comment j'ai découvert Guerre Froide. Probablement une fois de plus avec Bernard Lenoir et Feedback, ou alors via un collègue étudiant de l'Aisne dont j'avais fait la connaissance au RU.
En tout cas, si on cherche un exemple parfait de groupe cold wave français, on ne peut guère trouver meilleure illustration que Guerre Froide, du nom du groupe à la pochette (maquette noire et blanche, photos en noir et blanc au recto et sur l'étiquette, pochette intérieure monochrome noire...) en passant par les thèmes abordés, pas débordants de gaité.
Voilà un groupe d'Amiens qui avait sorti une cassette avant ce maxi, et qui en sortira une autre, en forme de bilan posthume, en 1985. Une étoile filante brillant d'une lumière noire dans l'histoire du rock français, un groupe qui à l'époque a rarement dû jouer en-dehors de ses bases.
En tout cas, un stock de son disque a voyagé jusqu'à Reims. Pour 32 francs, j'en ai fait l'acquisition, principalement, comme beaucoup, pour Demain Berlin, le titre de bravoure du disque, à fond dans les références européennes du moment, avec son chant en trois langues (français, anglais, allemand) et sa vision presque romantique du Berlin coupé du Nord au Sud par le Mur, et par la guerre froide justement :
"Nous nous rencontrerons dans les ruines de Berlin
We will meet in the ruins of Berlin
We will laugh 'cause death ain't a sin
La mort semble parfois un bien
A Berlin, bientôt la fin
"
L'instrumentation de Guerre Froide est typiquement new wave : percussions électroniques, synthés, basse très en avant et des plages de guitare à bon escient. Le chant assez détaché d'Yves Royer, principalement en français, fait beaucoup pour la réussite du groupe. Avec le recul, et après avoir réécouté Ersatz récemment sur la compilation Des jeunes gens modernes, je me dit qu'à force de me concentrer sur Demain Berlin, j'ai un peu négligé deux autres excellents titres de ce disque.
Ersatz, effectivement, avec sa deuxième voix féminine (de Marie-José Deffais, la clavier, j'imagine) et des paroles très réussies :
"Un goût de déraison, un désir peu banal
- Tendances au maquillage -
Sourire de dérision, retour à l'anormal ...
- La solution ultime -
Et toujours ce goût pour le néant
Ou plutôt pour le moment qui le précède"
Sur la face B, l'introduction de Mauve me rappelle le Cure de Seventeen seconds. C'est encore une réussiste. Je place Peine perdue un tout petit cran en-dessous, mais la chanson marque quand même par sa guitare à la Young Marble Giants.
Un peu plus tard dans les années 1980, une petite scène cold s'est développée à Reims, sous l'influence notamment d'un DJ du Tigre, la boite rock de la ville. Des disques comme ceux de Trisomie 21 (associé à Guerre Froide car leur premier disque est sorti aussi chez Stechak) et la réédition du maxi Eisbär de Grauzone se sont vendus comme des petits pains.
Quant à Guerre Froide, à force de voir sa notoriété et celle de Demain Berlin grandir, il a fini par se reformer en 2006 autour de deux de ses membres fondateurs. Ils ont depuis sorti deux albums (le dernier, Abrutir les masses, date de 2010) et ils tournent régulièrement.
Pour ce qui est  de ce maxi, il  a été réédité il y a quelques temps de façon limitée et plus ou moins officielle. Pour ce qui est des 1000 exemplaires du vinyl original, ils sont plus recherchés maintenant qu'à l'époque puisqu'un des exemplaires a été récemment vendu aux enchères pour 231 €.